La gestion de l’eau − mĂ©ga-bassines ?

En France, dans les dĂ©cennies qui viennent, l’eau va manquer. Ce n’est pas une fatalitĂ©, fais il va falloir faire quelque chose si des humains veulent encore vivre sur ce territoire.

Pourquoi l’eau peut manquer

La gestion de l’eau a Ă©tĂ© depuis toujours une prĂ©occupation majeure des ĂȘtres humains. Pas de vie sans eau, c’est aussi simple que cela. Toutes les grandes implantations de villes se sont faites prĂšs de sources d’eau.

Une population croissante

La population mondiale augmentant sans cesse, il n’est pas difficile de comprendre que les besoins en eau augmentent d’autant, et Ă  un moment donnĂ©, l’Ă©quilibre peut ĂȘtre rompu.

Des variations

Le cycle de l’eau est aussi trĂšs inĂ©gal. Évidemment, il y a des courants gĂ©nĂ©raux autour de la Terre provoquant des pluies saisonniĂšres. Cette animation de l’annĂ©e 2022 est particuliĂšrement fascinante :

On y constate des courants statistiquement prĂ©dominants, amenant plus ou moins d’eau Ă  diffĂ©rents endroits du globe.

Des cycles – pas Ă©ternels !

Ces cycles ne sont pas éternels ! Nous commençons à les comprendre grùce à des modélisations de plus en plus poussées. Malgré tout, il nous reste encore beaucoup à faire.

Par exemple, on ne comprend toujours pas vraiment pourquoi le nord de l’Afrique est un grand dĂ©sert
 alors que les pyramides de Gizeh ont Ă©tĂ© bĂąties sous un climat tropical. On sait qu’il y avait beaucoup d’eau en Afrique du Nord, mais on ne sait pas pourquoi la pluie a disparu – et avec elle, la vie. Par ailleurs, on sait que ce changement a eu lieu trĂšs rapidement, peut-ĂȘtre mĂȘme moins d’une dĂ©cennie.

ÉvĂ©nement catastrophique ? Explosion volcanique ? Possible. Probable.

De la mĂȘme maniĂšre, le fameux « croissant fertile » en MĂ©sopotamie n’est aujourd’hui qu’un grand dĂ©sert.

Sans vouloir faire peur Ă  qui que ce soit, il n’est donc pas complĂštement tirĂ© par les cheveux d’imaginer que la France puisse demain se transformer en dĂ©sert.

La pluie – mais pas que


Pour l’instant, je ne parle que de pluie. Effectivement, elle est indispensable pour amener l’eau dans les hauteurs. Mais une fois qu’il pleut, il faut pouvoir utiliser cette eau. Une partie est utilisĂ©e directement en irrigant les cultures.

Mais qu’advient-il de tout le reste ? Est-il disponible pour ĂȘtre utilisĂ© pour : boire, supplĂ©menter l’irrigation naturelle, refroidir les rĂ©acteurs nuclĂ©aires, voire mĂȘme gĂ©nĂ©rer de l’Ă©lectricitĂ© grĂące Ă  des turbines couplĂ©es Ă  des gĂ©nĂ©rateurs ?

La rĂ©alitĂ©, c’est qu’une grande partie de cette eau repart directement Ă  l’ocĂ©an. Et l’ocĂ©an, c’est l’essentiel de l’eau sur Terre :

Si nous avions demain une Ă©nergie illimitĂ©e, nous pourrions Ă  loisir purifier l’eau des mers et ocĂ©ans et la pomper jusque dans les Alpes. Mais ce n’est pas vraiment le cas aujourd’hui.

Du coup, toute goutte d’eau qui tombe sur nos sols compte lĂ  oĂč elle est.

Qu’advient-il de la pluie ?

Tout dĂ©pend du terrain ! En fonction du terrain, la pluie ruisselle plus ou moins, et elle s’infiltre plus ou moins dans les sols. À ce stade, de trĂšs nombreux facteurs entrent en jeu :

  • le matĂ©riau qui forme le sol : roche, terre meuble, argile, fentes dans la roche, etc.
  • ce qu’il y a dans les couches plus profondes du sol : poches de stockage, etc.
  • l’Ă©tat du stockage actuel du sol : s’il est dĂ©jĂ  gorgĂ© d’eau ou non, si les structures souterraines sont dĂ©jĂ  pleines ou non,
  • le nombre de millimĂštres d’eau qui tombe par mĂštre carrĂ© Ă  un instant donnĂ©, ainsi que ce qui tombe au-dessus : les gouttes qui tombent directement sur le sol n’ont pas le mĂȘme effet que sur de l’eau qui ruisselle dĂ©jĂ ,
  • la force des gouttes – une pluie fine n’agit pas de la mĂȘme maniĂšre que des gouttes trĂšs larges,
  • la vĂ©gĂ©tation – qui peut absorber une partie de l’eau,
  • etc.

Dans le pire des cas, comme par exemple une rue en pleine ville, l’eau est jetĂ©e Ă  l’Ă©goĂ»t, puis directement dans le lit de la riviĂšre. Cette eau est perdue localement mais va alimenter le rĂ©seau des riviĂšres en aval. Cela peut ĂȘtre positif si la riviĂšre est Ă  sec, mais cela peut Ă©galement entraĂźner des inondations – ce qui peut d’ailleurs Ă©galement ĂȘtre positif en dĂ©posant du limon fertile dans les champs inondĂ©s.

L’impact de l’agriculture

Dans cette perspective, l’agriculture a un trĂšs gros impact sur les sols et leur rĂ©action face Ă  l’eau.

Naturellement, un sol riche en vie est trĂšs gĂ©nĂ©ralement permĂ©able : la multitude d’ĂȘtres vivants en son sein crĂ©e un rĂ©seau de galleries, remue la terre mĂȘme si elle est dure et la rend meuble, etc. De fait, un sol a normalement une capacitĂ© d’absorption consĂ©quente. L’impact est alors dĂ©cuplĂ© s’il y a en-dessous d’autres structures de stockage : l’eau pĂ©nĂštre dans le sol mais n’y reste pas, elle tombe dans des stockages plus bas, ce qui permet au sol d’absorber encore plus d’eau.

Malheureusement, la monoculture intensive Ă  base de pesticides et de labour dĂ©truit la vie des sols : tout ce qui vit dans le sol est vu comme un « parasite » Ă  Ă©liminer. Finies les galleries des fourmis, plus de vers de terre pour ramener de prĂ©cieux minĂ©raux des roches enfouies. La terre devient dure comme le roc. Lorsqu’il pleut, l’eau ne peut y pĂ©nĂ©trer facilement, elle ruisselle. Et du mĂȘme coup, les structures de stockage souterrains ne sont plus autant alimentĂ©s.


 mais si l’eau manque ?

Lorsqu’on considĂšre tous ces paramĂštres, l’eau peut venir Ă  manquer, non pas parce qu’elle est rare, mais parce que l’eau utilisable stockĂ©e localement n’est plus suffisante, en raison de tous les facteurs Ă©voquĂ©s ci-dessus.

Que faire ?

Les méga-bassines

Les mĂ©ga-bassines sont prĂ©sentĂ©es comme « la » solution pour rĂ©soudre les problĂšmes, en pompant le surplus d’eau en hiver dans de grandes bassines, afin de la restituer l’Ă©tĂ©. Les effets de cette solution sont multiples. Et surtout, l’implĂ©mentation de la solution pose de nombreux problĂšmes.

Puiser dans des réserves qui se vident

L’idĂ©e serait Ă©ventuellement intĂ©ressante si toutes nos nappes phrĂ©atiques Ă©taient pleines dĂšs l’automne. Dans ce cas, effectivement, cela voudrait dire que l’on « ferait de la place » pour stocker plus. Or, dans les faits, ce n’est pas du tout le cas : la plupart des nappes phrĂ©atiques en France ne sont mĂȘme plus remplies Ă  la fin de la saison des pluies.

Cela veut donc dire que nous allons mettre en surface de l’eau qui Ă©tait stockĂ©e dans les sols. Cela a trois impacts majeurs :

  • la contamination de cette eau par l’environnement,
  • l’accĂ©lĂ©ration de la prolifĂ©ration d’organismes marins ayant besoin de lumiĂšre pour vivre (algues, bactĂ©ries, etc.), il est connu qu’il n’est pas idĂ©al d’exposer l’eau Ă  la lumiĂšre ni Ă  la chaleur pour la conserver, et les nappes naturelles font cela parfaitement, contrairement aux grandes bassines,
  • l’Ă©vaporation – eh oui, que va-t-il se passer lorsque les beaux jours vont arriver ?

Bref, c’est un non sens total.

La marchandisation de l’eau

Il y a certains avantages Ă  ce systĂšme pour un certain nombre d’acteurs. Les premiers sont les marchands d’eau : on commercialise quelque chose, on s’approprie une ressource naturelle.

Pour certains agriculteurs dont le modĂšle Ă©conomique dĂ©pend d’un arrosage consĂ©quent, c’est probablement une bonne solution. Mais voulons-nous soutenir ces pratiques alors que l’eau risque de manquer ? Ne devrions-nous pas plutĂŽt rediriger ces agriculteurs vers des pratiques et des cultures qui nĂ©cessitent moins d’eau ?

Comme toujours, il faut s’intĂ©resser aux financiers, les crĂ©ateurs de monnaie : Ă©videmment, ces bassines vont gĂ©nĂ©rer du profit, alors elles sont financĂ©es – y compris en grande partie par l’État.

Stocker l’eau

Oublions l’aspect financier. Car les billets et les piĂšces ne se boivent pas. Et ils ne font pas non plus pousser les plantes qui nous nourrissent.

Rendre son pouvoir Ă  la nature

L’un des aspects les plus urgents, c’est surtout de redonner Ă  la nature ses capacitĂ©s Ă  stocker la pluie dans ses rĂ©servoirs naturels que sont le sol et les nappes phrĂ©atiques.

Pour cela, nous devons nous prĂ©occuper des sols agricoles, pour qu’ils redeviennent des lieux de stockage. Nous devrions donc collectivement inciter tout projet limitant les pesticides et utilisant les capacitĂ©s naturelles des sols pour produire avec le moins d’intervention humaine possible. Les solutions sont nombreuses, elles ne demandent qu’Ă  ĂȘtre implĂ©mentĂ©es.

Stocker
 intelligemment

Il y a de nombreuses expĂ©riences oĂč l’eau est stockĂ©e, mĂȘme en surface, qui ont eu des effets positifs.

Dans tous les cas, nous ne voulons surtout pas Ă©puiser les stocks naturels pour en crĂ©er d’artificiels, comme ces mĂ©ga-bassines. Il nous faudrait crĂ©er des espaces de stockage supplĂ©mentaires, puisant de l’eau qui de toute façon retournerait Ă  la mer sans notre intervention.

Bien sĂ»r, on peut imaginer des grands projets avec d’immenses rĂ©servoirs souterrains. AprĂšs tout, c’est exactement ce que faisaient dĂ©jĂ  les Romains il y a plus de deux millĂ©naires, mĂȘme dans des lieux trĂšs inhospitaliers.

Là encore, les solutions ne manquent pas. La seule question qui reste : est-ce que ces solutions seront financées ?

 

Lettre ouverte aux adeptes de la « main invisible »

RĂ©cemment, la chaĂźne Thinkerview recevait Charles Gave et Olivier Delamarche. Tous deux ont des lectures intĂ©ressantes de l’Ă©conomie. En revanche, Charles Gave a une foi en la « main invisible » du marchĂ© particuliĂšrement aveugle.

La « main invisible »

Introduite par Adam Smith au XVIIIĂšme siĂšcle, le concept de « main invisible » est facile Ă  comprendre. Adam Smith thĂ©orise que l’ensemble des gens qui s’affairent chacun trĂšs Ă©goĂŻstement Ă  leurs propres intĂ©rĂȘts finit en rĂ©alitĂ© par servir l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral.

La premiĂšre hypothĂšse sous-jacente est qu’on n’est jamais aussi motivĂ© que lorsqu’on s’affaire pour soi-mĂȘme. Si Adam Smith, avait pu voir l’Union SoviĂ©tique, cela aurait apportĂ© de l’eau Ă  son moulin. Une nation toute entiĂšre devenue improductive Ă  cause d’une planification globale oĂč plus personne ne se sent impliquĂ©, quelle aubaine ! Du coup, l’antithĂšse est que la compĂ©tition Ă  outrance est le systĂšme le plus productif, et donc le meilleur pour l’ensemble de la sociĂ©tĂ©.

La deuxiĂšme hypothĂšse est que la somme de tous les intĂ©rĂȘts tend vers l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral. En effet, on part du principe que chaque acteur de l’Ă©conomie a des intĂ©rĂȘts divergents. Du coup, il est logique de penser que la somme de tous ces intĂ©rĂȘts est reprĂ©sentatif de l’intĂ©rĂȘt commun.

Des contre-exemples

L’Union SoviĂ©tique semble donner une « preuve » que lorsqu’on n’utilise pas la « main invisible », tout part en cacahuĂšte. Mais en logique, le fait de dĂ©montrer non-non-A ne veut pas dire que A est vrai.

L’interviewer demande Ă  Charles Gave s’il faut rouvrir les dossiers du passĂ©. Sous-entendu, toutes ces « affaires » oĂč l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral n’Ă©tait pas vraiment au rendez-vous. Charles Gave rĂ©pond qu’il ne faut pas juger les actions du passĂ© avec les standards d’aujourd’hui. C’est une Ă©vidence, il faut remettre les choses dans leur contexte. Pour autant, cela n’excuse pas les comportements prĂ©dateurs perpĂ©trĂ©s en toute connaissance de cause. Il est particuliĂšrement important de rĂ©ouvrir ces dossiers. Apprendre du passĂ© peut nous permettre de ne pas commettre Ă  nouveau les mĂȘmes erreurs.

Prenons quelques exemples, parmi les plus connus. Évidemment, il s’agit de cas oĂč les fraudeurs ont Ă©tĂ© pris « la main dans le sac ». Il y a probablement beaucoup de cas que l’on ne connaĂźtra jamais.

Le Cartel PhƓbus

Dans les annĂ©es 20, les principaux fabricants d’ampoules signent un accord pour limiter la durĂ©e des ampoules Ă  1000 heures de fonctionnement. Eh oui, plus la durĂ©e de vie d’une ampoule est Ă©levĂ©e, moins on vend d’ampoules. C’est un cas typique oĂč tous les acteurs ont en rĂ©alitĂ© exactement le mĂȘme intĂ©rĂȘt : tous y gagnent Ă  rĂ©duire la durĂ©e de vie des ampoules pour tous les fabricants.

La « main invisible » aurait-elle pu empĂȘcher cette situation ? En thĂ©orie, oui. Il suffisait qu’une entreprise vende des ampoules Ă  durĂ©e de vie trĂšs Ă©levĂ©e. Dans la pratique, c’est effectivement arrivĂ©. Mais il aura fallu attendre presque 10 ans. On fait plus efficace !

Mis Ă  part le gaspillage et les coĂ»ts Ă©levĂ©s pour les consommateurs, l’impact sur l’HumanitĂ© de cet Ă©pisode est assez faible. En revanche, lorsqu’on parle de santĂ©, il y a d’autres scandales beaucoup plus graves.

L’industrie du tabac

AprĂšs la seconde guerre mondiale, l’industrie du tabac est un Ă©norme cartel avec un but commun Ă©vident : montrer au monde que le tabac est sans danger pour la santĂ©. Aucune entreprise du secteur ne serait assez folle pour dĂ©montrer que le tabac provoque des cancers, c’est une Ă©vidence. Cela signifierait mettre la clĂ© sous la porte immĂ©diatement.

À l’Ă©poque, les mĂ©decins sont mĂȘme payĂ©s pour vanter les mĂ©rites de telle ou telle marque. Des Ă©tudes – bidon, Ă©videmment – sont financĂ©es en masse par l’industrie pour montrer l’innocuitĂ© du tabac, voire mĂȘme ses bĂ©nĂ©fices ! « Autre temps, autres mƓurs » ? Sans doute. Ce ne serait excusable que si les dirigeants ne savaient pas que le tabac Ă©tait dangereux. Or, ils savaient. Niaient. Mentaient.

Il faudra attendre des décennies avant que leurs mensonges éclatent finalement au grand jour. Dans cette histoire, combien de millions de cancers la « main invisible » a-t-elle causé ?

Le DDT

Doit-on ouvrir les dossiers comme celui du DDT ? Oui, Ă©videmment.

Le DDT est un insecticide qui a des effets terribles sur l’environnement
 et sur les humains. En particulier, il provoque des cancers. LĂ  encore, il me paraĂźt Ă©vident, mĂȘme si nous n’avons pas de preuves, que les fabricants connaissaient trĂšs tĂŽt l’impact de leur produit sur l’environnement.

Il faudra attendre qu’une lanceuse d’alerte tire la sonnette d’alarme pour que le DDT soit interdit
 aux États-Unis, mais toujours vendu et utilisĂ© dans le reste du monde. Belle hypocrisie ! OĂč Ă©tait donc la main du marchĂ© Ă  ce moment-lĂ  ? On savait pourtant parfaitement que l’insecticide Ă©tait nocif. Mais il valait mieux Ă©couler les stocks dans les pays pauvres que de perdre de l’argent ! La main invisible ne prend pas de gants.

Entente dans les télécoms

Il y a Ă©videmment bien d’autres histoires en-dehors de la santĂ© – j’aurais pu parler du Mediator, par exemple.

Dans les annĂ©es autour de 2000, les trois principaux opĂ©rateurs de tĂ©lĂ©phonie mobile français signent des accords secrets pour garder des prix Ă©levĂ©s. LĂ  encore, il ne s’agit pas d’une « erreur involontaire ». Il s’agit au contraire d’une trĂšs claire volontĂ© de nuire
 ou plus exactement de profiter au maximum aux dĂ©pens du consommateur. OĂč Ă©tait donc la main du marchĂ© pour empĂȘcher une telle entente ?

Le pillage des ressources

Il faut le reconnaĂźtre et ne pas hĂ©siter Ă  l’affirmer : dans la frĂ©nĂ©sie sans fin de concurrence actuelle, tout le monde dans l’industrie est totalement Ă  l’unisson. Il est beaucoup plus profitable de piller les ressources que de ne pas les exploiter.

OĂč est donc la main du marchĂ© lorsqu’il s’agit d’arrĂȘter la dĂ©forestation au BrĂ©sil ? Que fait-elle pour sauver forĂȘts rasĂ©es en OcĂ©anie pour y planter des palmiers ? Dit-elle stop lorsqu’on dĂ©truit l’environnement absolument partout, jusqu’au fond des ocĂ©ans ? La main piĂ©tine, Ă©crase, extermine. C’est un fait vĂ©rifiable, partout autour du globe. La main n’est jamais rassasiĂ©e, elle en veut toujours plus. Et si tout cela passe par raser la planĂšte de A Ă  Z, les requins n’hĂ©siteront pas une seule seconde, pour ĂȘtre plus compĂ©titifs que la concurrence.

Explication

L’explication de ces contre-exemples est en fait trĂšs simple.

La thĂ©orie de la main invisible part du principe que tous les acteurs n’ont pas les mĂȘmes intĂ©rĂȘts. Et pourtant, dans une Ă©conomie de marchĂ©, toutes les entreprises ont en rĂ©alitĂ© un seul et mĂȘme but : ĂȘtre les plus rentables possible. On pourra arguer qu’une entreprise peut Ă©galement ĂȘtre « Ă©thique », ou mĂȘme Ă  l’image du slogan initial de Google « ne pas ĂȘtre mauvaise ». Tout cela n’est que du marketing. Une entreprise qui n’est pas profitable comparĂ©e Ă  ses concurrents est tout simplement vouĂ©e Ă  disparaĂźtre. Et ce, quelles que soient les « valeurs » qu’elle communique.

D’une certaine maniĂšre, ils sont tous en conflit d’intĂ©rĂȘts : tous ont en rĂ©alitĂ© le mĂȘme but. MĂȘme si celui-ci peut ĂȘtre atteint de plein de maniĂšres diffĂ©rentes, il reste tout de mĂȘme des constantes :

  • exploiter des enfants dans un pays en dĂ©veloppement restera toujours beaucoup plus rentable que d’employer des adultes d’un pays dĂ©veloppĂ© oĂč les salaires sont beaucoup plus Ă©levĂ©s et les protections sociales plus strictes,
  • rejeter sauvagement les dĂ©chets toxiques dans la riviĂšre d’Ă  cĂŽtĂ© est toujours moins cher que de les retraiter avec des moyens chimiques et de les jeter dans des endroits sĂ©curisĂ©s,
  • lorsque tous les autres mentent sur leurs publicitĂ©s, il n’y a pas d’autre choix que de mentir Ă  son tour si on ne veut pas disparaĂźtre,
  • une Ă©quipe marketing pour vendre du rĂȘve est toujours plus efficace que de devoir rĂ©ellement ĂȘtre totalement Ă©thique, Ă©co-responsable, Ă©co-renouvelable, etc. L’esbrouffe ne coĂ»te pas cher, une usine de traitement des dĂ©chets, si.

La magie du marketing

Il y a un autre argument classique mis en avant par les adeptes de la « main invisible ». Les entreprises « non Ă©thiques » finissent par perdre leurs clients au profit d’entreprises « Ă©thiques ». Typiquement, Charles Gave prĂ©tend dans l’interview que « toutes les entreprises sont Ă©co-sociales ». Soit-disant, personne ne va acheter chez les entreprises qui ne le sont pas. La bonne blague !

À l’heure oĂč l’Ă©cologie est prĂ©sentĂ©e comme une prĂ©occupation majeure, on voit parfaitement comment le « green washing » permet de faire avaler des couleuvres Ă  la population. Dans mon livre « La monnaie : ce qu’on ignore », je parle des biais cognitifs. Ici, de nombreux biais entrent en jeu. Au final, ce n’est pas la vĂ©ritĂ© qui compte, mais uniquement la perception qu’ont les gens de l’entreprise. Et cette perception peut ĂȘtre forgĂ©e de toute piĂšces, grĂące Ă  la publicitĂ© et au marketing.

Il est trĂšs facile de clamer haut et fort qu’on est « Ă©co-social ». Les services marketing savent parfaitement mettre un coup de pinceau vert sur les pires gabegies Ă©cologiques. Ils savent Ă©galement mettre en avant le tout petit pourcentage de l’entreprise qui Ɠuvre Ă  ĂȘtre plus Ă©co-responsable, mĂȘme si ce n’est que pour camoufler tout le reste. Toutes les grandes entreprises ont des Ă©quipes dĂ©diĂ©es uniquement Ă  cette tĂąche. Et il n’y a pas Ă  dire, elles font des miracles.

La cause des causes

Pendant trois heures de dĂ©bat, il est tout de mĂȘme curieux que ces Ă©conomistes chevronnĂ©s n’aient pas soufflĂ© mot du problĂšme principal, de la cause des causes de tout cela. Il s’agit de la crĂ©ation monĂ©taire.

Charles Gave pourrait probablement arguer que c’est effectivement la faute des banques centrales. En effet, selon lui tout est la faute de ces institutions qui mettent les pieds dans le plat du marchĂ©. Celui-ci devrait ĂȘtre laissĂ© tranquille pour qu’il se rĂ©gule tout seul. Mais Charles, c’est exactement ce qui se passe !

Effectivement les banques centrales crĂ©ent un peu de monnaie. Mais pour rappel, l’essentiel de la monnaie est crĂ©Ă© par les banques privĂ©es. Et ce, sans aucune intervention extĂ©rieure. Ce sont bien elles qui sont censĂ©es ĂȘtre les garantes de crĂ©er de la monnaie pour ce qui est « le plus efficace ». Ou plus exactement, le plus rentable.

La main invisible est déjà là !

Dans les faits, ce sont les banques privĂ©es, dont le but est toujours la rentabilitĂ© Ă  tout prix, qui choisissent ce qui va ĂȘtre financĂ©, et ce qui ne va pas l’ĂȘtre. Chaque banque Ɠuvre dans son propre intĂ©rĂȘt
 mais de toute Ă©vidence la somme des intĂ©rĂȘts particuliers du systĂšme bancaire n’Ă©quivaut pas exactement Ă  l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral.

OĂč sont donc ces systĂšmes de santĂ© qui devraient nous permettre de lutter efficacement contre des Ă©pidĂ©mies, alors que tout le systĂšme de santĂ© est de plus en plus privatisĂ© ? OĂč sont donc ces systĂšmes ultra-efficients du marchĂ© permettant d’Ă©viter l’accumulation morbide de capital par une petite minoritĂ© d’acteurs, pendant que le reste de la population sombre toujours plus dans la pauvretĂ© ? La privatisation de la « gestion des vieux » est lĂ  aussi totalement catastrophique, avec un rapport qualitĂ©-prix totalement ubuesque pour l’individu lambda, mais Ă©videmment extrĂȘmement profitable pour les gestionnaires. Et tout cela dans une pĂ©riode oĂč on n’a cessĂ© de privatiser les acteurs du secteur.

Tout cela n’est dĂ» qu’Ă  un seul facteur : ce sont les banques privĂ©es qui dĂ©cident ce qui est financĂ© ou non. Exemple typique de la « main du marchĂ© ». Nous devrions nous en inspirer pour comprendre que cette main invisible est destructrice, et qu’elle n’a rien Ă  voir avec « l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral ».

La démocratie

Pour terminer leur dĂ©monstration, nos deux sbires finissent par parler de « dĂ©mocratie ». De leur point de vue, l’État, quel qu’il soit, fait toujours n’importe quoi. Il n’y a rien de plus intelligent que le « chaos constructif », selon eux. L’État dĂ©stabilise l’Ă©quilibre, et tous les dysfonctionnements sont de sa faute.

Mais lĂ  encore, les hypothĂšses de dĂ©part sont fausses. L’État tel que nous le connaissons n’est en rĂ©alitĂ© rien d’autre qu’une oligarchie, un ensemble d’individus qui contrĂŽlent toutes les dĂ©cisions et font toujours pencher la balance de leur cĂŽtĂ©. Il n’est en aucun cas l’organisme impartial qu’on tente de nous vendre, et qui permettrait de faire rĂ©gner « l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral ». L’État sous forme d’Ă©lites auto-proclamĂ©es Ă©lues n’est en rĂ©alitĂ© qu’un cartel de plus que la main invisible ne saurait Ă©liminer.

Le rĂŽle de l’État, le vrai, celui oĂč « l’État, c’est nous », est de protĂ©ger les Citoyens des requins qui se revendiquent de la main invisible, en lui tordant le cou une bonne fois pour toutes. Et ce, sans pour autant tout transformer en plans, kolkhoses et sovkhoses. Car non, la vie n’est jamais juste toute blanche ou toute noire. Quiconque prĂ©sente une dichotomie aussi absurde n’est qu’un manipulateur.

Le Great Reset En Marche (attachez vos ceintures, ça va secouer)

De retour de jet ski, Emmanuel Macron vient de s’exprimer sur ce qui nous attend Ă  la rentrĂ©e. Toute la rhĂ©torique du Great Reset de Klaus Schwab est lĂ .

Pour une fois, Macron ne semble plus du tout optimiste, ce qui n’est pas bon signe. Les couleuvres qu’il veut nous faire avaler sont sans aucun doute Ă  la hauteur de sa gravitĂ©. Mais oĂč est donc passĂ© l’Emmanuel Macron du « penser printemps » ?

L’Ă©volution en cours est en effet une formidable opportunitĂ© pour saisir au vol plein de chantiers dont on sait pertinemment qu’ils auraient un impact positif pour l’essentiel de la population.

« La fin de l’abondance des liquiditĂ©s sans coĂ»t »

Mais de quoi parle-t-il au juste ? Que je sache, je n’ai pas reçu de la monnaie tombĂ©e du ciel sur mon compte en banque !

En quelques mots, voici ce Ă  quoi il fait rĂ©fĂ©rence. VoilĂ  une quinzaine d’annĂ©es que les taux d’intĂ©rĂȘts bancaires n’ont cessĂ© de baisser, pour atteindre des taux nĂ©gatifs. En clair, lorsque la France emprunte de l’argent, elle doit parfois rembourser moins que ce qu’elle a empruntĂ© ! De plus, depuis une dizaine d’annĂ©es, la Banque Centrale EuropĂ©enne inonde le systĂšme financier et les marchĂ©s de monnaie toute fraĂźche qu’elle crĂ©e Ă  partir de rien. Tout cela, cela n’impacte directement ni vous ni moi. Indirectement, en revanche, cela a de nombreuses rĂ©percussions, dont la hausse des prix de l’immobilier – mais ce n’est pas le sujet de cet article.

Justement, les taux remontent fortement et la crĂ©ation monĂ©taire s’arrĂȘte ou ralentit. D’oĂč sa phrase, qui peut se rĂ©sumer Ă  : « la fin de l’abondance d’argent magique ». Une fin dont se rĂ©jouissait d’ailleurs il y a peu Bruno Le Maire, qui ne semblait pas avoir compris ce que cela impliquait Ă  moyen et long terme pour la France, vouĂ©e Ă  crouler sous la dette.

La fin de l’argent magique implique que la France ne pourra de toute façon jamais rembourser sa dette – elle ne le pouvait dĂ©jĂ  pas avec les politiques extrĂȘmement complaisantes de la BCE, mais cette fois les carottes sont cuites ! Il va donc falloir prendre le taureau par les cornes et trouver des solutions.

La plus simple et qui ne coĂ»te rien est dĂ©jĂ  de se rĂ©approprier le pouvoir rĂ©galien de crĂ©ation monĂ©taire, ce qui nous Ă©viterait de donner des dizaines de milliards d’euros d’intĂ©rĂȘts au systĂšme bancaire chaque annĂ©e.

Bien sûr, il va falloir trouver des milliards pour renflouer les caisses. Or, il y en a à foison :

  • en jugulant l’Ă©vasion fiscale, c’est pas moins de 100 milliards d’euros par an de recettes que nous pourrions trouver, et encore ce n’est qu’en tapant dans l’optimisation fiscale, on pourrait parfaitement envisager d’augmenter les taxes et de rĂ©tablir l’ISF, par exemple, puisque l’État est en difficultĂ©, il n’y a pas de raison que les plus riches ne contribuent pas,
  • en arrĂȘtant les politiques de l’autruche, nous pourrions rĂ©cupĂ©rer plus de 400 milliards d’euros d’impayĂ©s de la part des secteurs de la grande distribution,
  • comme dit plus haut, le systĂšme bancaire, financier et en particulier les bourses ont bĂ©nĂ©ficiĂ© de beaucoup d’argent magique ces derniĂšres annĂ©es, il y a donc Ă©normĂ©ment de monnaie en circulation, qui pourrait ĂȘtre captĂ© aisĂ©ment avec par exemple une micro-taxe sur les transactions financiĂšres, oĂč mĂȘme une taxe Ă  0,1 % (oui oui, un pour mille) permettrait de collecter des centaines de milliards d’euros tout en limitant la spĂ©culation,
  • cette annĂ©e, les rentiers ont perçu plus de 44 milliards d’euros en France, tout cela sans rien faire ni produire, seulement en plaçant du capital, qui on le rappelle a bĂ©nĂ©ficiĂ© d’argent magique depuis plus de 10 ans, pas Ă©tonnant que les bourses se portent Ă  merveille pendant que l’Ă©conomie rĂ©elle souffre comme jamais depuis des dĂ©cennies.

De l’argent, il y en a Ă  foison. Et ce n’est pas M. et Mme Michu qui vont rapporter des centaines de milliards nĂ©cessaires


« 
 les produits, technologies qui nous semblaient perpĂ©tuellement disponibles », ne le sont plus

C’est une excellente nouvelle. Cela fait prendre conscience que notre modĂšle Ă©conomique, basĂ© sur une infinitĂ© de ressources, mĂ©rite d’ĂȘtre revisitĂ©. Cela permettrait peut-ĂȘtre de ne plus courir directement dans le mur Ă  l’avenir.

Par ailleurs, cela peut Ă©galement amener des rĂ©flexions qui permettrait enfin Ă  l’État de lutter de maniĂšre sĂ©rieuse contre l’obsolescence programmĂ©e.

« la rareté de tel ou tel matériau »

LĂ  encore, c’est une excellente nouvelle. Cela ne peut conduire qu’Ă  favoriser le recyclage, la rĂ©utilisation plutĂŽt que de jeter, ce qui veut dire que les gens auront moins souvent Ă  racheter encore et encore le mĂȘme produit qui tombe en panne. Personnellement, je trouve tout cela extrĂȘmement positif ! Pour peu, bien Ă©videmment, que le Gouvernement prenne les dispositions Ă©videntes qui s’imposent.

« la fin de l’abondance de l’eau »

Pour commencer, l’annĂ©e 2022 est exceptionnelle en terme de pluviomĂ©trie. Comme l’indique le site de MĂ©tĂ©o France, c’est l’annĂ©e la plus sĂšche depuis 1959 :

On pourrait se faire vraiment beaucoup de soucis s’il y avait une tendance sur le long terme Ă  avoir moins de pluie, mais ce graphique ne montre rien de tel. C’est juste une annĂ©e totalement exceptionnelle en terme de sĂ©cheresse. Bien sĂ»r, il y a beaucoup d’autres facteurs qui peuvent poser problĂšme, dont l’augmentation des tempĂ©ratures, mais en terme d’eau, rien ne permet de dire que cela va empirer d’annĂ©e en annĂ©e. À ce stade, c’est totalement conjoncturel et exceptionnel.

Ensuite, c’est malgrĂ© tout encore une bonne nouvelle, car il va peut-ĂȘtre ĂȘtre temps de taper sur ces industriels qui se gavent sur la financiarisation de l’eau, et qui privent nos sols d’une partie de l’eau qui devrait s’y Ă©couler en pompant les nappes phrĂ©atiques comme des grands malades, et donc dĂ©truisent l’environnement tout en mettant en danger les populations locales.

L’autre excellente nouvelle, c’est que la gestion de l’eau ne peut que mettre en Ă©vidence un phĂ©nomĂšne connexe : rĂ©habiliter les sols en choisissant des solutions permacoles au lieu de dĂ©verser des pesticides Ă  tout va ce qui dĂ©truit les sols, la santĂ© des humains et toute la chaĂźne alimentaire, comme les abeilles. En effet, bourrer les sols de pesticides les rendent stĂ©riles et les empĂȘchent de capter l’eau. C’est trĂšs simple : s’il n’y a pas de vers de terre pour crĂ©er des galeries, le sol devient comme un roc sur lequel l’eau s’Ă©coule au lieu de s’y infiltrer. Cela a de nombreux effets pervers :

  • les nappes phrĂ©atiques ne se remplissent plus, et ce malgrĂ© la pluie
  • le sous-sol n’est plus irriguĂ©, ce qui oblige Ă  arroser les plantations en surface, or tout ce qui est en surface s’Ă©vapore plus vite, ce qui accentue encore davantage le problĂšme,
  • en ruisselant, l’eau crĂ©e des inondations beaucoup plus violentes que si elle pĂ©nĂ©trait en partie dans le sol et restait sur place, ce qui explique pourquoi nous sommes de plus en plus souvent inondĂ©s.

Il y a donc une vraie rĂ©flexion autour de la gestion de l’eau sur les systĂšmes agricoles que nous mettons en place. L’agriculture de conservation, par exemple, promue par Konrad Schreiber en France, a de nombreuses rĂ©ponses sur le sujet, c’est l’occasion d’ouvrir le dĂ©bat !

« la fin des Ă©vidences [
] la dĂ©mocratie, les droits de l’homme, si d’aucuns pensaient que c’Ă©tait la tĂ©lĂ©ologie* de l’ordre international »

(* ou comment utiliser un mot savant, en faisant une pause pleine de suffisance ensuite, sans comprendre le mot
 car la « tĂ©lĂ©ologie » est la science, l’Ă©tude des finalitĂ©s, ce qui n’est vraisemblablement pas du tout ce qu’il voulait dire ici)

Alors non, je peux rassurer M. Macron. Nous ne pensons pas que la norme Ă  l’Ă©chelle internationale est « la dĂ©mocratie » et « les droits de l’homme ». Bien sĂ»r, on peut penser Ă  certains pays africains oĂč la « dĂ©mocratie » est bien loin des prĂ©occupations quotidiennes de la population, mais Ă©videmment viennent immĂ©diatement Ă  l’esprit la CorĂ©e du Nord, la Chine ou la Russie, dont on nous rabat sans cesse les oreilles que ce sont des dictatures sanguinaires.

Mais non, cher Emmanuel, ce n’est pas du tout Ă  tous ces pays auxquels je pense lorsque le mot « dĂ©mocratie » ou l’expression « droits de l’homme » sortent de ta bouche. C’est Ă  la France. Ma France dĂ©chirĂ©e, les mains arrachĂ©es, les yeux crevĂ©s de ces gens qui voulaient simplement user de leur droit Ă  s’opposer au monarque jupitĂ©rien, qui n’a eu qu’une seule et unique rĂ©ponse : opprimer, par tous les moyens, quitte Ă  faire couler le sang. Est-ce cela, ta dĂ©mocratie ? Je pense aussi Ă  ces fameuses « Ă©lections » censĂ©es garantir la soit-disant « dĂ©mocratie », et qui se jouent avec des dĂ©s pipĂ©s. Non, Ă  part les naĂŻfs, personne ne croit encore ces mensonges de « dĂ©mocratie » et de « droits de l’homme ».

« la montée des régimes libéraux »

Alors, trĂšs franchement, je ne m’attendais pas Ă  ce lapsus. Car s’il y a bien une montĂ©e d’un rĂ©gime libĂ©ral Ă  marche forcĂ©e, si j’ose dire, c’est bien en France ! Et sous sa propre direction ! Magnifique ! Tout cela poursuivi par « le renforcement des rĂ©gimes autoritaires »  dont le sien fait partie.

« la fin d’une forme d’insouciance »

Ah, enfin, les politiciens vont en finir avec l’insouciance, celle de laisser mourir de faim ou de froid leurs compatriotes, par exemple. VoilĂ  qui est excellent ! Enfin, ils vont rĂ©ellement prendre le taureau par les cornes et faire bouger les lignes pour prendre les dĂ©cisions qui s’imposent pour protĂ©ger le peuple, ce qui est et a toujours Ă©tĂ© leur devoir le plus impĂ©rieux. Bien sĂ»r, en « dĂ©mocratie », lĂ  oĂč les « Ă©lus » Ɠuvrent pour le peuple. Bien sĂ»r.

« La guerre a repris il y a six mois en Europe »

La faute Ă  qui ? Qui n’a pas rĂ©ussi Ă  faire respecter les accords de Minsk ? Qui a toujours soutenu le pourtant si corrompu et menteur Zelensky et sa clique depuis toutes ces annĂ©es ? Qui a totalement laissĂ© pourrir la situation au Donbas au point oĂč il devenait Ă©vident que cela exploserait un jour ou l’autre ?

Peut-ĂȘtre aussi n’Ă©tait-ce pas vraiment une excellente idĂ©e de dire Ă  Poutine, quatre jour avant le dĂ©but de la guerre, « je ne sais pas oĂč ton juriste a appris le droit ». Sachant que Poutine a lui-mĂȘme fait des Ă©tudes de droit. En faisant semblant de jouer l’apaisement, notre Emmanuel national a au contraire montrĂ© qu’il n’y avait absolument aucun terrain d’entente, aucune nĂ©gociation possible. Au passage, Poutine lui a bien rappelĂ© que, pendant toutes ces annĂ©es, Macron n’a fait que brasser du vent, verbatim : « Je sais (que tu essaies de convaincre les Ukrainiens), mais ce n’est pas efficace ». Du vent. Un ventilateur gĂ©ant.

Cet homme ne sait que provoquer, il est bien possible qu’il ait d’ailleurs tellement exaspĂ©rĂ© l’ours qu’il ait prĂ©cipitĂ© les choses. Au passage, le vocabulaire russe s’est enrichi depuis quelques mois d’un nouveau verbe, « macronit’ », qui veut dire « blablater pendant des heures pour te jouer du pipeau ». TrĂšs reprĂ©sentatif.

On va me dire que, au contraire, Macron a tout fait pour Ă©viter la guerre, en tentant de maintenir le dialogue. Mais pour qu’un dialogue ait des effets positifs, il faut qu’il soit suivi d’actes. Un dialogue oĂč on tourne en rond et on pique l’adversaire sans arrĂȘt, tout en agissant Ă  l’inverse de ce qu’on prĂŽne, ne mĂšne qu’Ă  la frustration. Il s’est posĂ© en « nĂ©gociateur principal », et il faut se rendre Ă  l’Ă©vidence, depuis qu’il l’a fait, tout s’est prĂ©cipitĂ©.

« Pour beaucoup de gĂ©nĂ©rations dans notre pays, la guerre Ă©tait une rĂ©alitĂ© qui n’existait plus sur le sol europĂ©en »

Pourtant, nous avons eu la guerre des Balkans, il n’y a pas si longtemps. C’est beaucoup plus proche de la France que l’Ukraine. Au passage, si l’on parle de l’Europe gĂ©ographique, la TchĂ©tchĂ©nie en fait partie, et a Ă©tĂ© le thĂ©Ăątre de deux guerres sanglantes depuis moins de 30 ans.

Mais surtout, notre prĂ©sident ment lorsqu’il dit que la guerre est revenue en Europe depuis si longtemps que des gĂ©nĂ©rations ont oubliĂ© ce que c’Ă©tait. Il devrait peut-ĂȘtre en parler Ă  ces enfants nĂ©s depuis 2014 dans l’est ukrainien, qui n’ont connu que ça pendant toute leur vie : les bombardements, la dĂ©solation, l’abri sous-terrain qui est leur seule maison. Mais c’est loin, et tout le monde s’en fout. Depuis que la Russie est entrĂ©e officiellement dans la danse, bien sĂ»r cela donne une dimension nouvelle au conflit. Mais avant l’intervention russe, la guerre dans le Donbas avait dĂ©jĂ  fait 13.000 morts. 13.000 morts tus dans tous les mĂ©dias, comme s’ils n’avaient jamais existĂ©. Comme s’il n’y avait jamais eu de guerre lĂ -bas avant le 24 fĂ©vrier 2022.

Pour revenir Ă  la France, nous avons Ă©galement la guĂ©rilla dans certains coins de notre pays, qui n’est pas une guerre Ă  coups de chars, mais qui crĂ©e une insĂ©curitĂ© latente pour beaucoup de Français. Et 2005, oĂč des policiers se sont fait tirer dessus Ă  balles rĂ©elles, suivi de couvre-feux et Ă©tat d’urgence, n’est pas si lointain non plus, et encore dans les mĂ©moires de tous.

Quant aux attentats, que ce soit Ă  Nice en 2016 ou au Bataclan en 2015, mĂȘme s’ils ne laissent pas des traces aussi persistantes dans les esprits qu’une guerre, c’est un traumatisme psychologique pour une grande partie de la population, en particulier avec tout le battage mĂ©diatique qui accompagne ce genre d’Ă©vĂ©nements. Et bien sĂ»r, l’Ă©tat d’urgence, reconduit d’annĂ©e en annĂ©e sous divers prĂ©textes, est tout sauf le symptĂŽme d’un pays paisible et harmonieux.

Alors, la guerre pour un EuropĂ©en, c’est autre chose que pĂ©pĂ© qui raconte ses aventures dans le maquis en 1944. Et au final, la guerre en Ukraine ne nous touche physiquement pas plus qu’une bombe au Yemen, un missile en Palestine ou en IsraĂ«l, ou qu’une incursion de Boko Haram faisant 100 morts au Nigeria. C’est loin. À des milliers de kilomĂštres. Comme dirait l’autre, ça nous en touche une sans faire bouger l’autre. La guerre en Ukraine nous touche mĂȘme moins qu’un vol Ă  main armĂ©e dans l’Ă©picerie au coin de la rue – ou l’incursion de cambrioleurs dans son logement, il y a plusieurs centaines de milliers de cambriolages en France chaque annĂ©e !

L’insouciance, elle n’est pas vraiment lĂ , Manu.

« La crise climatique »

Ah, oui, il ne fallait pas l’oublier, celle-la. Nous allons donc enfin appeler les industriels Ă  arrĂȘter leurs pollutions, puisque ce sont eux les plus pollueurs ? Relocaliser nos productions pour Ă©viter d’avoir recours Ă  des monstres marins qui polluent plus que toutes nos voitures rĂ©unies ? Taxer enfin le kĂ©rozĂšne, responsable de beaucoup plus de pollution que le vĂ©lomoteur de papy ?

« Face à cela, je pense que nous avons quelques devoirs »

Ses devoirs, il les conçoit pour « rĂ©duire l’anxiĂ©tĂ© » de ses compatriotes. Mais Capitaine, on n’en veut plus de ton vent ! On veut des actes, il y a plein de solutions, que certains mettent d’ailleurs courageusement en Ɠuvre de leur cĂŽtĂ© sans t’attendre. Mais pour que ces solutions aient un rĂ©el impact, il faut une impulsion forte qui touche le plus grand nombre.

Pour cela, il faudrait dĂ©jĂ  rĂ©soudre la plus grosse cause de pollution et de destruction : la crĂ©ation monĂ©taire par les banques privĂ©es. Car comme cette crĂ©ation monĂ©taire s’accompagne d’une exigence de rentabilitĂ© qui met en concurrence tous les acteurs de l’Ă©conomie, c’est Ă  cause d’elle que :

  • la guerre est financĂ©e sans compter, car on ne peut se permettre d’ĂȘtre en retard par rapport Ă  l’ennemi, et c’est l’État qui rĂ©gale donc aucune limite ne saurait le brider,
  • le pillage des ressources accĂ©lĂšre, car il n’y a rien de plus lucratif que de creuser le sol et y extraire or, diamant, palladium, 
 et eau !
  • tout ce qui saccage l’environnement est privilĂ©giĂ©, au dĂ©triment de tout ce qui pourrait le prĂ©server, car il est beaucoup plus rentable de jeter des dĂ©chets toxiques dans la riviĂšre d’Ă  cĂŽtĂ© que de les traiter pour s’en dĂ©barrasser de maniĂšre propre,
  • nous dĂ©truisons nos sols, car il vaut mieux rendre les paysans dĂ©pendants d’engrais, de semences infertiles, et de pesticides, pour les traire comme des vaches Ă  lait, plutĂŽt que de les laisser se dĂ©brouiller avec MĂšre Nature, qui elle ne rapporte pas grand-chose lorsqu’elle fait pousser toute seule l’abondance.

Et Ă  l’inverse, c’est cette mĂȘme crĂ©ation monĂ©taire assortie de rendements qui bride tout ce qui pourrait ĂȘtre bĂ©nĂ©fique pour les 99,999 % de la population humaine :

  • l’Ă©ducation, et je parle bien d’un systĂšme Ă©ducatif oĂč l’on apprend Ă  penser et raisonner par soi-mĂȘme, en remettant tout en question sans avoir peur des vĂ©ritĂ©s qui fĂąchent, car il ne faudrait tout de mĂȘme pas que Monsieur Tout-Le-Monde comprenne comment fonctionne le systĂšme, il y aurait une rĂ©volution immĂ©diatement !
  • la santĂ©, devenue comme tout le reste un outil Ă  traire les vaches Ă  lait et oĂč la maladie qu’il faut traiter est bien plus lucrative que la santĂ©, surtout si elle est chronique !
  • la nourriture, car un corps rempli de sucre, de pesticides, de micro-plastiques et autres colorants et conservateurs cancĂ©rigĂšnes est beaucoup plus susceptible de tomber dans la case « malade » – voir point prĂ©cĂ©dent -, et il est beaucoup plus facile de rendre accro au sucre et autres aspartame qu’au brocolis,
  • tout service public, Ă  l’instar des autoroutes, ou bien plus rĂ©cemment d’EDF, doit ĂȘtre dĂ©mantelĂ© sur l’autel de la libĂ©ralisation lorsqu’il fonctionne bien pour ĂȘtre trait, et ĂȘtre ensuite renationalisĂ© pour le renflouer avec l’argent du contribuable lorsqu’on l’a bien sucĂ© jusqu’Ă  la moelle,
  • les « vieux », dont il faut extraire le plus de jus possible avant de les laisser mourir.

Oui, la cause profonde de tous ces problĂšmes, c’est la crĂ©ation monĂ©taire par les banques privĂ©es, qui choisissent de financer ce qui est le plus rentable pour elles. Sans compter, Ă©videmment, le fait que les intĂ©rĂȘts qui doivent ĂȘtre rembourser en plus du crĂ©dit sont Ă  l’origine du besoin de « croissance », le Graal de tout Ă©conomiste.

Alors, cher Emmanuel, toi qui sembles prendre Ă  cƓur le bien-ĂȘtre de tes compatriotes, tu sais ce qui te reste Ă  faire !

En rĂ©alité 

Mais non, en rĂ©alitĂ©, tout cela ne provient que de l’imagination dĂ©bridĂ©e d’un Ă©crivain en mal de justice.

Ce qui nous sera proposé sera tout autre :

  • serrez-vous la ceinture sans broncher, bande de fainĂ©ants,
  • quant aux boomers qui ont bĂ©nĂ©ficiĂ© des trente glorieuses, on va leur diminuer leur pension, ils l’ont bien mĂ©ritĂ© !
  • l’inflation, prenez-lĂ  dans les dents avec sagesse, ne venez pas me demander si la Banque Centrale EuropĂ©enne y est pour quelque chose avec ses politiques de crĂ©ation monĂ©taire dĂ©bridĂ©es : c’est la faute Ă  Poutine de toute façon, ce dictateur sanguinaire !
  • chauffez-vous moins, et Ă©teignez votre wifi, bande de sales gamins gaspilleurs,
  • arrĂȘtez de partir en vacances, vous ferez des Ă©conomies et en plus vous polluerez moins – certains ne t’ont pas attendu pour trouver l’astuce, hein !
  • il serait temps d’arrĂȘter d’acheter le nouvel iphone avec l’aide de l’État pour les fournitures scolaires de vos enfants, bande d’irresponsables,
  • de toute façon vous n’ĂȘtes pas capables de gĂ©rer votre argent, nous allons donc saisir tout ce qui dĂ©passe sur vos comptes en banque, et on va mettre en place un revenu universel pour que vous fermiez votre grand clapet et que vous soyez Ă  jamais dĂ©pendants de l’État, sales Gaulois ; le premier qui l’ouvre je lui coupe le robinet monĂ©taire, hop !
  • vous avez une coupure d’Ă©lectricitĂ©, c’est la faute Ă  Poutine ! Pensez quand mĂȘme aux Ukrainiens qui vivent sous les bombes (russes bien sĂ»r, les Ukrainiens n’envoient que des glaces au chocolat), et si vous avez trop froid vous savez ce que c’est une couverture bande d’ignares ?
  • vous allez changer de voiture, la vĂŽtre est un danger public pour l’environnement, pour la planĂšte, pensez Ă  vos enfants, on doit vous interdire de rouler avec, pollueurs, terroristes du climat ! À la place, prenez une Ă©lectrique, mĂȘme si on n’arrive ni Ă  les produire assez vite, ni Ă  fournir les bornes de recharge sans compter qu’on n’a plus assez de courant de toute façon
 au pire achetez un vĂ©lo, vous rendrez service Ă  tout le monde ! Et pas un vĂ©lo Ă©lectrique, hein ! PĂ©dalez, bande de flemmards ! Vous pensez un peu aux pauvres enfants qui extraient le cobalt pour les batteries, hein, vous y pensez aux enfants ? Bon, moi je vais retourner dans mon avion avec la clim, y fait trop chaud. Et non, les clims on va les taxer un max car c’est dangereux pour l’environnement !
  • de maniĂšre gĂ©nĂ©rale, moins vous possĂ©dez, plus vous serez heureux alors on va tout vous saisir car il faut bien renflouer les caisses de l’État avec cette dette colossale dont vous avez bĂ©nĂ©ficiĂ© pendant toutes ces dĂ©cennies, bande de profiteurs, hop plus de maison, patrimoine, sauf pour les copains, bien sĂ»r, qui continueront de toucher leurs milliards en dividendes.

Dans l’absolu, la plupart des courants philosophiques font l’Ă©loge de la sobriĂ©tĂ© heureuse, et il est tout-Ă -fait bĂ©nĂ©fique que chacun d’entre-nous apprenne Ă  se contenter de moins. Mais dans ce cas, il faudrait en faire une prioritĂ© nationale et l’appliquer Ă  tous. Car nous allons clairement avoir besoin de monnaie pour faire la transition Ă©cologique et la rĂ©industrialisation de la France.

Mais tout ce que savent faire les politiques, c’est culpabiliser la population. Les uns doivent se serrer la ceinture pendant que les autres vont faire du golf en jet privĂ©. Ou bien s’offrent de la vaisselle digne de Marie-Antoinette.

Attention, Emmanuel. Lorsque les efforts Ă©normes des uns sont totalement annihilĂ©s par les extravagances des autres, les tĂȘtes tombent.

Macron battu au premier tour de l’Ă©lection prĂ©sidentielle 2022

La réalité

Tous les médias caracolent : « Macron premier avec 27 % des voix. »

Mais il n’en est rien. Tout comme en 2017, Macron a Ă©tĂ© battu Ă  plate couture par
 l’abstention. Voici la rĂ©alitĂ© des chiffres qu’aucun mĂ©dia ne prĂ©sente :

L’abstention, Ă  laquelle j’ai ajoutĂ© les votes blancs et nuls. Ceux-ci ne sont pas non plus comptabilisĂ©s par les mĂ©dias, ils reprĂ©sentent environ 2 %.

C’est lĂ  que l’on voit toute l’aberration du systĂšme Ă©lectoral français. Quelle que soit l’issue du deuxiĂšme tour, le prĂ©sident en exercice bĂ©nĂ©ficiera du soutien d’Ă  peine un cinquiĂšme de la population. Par ailleurs, le troisiĂšme candidat, d’un poids semblable aux deux autres n’a plus qu’à
 se taire, comme ses Ă©lecteurs.

Certains pointent du doigt les abstentionnistes : ce sont de mauvais citoyens, la racine du mal Ă  cause desquels Macron risque d’ĂȘtre rĂ©Ă©lu. L’abstention, tout comme le vote blanc ou nul, est pour certains tout simplement la manifestation d’une rĂ©sistance. Tout comme le fait de ne pas s’inscrire sur les listes Ă©lectorales peut ĂȘtre un acte politique. C’est un refus de participer Ă  la mascarade du systĂšme.

Il existe pourtant des alternatives simples Ă  ce systĂšme aberrant. L’une d’entre-elles s’appelle le « jugement majoritaire ».

Le jugement majoritaire

L’Institut Rousseau a rĂ©cemment conduit une Ă©tude sur le jugement majoritaire :

Et si les élections présidentielles se jouaient au jugement majoritaire ?

Tout d’abord, le premier constat est qu’une large portion des personnes interrogĂ©es sont favorables Ă  l’instauration du jugement majoritaire :

Proportion de personnes interrogĂ©es en faveur ou non de l’instauration du jugement majoritaire.

Des résultats surprenants

Mais en allant plus loin, les résultats du sondage peuvent surprendre : Macron est deuxiÚme, derriÚre
 Valérie Pécresse.

Sondage prĂ©disant les rĂ©sultats de l’Ă©lection prĂ©sidentielle si celle-ci Ă©tait votĂ©e au jugement majoritaire.
Source : Institut Rousseau

Ne nous voilons pas la face : ces deux candidats feront exactement la mĂȘme politique. Alors, au vu de ce rĂ©sultat, on peut clairement se demander : est-ce que ça vaut vraiment la peine de changer de type de scrutin pour Ă©lire Françoise Ă  la place de François ?

Un garde-fou nécessaire

On peut avoir une autre lecture de ce rĂ©sultat. En effet, dans le scrutin actuel, il y a bien une clause qui impose la majoritĂ© absolue pour qu’un prĂ©sident soit Ă©lu. C’est une mesure d’apparat puisqu’au deuxiĂšme tour il n’y a que deux candidats, et seuls sont comptĂ©s les votes pour l’un ou l’autre.

Dans le cas du jugement majoritaire, on pourrait parfaitement envisager une rĂšgle stipulant que le candidat choisi obtienne au moins une mention « assez bien » pour ĂȘtre Ă©lu. En effet, dans le sondage de l’Institut Rousseau, PĂ©cresse est celle qui rassemble le plus de suffrages, mais avec une mention
 « passable ». Par ailleurs, le sondage a eu lieu en dĂ©cembre 2021, il y a fort Ă  parier que les rĂ©sultats ne seraient pas les mĂȘmes mi avril 2022, vu la campagne dĂ©plorable de cette candidate.

En mettant en place ce garde-fou, seul un candidat ayant au moins un support populaire dĂ©cent pourrait ĂȘtre Ă©lu. Si personne ne fait l’affaire au premier tour, alors tous les candidats sont Ă©cartĂ©s et la campagne repart avec de nouveaux candidats.

Évidemment, on peut craindre que personne ne puisse contenter globalement les Français. Mais qu’est-ce qui est prĂ©fĂ©rable : choisir au petit bonheur la chance un candidat qui ne satisfait pas grand-monde, comme c’est actuellement le cas, ou bien tenter de faire mieux ?

Le systĂšme des partis

En rĂ©alitĂ©, tout cela provient en premier lieu du systĂšme des partis qui implique d’ĂȘtre d’accord sur tout ce que prĂ©sente le parti.

Écoutons un personnage de mon roman, « Le PrĂ©sident Providentiel » :

« La meilleure preuve, c’est que les Verts soient un parti. L’Ă©cologie devrait ĂȘtre au cƓur du dĂ©bat de tous les partis. On cloisonne totalement les idĂ©es au sein d’un parti. Au lieu de proposer les idĂ©es Ă  la carte, on propose un menu 100 % poisson ou bien un menu 100 % viande. Si vous voulez du poisson en entrĂ©e mais de la viande en plat principal, c’est impossible. Ou bien on vous prĂ©sente un menu vĂ©gĂ©tarien dans lequel la seule boisson comprise est une bouteille de vin. Si vous voulez du jus de fruit, vous n’avez pas le choix, ça sera une bouteille de vin. Et on vous oblige Ă  la boire ! PrĂ©sentĂ© comme ça, ça semble totalement absurde, c’est pourtant ce que font les partis politiques avec les idĂ©es. Jusqu’au point oĂč si vous ĂȘtes Ă©cologiste alors vous devez forcĂ©ment ĂȘtre d’accord sur tout le reste, ce qui est totalement farfelu. Vous avez des Ă©cologistes qui sont Ă  droite, d’autres Ă  gauche, certains sont pour l’immigration et d’autres contre, certains sont pro-europĂ©ens et d’autres anti-europĂ©ens, etc. Ben oui, les idĂ©es c’est pas au menu, c’est Ă  la carte ! »

Il s’agirait donc de voter non pas pour un menu, mais pour chaque idĂ©e, Ă  la carte. C’est parfaitement atteignable, avec le RIC, plĂ©biscitĂ© par plus de 70 % des Français. Ça a une autre dimension que des candidats qui peinent Ă  rĂ©colter 20 % !

Une image vaut mille mots :

 

C’est quand mĂȘme autre chose, non ?

Conclusion

Les modalitĂ©s de l’Ă©lection prĂ©sidentielle permettent de nombreuses manipulations pour Ă©lire un candidat voulu. Pire encore, elles sont des outils formidables pour engendrer de la frustration et diviser le peuple. « Votez utile, sinon vous ĂȘtes des traĂźtres ! » Le spectacle des « consignes de vote » au deuxiĂšme tour est tellement loufoque qu’il vaut mieux en rire.

Mais Ă  chaque fois que nous nous retournons contre nos pairs au lieu de tous tourner un doigt accusateur vers nos bourreaux communs, nous devrions nous poser la question :

Pourquoi ?

Comment en sommes-nous arrivĂ©s lĂ  ? Au lieu de se battre les uns contre les autres autour d’un problĂšme dont les seules issues qui nous sont prĂ©sentĂ©es ne sont pas des solutions, nous devrions prendre du recul. Sortir du cadre. Le cadre, c’est Ă  nous de le dĂ©finir.

En rĂ©alitĂ©, ces piĂšges ne sont que des techniques de base, le B.A. BA du manipulateur. En psychologie, cela s’appelle une injonction contradictoire, ou double bind en anglais. Il s’agit de prĂ©senter un problĂšme et de n’offrir comme « solutions » que des portes de sortie perdantes. Ici, l’Ă©lecteur est sans cesse tiraillĂ© entre voter contre sa conscience pour ĂȘtre un « bon citoyen » et suivre sa conscience – quitte Ă  ne pas aller voter – mais devenir un « mauvais citoyen ».

Tout psychologue sait que le seul moyen pour sortir de ces situations sans issue est de ne pas accepter les fausses solutions qui nous sont offertes. Il suffit de s’extraire du moule qu’on veut nous imposer.

J’invite le lecteur Ă  lire cet article pour aller un peu plus en profondeur sur cette Ă©lection et sur le systĂšme de l’Ă©lection prĂ©sidentielle française.

La guerre contre le pétrodollar

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Depuis les accords de Bretton Woods en 1945, le monde entier est forcĂ© d’utiliser le dollar pour acheter des hydrocarbures. Pourtant, depuis les derniĂšres dĂ©cennies, un vent de contestation souffle de plus en plus fort contre cet Ă©tat de fait. À tel point qu’il n’est pas impossible que le roi pĂ©trodollar puisse ĂȘtre un jour dĂ©chu.

AprĂšs autant de sanctions de la part de l’Occident, la Russie tente par tous les moyens de continuer Ă  vendre son gaz Ă  l’Ă©tranger. Évidemment, son Ă©conomie a sĂ©rieusement besoin de rentrĂ©es d’argent pour Ă©quilibrer sa balance commerciale. Et les mesures qu’elle prend sont une tentative de dĂ©trĂŽner le pĂ©trodollar, ni plus ni moins.

La dette publique russe

La Russie est l’un des pays ayant la dette publique la plus faible au monde, comparĂ©e Ă  son PIB. Contrairement Ă  l’Occident qui vit littĂ©ralement sur la dette publique, la Russie a rĂ©ussi le tour de force de s’en dĂ©barrasser presque totalement.

OĂč donc se trouve la Russie sur cette spirale du monde de la dette ? (dĂ©solĂ©, c’est en anglais : Russia)

Indice : la Russie se trouve en périphérie, en bas à droite. Source : Visual Capitalist

On a entendu parler d’un dĂ©faut possible de la Russie, mais trĂšs sincĂšrement ça me paraĂźt ĂȘtre de la propagande. Oui, bien sĂ»r, les sanctions ainsi que les dĂ©penses liĂ©es Ă  la guerre vont sacrĂ©ment handicaper son Ă©conomie. L’Union EuropĂ©enne rigole en ce moment, en appliquant les sanctions ordonnĂ©es par les AmĂ©ricains, les unes aprĂšs les autres. Entre nous, je me demande combien de temps cela va durer. Cette simple image rĂ©sume la situation.

Les sanctions


L’usage de sanctions Ă©conomiques est assez rĂ©pandu, pourtant leur effet rĂ©el est plutĂŽt controversĂ©. Tout d’abord, les perspectives de sanctions, aussi dures soient-elles, n’ont pas empĂȘchĂ© Poutine d’envahir l’Ukraine. Ensuite, ceux qui prennent les sanctions de plein fouet sont les plus pauvres, pas les Ă©lites. On sait parfaitement que le rĂ©sultat principal des sanctions Ă©conomiques en gĂ©nĂ©ral est d’augmenter la pauvretĂ©.

Quant Ă  ce milliardaire qui se plaint qu’il ne peut plus payer sa bonne, je ne verserai pas une larme pour lui. Au passage, la plupart des oligarques russes Ă©taient en faveur de la guerre, car beaucoup craignaient de perdre du terrain si l’Ukraine venait Ă  prendre ses distances avec la Russie.

Mais surtout, il semblerait que l’Occident ait Ă©puisĂ© toutes ses cartouches d’un coup. Ce n’Ă©tait certainement pas une tactique trĂšs maline, car nous nous retrouvons maintenant dĂ©munis et sans aucun levier supplĂ©mentaire face Ă  la Russie. Cela a laissĂ© Ă  l’« ennemi » le temps d’Ă©laborer une contre-offensive adĂ©quate. Franchement, n’importe qui avec une paire de neurones sait qu’il ne faut pas jouer toutes ses cartes d’un coup. On dirait que ça ne fait pas partie des cours Ă  Science Po ou l’ENA. Quoi, ils ne jouaient mĂȘme pas aux cartes entre les cours, lĂ -bas ?


 ne servent à rien

Bien sĂ»r, on peut se dire que faire crever les populations de faim peut les inciter Ă  se retourner contre leurs dirigeants. RĂ©flĂ©chissons trois secondes. MĂȘme dans nos « dĂ©mocraties », si notre gouvernement dĂ©cide de se lancer dans une guerre, nous n’avons aucun poids pour l’en empĂȘcher. D’ailleurs, nos gouvernements prennent des mesures suicidaires envers la Russie, et nous ne pouvons rien y faire. Comment donc imaginer un instant que les Russes aient une quelconque chance d’arrĂȘter Vladimir Vladimirovitch Poutine ?

Mais il y a pire encore. Ces sanctions, particuliĂšrement violentes, sont le prĂ©texte parfait pour un dictateur de justifier ses actions. « Voyez comme nos ennemis sont haineux. Voyez comme j’ai bien raison de vous en protĂ©ger ! »

Il semblerait que nous soyons dirigĂ©s par des imbĂ©ciles sans un soupçon de bon sens. À moins peut-ĂȘtre qu’une guerre les arrange bien, histoire de dĂ©tourner les esprits des problĂšmes internes dans leur propre pays. Une Ă©conomie chancelante et un systĂšme financier au bord de l’implosion. Ou bien, dans le cas des États-Unis, un budget militaire de plus de 700 milliards de dollars par an, qui paraĂźt bien excessif et difficile Ă  justifier, surtout aprĂšs s’ĂȘtre retirĂ© d’Afghanistan.

La Russie amasse de l’or

Pendant les deux derniĂšres dĂ©cennies, des pays comme la France ou la Suisse se sont massivement dĂ©barrassĂ©s de leur or. À l’inverse, la Russie et la Chine ont amassĂ© ce mĂ©tal Ă  un rythme sans prĂ©cĂ©dent.

Beaucoup de pays occidentaux se dĂ©barrassent de leur or, tandis que la Russie et la Chine remplissent leur stock Ă  toute vitesse. Source : l’IMF.

Par ailleurs, la Russie a la deuxiĂšme rĂ©serve d’or dans ses sous-sols au niveau mondial, juste derriĂšre l’Australie.

Il est clair que la Russie a prĂ©vu de se protĂ©ger contre d’Ă©ventuelles sanctions grĂące Ă  son stock massif d’or. Sans surprise, les États-Unis tentent de bannir toute transaction impliquant de l’or avec la Russie. Le problĂšme est que, contrairement Ă  un systĂšme numĂ©rique avec lequel il suffit de cliquer sur un bouton, il est quasiment impossible de bannir les transactions en or. C’est un actif intraçable qui peut ĂȘtre Ă©changĂ© physiquement, fondu et transformĂ©.

Valeur du rouble

Note prĂ©liminaire : SWIFT est un systĂšme Ă©lectronique qui permet aux banques d’Ă©changer de la monnaie dans le monde entier. L’essentiel du commerce mondial passe par lĂ . À cause de son monopole, certains pays, comme la Russie, dĂ©veloppent depuis quelques temps dĂ©jĂ  des systĂšmes alternatifs. Par ailleurs, il est de notoriĂ©tĂ© publique que les AmĂ©ricains n’hĂ©sitent pas Ă  tout faire pour siphonner les informations qui transitent par ce systĂšme
 contre le terrorisme, bien sĂ»r.

Les sanctions de l’Occident, y compris le bannissement de la Russie du rĂ©seau SWIFT, ont sĂ©rieusement affaibli le rouble. Pour la petite histoire, couper un pays entier de SWIFT est sans prĂ©cĂ©dent. Des banques iraniennes ont subi ce genre de sanctions dans les affaires du nuclĂ©aire iranien, mais un tel ostracisme d’un pays entier n’a jamais eu lieu. Pourtant, cela n’a pas arrĂȘtĂ© la guerre pour autant.

De plus, un autre de type de sanctions dont on parle peu proviennent des agences de notation. Elles ont baissĂ© la note de la Russie, ce qui a pour effet d’augmenter les intĂ©rĂȘts pour obtenir de la monnaie. C’est une sanction qui ne dit pas son nom, d’importance capitale, si je puis dire. Et elle vient exactement des mĂȘmes acteurs occidentaux que les autres sanctions, puisque les agences de notation sont dirigĂ©es par les mĂȘmes que les requins du systĂšme financier de toute façon.

En consĂ©quence, la Russie est face Ă  une menace de taille : l’effondrement possible du rouble. Ce pourrait ĂȘtre une bĂ©nĂ©diction pour un pays croulant sous les dettes, mais ce n’est pas le cas de la Russie. La dĂ©prĂ©ciation du rouble signifie que la Russie risque d’avoir du mal Ă  importer des produits Ă  prix acceptable pour sa population.

Le levier de l’Ă©nergie

MalgrĂ© tout, en dĂ©pit du bannissement total de SWIFT, l’Allemagne a immĂ©diatement levĂ© la voix : hors de question de bannir les paiements pour le gaz russe, c’est une question de vie ou de mort pour les Allemands en plein hiver. Ainsi, tous les paiements sont suspendus, sauf ceux pour le gaz. TrĂšs pratique.

Au passage, cela laisse d’autant plus songeur. S’ils se prĂ©paraient Ă  cette guerre depuis longtemps, pourquoi les Russes n’ont-ils pas attaquĂ© l’Ukraine en novembre dernier ? Ils auraient eu une carte d’autant plus forte Ă  jouer avec le gaz pendant tous les mois d’hiver. Par ailleurs, ils adorent le froid et ils auraient Ă©galement pu utiliser le sol gelĂ© pour dĂ©ployer leurs tanks et autres vĂ©hicules par les champs plutĂŽt que d’ĂȘtre coincĂ©s comme ils l’ont Ă©tĂ© sur les routes. Peut-ĂȘtre n’ont-ils pas eu le temps de peindre leurs chars en blanc ?

En tout cas, une chose est sĂ»re : l’Union EuropĂ©enne ne peut se passer totalement du gaz russe, c’est une question de survie. Certains experts affirment d’ailleurs que mĂȘme le gaz amĂ©ricain ne peut ĂȘtre une alternative pour au moins les 10 prochaines annĂ©es. L’infrastructure nĂ©cessaire, y compris les bateaux eux-mĂȘmes, est massive. En effet, la totalitĂ© des bateaux gaziers dans le monde peut actuellement livrer environ un milliard de mĂštres cubes de gaz par an. L’UE en consomme 150 milliards par an.

Poutine est donc en train de tirer parti du talon d’Achille de l’Europe pour sauver le rouble. En d’autres termes, il dit clairement : vous voulez me mettre des sanctions, eh bien je vous propose un deal que vous ne pouvez pas refuser, et qui va annuler vos sanctions. Et du cĂŽtĂ© europĂ©en, on a dĂ©jĂ  Ă©puisĂ© toutes nos cartouches.

Le pétrodollar

Pour rappel, depuis la fin de la DeuxiĂšme Guerre Mondiale, les hydrocarbures s’achĂštent uniquement en dollars. Les dollars accumulĂ©s par le vendeur s’appellent alors des « pĂ©trodollars ». Aucun moyen de passer outre, et ceux qui ont essayĂ©, comme Saddam Hussein ou Mouammar Khaddafi, ont rencontré  quelques problĂšmes « mineurs », menant Ă  leur dĂ©cĂšs.

Mais les BRICS ne sont pas l’Irak ou la Libye. La Chine paie dĂ©jĂ  une partie de son gaz Ă  la Russie en petroyuan plutĂŽt qu’en dollars depuis 2017. Pire encore, l’Arabie Saoudite, pourtant alliĂ©e de longue date aux États-Unis, dĂ©clare rĂ©cemment qu’elle aussi est prĂȘte Ă  accepter le petroyuan. C’est un vĂ©ritable tremblement de terre gĂ©opolitique dont peu de monde parle.

En tout cas, la manƓuvre de Poutine semble fonctionner, la chute du rouble a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©e. En effet, si on se met Ă  acheter du rouble afin de pouvoir acheter du gaz russe, cela augmente la demande, et donc la valeur, du rouble.

Dans le mĂȘme temps, les dollars que tout le monde s’arrachait pour acheter des hydrocarbures perdent une partie de leur utilitĂ©, ce qui a Ă©videmment un impact sur la valeur du dollar. Bien entendu, si on ne parle que du gaz russe, l’impact est nĂ©gligeable. Mais si d’autres acteurs majeurs dans le monde se mettent Ă  suivre la tendance et prĂ©fĂ©rer d’autres monnaies pour Ă©changer, les dollars actuellement en circulation vont retourner aux États-Unis, ce qui risque d’augmenter encore un peu plus la tendance inflationniste actuelle.

Les cryptomonnaies

En 2017, je prĂ©venais dĂ©jĂ  dans mon livre « La monnaie : ce qu’on ignore » que les Russes s’intĂ©ressaient de prĂšs aux cryptomonnaies. Typiquement, la Banque Centrale de la FĂ©dĂ©ration de Russie s’affaire Ă  crĂ©er une monnaie digitale fĂ©dĂ©rale.

Évidemment, cette monnaie ne serait pas une cryptomonnaie dĂ©centralisĂ©e. La Russie est bien sĂ»r opposĂ©e Ă  des systĂšmes dont elle pourrait perdre le contrĂŽle, au moins en partie.

Mais lĂ  encore, le principe de rĂ©alitĂ© prĂ©vaut : le Kremlin cherche Ă  vendre son gaz coĂ»te que coĂ»te. Y compris avec des cryptomonnaies. Mais cela reste le privilĂšge des pays « amis ». C’est une nouveautĂ©, car les cryptomonnaies ont mĂȘme Ă©tĂ© bannies un temps du sol russe.

La planche Ă  billets

Mes lecteurs savent dĂ©jĂ  que le nombre d’euros et de dollars en circulation a explosĂ© de maniĂšre exponentielle ces derniĂšres dĂ©cennies. Typiquement, la masse monĂ©taire en euros a doublĂ© chaque dĂ©cennies depuis sa crĂ©ation. Pas Ă©tonnant que l’inflation pointe finalement le bout de son nez !

 

Le rouble or

Depuis les rĂ©ponses russes aux sanctions, les pays occidentaux n’ont plus le choix. Ils vont devoir payer leur gaz en roubles ou
 en or. Et ce, Ă  partir du 31 mars 2022. Ah, certes, des voix s’Ă©lĂšvent pour dire que les contrats sont clairs et qu’on ne peut les changer. On verra ce qu’on verra le jour oĂč les Russes finiront par couper le gaz.

Mais ce n’est pas tout ! Par ailleurs, la banque centrale russe indique qu’elle est prĂȘte Ă  acheter de l’or avec des roubles Ă  un taux fixe. D’une certaine maniĂšre, cela revient Ă  fixer un Ă©talon or. C’est un message clair au monde que le rouble n’est pas comme les monnaies occidentales crĂ©Ă©es sur du vent.

La Russie semble donc vouloir faire un appel au retour de l’Ă©talon or. Elle lance aussi un signal Ă  tout investisseur que les sanctions peuvent ĂȘtre sans limite. L’Occident peut saisir tout ce qu’il a sous la main Ă  tout instant et sous n’importe quel prĂ©texte. Le message est clair : « Ne faites pas confiance aux banques occidentales, ne vous laissez pas impressionner par les marchĂ©s occidentaux extrĂȘmement volatiles et qui peuvent s’Ă©vaporer en un instant ; non, pariez plutĂŽt pour la valeur sĂ»re qu’est l’or, ou bien mĂȘme son Ă©quivalent, le rouble. »

Les Ă©talons Ă©chouent toujours

Sur le court terme, on peut dire que ces actions peuvent payer, en particulier en rĂ©ponse aux sanctions. En revanche, cela pourrait s’avĂ©rer nĂ©faste sur le long terme.

Dans la culture populaire, il y a une vision manichĂ©enne avec une vision en noir et blanc. D’un cĂŽtĂ©, des monnaies crĂ©Ă©es sur « du vent », sans valeur. De l’autre, des monnaies adossĂ©es Ă  « du concret », typiquement de l’or. Malheureusement, l’histoire a montrĂ© que les Ă©talons, en particulier sur l’or, sont particuliĂšrement ravageurs.

Rappelons-nous ce qui est arrivĂ© avec l’Ă©talon or des dollars dans la deuxiĂšme moitĂ© du XXĂšme siĂšcle. Son abandon par Nixon en 1971 a causĂ© les crises pĂ©troliĂšres des annĂ©es 1970. Au XIXĂšme siĂšcle ainsi qu’au dĂ©but du XXĂšme siĂšcle, les monnaies basĂ©es sur l’or ont causĂ© beaucoup de misĂšre dans les populations. Plus rĂ©cemment, la chute du bolivar vĂ©nĂ©zuĂ©lien est due Ă  un Ă©talon fixĂ© par le gouvernement entre le bolivar et le dollar.

Je pense que cette histoire de « 5000 roubles = 1 once d’or » est du grand spectacle. C’est un message au monde, un rappel cinglant que bĂątir toute une Ă©conomie sur de la dette est extrĂȘmement risquĂ©.

Une recette contre la guerre

Ceci est tirĂ© d’un groupe constituant, et narrĂ© par Étienne Chouard. Ce dernier nous rappelle sans cesse qu’il est absurde de laisser les politiciens Ă©crire le texte qui est censĂ© les contrĂŽler. C’est un peu comme dĂ©signer son chien comme gardien du sandwich. DĂ©solĂ© pour les chiens qui lisent cela, je sais que votre queue remue dĂ©jĂ .

Voici une recette simple pour Ă©viter la guerre. Si tous les pays adoptaient cette rĂšgle, nous vivrions sans aucun doute dans un monde en paix.

  1. Aucune guerre ne peut ĂȘtre dĂ©clarĂ©e sans un rĂ©fĂ©rendum ouvert.
  2. Au cas oĂč le « oui » l’emporterait pour la guerre, quiconque a rĂ©pondu « oui » se voit attribuĂ© un fusil et doit aller au front illico. Aucune obligation pour quiconque a votĂ© « non ».
  3. Une fois que les premiers ont Ă©tĂ© tuĂ©s, on refait un rĂ©fĂ©rendum pour savoir s’il y a de nouveaux volontaires pour continuer la guerre.
  4. Retour à la case départ.

L’imposture prĂ©sidentielle française

La démocratie en marche

Pour beaucoup de Français, l’Ă©lection prĂ©sidentielle est un moment fort et un symbole Ă©vident de la vivacitĂ© de la dĂ©mocratie en France. Au premier abord, la thĂ©orie et les principes sont louables, paraissent tenir parfaitement debout.

Mais quelle est donc cette théorie ? Passons en revue ses principes de base.

D’abord, le peuple Ă©lit qui il veut. Il est souverain dans le choix de son chef. De toute Ă©vidence, il choisit quelqu’un qui a les qualifications, l’intelligence, le charisme, le panache mĂȘme, pour endosser la fonction prĂ©sidentielle. Cela ne peut pas ĂȘtre n’importe qui. Ainsi, il est bien normal que nous n’ayons pas de prĂ©sidents ouvriers, machinistes, profs, serveuses ou serveurs, infirmiĂšres ou infirmiers. On appelle cela la « mĂ©ritocratie ». Nous voulons les meilleurs, les plus capables, pour diriger le pays.

Il est donc parfaitement normal que tous les prĂ©sidents aient une formation ad hoc. L’ENA. Science Po. Et de prĂ©fĂ©rence un homme fort d’un certain Ăąge, qui va en imposer et Ă  qui on ne peut pas conter d’histoires. Au passage, la France n’a jamais eu de prĂ©sidente. Jusqu’Ă  maintenant.

Le peuple choisit l’individu qui brille le plus par sa carrure, et les mauvais prĂ©sidents ne sont pas rĂ©Ă©lus, comme Sarkozy ou Hollande. Le chef est faillible, il sera Ă©cartĂ© en cas de manquements aux prochaines Ă©lections.

Tout cela semble parfaitement logique.

Un goût amer

Il y a tout de mĂȘme un hic. Il suffit de faire un petit sondage autour de soi pour s’en apercevoir. « La dĂ©mocratie fonctionne-t-elle parfaitement ? Permet-elle d’Ă©viter les inĂ©galitĂ©s ? Le Gouvernement Ă©lu met-il en Ɠuvre tous les dĂ©sirs des Français ? » En toute logique, il le devrait. Sinon il ne sera pas rĂ©Ă©lu. Et pourtant


Une trĂšs rĂ©cente enquĂȘte Ifop est plutĂŽt parlante. Difficile de dire avec le graphique suivant que tout le monde est content :

RĂ©ponses de l’ensemble des Français Ă  la question : « Diriez-vous qu’en France la dĂ©mocratie fonctionne trĂšs bien, assez bien, pas trĂšs bien ou pas bien du tout ? » Source : IFOP

D’ailleurs, le taux de mĂ©contents varie au cours du temps, ils Ă©taient plus de 70 % en 2014 et 2016 !

Les rĂ©ponses surprennent le plus souvent. Le constat d’Ă©chec est flagrant. Une large majoritĂ© semble avoir l’intuition qu’il y a quelque chose qui cloche. Pourquoi, alors, ne pas en changer ? La rĂ©ponse, souvent sans appel, ne se fait pas attendre : « c’est le meilleur modĂšle qu’on connaĂźt, donc il faut faire avec ».

Des Ă©checs partout ailleurs

Cela rappelle trop toutes ces tentatives occidentales d’amener la « dĂ©mocratie » un peu partout dans le monde. Avec sans cesse des effets particuliĂšrement ravageurs, des pays transformĂ©s en ruines, politiquement et Ă©conomiquement. Et ce malgrĂ© la tenue « d’Ă©lections dĂ©mocratiques » dans les pays concernĂ©s.

Il semble que la « dĂ©mocratie » telle que nous la concevons mĂšne toujours aux mĂȘmes dysfonctionnements. Partout, elle autorise des empires financiers Ă  prendre le dessus. Les multinationales n’en font qu’une bouchĂ©e grĂące Ă  des lobbys toujours plus puissants. Elle court systĂ©matiquement aprĂšs le petit voleur de pĂątes pour quelques euros parce que le frigo est vide. En revanche, elle ne touche pas au milliardaire qui pourtant provoque des milliards de manque Ă  gagner pour l’État en Ă©vasion fiscale et autres malversations, qui provoquent en retour inĂ©galitĂ©s, pauvretĂ©, insĂ©curitĂ©. Elle laisse en libertĂ© les politiciens corrompus. Au lieu de rassembler les peuples, elle les divise, parfois trĂšs profondĂ©ment. Elle s’attaque systĂ©matiquement Ă  des problĂšmes secondaires, sans jamais rĂ©gler l’essentiel.

Elle finit mĂȘme par justifier des mesures extrĂȘmement autoritaires dans certaines situations. Mais c’est pour notre bien, Ă©videmment. Sous prĂ©texte de « sĂ©curitĂ© », d’anti-terrorisme. Ou bien « sanitaires ». Ou encore de « sauvegarde de l’emploi ». MalgrĂ© tout, on sent que le systĂšme est
 perfectible, c’est le moins qu’on puisse dire !

Partout, le terme « dĂ©mocratie » est associĂ© Ă  « Ă©lections ». D’ailleurs, on le confirme gĂ©nĂ©ralement par des expressions du type « On a les dirigeants qu’on mĂ©rite ». Mais est-ce bien ça, l’Ă©lection de « dirigeants », la dĂ©mocratie ?

C’est quoi, une dĂ©mocratie ?

Partons de la définition large du terme :

RĂ©gime politique dans lequel le peuple dispose du pouvoir souverain

Ainsi, c’est un rĂ©gime politique oĂč les dĂ©cisions communes sont prises par le peuple.

Pourtant, aujourd’hui, ce n’est pas le peuple qui prend rĂ©ellement les dĂ©cisions. Ce sont ses « reprĂ©sentants Ă©lus ».

Ah. Nous sommes donc dans un « systĂšme reprĂ©sentatif », une RĂ©publique. Certains parlent de « dĂ©mocratie reprĂ©sentative ». Pour qu’il s’agisse rĂ©ellement de dĂ©mocratie, il faudrait que le peuple ait le contrĂŽle total sur ses reprĂ©sentants, ce qui n’est pas du tout le cas, comme nous allons le voir plus loin.

D’autres systĂšmes reprĂ©sentatifs


Mais alors
 en quoi est-ce que la France diffĂ©rerait-elle donc tant de la Russie ? En effet, la Russie a Ă©galement un prĂ©sident Ă©lu, un gouvernement et des ministres, un parlement d’Ă©lus aux suffrage direct, la Douma. Cette derniĂšre a d’ailleurs le pouvoir de contester les dĂ©cisions gouvernementales. C’est une rĂ©publique fĂ©dĂ©rale, comme l’Allemagne. L’organisation est un peu diffĂ©rente des pays occidentaux, mais sur l’essentiel, cela revient strictement au mĂȘme.

MĂȘme la Chine fonctionne sur un systĂšme parlementaire, avec des Ă©lections plus indirectes, mais cela ne change pas grand-chose, dans le fond.

Pour rappel, en France, le Gouvernement a aussi le droit de s’opposer Ă  une loi votĂ©e par le Parlement. Il peut Ă©galement forcer ses propres lois par le fameux mĂ©canisme de l’article 49-3. Dans ces cas-lĂ , le peuple n’a rien Ă  dire, il devra patienter jusqu’aux prochaines Ă©lections s’il n’est pas content.

La corruption

Mais alors, pourquoi diable la Chine et la Russie seraient des dictatures et la France une dĂ©mocratie ? Pour faire la distinction, on va s’appuyer sur d’autres critĂšres, comme le degrĂ© de corruption. Évidemment, les gouvernants russes et chinois sont corrompus, les Ă©lections sont truquĂ©es, c’est en cela que ce sont des dictatures.

Pourtant, en terme de corruption, la France n’est certainement pas en reste ! Chacun de nos prĂ©sidents a Ă©tĂ© mĂȘlĂ© de prĂšs ou de loin Ă  des scandales. Parmi les Ă©lus, on ne compte plus les procĂšs. Le Parlement vote rĂ©guliĂšrement des lois qui favorisent les inĂ©galitĂ©s – oĂč est donc l’Ă©galitĂ© ? De la mĂȘme maniĂšre, il bloque des lois qui pourtant serviraient le peuple. Par ailleurs, les parlementaires votent eux-mĂȘmes Ă  une large majoritĂ© leurs propres augmentations. Ce n’est pas le mĂȘme refrain lorsqu’il faut augmenter le SMIC. N’est-ce pas du conflit d’intĂ©rĂȘt majeur et parfaitement Ă©vident ?

Emmanuel Macron lui-mĂȘme navigue dans des eaux peu claires. Il a vendu la sĂ©curitĂ© nationale de la France aux AmĂ©ricains avec l’affaire Alstom. C’est Ă©galement un maĂźtre manipulateur, comme on peut le constater dans l’affaire des journalistes du Monde. Au passage, il n’a rien Ă  envier Ă  un Poutine dans les tentatives de faire taire quiconque s’oppose Ă  lui. Deux des Ă©pisodes de « Off Investigation » ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© censurĂ©s par Youtube. La liste est bien trop longue. Alexandre Benalla, l’un de ses plus proches gardes du corps ayant commis d’innombrables fautes est totalement protĂ©gĂ© par le pouvoir, quelles que soient ses exactions. Y compris en permettant Ă  l’intĂ©ressĂ© de vider son appartement de ses preuves avant son inspection par la police. On se croirait dans un mauvais scĂ©nario de dictature.

La libertĂ© d’expression

Alors, trĂšs certainement, on peut aussi s’intĂ©resser Ă  un autre axe : la libertĂ© d’expression. On peut dire qu’elle est mieux respectĂ©e en France qu’elle ne l’est en Russie ou en Chine. Il semblerait pourtant que c’est valable uniquement tant qu’il ne s’agit que de paroles. En d’autres termes, tant que c’est du blabla, nous pouvons toujours dire ce que nous voulons. Mais il ne faudrait pas que cela se traduise en actes.

Exemple criant : tous ces gilets jaunes qui se sont fait tirer comme des lapins, alors que la majoritĂ© ne reprĂ©sentait aucun danger. On ne compte plus les blessĂ©s, les Ă©borgnĂ©s, les mains arrachĂ©es. Combien de mains arrachĂ©es en Russie ? Combien d’Ă©borgnĂ©s ? Aucun, Ă  ma connaissance. En Hollande, un manifestant est mĂȘme abattu Ă  balles rĂ©elles.

Et ceux qui dĂ©rangent vraiment l’ordre Ă©tabli, comme les lanceurs d’alerte, sont persĂ©cutĂ©s. StĂ©phanie Gibaud, employĂ©e dans une banque, se retrouve dans une situation trĂšs prĂ©caire aprĂšs avoir dĂ©noncĂ© des pratiques illĂ©gales de son employeur. Mais oĂč est donc l’« État protecteur », garant des libertĂ©s et de la transparence ? La France n’a jamais offert l’asile politique Ă  Julian Assange. Ni Ă  Edward Snowden. Qui a Ă©tĂ© accueilli, ironie du sort, en Russie. Bien Ă©videmment, il ne reprĂ©sente pas une menace pour l’État russe, mĂȘme s’il en dĂ©nonce parfois les Ă©carts.

On sent clairement le « deux poids, deux mesures ». La Russie et la Chine sont des dictatures et tout y va trÚs mal. La France est une démocratie et tout va trÚs bien, Mme la Marquise.

Museler les trouble-fĂȘte « Ă  l’ancienne » 

Certes, Poutine a ses mĂ©thodes pour se dĂ©barrasser des journalistes ou politiciens. C’est un ancien du KGB, la vieille Ă©cole. Une balle entre les yeux. Ou bien le si classique poison. Au mieux, l’emprisonnement.

Mais Ă  moins d’ĂȘtre aveugle, il est loin d’ĂȘtre le seul. Nous avons Ă©galement droit Ă  ce genre d’Ă©pisodes dans les pays occidentaux. Ils sont certes un peu moins « flagrants ». On se rappelle trop facilement des disparitions assez curieuses de Coluche ou Balavoine, ainsi que BĂ©rĂ©govoy. Plus rĂ©cemment, Bruno Gaccio a bien failli y passer aussi. Et ceux qui disparaissent en prison ne sont pas en reste. Comme par exemple rĂ©cemment Jean-Luc Brunel en France et son alter ego Epstein aux États-Unis.


 et beaucoup plus simplement

Pourtant, il y a une recette extrĂȘmement simple et efficace pour se dĂ©barrasser des voix « encombrantes » : les mĂ©dias. Il suffit de virer tel journaliste ou animateur qui sort un peu trop du rang, voire le relĂ©guer Ă  un mĂ©dia « de seconde zone » oĂč sa voix portera peu. Pour les autres, le simple fait qu’ils ne passent pas sur les grands mĂ©dias les rend muets. LittĂ©ralement.

Patrick SĂ©bastien. Natacha Polony. Les « guignols de l’info », supprimĂ©s. FrĂ©dĂ©ric TaddeĂŻ, obligĂ© de passer sur RT pour avoir le droit d’inviter qui il veut dans son Ă©mission. Le monde Ă  l’envers ! Et au pire, on demande Ă  la justice de museler les plus gĂȘnants, comme Denis Robert avec l’affaire Clearstream. LĂ  encore, la liste est trop longue.

Ce qui est vrai pour les temps de parole lors de l’Ă©lection prĂ©sidentielle l’est Ă©videmment pour tout le reste. Il faut et il suffit que les mĂ©dias focalisent l’attention sur un sujet pour Ă©viter de parler du reste. C’est digne des techniques de prestidigitation. Regarde bien ma main droite, et pendant ce temps, ma main gauche va chercher une balle dans ma poche. Et hop, le tour est jouĂ©.

Or, il se trouve que tous les principaux mĂ©dias en France sont entre les mains d’une minoritĂ©, une dizaine de milliardaires. Et l’État, qui travaille pour son compte – ou plus exactement pour le compte des « Élus ». Eux-mĂȘmes Ă  la solde des milliardaires prĂ©citĂ©s.

Le Président Providentiel

Dans mon roman, l’ascension au pouvoir du PrĂ©sident est justement due Ă  une exposition accrue dans les mĂ©dias. Cela aura pu paraĂźtre un peu tirĂ© par les cheveux pour certains lecteurs.

C’est pourtant ce qui s’est passĂ© avec Emmanuel Macron en 2017. Certes, il a Ă©tĂ© Ministre de l’Économie peu avant, mais il Ă©tait quasiment inconnu des Français. Et ceux qui le connaissaient ne l’apprĂ©ciaient pas forcĂ©ment, ce qui peut se comprendre au vu de certaines mesures hallucinantes qu’il a prises. Comme par exemple le remplacement des trains par des bus
 mesure qui a d’ailleurs subi un rĂ©tro-pĂ©dalage sous son mandat prĂ©sidentiel. En 2010, il avait mĂȘme proposĂ© de supprimer la dissuasion nuclĂ©aire française, « pour faire des Ă©conomies ». Heureusement, Jacques Attali Ă©tait lĂ  pour le remettre Ă  sa place.

Je n’aurais jamais imaginĂ© un jour Ă©crire une phrase faisant l’Ă©loge de Jacques Attali !
 qui l’eĂ»t cru ?

Dans les faits, n’importe quelle personne qui connaĂźt un minimum les artifices de la rhĂ©torique est prĂ©sidentiable. De ce point de vue, Emmanuel Macron s’y connaĂźt. Il a particuliĂšrement appris cet art Ă  la banque Rothschild, comme l’explique son directeur.

Ainsi, il est tout-Ă -fait rĂ©aliste que mĂȘme un inconnu comme Pierre puisse se prĂ©senter et gagner les Ă©lections prĂ©sidentielles. Il faut et il suffit qu’il soit adoubĂ© par une dizaine de milliardaires.

Qui sont nos « représentants »?

Ce sont donc nos oligarques, au contrĂŽle des mĂ©dias, qui font et dĂ©font les prĂ©sidents. Le peuple ne fait que suivre les candidats qui lui sont prĂ©sentĂ©s, Ă  hauteur de leur exposition dans les mĂ©dias. À l’heure oĂč j’Ă©cris cet article, le monde est une grande mosaĂŻque d’oligarchies.

Oui, j’ai bien Ă©crit « oligarchies ». DĂ©finition :

Gouvernement politique oĂč l’autoritĂ© souveraine est entre les mains d’un petit nombre de personnes

Alors, en Russie, oui, sans doute. En Chine, aussi. Ah, en CorĂ©e du Nord, bien Ă©videmment. Et puis, certainement d’autres Ă©tats corrompus. Mais en France, sĂ»rement pas, tout de mĂȘme ?

Une caste dirigeante

Certes, les dirigeants ne se passent plus le pouvoir de pĂšre en fils comme le faisaient jadis les rois.

Dans les faits, les « reprĂ©sentants » en France forment une caste Ă  part entiĂšre. Ils sont constituĂ©s d’individus au statut particulier : les politiciens. Ces gens font carriĂšre en politique, leur fonction est de « reprĂ©senter ». Ils ne savent rien faire d’autre. Et ils sont sĂ©lectionnĂ©s au sein d’un club bien privĂ©. Club du Cercle. Young Leaders. Institut Montaigne. Il faut ĂȘtre introduit aux bons endroits et auprĂšs des personnes les plus influentes. Et une fois Ă©lu, on voit mal celui qui a accĂ©dĂ© Ă  la fonction prĂ©sidentielle trahir ceux-lĂ  mĂȘmes qui l’ont fait Ă©lire.

Des élus « hors sol »

C’est lĂ  que le glissement sĂ©mantique entre « reprĂ©sentant » et « reprĂ©sentatif » s’effectue bien trop souvent dans les tĂȘtes. Justement, ces « reprĂ©sentants » ne sont en rien reprĂ©sentatifs de l’ensemble de la population pour laquelle ils sont censĂ©s ĂȘtre les porte-voix.

Ils ne l’ont d’ailleurs jamais Ă©tĂ©. Pendant la RĂ©volution Française, lors des États GĂ©nĂ©raux, ce sont dĂ©jĂ  principalement des notables qui reprĂ©sentent le Tiers État. À l’Ă©poque, cela pouvait Ă©ventuellement se justifier. Et encore. Le fait est que la majoritĂ© des membres du Tiers État Ă©tait illettrĂ©e et aurait eu bien du mal Ă  dĂ©fendre ses propres intĂ©rĂȘts face Ă  des professionnels de la magouille juridique.

Le problĂšme, c’est qu’un « reprĂ©sentant » qui n’a pas les mĂȘmes intĂ©rĂȘts que celui qu’il prĂ©tend dĂ©fendre se trouve en conflit d’intĂ©rĂȘts. Il est logiquement portĂ© Ă  dĂ©fendre les idĂ©es favorables Ă  son statut et Ă  sa caste en gĂ©nĂ©ral. Ces idĂ©es sont potentiellement totalement opposĂ©es Ă  celles qui favoriseraient le peuple.

L’absence de contrĂŽle

On pourrait Ă©ventuellement parler de dĂ©mocratie si effectivement le peuple avait le pouvoir total sur ses reprĂ©sentants. Or, dans le systĂšme français actuel, il n’en est rien. Si un Ă©lu trahit le peuple, ce dernier n’a aucun moyen de recours. Impossible de rĂ©voquer un Ă©lu ni mĂȘme une loi scĂ©lĂ©rate. Impossible de toucher Ă  la Constitution pour y ajouter un peu de contrĂŽle sur les Ă©lus. Le seul levier du peuple est d’attendre les prochaines Ă©lections.

Ce ne serait pas forcĂ©ment catastrophique s’il s’agissait d’un cas isolĂ© : il suffirait de voter pour un « bon » reprĂ©sentant la prochaine fois.

Mais lorsque c’est l’ensemble du corps des « reprĂ©sentants » qui trahit sans cesse, et qu’il n’y en a pas un pour rattraper l’autre, le peuple se trouve effectivement totalement impuissant. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’abstention augmente Ă  chaque Ă©lection. À force d’ĂȘtre trahi de maniĂšre rĂ©pĂ©tĂ©e, le peuple finit par comprendre qu’il ne sert Ă  rien d’Ă©lire un pantin qui n’en fera qu’Ă  sa tĂȘte, comme ses prĂ©dĂ©cesseurs.

Une large portion de citoyens comprennent que, en tant qu’Ă©lecteurs, ils n’ont en rĂ©alitĂ© aucun pouvoir.

Le piĂšge de l’Ă©lection prĂ©sidentielle

En France comme ailleurs, les artifices permettant de perpĂ©tuer cette caste au pouvoir sont finalement trĂšs simples. La principale Ă©pine dans la « dĂ©mocratie » est l’Ă©lection prĂ©sidentielle elle-mĂȘme ainsi que ses modalitĂ©s.

J’entends dĂ©jĂ  des voix qui protestent : « Pas du tout, c’est le peuple qui dĂ©cide qui il Ă©lit ». Par ailleurs, l’Ă©lection est trĂšs contrĂŽlĂ©e, avec l’Arcom (ancien CSA) qui veille au grain et le vote aux urnes est l’un des plus fiables au monde.

Aux États-Unis, la maniĂšre d’Ă©lire le PrĂ©sident est particuliĂšrement tirĂ©e par les cheveux. Mais en France, nous votons directement pour nos dirigeants, et chaque bureau de vote est dĂ»ment contrĂŽlĂ© par tous les partis. Pour l’instant, pas de vote par correspondance, pas de vote Ă©lectronique, il semble impossible de tricher.

Pourtant, nous allons voir que le systĂšme des Ă©lections en France est loin d’ĂȘtre neutre, en particulier celui de l’Ă©lection du PrĂ©sident de la RĂ©publique. Il est truffĂ© de piĂšges, de subtilitĂ©s qui peuvent aisĂ©ment ĂȘtre exploitĂ©es pour faire voter le peuple « comme on le leur dira », comme disait Tocqueville.

Analysons ensemble ce systĂšme pour comprendre pourquoi depuis plus d’un demi-siĂšcle, la France part Ă  la dĂ©rive :

  • pertes de souverainetĂ©, tant avec l’euro que la soumission Ă  l’UE,
  • inĂ©galitĂ©s et insĂ©curitĂ© grandissantes,
  • systĂšme de santĂ© et infrastructures publiques qui tombent en ruine,
  • perte de rĂ©silience et dĂ©pendance accrue Ă  des pays Ă©trangers,
  • libertĂ©s de plus en plus bafouĂ©es sous divers prĂ©textes,
  • etc.

Les tours de magie

L’Ă©lection prĂ©sidentielle se dĂ©roule en plusieurs temps :

  • prĂ©sĂ©lection de candidats : primaires,
  • obtention de soutiens municipaux,
  • premier tour,
  • deuxiĂšme tour.

Chacune de ces Ă©tapes est parsemĂ©e d’embĂ»ches. Et celles-ci rendent le beau tableau « le peuple souverain Ă©lit son prĂ©sident » un peu
 terne.

Présélection de candidats

La logique des partis impose que chaque camp politique choisisse un reprĂ©sentant et un seul, pour avoir un peu de chance de faire le poids face aux autres partis. L’idĂ©e est de choisir celui qui fait le plus consensus. Au risque de choisir le plus gros moulin Ă  vent qui ne propose rien pour Ă©viter de froisser quiconque.

Par ailleurs, cette prĂ©sĂ©lection est totalement livrĂ©e Ă  l’imagination des diffĂ©rentes forces en puissance. Dans certains partis, c’est un leader auto-proclamĂ©. Dans d’autres partis, c’est celui qui est dĂ©signĂ© par ses pairs comme « le meilleur ». D’autres organisent des Ă©lections internes dont les modalitĂ©s peuvent parfois ĂȘtre douteuses.

Dans la mesure oĂč cette Ă©tape n’est pas encadrĂ©e, il n’est pas toujours facile de comprendre pourquoi et comment tel ou tel candidat a Ă©tĂ© mis en avant plus qu’un autre.

DĂ©jĂ , trĂšs tĂŽt dans le calendrier Ă©lectoral, les mĂ©dias ont une influence Ă©norme. Évidemment, quiconque est mis en avant plus que les autres dans les mĂ©dias a beaucoup plus de chances de l’emporter au sein de son propre parti que les autres.

À ce moment, l’Arcom, anciennement CSA, commence tout juste Ă  comptabiliser les temps
 pour rire. Dans la mesure oĂč il n’y a pas encore de candidats « officiels », ça compte pour du beurre. Et pourtant


Les parrainages

Être sĂ©lectionnĂ© au sein de son propre parti ne suffit pas. En effet, dans un monde sans filtre, on pourrait parfaitement imaginer avoir 500 candidats Ă  la prĂ©sidentielle. Cela rendrait l’organisation de la campagne Ă  l’Ă©chelle nationale un peu complexe, sans aucun doute. Pour Ă©viter d’avoir trop de candidats, ceux-ci doivent obtenir des promesses de soutien auprĂšs des maires de France. Cela n’a pas toujours Ă©tĂ© le cas, pour avoir l’historique, c’est ici.

Cette mesure n’est toutefois pas anodine. En effet, elle dĂ©termine rĂ©ellement le choix des « reprĂ©sentants » pour qui les Ă©lecteurs vont ensuite pouvoir voter. Quiconque n’obtient pas les parrainages nĂ©cessaires n’aura plus aucune voix dans la campagne. Pire encore, le candidat dĂ©chu risque tout simplement de perdre en crĂ©dibilitĂ© pour le reste de sa carriĂšre.

Divers paramĂštres entrent en jeu ici, qui ont subi des modifications aux impacts majeurs.

PremiĂšre barriĂšre officielle

Le premier levier pour mettre les bĂątons dans les roues de candidats « non voulus » par l’oligarchie est tout simplement de demander un nombre assez grand de parrainages. Seuls les candidats parvenant Ă  rĂ©colter suffisamment de parrainages ont alors une chance d’exposer leurs idĂ©es devant les Français. Les autres, tout comme les journalistes gĂȘnants, n’ont plus qu’Ă  parler dans leur coin. Tant que leur voix ne porte pas, ils ne reprĂ©sentent aucun danger.

Pour résumer, le nombre de signatures nécessaires a augmenté progressivement. De 50 en 1958, elles sont passées à 100 puis à 500 en 1976.

Pour ajouter un peu de difficultĂ©, il faut Ă©galement que les parrainages proviennent d’un nombre suffisant de dĂ©partements. Ceci Ă©videmment pour Ă©viter qu’un candidat ratisse les petits villages de sa rĂ©gion et soit totalement inconnu ailleurs.

DeuxiĂšme barriĂšre officielle

Le nombre de signatures s’est avĂ©rĂ© ĂȘtre une mesure insuffisante pour contenir le nombre de candidats – y compris les plus gĂȘnants. Une nouvelle mesure a Ă©tĂ© mise en place dĂšs 1976, avec pour prĂ©texte « la transparence de la dĂ©mocratie ». Cette mesure est dĂ©terminante malgrĂ© son air innocent : il s’agit de publier les noms des soutiens pour chaque candidat.

Effets directs


En apparence, 500 signatures peut paraĂźtre un nombre assez faible au regard du nombre de maires en France – plusieurs dizaines de milliers. Pour un maire, donner une signature n’a aucun impact personnel tant que cette signature reste anonyme. Or, dĂšs que les noms des soutiens deviennent publics, les Ă©lus mettent leur tĂȘte en jeu. En effet, soutenir un candidat qui n’aura aucun poids peut avoir un impact nĂ©gatif non nĂ©gligeable sur la future carriĂšre politique d’un Ă©lu.

C’est en particulier le cas pour les candidats des extrĂȘmes. Si effectivement cela augmente la transparence, l’autre effet immĂ©diat est de permettre de clouer publiquement au piloris les Ă©lus ayant soutenu des candidats jugĂ©s « extrĂ©mistes ».

Évidemment, le but recherchĂ©, limiter les candidats, est atteint. Les candidats les plus extrĂȘmes ont beaucoup de mal Ă  obtenir des soutiens. Il en va de mĂȘme avec des candidats « loufoques » qui n’ont aucune chance. À la rigueur, cela peut se justifier dans ces cas-lĂ . Malheureusement, cela va plus loin. En effet, pour un maire qui a Ă©tĂ© Ă©lu le plus souvent avec le soutien d’un parti politique, il est extrĂȘmement difficile d’apporter un soutien Ă  une voix dissonante. Bon courage pour la suite de sa carriĂšre !


 et Effets de bord

De mon point de vue, cette mesure a favorisĂ© la consolidation du Front National, en Ă©liminant mĂ©caniquement toute tentative de concurrence. Il semblerait toutefois que cette tactique ait Ă©chouĂ© en 2022 : Marine Le Pen a maintenant deux adversaires qui vont lui « voler » des voix : Éric Zemmour et Nicolas Dupont-Aignan. Il n’est d’ailleurs du coup pas Ă©tonnant que Florian Philippot ait fait un « flop » en terme de signatures


De la mĂȘme maniĂšre, de l’autre cĂŽtĂ© du spectre, Jean-Luc MĂ©lenchon se retrouve avec trois Ă©pines dans le pied, mĂȘme s’ils « pĂšsent » moins que leurs Ă©quivalents Ă  droite : Nathalie Arthaud, Philippe Poutou et Fabien Roussel. On notera d’ailleurs que Christiane Taubira, qui aurait Ă©galement pu faire de l’ombre Ă  gauche, est loin d’avoir obtenu ses 500 signatures malgrĂ© une couverture mĂ©diatique correcte.

Le paramÚtre caché

Tout cela semble bien beau et logique. Pourtant, il existe un paramÚtre invisible qui détermine tout.

Comment un candidat se fait-il connaĂźtre ? Par les mĂ©dias, Ă©videmment. Ainsi, un candidat totalement inconnu qui se prĂ©sente comme une fleur a-t-il une chance d’obtenir ces parrainages ? Étudions le nombre de parrainages en fonction du temps d’antenne dans la pĂ©riode de rĂ©colte des signatures :

Nombre de parrainages en fonction du temps de parole du candidat et de ses soutiens (Ă©chelles logarithmiques, temps en secondes). En-dessous de 3h d’exposition dans les mĂ©dias, les candidats n’ont aucune chance d’obtenir les 500 parrainages nĂ©cessaires.
Sources : Arcom et Conseil Constitutionnel

Le constat est trĂšs clair : le nombre de parrainages est proportionnel au temps d’exposition du candidat et de ses soutiens.

Ce n’est pas une rĂšgle absolue, car on voit qu’il y a une zone d’indĂ©cision entre 10.000 secondes (environ 3 heures) et 100.000 secondes (30 heures) oĂč certains candidats peuvent tirer leur Ă©pingle du jeu. Cela peut ĂȘtre dĂ» Ă  leur anciennetĂ© en politique, Ă  un programme axĂ© sur un sujet absent chez les autres candidats, ou bien Ă  leur rĂ©elle popularitĂ©. D’autres s’en sortent moins bien dans cette zone.

En-dessous de 3 heures, il est clairement impossible d’obtenir les 500 parrainages nĂ©cessaires. Et au-delĂ  de 30 heures, les 500 parrainages sont garantis. Bien sĂ»r, cela peut rester tendu pour certains candidats, en particulier aux extrĂȘmes, Ă  cause de la publication des parrainages.

Une mesure farfelue qui en cache une autre

Ainsi, cette histoire de signatures est totalement grotesque. Et surtout, extrĂȘmement hypocrite. Pour ĂȘtre transparent, il suffirait de mettre le critĂšre suivant : obtenir 30h d’exposition dans les mĂ©dias en janvier et fĂ©vrier. Ce serait peut-ĂȘtre choquant pour le public, mais cela reflĂ©terait beaucoup plus la rĂ©alitĂ©.

Du coup, le constat est un peu effrayant. Dans notre « démocratie », ne peuvent se présenter à la Présidence de la République que les candidats ayant le soutien des milliardaires qui possÚdent les médias. Ceux-ci font donc une présélection, sans que jamais cette rÚgle ne soit écrite.

Par ailleurs, une partie des mĂ©dias sont possĂ©dĂ©s par l’État. On pourrait se dire que eux, au moins, donneraient une audience aux « sans voix ». Il faut pourtant se rendre Ă  l’Ă©vidence, les mĂ©dias d’Ă©tat filtrent tout autant. À croire que les donneurs d’ordre sont finalement exactement de la mĂȘme caste dans le public et dans le privĂ©.

Du coup, le CSA peut s’amuser Ă  jouer au gendarme jusqu’Ă  l’Ă©lection prĂ©sidentielle. C’est totalement inutile, dans la mesure oĂč les seuls candidats retenus Ă  ce stade sont dĂ©jĂ  ceux qui ont les faveurs des mĂ©dias. Il est dĂ©jĂ  trop tard, toutes les voix dissidentes ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© Ă©liminĂ©es.

Le piĂšge du premier tour

L’Ă©lection prĂ©sidentielle se joue actuellement Ă  deux tours. Au premier tour, chaque votant choisit un candidat et un seul. Il y a un choix assez large dans le spectre politique. Pourtant, certains candidats se ressemblent fortement.

Des galaxies


En 2022, je crois que nous n’avons jamais eu autant de clones qui se prĂ©sentent. Certains thĂšmes sont dĂ©cidĂ©ment sur-reprĂ©sentĂ©s par les candidats qui ont tirĂ© leur Ă©pingle du jeu.

Les galaxies :

  • Macron et son clone fĂ©minin PĂ©cresse dont la mĂ©diocritĂ© criante porterait presque Ă  sourire si elle n’Ă©tait pas celle ayant bĂ©nĂ©ficiĂ© de la plus grande exposition mĂ©diatique jusqu’Ă  prĂ©sent,
  • Le Pen et son clone Zemmour, ainsi que Dupont-Aignan dans une ligne lĂ©gĂšrement moins dure,
  • MĂ©lenchon et les communistes Ă  sa suite (Arthaud, Poutou, Roussel),
  • Hidalgo et son ombre Jadot sur un fond de toile vert et bordeaux,
  • le seul rescapĂ© de la purge mĂ©diatique, Lassalle


Au passage, les mĂ©dias continuent impunĂ©ment leur sĂ©lection arbitraire, en n’invitant pas par exemple Jean Lassalle dans la plupart des Ă©missions. « Ah, mais de toute façon c’est un clown qui fera Ă  peine 1 % ». Petite question : est-ce qu’il fait 1 % parce qu’il n’est pas prĂ©sentĂ© dans les mĂ©dias, ou bien est-ce qu’il n’est pas prĂ©sentĂ© dans les mĂ©dias parce qu’il est annoncĂ© dans les sondages Ă  1 % ? Une histoire de poule et d’Ɠuf



 et du vide

À l’inverse, certains pans majeurs des prĂ©occupations des Français ne sont pas du tout reprĂ©sentĂ©s.

Les sujets favoris des Français


Une Ă©tude de France Bleu s’est intĂ©ressĂ©e aux propositions citoyennes des Français et en a tirĂ© les principales prĂ©occupations. En toute premiĂšre position vient la « dĂ©mocratie », ce qui inclut la transparence de la vie publique, mais aussi la relocalisation de nos industries et la souverainetĂ© de la France.

Source : étude de France Bleu

 sont écartées

Or, la plupart de ces préoccupations sont maintenant absentes des propositions des candidats qui ont été présélectionnés par les médias.

Le vide :

  • les questions de transparence des Ă©lus, restaurer la confiance dans la politique, tout cela est totalement absent des dĂ©bats, mĂȘme Macron, qui avait hypocritement axĂ© sa campagne de 2017 sur le sujet, n’en parle plus,
  • le RIC, avec Clara Egger largement sous-exposĂ©e dans les mĂ©dias, alors que le RIC est plĂ©biscitĂ© par une trĂšs large majoritĂ© de Français, souvent Ă  plus de 70 %, cela Ă©tĂ© montrĂ© par tous les sondages sur le sujet
 et la seule candidate portant le projet a bĂ©nĂ©ficiĂ© de 20 minutes d’antenne en tout et pour tout en janvier et fĂ©vrier, Ă©videmment trĂšs loin des 3 heures fatidiques

  • la santĂ©, le systĂšme de soins et les infrastructures publiques sont totalement absents des dĂ©bats,
  • l’Ă©cologie, dont on ne peut pas vraiment dire qu’elle soit reprĂ©sentĂ©e par des candidats pastiches comme Hidalgo ou Jadot
 l’Ă©cologie devrait d’ailleurs ĂȘtre au cƓur des programmes de tous les candidats, mais c’est une autre affaire,
  • la souverainetĂ© nationale avec Asselineau, le seul Ă  avoir une ligne claire sur la sortie de l’UE et de l’OTAN, accompagnĂ© d’analyses gĂ©opolitiques trĂšs justes
 Lassalle ne fait clairement pas le poids dans le domaine, Dupont-Aignan en parle mais n’est pas aussi prĂ©cis – on peut douter qu’il sortirait rĂ©ellement de l’UE – et il n’est de toute façon jamais prĂ©sent dans les mĂ©dias,
  • les gilets jaunes, qui avaient pourtant plusieurs candidats et qui reprĂ©sentent une portion importante de la population,
  • les restrictions de libertĂ©s ont fait couler beaucoup d’encre lors de la crise de la covid, mais on n’en entend plus beaucoup parler Ă  moins de 2 mois de l’Ă©lection

L’omerta

Évidemment, d’autres sujets capitaux dont peu de gens se soucient et qui n’apparaissent jamais dans les mĂ©dias font l’objet d’une censure absolue.

Par exemple, le silence est assourdissant sur les rĂ©seaux pĂ©docriminels, qui impliquent trĂšs vraisemblablement de hauts responsables politiques. Et ce, malgrĂ© de nombreuses tentatives de Karl ZĂ©ro pour remettre le sujet sur la table. Comme pour les autres, il suffit qu’il ne passe pas dans les grands mĂ©dias pour le faire taire. Aucunement besoin de poison


Évidemment, personne ne parle jamais de crĂ©ation monĂ©taire. C’est pourtant le sujet le plus essentiel. En effet, c’est elle qui permet de financer les projets prĂ©sentĂ©s par les candidats. Un projet sans rĂ©flĂ©chir Ă  son financement est par avance mort-nĂ©. Pourtant, absolument personne ne remet en cause la crĂ©ation monĂ©taire par les banques privĂ©es. Ainsi, tout le monde est de facto d’accord pour que ce soit les banques qui dĂ©cident des projets qui verront rĂ©ellement le jour. Et ce, quel que soit le candidat qui gagnera l’Ă©lection.

Les sujets phares

Les mĂ©dias ne se contentent pas de mettre en avant des candidats. Ils ont Ă©galement une influence dĂ©terminante dans le façonnement de l’opinion publique en gĂ©nĂ©ral. En mettant en avant certains sujets plutĂŽt que d’autres, ils tournent les tĂȘtes vers tel ou tel sujet. Et bien sĂ»r, ils vont tourner les tĂȘtes vers les sujets qui les arrangent.

En pĂ©riode Ă©lectorale, c’est d’autant plus crucial que chaque candidat a un certain nombre de sujets de prĂ©dilection. Ainsi, multiplier les reportages sur l’insĂ©curitĂ©, par exemple, fait mĂ©caniquement le jeu de l’extrĂȘme droite, sans jamais mentionner leurs candidats. Cela n’est Ă©videmment pas pris en compte par l’Arcom (ex-CSA).

Parler d’un sujet n’est d’ailleurs pas suffisant. La maniĂšre dont le sujet est traitĂ© est Ă©galement primordiale. Par exemple, cet article de l’Express – propriĂ©tĂ© de Patrick Drahi
 – sur le RIC qui traite le sujet de maniĂšre plutĂŽt
 orientĂ©e. C’est le moins qu’on puisse dire. Évidemment, nos chers milliardaires seraient un peu embarrassĂ©s si le peuple pouvait obtenir un peu plus de pouvoir.

Non, les mĂ©dias ne doivent surtout pas parler des sujets qui rassemblent. Au contraire, ils doivent absolument diviser, se faire caisses de rĂ©sonances des fractures sociales, monter les gens les uns contre les autres. C’est lĂ  tout le pouvoir de l’Ă©lection de « partis ».

PrĂ©parer l’opinion

Les prophéties

Les gens de pouvoir aiment les prophĂ©ties. En 2014, Jacques Attali indiquait nonchalamment que Macron, « un garçon trĂšs brillant », Ă©tait un bon Ă©lĂšve « prĂ©sidentiable ». Ce Ă  quoi il a rajoutĂ© en riant : « J’irais mĂȘme plus loin. Je crois que je connais celle qui viendra aprĂšs lui ».

Or, il se trouve que ValĂ©rie PĂ©cresse est passĂ©e comme Macron par le cursus des « Young Leaders », ces « talents prĂ©sidentiables » recrutĂ©s par les Ă©lites. Et elle est celle qui a effectivement la plus grande exposition mĂ©diatique depuis janvier lorsqu’on compte Ă©galement ses soutiens
 On voit une sorte de trame bien ficelĂ©e se dĂ©rouler sous nos yeux.

Les sondages

Les sondages d’opinion, pour l’essentiel eux-aussi financĂ©s par exactement les mĂȘmes qui possĂšdent les mĂ©dias, sont un autre instrument, une autre maille du filet prĂ©sidentiel. En effet, s’ils sont censĂ©s recueillir l’opinion du moment, ils forgent Ă©galement l’opinion future. Ils sont consultĂ©s par une large portion de la population, et permettent aux hĂ©sitants de faire un choix final. Or, dans la prĂ©sidentielle, il suffit de quelques petits pourcents, quelques centaines de milliers de votes, pour tout faire basculer.

Bien sĂ»r, lorsqu’Attali lĂąche une bombe en direct en indiquant les futurs prĂ©sidents, il fait une prophĂ©tie. Mais les sondages, en manipulant l’opinion, vont plus loin puisqu’ils influencent Ă  grande Ă©chelle le cours de l’histoire. Ils font des prophĂ©ties auto-rĂ©alisatrices.

Le « vote utile »

Les sondages sont particuliĂšrement influents lors du premier tour de l’Ă©lection prĂ©sidentielle. En effet, chaque votant ne peut choisir qu’un seul candidat. Peu importe ses prĂ©fĂ©rences pour les autres candidats, il n’a droit qu’Ă  un seul. Ainsi, un votant « de droite » a le choix entre Macron et PĂ©cresse. Am-stram-gram. De mĂȘme, le votant « de gauche » a un peu l’embarras du choix cette annĂ©e.

Bien Ă©videmment, les inconditionnels de tel ou tel candidat ne vont probablement pas changer d’avis Ă  cause d’un sondage. Seuls les indĂ©cis sont mallĂ©ables. Mais dans le cas d’un duel Ă©quilibrĂ©, ce sont bien ces derniers qui ont le dernier mot.

Au premier tour, les Ă©lecteurs sont priĂ©s de ne pas « gaspiller » leur vote pour un candidat « qui n’a aucune chance ». Ainsi, plutĂŽt que de voter en fonction de leurs opinions, ils vont voter pour un candidat « qui leur dĂ©plaĂźt le moins » parce qu’il a plus de chances de l’emporter
 selon les sondages. Curieuse maniĂšre de choisir un prĂ©sident !

Le piĂšge du deuxiĂšme tour

Une fois le premier tour terminĂ©, il ne reste que deux candidats en lice. Inutile de dire que, pour la majoritĂ© des Français, il s’agira d’une dĂ©ception. En effet, ces deux candidats rĂ©unissent gĂ©nĂ©ralement Ă  eux deux environ 40 % des suffrages au premier tour, mĂȘme pas la majoritĂ©. 60 % des Français sont des laissĂ©s-pour-compte.

La confusion

Cette fois, ce systĂšme provoque une confusion tant au sein des partis qui n’ont pas gagnĂ© que dans la tĂȘte des Ă©lecteurs. Eh oui, les chefs des diffĂ©rents partis perdants donnent alors des « conseils de vote » Ă  leurs troupes. GĂ©nĂ©ralement, ils se prennent des volĂ©es de bois vert quel que soit leur choix. Au pire, ils courent Ă  droite et Ă  gauche, faisant des alliances sans queue ni tĂȘte, avec l’espoir de se faire des amis dans le camp gagnant pour les 5 annĂ©es Ă  venir. Et ils n’ont qu’une seule semaine pour sceller ces alliances, autant dire qu’on assiste Ă  un bal des plus comiques.

Certains se compromettent pour longtemps en faisant alliance avec des candidats sans en mesurer les consĂ©quences. Nicolas Dupont-Aignan s’est ainsi « grillĂ© », pour ainsi dire, en nĂ©gociant un futur poste de ministre avec Marine Le Pen lors des Ă©lections de 2017. Beaucoup l’ont abandonnĂ© alors – et s’en rappellent encore aujourd’hui.

Pour les Ă©lecteurs, la situation n’est pas bien meilleure. MalgrĂ© tout, gĂ©nĂ©ralement il y a un candidat « de droite » et un « de gauche », et la France coupĂ©e en deux se rabat vers celui vers lequel elle penche le plus. Mais toujours en faisant des compromis scabreux, pour ne pas dire des compromissions. Dans tous les cas, beaucoup vont au bureau de vote Ă  reculons.

Voter « contre »

Et puis, il y a les cas un peu particuliers comme en 2017, avec Emmanuel Macron d’un cĂŽtĂ© et Marine Le Pen de l’autre. Exactement la mĂȘme situation qu’en 2002 avec le duel Chirac – Le Pen. Tout le monde crie alors au « barrage contre le fascisme ». Il semblerait en l’occurrence qu’en 2017, il n’y avait pas tant de diffĂ©rences que ça entre les deux candidats.

Pour rappel, Macron a quelques casseroles avec des remarques racistes que mĂȘme la « fasciste » de service n’aurait probablement pas osĂ© profĂ©rer en public. Par ailleurs, il ne s’est pas privĂ© de jouer Ă  l’autocrate en matant toute rĂ©volte plutĂŽt que de nĂ©gocier avec le peuple. Non, je n’appelle pas Ă  voter Marine ! Je fais simplement un constat des faits. Un fascisme peut en cacher un autre.

Dans tous les cas, cette situation amÚne une grande majorité à « voter contre » le candidat « à bloquer », plutÎt que « pour » la personne qui va prendre toutes les décisions à votre place pour votre pays pendant les cinq prochaines années. Alors, un communiste va préférer voter à droite que de laisser passer le fascisme. Bravo la démocratie ! De qui se moque-t-on ?

Il serait amusant d’assister Ă  un duel Le Pen – Zemmour au deuxiĂšme tour cette annĂ©e, cela pourrait ĂȘtre sacrĂ©ment comique ! Le pire Ă©tant que c’est parfaitement possible statistiquement.

Les contrĂŽles des votes

Dans beaucoup de pays, on peut douter de l’exactitude des rĂ©sultats. En effet, il est possible de tricher sur le nombre de votes pour tel ou tel candidat Ă  beaucoup de niveaux.

Le bureau de vote

En France, la partie la plus proche des citoyens, le bureau de vote, est trĂšs contrĂŽlĂ©. En particulier, ceux qui dĂ©pouillent sont de partis diffĂ©rents et se surveillent mutuellement. C’est une fiertĂ© française, car cela limite l’un des modes de fraude Ă©lectorale les plus simples : le « bourrage » d’urnes. En effet, lorsque de multiples yeux sont braquĂ©s en permanence vers l’urne et les petites enveloppes, difficile d’en substituer une large portion par de faux votes.

Un autre Ă©lĂ©ment essentiel est l’isoloir, qui permet d’enlever toute pression des pairs au moment du vote.

En France, on estime gĂ©nĂ©ralement qu’il est difficile de tricher, tout simplement parce que la partie la plus visible, le bureau de vote, est jugĂ© « trĂšs sĂ»r ». Mais on oublie trop souvent que le bureau de vote n’est qu’un petit maillon de la chaĂźne Ă©lectorale.

PrĂ©parer l’opinion

Or, la fraude ne commence pas du tout avec le vote lui-mĂȘme. Elle peut ĂȘtre prĂ©parĂ©e par de multiples moyens bien avant.

On a dĂ©jĂ  vu que la propagande mĂ©diatique et les sondages sont des instruments essentiels de fraude forge de l’opinion. Avec les nouvelles technologies, d’autres outils Ă©mergent pour manipuler encore davantage le public.

Des entreprises comme Facebook ou Google ont un poids grandissant dans la fabrique des avis populaires. Un lanceur d’alertes a par exemple prĂ©venu que Google changeait les rĂ©sultats de recherche pour manipuler l’Ă©lection aux États-Unis. De la mĂȘme maniĂšre, Facebook peut parfaitement favoriser certains contenus pour soutenir tel ou tel candidat.

D’autre part, les rĂ©seaux sociaux sont devenus un outil formidable pour rĂ©colter des informations sur les Ă©lecteurs. Facebook affirme qu’il suffit Ă  un utilisateur de laisser plus de 70 « likes » pour le connaĂźtre mieux que ses amis. Avec 300 « likes » ou plus, Facebook le connaĂźt encore mieux que son conjoint, voire mieux qu’il ne se connaĂźt lui-mĂȘme !

On sait alors quels quartiers d’une ville seront plus susceptibles de changer d’opinion lors d’une campagne de porte-Ă -porte, ou encore d’appels tĂ©lĂ©phoniques. Emmanuel Macron a fait appel pour sa campagne de 2017 Ă  un cabinet spĂ©cialisĂ© dans le domaine : SelfContact.

Faux Ă©lecteurs, procurations


En plus des techniques de manipulation de l’opinion, la triche reste parfaitement possible, en particulier en amont de la chaĂźne. Cela peut se faire en ajoutant de faux Ă©lecteurs Ă  la liste Ă©lectorale comme les morts ou mĂȘme des personnes imaginaires, utiliser des procurations pour faire voter des non votants, etc. On peut mĂȘme acheter des votes auprĂšs de populations peu regardantes sur l’Ă©thique et en manque de monnaie


En 2017, beaucoup d’Ă©lecteurs se sont vus radiĂ©s des listes sans aucune notification prĂ©alable. On parle lĂ  de dizaines de milliers d’Ă©lecteurs. Des mauvaises langues murmurent qu’il s’agissait d’une purge pour diminuer les chiffres de l’abstention. Par ailleurs, certains Ă©lecteurs ont parfois la possibilitĂ© de voter deux fois
 on parle d’environ 500.000 doublons en 2017.

Les référendums

Le rĂ©fĂ©rendum, oĂč il ne s’agit pas de voter pour une personne, mais pour un sujet, est un peu Ă  part. En effet, la question posĂ©e lors d’un rĂ©fĂ©rendum est particuliĂšrement importante car elle peut induire psychologiquement les indĂ©cis Ă  pencher d’un cĂŽtĂ© ou de l’autre de la balance.

Un contre-exemple flagrant est le vote de ralliement de l’Autriche au TroisiĂšme Reich en 1938 :

Alors, đ•”đ–† ou đ”‘đ”ąđ”Šđ”« – avec le pistolet sur la tempe -, mon cƓur balance. Sans surprise, le rĂ©sultat a Ă©tĂ© 99 % de « oui ».

Mais il y a plus subtil. Par exemple, lors du rĂ©fĂ©rendum sur le Brexit au Royaume Uni, une commission a Ă©crit un document de 53 pages pour expliquer qu’il fallait changer la question envisagĂ©e. La question d’origine Ă©tait :

Le Royaume Uni doit-il rester membre de l’Union EuropĂ©enne ?

AprÚs modification, la question a été changée en :

Le Royaume Uni doit-il rester membre de l’Union EuropĂ©enne, ou bien quitter l’Union EuropĂ©enne ?

Au passage, mĂȘme la deuxiĂšme formulation n’est pas totalement neutre Ă  cause du placement des deux possibilitĂ©s. Qui sait, lorsque le score est extrĂȘmement serrĂ© dans l’opinion entre les deux options, l’ordre peut avoir un effet dĂ©cisif.

On pourrait parfaitement imaginer imprimer la moitiĂ© des bulletins avec une formulation et l’autre avec la formulation inversĂ©e
 mais cela poserait des problĂšmes d’erreurs au dĂ©pouillement.

Les médias et les questions

Pourquoi mentionner les questions lors des rĂ©fĂ©rendums alors que cet article parle de l’Ă©lection prĂ©sidentielle ? Tout simplement parce que, lors de leurs passages dans les mĂ©dias, les candidats sont soumis Ă  des questions de la part des animateurs et journalistes.

Évidemment, certaines techniques simples peuvent dĂ©crĂ©dibiliser un candidat. Par exemple, lui poser des questions totalement Ă  cĂŽtĂ© de ses sujets favoris ou du fer de lance de sa campagne. Orienter les questions de maniĂšre Ă  ce que ses rĂ©ponses attendues paraissent loufoque. Ne pas lui laisser le temps d’expliquer pourquoi ses rĂ©ponses diffĂšrent de ce que l’on attendait. Tout l’arsenal de manipulation est Ă  disposition. À lire impĂ©rativement sur le sujet « L’art d’avoir toujours raison » de Schopenhauer.

L’aprĂšs


Autant le bureau de vote en France est extrĂȘmement contrĂŽlĂ©, autant la suite de la chaĂźne est assez opaque. Il n’y a en tout cas quasiment jamais de communication dessus. C’est « de la technique », qu’on laisse aux experts. Tout cela est ensuite publiĂ© en accĂšs libre sur le portail gouvernemental. 

Chacun est invitĂ© par exemple Ă  vĂ©rifier que les rĂ©sultats prĂ©sentĂ©s en prĂ©fecture, qui sont des agrĂ©gĂ©s des rĂ©sultats des diffĂ©rents bureaux de votes, correspondent bien Ă  ce qui est attendu. Mais qui le fait vraiment ? Des anomalies sont souvent relevĂ©es par des voix, mais ces voix ne portent jamais. LĂ  encore, pas besoin d’une balle dans la tĂȘte.

Les moyens alternatifs

Les choses se compliquent encore davantage lorsqu’on autorise le vote Ă  distance par courrier. Hors des clous des bureaux de vote hyper contrĂŽlĂ©s, la fraude peut exploser tranquillement.

Quant au vote Ă©lectronique, Ă  moins d’avoir un systĂšme dont le code source est publiĂ© et vĂ©rifiable, il y a toujours des tas de moyens de tricher. Les États-Unis sont devenus assez connus pour le flou entourant le vote Ă©lectronique, avec des soupçons de fraude massive quasiment Ă  chaque Ă©lection.

Conclusion sur le systĂšme actuel

Ce sont les médias qui sélectionnent les candidats finalistes lors de la campagne. En fonction de leur popularité auprÚs des différents médias, chaque candidat est également passé par un filtre plus ou moins positif et avec une exposition différente. Nos « élus » sont donc choisis, sélectionnés, filtrés, et finalement élus, par 10 milliardaires.

Les instances censĂ©es veiller Ă  l’Ă©galitĂ© des temps de parole dans les mĂ©dias, les seules Ă  pouvoir Ă©ventuellement rĂ©tablir l’Ă©quilibre, ne sont que des coquilles vides. Plus exactement, elles sont des hochets que les « dĂ©mocrates » peuvent brandir Ă  tout moment pour indiquer que tout va pour le mieux.

Clara Egger reprĂ©sente un projet plĂ©biscitĂ© par plus de 70 % des Français, le RĂ©fĂ©rendum d’Initiative Citoyenne. On peut difficilement en dire autant de toutes les autres mesures portĂ©es par les candidats en lice. Mais le RIC signifierait une perte Ă©norme de pouvoir pour les oligarques français. Il serait totalement inadmissible pour ces derniers que le RIC entre dans les dĂ©bats lors de la campagne prĂ©sidentielle. Ainsi, il est trĂšs facile pour eux d’Ă©liminer de telles voix dangereuses dĂšs le dĂ©part.

Mais cela ne s’arrĂȘte pas lĂ . Une fois Ă©lu, le peuple n’a absolument aucun moyen de lutter contre les dĂ©cisions prises par cette personne qui ne reprĂ©sente qu’une petite fraction de la population.

Le peuple n’a aucun pouvoir

Rectifions. Les Ă©lus « reprĂ©sentent » le peuple sur le papier, mais dans la rĂ©alitĂ©, le PrĂ©sident prend des dĂ©cisions qui l’arrangent
 ou qui arrangent ses amis. Il prend toute action qui bĂ©nĂ©ficie au cercle de ceux qui l’ont Ă©lu. Car il sait parfaitement que ce n’est pas le peuple qui l’a choisi. Ce sont les mĂ©dias. Et il sait qu’il en sera de mĂȘme aux prochaines Ă©lections.

Emmanuel Macron, avec moins de 30 % d’approbation dans la population au cƓur de son mandat, de l’aveu mĂȘme des sondages payĂ©s par ses propres amis, ose mĂȘme se reprĂ©senter Ă  l’Ă©lection, avec une exposition mĂ©diatique consĂ©quente. OĂč est la reprĂ©sentativitĂ© ? En rĂ©alitĂ© il a Ă©tĂ© Ă©lu au premier tour en 2017 avec 28 % des voix. Et forcĂ©ment pas beaucoup plus au deuxiĂšme tour en rĂ©alitĂ©. Non seulement il n’est pas reprĂ©sentatif des Français, mais il ne reprĂ©sente mĂȘme pas un tiers d’entre eux.

Le peuple n’a qu’Ă  se taire. Ah, Ă©videmment, il peut parler. Le bla-bla n’est jamais vraiment dangereux s’il n’est pas accompagnĂ© d’actes concrets. Et si les plus exaspĂ©rĂ©s daignent montrer un peu les crocs, les milices armĂ©es du Gouvernement leur rĂšglent violemment leur compte. Comme disait Guillemin : « Silence aux pauvres ! À la niche, une bonne fois, les gens de rien !»

Les alternatives

Critiquer sans proposer de solution est rarement constructif.

La critique est toutefois nĂ©cessaire pour que nous ayons conscience de la rĂ©alitĂ©. Pourquoi donc chercher des alternatives Ă  ce qui serait dĂ©jĂ  parfait ? Comprendre les limites et les failles de l’existant est d’autant plus important que cela Ă©vite de reproduire nos erreurs.

Dans le cas particulier de l’Ă©lection prĂ©sidentielle, il y a tellement de facteurs Ă  revoir que la tĂąche semble bien ardue. Voyons quelques amĂ©liorations que l’on pourrait envisager. Il y en a d’autres, mais j’ai retenu ici les principales, par ordre croissant d’impact.

Prendre en compte les votes blancs

Avec le systĂšme actuel, les votes blancs, ainsi que l’abstention, ne comptent pas pour obtenir la « majoritĂ© absolue ». Ainsi, en thĂ©orie, si seulement un seul Français se rendait aux urnes le jour de l’Ă©lection et votait pour le candidat X, le soir mĂȘme tous les mĂ©dias reprendraient en chƓur que le candidat X a Ă©tĂ© Ă©lu avec 100 % des voix. C’est totalement absurde !

L’abstention est comptabilisĂ©e, mais est totalement ignorĂ©e ensuite par les mĂ©dias lors de l’annonce des rĂ©sultats. Dans tous les cas, elle ne change strictement rien concrĂštement. Il en va de mĂȘme aujourd’hui pour les votes blanc. Ils sont comptabilisĂ©s, mais ils n’interviennent pas pour calculer la majoritĂ©.

Il faudrait impĂ©rativement, en considĂ©rant que l’on garde le systĂšme actuel, avoir un quorum sur l’Ă©lection, en prenant en compte les votes blancs. Et de mon point de vue, l’abstention Ă©galement. Dans le cas oĂč la majoritĂ© absolue ne serait pas atteinte, il faudrait refaire une Ă©lection complĂšte en repartant Ă  zĂ©ro. Et Ă©videmment, aucun candidat s’Ă©tant prĂ©sentĂ© au premier passage n’aurait le droit de se reprĂ©senter. Eh oui, tous ces candidats ont en rĂ©alitĂ© Ă©tĂ© rejetĂ©s par les Ă©lecteurs, qui n’ont pas voulu d’eux. Cela changerait totalement la donne. Il faudrait d’ailleurs faire de mĂȘme lors des autres Ă©lections.

Un changement mineur


Prendre en compte les votes blancs avec un quorum serait totalement insuffisant pour rendre rĂ©ellement le pouvoir au peuple. MalgrĂ© tout, un changement en apparence aussi mineur aurait un impact significatif sur tout le processus de l’Ă©lection. En effet, imaginons un instant qu’en 2017 il ait Ă©tĂ© appliquĂ©.

Voici le rĂ©sultat du vote au deuxiĂšme tour tel qu’il nous a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© dans tous les mĂ©dias :

RĂ©sultat du 2Ăšme tour de l’Ă©lection prĂ©sidentielle de 2017, sans tenir compte de l’abstention ni des votes blancs et nuls.

 aux conséquences majeures

Mais le tableau est totalement diffĂ©rent lorsqu’on considĂšre l’abstention ainsi que les votes blancs et nuls :

RĂ©sultat du deuxiĂšme tour de l’Ă©lection prĂ©sidentielle de 2017 en prenant en compte l’abstention ainsi que les bulletins blancs et nuls.

En rĂ©alitĂ©, Emmanuel Macron n’a pas du tout obtenu la majoritĂ© des votes de l’ensemble du corps Ă©lectoral. Bien sĂ»r, on peut arguer que les abstentionnistes n’avaient qu’Ă  aller voter. Imaginons un instant que le vote blanc soit en rĂ©alitĂ© comptabilisĂ© dans les rĂ©sultats finaux. Imaginons Ă©galement que les abstentionnistes aient tous votĂ© blanc, ce qui ne serait pas si farfelu. L’Ă©lection aurait Ă©tĂ© invalidĂ©e car aucun des deux candidats n’auraient atteint les 50 % nĂ©cessaires.

Poussons le raisonnement plus loin. En effet, la grande majoritĂ© de ceux qui ont votĂ© pour Emmanuel Macron n’ont en rĂ©alitĂ© pas votĂ© « pour » lui, mais « contre » Marine Le Pen. Mais si les votes blancs comptaient rĂ©ellement, la logique de ces Ă©lecteurs auraient Ă©tĂ© diffĂ©rente. PlutĂŽt que de voter « contre », ils auraient votĂ© blanc, s’assurant de toute façon que Marine Le Pen n’aurait pas obtenu non plus les 50 % nĂ©cessaires.

Ce simple changement aurait pu invalider l’Ă©lection. Et s’il avait fallu tout recommencer, cette fois avec des candidats diffĂ©rents ?

Appliquer la parité des temps de parole

Il ne s’agit pas ici de prĂ©senter une idĂ©e totalement folle, une nouveautĂ© disruptive, une mesure scandaleuse. Mais seulement de respecter rĂ©ellement ce qui nous est prĂ©sentĂ© comme ce qui existe dĂ©jĂ .

Bien Ă©videmment, les temps de parole devraient ĂȘtre respectĂ©s Ă  stricte Ă©galitĂ© de temps. La rĂšgle actuelle qui est censĂ©e se baser sur le « poids » d’un candidat est biaisĂ©e et inapplicable, surtout pour les candidats qui n’ont jamais Ă©tĂ© prĂ©sents. Non, il faut laisser la parole Ă  chacun, Ă  Ă©galitĂ©. Les gens, et les maires en tout premier lieu, se rendront vite compte des candidats loufoques.

Il y a fort Ă  gager que si Clara Egger avait eu le mĂȘme temps de parole qu’Éric Zemmour, elle avait toutes ses chances d’obtenir ses parrainages. Les maires ont tout Ă  gagner avec le RIC, car les citoyens sont gĂ©nĂ©ralement plus proches de leur maire que du PrĂ©sident de la RĂ©publique. Ils exigeraient plus de pouvoir pour les maires, se battraient pour les zones rurales oubliĂ©es, demanderaient des lois et des mesures pour relocaliser et redonner des moyens aux communes. Il me semble qu’il s’agit lĂ  d’Ă©vidences.

Changer le mode de scrutin

Une autre mesure simple pourrait ĂȘtre mise en place, qui permettrait d’ĂȘtre beaucoup plus « juste » : se dĂ©barrasser du systĂšme de majoritĂ© absolue Ă  deux tours. En effet, le systĂšme Ă  deux tours provoque comme on l’a vu des attitudes totalement contre-productives, tant au niveau des Ă©lecteurs que des partis : vote utile, alliances contre nature, vote de barrage, etc.

Il existe une alternative simple, qui respecte les choix de chacun : le jugement majoritaire. Pour comprendre de quoi il s’agit, cette vidĂ©o l’explique en 3 minutes :

Pour ceux qui veulent aller plus loin, je ne peux que conseiller cette vidéo :

Ce serait un changement assez simple Ă  mettre en Ɠuvre, finalement. Par ailleurs, il n’y aurait pas deux tours Ă  faire ce qui simplifierait les choses pour tout le monde.

Il y a Ă©galement d’autres systĂšmes, comme le scrutin de Condorcet randomisĂ©. Le jugement majoritaire a l’avantage d’ĂȘtre extrĂȘmement simple Ă  comprendre, et rĂ©sout dĂ©jĂ  les principaux problĂšmes du systĂšme actuel. Alors, qu’est-ce qu’on attend ?

Le RIC

Le RIC permet d’introduire le ver dans la pomme, sans pour autant changer toute la pomme. Avec un RIC en toutes matiĂšres, il devient possible de :

  • proposer des nouvelles lois en faveur de la population et plus seulement des Ă©lites,
  • supprimer ou modifier des lois qui vont Ă  l’encontre des intĂ©rĂȘts du peuple,
  • modifier la Constitution pour rendre petit-Ă -petit, article aprĂšs article, le pouvoir au peuple dans tous les pans de l’exercice du pouvoir,
  • rĂ©voquer un Ă©lu qui aurait trahi le peuple,
  • contrĂŽler les mĂ©dias et l’information en gĂ©nĂ©ral, au lieu de laisser une poignĂ©e d’oligarques nous dicter leurs volontĂ©s,
  • etc.

À terme, le RIC permettrait de totalement rĂ©former les institutions, car il serait facile pour le peuple de faire voter des lois ou des changements dans la Constitution qui Ă©roderait progressivement le pouvoir tout-puissant des Ă©lus. Supprimer les pantouflages. Enfin lutter contre l’Ă©vasion fiscale. Relocaliser nos industries. Et surtout, augmenter le contrĂŽle citoyen contre la corruption et les abus des Ă©lus.

Conclusion

Loin d’ĂȘtre une dĂ©mocratie, la France est une oligarchie.

L’Ă©lection prĂ©sidentielle est tout sauf dĂ©mocratique. Elle est manipulable Ă  souhait par les puissants. Dans les faits, ce sont les quelques oligarques possĂ©dant les mĂ©dias qui Ă©lisent le nouveau prĂ©sident, triĂ© sur le volet parmi un panel de « prĂ©sidentiables acceptables ». De fait, le nouvel Ă©lu n’a aucune marge de manƓuvre : il doit suivre les lignes directrices de ses bienfaiteurs.

Pire encore, une fois Ă©lu, le PrĂ©sident a les pleins pouvoirs pendant 5 ans. Quelles que soient ses dĂ©cisions, le peuple est totalement impuissant. Au cas oĂč il se soulĂšverait, la seule rĂ©ponse est la rĂ©pression violente.

Il existe pourtant des solutions simples pour rendre tout cela un peu plus « dĂ©mocratique ». Si le peuple avait ne serait-ce mĂȘme qu’un tout petit peu de pouvoir, le RIC, plĂ©biscitĂ© par une trĂšs large majoritĂ© de Français, aurait Ă©tĂ© mis en place il y a belle lurette. Preuve s’il en fallait encore une que nous ne sommes pas du tout en dĂ©mocratie.

Post-scriptum

Ce texte clairement Ă  charge contre l’Ă©lection prĂ©sidentielle n’est pas une invitation Ă  l’abstention ou au vote blanc. Je ne fais que prĂ©senter l’Ă©tat des choses. À chacun ensuite de dĂ©cider pour lui-mĂȘme les conclusions qu’il doit en tirer.

Comprendre le conflit en Ukraine

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Introduction

Les infos se dĂ©chaĂźnent sur l’Ukraine. Ce qui se passe est trĂšs caractĂ©ristique du monde d’aujourd’hui : cela divise les gens. D’un cĂŽtĂ©, on clame que Poutine est le nouveau Staline opprimant les Ukrainiens. De l’autre, on raconte que Poutine nous sauve des nĂ©o-nazis ukrainiens.

Mais dans le fond, il ne s’agit en fait que d’une ĂšniĂšme guerre par procuration entre la Russie et les États-Unis d’AmĂ©rique.

La Russie ? Évidemment, elle est limitrophe de l’Ukraine. Mais les AmĂ©ricains ? Vraiment ? Qu’est-ce qu’ils feraient donc si loin de leur patrie ?

La géopolitique, la guerre et la manipulation

La géopolitique est toujours complexe. La guerre, en revanche, rend tout noir et blanc. Les médias se transforment immédiatement en outils de propagande. Ils « informent » le public pour pointer du doigt les méchants (eux) et les gentils (nous).

Bien sĂ»r, la piĂšce de monnaie a toujours deux faces. Les « gentils » d’un cĂŽtĂ© sont les mĂ©chants de l’autre, et vice-versa.

Et pourtant, ce n’est jamais ni noir ni blanc.

La PremiĂšre Guerre Mondiale a dĂ©marrĂ© soit-disant par l’assassinat de l’archiduc d’Autriche. Mais dĂšs qu’on s’intĂ©resse d’un peu plus prĂšs aux circonstances qui ont menĂ© Ă  la guerre, on se rend tout de suite compte que c’Ă©tait beaucoup plus complexe que cela. La situation Ă©tait dĂ©jĂ  explosive, et cet Ă©vĂ©nement n’a Ă©tĂ© qu’une petite Ă©tincelle qui a tout embrasĂ©.

On peut en dire autant de la DeuxiĂšme Guerre Mondiale. Pour la comprendre, il faut se renseigner sur le contexte. Y compris les consĂ©quences des traitĂ©s de paix signĂ©s Ă  la fin de la premiĂšre, la crise Ă©conomique des annĂ©es 1930, les tensions existantes entre les diffĂ©rents peuples d’Europe, l’inaction de la France et de la Grande-Bretagne avant qu’il ne soit trop tard, et bien d’autres facteurs.

La guerre en Syrie est un autre exemple de complexitĂ© gĂ©opolitique. Le pĂ©trole. Les intĂ©rĂȘts Ă©conomiques divers. Des cultures et religions diffĂ©rentes qui cohabitent. Des relations prĂ©existantes entre les diffĂ©rents pays de la rĂ©gion, mais aussi Ă  l’international, comme celles entre la Syrie et la Russie.

Ce n’est pas diffĂ©rent pour la crise ukrainienne.

Les ressources de l’Ukraine

L’Ukraine est un trĂšs grand pays en superficie. C’est Ă©galement un partenaire Ă©conomique extrĂȘmement important pour quiconque arrive Ă  nĂ©gocier des partenariats. Elle est trĂšs riche en ressources naturelles, et a les industries qui permettent de transformer ces matiĂšres premiĂšres en produits finis. Cerise sur le gĂąteau, elle bĂ©nĂ©ficie d’un climat trĂšs propice et beaucoup d’eau, qui devient une ressource de plus en plus prĂ©cieuse.

Par ailleurs, sa situation gĂ©ographique en fait un passage obligĂ© pour du transit Ă©conomique, en particulier le gaz russe en direction de l’Europe.

Gazoducs russes amenant le gaz en Europe par l’Ukraine

C’est un tampon entre l’Europe et la Russie. Avec la crise Ă©nergĂ©tique en Europe, son importance est de plus en plus cruciale pour l’Europe.

L’Ukraine est riche en eau. Sais-tu, lecteur, que l’Ukraine a coupĂ© la source principale d’eau potable de la CrimĂ©e lorsque celle-ci a dĂ©clarĂ© son indĂ©pendance en 2014 ? Le barrage mis en place par les Ukrainiens a Ă©tĂ© l’une des toutes premiĂšres cibles lors de l’invasion russe pour rĂ©tablir l’eau en CrimĂ©e.

À cause de tous ces Ă©lĂ©ments, il est Ă©vident que l’Ukraine est un pays d’une importance capitale stratĂ©giquement. Quiconque la contrĂŽle ou s’en fait une alliĂ©e gagne considĂ©rablement en pouvoir. Mais pour comprendre ce qui se passe avec son invasion par la Russie, il est nĂ©cessaire de connaĂźtre aussi l’histoire de ces deux pays.

L’URSS, la Russie et l’OTAN

L’OTAN (Organisation Transatlantique de l’Atlantique Nord, NATO en anglais) ne s’est pas crĂ©Ă©e d’un coup. Il y a d’abord, au sortir de la DeuxiĂšme Guerre Mondiale une sĂ©rie de traitĂ©s entre pays europĂ©ens. Les deux craintes majeures Ă©taient un rĂ©veil de l’Allemagne nazie, d’une part, et une attaque de la part du bloc communiste, d’autre part. Finalement, les États-Unis entrent dans la danse et vont forger la direction principale suivie par l’OTAN : crĂ©er une union pour contrer le Pacte de Varsovie.

En effet, dans le camp communiste, l’URSS et les pays du bloc de l’est sont liĂ©s par ce pacte d’assistance militaire mutuelle. Voici Ă  quoi ressemblaient les deux blocs en 1990, juste avant la dissolution de l’URSS :

Lors de l’effondrement de l’URSS en 1991, les anciens pays du bloc de l’est obtiennent enfin leur indĂ©pendance. Des pays qui existaient avant l’URSS, comme l’Ukraine, la BiĂ©lorussie et les trois pays baltes, renaissent de leurs cendres. Pour acter la dĂ©faite du communisme, la Russie perd des portions de territoire Ă©normes. Et ce tant Ă  l’ouest du cĂŽtĂ© europĂ©en qu’en Asie oĂč le territoire immense du Kazakhstan ainsi que d’autres rĂ©publiques sont maintenant indĂ©pendants.

DĂ©coupage de l’URSS aprĂšs sa chute

Je pense que le dĂ©coupage de l’Ă©poque est Ă  la source de la crise que nous vivons aujourd’hui. Nous y reviendrons.

Les années 1990

Les annĂ©es 1990 sont des annĂ©es trĂšs sombres pour la Russie. La corruption est rampante et ronge le pays. La privatisation de l’ensemble du territoire est un terrain de jeu pour les oligarques qui achĂštent des villes entiĂšres, et se disputent des quartiers Ă  coups de tanks.

Dans le mĂȘme temps, la situation de la population est extrĂȘmement prĂ©caire. L’inflation tue le pouvoir d’achat, les gens n’ont mĂȘme pas de quoi se nourrir. Et, par-dessus tout, le prĂ©sident Eltsine, poivrot invĂ©tĂ©rĂ©, est la risĂ©e du monde entier.

Eltsine ivre, tentant de dĂ©livrer un discours, dĂ©clenchant l’hilaritĂ© de Bill Clinton.

C’Ă©tait Ă©galement des temps difficiles pour tous les pays et nouvelles rĂ©publiques qui venaient de gagner leur indĂ©pendance. Elles Ă©taient souvent dans des Ă©tats Ă©conomiques catastrophiques. Sur le long terme, certaines d’entre-elles ont fini par s’en sortir trĂšs convenablement. D’autres sont encore rongĂ©es par la corruption. C’est mĂȘme le cas pour des pays qui ont rĂ©ussi Ă  entrer dans l’Union EuropĂ©enne comme la Bulgarie et la Roumanie. Mais c’est aussi le cas pour l’Ukraine.

Les difficultĂ©s des annĂ©es 1990 culminent avec les deux guerres de TchĂ©tchĂ©nie. La premiĂšre, de 1994 Ă  1996 est une dĂ©faite cuisante qui ne rĂ©sout absolument rien. Ce n’est finalement qu’en 2002, aprĂšs la prise d’otages du thĂ©Ăątre Ă  Moscou que la crise tchĂ©tchĂšne prend un tournant dĂ©cisif.

Renouveau dans les années 2000

Poutine rĂ©sout le problĂšme tchĂ©tchĂšne, qui Ă©tait secrĂštement soutenu par les Occidentaux, par une guerre sanglante. C’est un message trĂšs clair Ă  ses « partenaires » occidentaux, comme il aime les appeler : « Ne jouez pas avec le feu avec moi ». C’est Ă©galement un message trĂšs fort aux Russes : « Je ne suis pas Eltsine, je vous protĂ©gerai ainsi que votre honneur ».

MalgrĂ© tout, pendant ce temps, l’OTAN s’Ă©tend progressivement Ă  l’est, en incorporant la Pologne, la Hongrie et la TchĂ©quie. On peut d’ailleurs se dire que, l’ours russe Ă©tant de toute façon en pleine dĂ©composition et plus du tout une menace, l’OTAN ne servait en rĂ©alitĂ© plus Ă  rien.

Poutine a commencĂ© Ă  remettre un peu d’ordre en Russie en arrĂȘtant des oligarques, et Ă  restaurer l’Ă©conomie. Dans les faits, le rouble, qui plongeait comme dans un pays sous-dĂ©veloppĂ©, s’est stabilisĂ©. La famine a quasiment disparu. Les infrastructures en ruine ont Ă©tĂ© reconstruites. Oh, tout n’Ă©tait pas parfait, c’est certain. Mais il y a eu des progrĂšs rĂ©els. On peut dire qu’il a ressuscitĂ© l’ours de ses cendres.

Pourtant, internationalement, c’en Ă©tait fini de la Russie. Poutine Ă©tait Ă©cartĂ©, ridiculisĂ©, ignorĂ©, comme si la Russie Ă©tait devenue un pays du Tiers Monde insignifiant. Il a tendu la main Ă  de nombreuses reprises Ă  l’ouest, sans succĂšs. Beaucoup d’analystes internationaux, y compris amĂ©ricains, s’accordent Ă  dire que cette humiliation constante a construit le Poutine d’aujourd’hui.

En 2007, il prononce un discours devenu cĂ©lĂšbre aujourd’hui Ă  Munich. Il y prĂ©vient les Occidentaux des dangers d’un monde unipolaire, oĂč un seul pays, les États-Unis, tentent d’imposer leur marque partout.

L’expansion de l’OTAN

Pendant ce temps, l’OTAN continue de s’agrandir. Et ce, au mĂ©pris total des promesses faites par les États-Unis aux Russes en 1991. En effet, le Pacte de Varsovie n’a Ă©tĂ© dissout qu’aprĂšs avoir eu des assurances que l’OTAN ne s’Ă©tendrait pas Ă  l’est. Malheureusement, ces promesses n’Ă©taient pas Ă©crites, mais on en a encore des traces.

En 2004, l’OTAN se retrouve directement Ă  la frontiĂšre avec la Russie, en intĂ©grant les trois pays baltes. Cela dĂ©clenche l’ire des Russes. La Bulgarie, la Roumanie, la Slovaquie et la SlovĂ©nie intĂšgrent Ă©galement l’OTAN la mĂȘme annĂ©e. La Roumanie autorise mĂȘme les États-Unis Ă  stationner des missiles nuclĂ©aires sur son sol.

En 2008, l’OTAN invite officiellement la Moldavie et l’Ukraine Ă  rentrer dans l’OTAN, mais ce n’est encore qu’au stade de nĂ©gociations. Poutine crie qu’il s’agit d’une ligne rouge Ă  ne pas franchir, personne ne l’Ă©coute.

Bon, aprĂšs tout, l’Ukraine est un pays souverain, elle fait bien ce qu’elle veut ! Non ? Pourtant, il serait bien naĂŻf de s’en tenir Ă  la thĂ©orie sans regarder la rĂ©alitĂ© en face.

Il suffit de se rappeler ce qui s’est passĂ© lorsque l’URSS a tentĂ© d’installer des missiles sur le sol cubain. Nous Ă©tions au bord de la troisiĂšme guerre mondiale. Si les Russes n’avaient pas cĂ©dĂ©, la premiĂšre Ă©tape aurait Ă©tĂ© de raser Cuba, puis potentiellement de basculer dans un conflit ouvert entre les deux blocs. Ce qui se passe aujourd’hui en Ukraine est exactement la mĂȘme chose, les rĂŽles sont simplement inversĂ©s.

MalgrĂ© tout, l’OTAN continue de s’Ă©tendre, pays par pays, ignorant ostensiblement l’ours qui gronde : l’Albanie et la Croatie en 2009, le MontĂ©nĂ©gro en 2017, la MacĂ©doine du Nord en 2020.

GĂ©orgie – 2008

Les Occidentaux continuent leur politique de dĂ©stabilisation de l’ancien bloc de l’est. C’est une tentative Ă©vidente des USA d’obtenir un contrĂŽle total tout autour de la Russie, afin de la neutraliser pour de bon. La gĂ©opolitique est une histoire d’influence. Plus une nation unique en a d’autres Ă  ses pieds, plus nous avançons vers un monde unipolaire. Et plus l’OTAN et les États-Unis ajoutent des missiles autour de la Russie, plus nous nous rapprochons d’une troisiĂšme guerre mondiale. Est-ce que la Russie ou mĂȘme la Chine installent des missiles tout autour des États-Unis ? Pas Ă  ma connaissance.

Mais revenons Ă  la GĂ©orgie. Tout ne s’est pas vraiment passĂ© comme prĂ©vu. En voyant que le Gouvernement Ă©tait de plus en plus phagocytĂ© par l’Occident, les Russes ont commencĂ© par soutenir des rebelles au nord de la GĂ©orgie. En aoĂ»t 2008, les GĂ©orgiens attaquent un bataillon russe qui aidait des rebelles. La rĂ©ponse ne s’est pas fait attendre : l’armĂ©e russe envahit soudainement la GĂ©orgie, provoquant un retrait des troupes gĂ©orgiennes jusqu’Ă  la capitale.

Un accord de paix fut signĂ© trĂšs vite. Depuis, la GĂ©orgie est trĂšs « amicale » avec la Russie, tout en continuant Ă  pas mesurĂ©s son rapprochement avec l’ouest.

Conclusion sur l’OTAN

L’OTAN est bien Ă©videmment une menace pour la Russie, tout comme les missiles soviĂ©tiques Ă  Cuba menaçaient les États-Unis. Au passage, c’est quand mĂȘme pour ça qu’elle a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e ! Aucun politicien de bonne foi ne peut le nier. Par ailleurs, l’OTAN s’est tellement dĂ©veloppĂ©e en Europe qu’elle est maintenant aux portes de la Russie, avec des missiles capables de frapper Moscou et au-delĂ . Une carte vaut mille explications :

Pour conclure, j’ajouterais simplement que le diplomate amĂ©ricain Zbigniew BrzeziƄski a Ă©crit que si les États-Unis parvenaient Ă  mettre la main sur l’Ukraine, ce serait la fin de l’influence russe dans le monde. Rien de moins. AprĂšs avoir pris sa retraite, il a prĂ©venu qu’il ne serait pas une bonne chose de prendre l’Ukraine dans l’OTAN.

Les révolutions populaires

Pour comprendre pourquoi les Américains jouent un rÎle prépondérant dans la crise ukrainienne, il faut déjà comprendre leur mode opératoire.

Les printemps arabes

Les printemps arabes ont Ă©branlĂ© le monde arabe depuis 2010. En Tunisie, en Égypte, au BahreĂŻn, en Libye, dans les États Arabes Unis, au YĂ©men, en Arabie Saoudite, le procĂ©dĂ© est toujours le mĂȘme.

Ça dĂ©marre par une Ă©tincelle qui entraĂźne des protestations populaires. Les gens descendent dans la rue, pacifiquement au dĂ©but. Il suffit de financer des milices qui vont alors mettre le feu aux poudres. Elles ont pour cible principale le gouvernement, et crĂ©ent l’environnement nĂ©cessaire pour fomenter un coup d’Ă©tat.

Bien sĂ»r, cette recette ne fonctionne que s’il y a dĂ©jĂ  des rĂ©sistances importantes contre le gouvernement en place. Les rĂ©gimes autoritaires sont des cibles parfaites pour ce genre de manipulations.

L’avantage est Ă©norme : il est possible de renverser un rĂ©gime avec trĂšs peu d’efforts. Par ailleurs, comme tout cela est fait de maniĂšre non officielle, personne ne va venir pointer du doigt le manipulateur.

Malheureusement, les rĂ©sultats ne bĂ©nĂ©ficient pas forcĂ©ment Ă  la population locale. Bien au contraire. Oui, les dictateurs, c’est pas cool, c’est Ă©vident. Mais le chaos, l’instabilitĂ©, la guerre, ont des consĂ©quences encore bien plus funestes pour l’ensemble de la population.

Au passage, aucun pays de ce monde ne va dĂ©penser des millions d’euros, mettre ses propres citoyens en danger, pour « libĂ©rer » des populations civiles Ă©trangĂšres des griffes d’un dictateur. Il faut ĂȘtre trĂšs naĂŻf pour croire un conte de fĂ©es pareil. La dĂ©mocratie, ça s’amĂšne par l’Ă©ducation, pas autrement.

La Libye

La Libye est l’un des exemples le plus frappant, si je puis dire. Il n’y a aucun doute sur le fait que Kadhafi Ă©tait un dictateur. Il rĂ©primait brutalement toute opposition Ă  son rĂ©gime. On ne va pas m’accuser de le nier.

MalgrĂ© tout, son pays Ă©tait en paix, bĂ©nĂ©ficiait d’une Ă©conomie prospĂšre aux infrastructures modernes, l’Ă©ducation et les soins mĂ©dicaux Ă©taient gratuits. Aujourd’hui, 10 ans aprĂšs la « libĂ©ration », c’est un champ de ruines qui manque d’eau et de ressources de premiĂšre nĂ©cessitĂ©, et la guerre continue. C’est Ă©galement devenu une porte corrompue pour faire passer les migrants africains en direction de l’Europe.

Par ailleurs, l’intervention militaire de la France Ă©tait totalement illĂ©gale car non autorisĂ©e dans le territoire d’un pays souverain. Au passage, les motivations n’Ă©taient pas du tout pour « amener la dĂ©mocratie » ou je ne sais quelle fable. Pour rĂ©sumer, Kadhafi Ă©tait une menace pour le pĂ©trodollar, risquait de miner l’influence du franc CFA dans l’ouest africain avec son « dinar or », et Nicolas Sarkozy, alors PrĂ©sident de la France, avait un intĂ©rĂȘt personnel Ă  faire tomber son ancien « pote ».

Dans tous les cas, vis-Ă -vis du droit international, l’intervention française Ă©tait tout aussi illĂ©gale que ce que fait Poutine actuellement. Mais c’Ă©tait la France. Pas un « dictateur ». Mais des « soldats de la paix ». Bien sĂ»r. Exemple typique de propagande noir et blanc que je mentionnais en dĂ©but d’article.

La Syrie

Il y aurait beaucoup Ă  dire sur la Syrie. Je vais m’en tenir Ă  l’essentiel. Les interventions militaires des pays occidentaux (États-Unis, France, Grande-Bretagne, Turquie, IsraĂ«l entre-autres) sont totalement illĂ©gales vis-Ă -vis du droit international. Le moins qu’on puisse dire, c’est que, le droit international, on s’assoit volontiers dessus. Mais on est les gentils, nous. Alors pas besoin de droit.

D’un autre cĂŽtĂ©, les Russes ont Ă©tĂ© invitĂ©s par le pouvoir en place pour venir apporter leur aide. Peu importe ce qu’on pense du sentiment de Poutine pour le Dictateur Assad, je vais donner ma lecture en quelques mots.

La Russie n’a qu’une seule base navale sur la MĂ©diterranĂ©e. Elle se trouve Ă  Tartous, une ville syrienne. Curieusement, la Russie n’est intervenue que lorsque les « rebelles » syriens ont commencĂ© Ă  s’approcher de cette base. Pas avant. Est-ce vraiment une coĂŻncidence ? Je ne sais pas ce qui se serait passĂ© si cette base n’avait pas existĂ©.

De mon point de vue, la Syrie a Ă©tĂ© un tournant dans la psychologie de Poutine. Il a soudain rĂ©alisĂ© que sa puissance militaire Ă©tait plus importante qu’il ne le pensait. Au passage, il a envoyĂ© un message clair Ă  la communautĂ© internationale : l’Occident qui se mĂȘle des affaires d’un pays souverain, ça ne se passe pas toujours comme prĂ©vu.

C’est une humiliation pour les USA, qui ont Ă©videmment des vellĂ©itĂ©s de revanche.

La Biélorussie et le Kazakhstan

Je connais des BiĂ©lorusses, et comme eux, je ne suis pas particuliĂšrement fan de leur gouvernement. Tout comme je n’aime pas du tout tous ces dictateurs aux quatre coins du monde. Il y a eu beaucoup de remous en BiĂ©lorussie dans la derniĂšre dĂ©cennie. Plus rĂ©cemment, on a pu y voir les mĂȘmes tactiques qui ont Ă©tĂ© utilisĂ©es lors des Printemps Arabes. Mettre le bazar. Armer des milices pour que ça dĂ©gĂ©nĂšre. Tenter de dĂ©stabiliser le rĂ©gime.

Mais cette fois, ça n’a pas fonctionnĂ©. La Russie soutient la BiĂ©lorussie et ces tactiques commencent Ă  prendre de l’Ăąge.

La mĂȘme chose est arrivĂ©e au Kazakhstan encore plus rĂ©cemment. Cette fois avec des islamistes radicaux. La Russie a rĂ©agi trĂšs rapidement, la tactique a Ă©chouĂ©, comme en BiĂ©lorussie. La Russie ne peut pas se permettre de perdre le Kazakhstan, territoire immense et qui abrite l’un de ses principaux cosmodromes, BaĂŻkonour.

On dirait bien que les États-Unis devraient envisager de changer leur modus operandi.

La russophobie

La phobie des oppresseurs

Les abus perpĂ©trĂ©s par un groupe finissent toujours par gĂ©nĂ©rer une rĂ©action de haine qui traverse les gĂ©nĂ©rations. Elle reste parfois pendant des siĂšcles. Dans le mĂȘme temps, les oppresseurs tendent de leur cĂŽtĂ© Ă  avoir un sentiment de supĂ©rioritĂ© envers les opprimĂ©s, mĂȘme longtemps aprĂšs que la domination se soit arrĂȘtĂ©e.

Partout dans le monde, on peut voir ce phénomÚne à beaucoup de niveaux :

  • les AmĂ©ricains sont perçus comme des impĂ©rialistes,
  • les Français sont haĂŻs dans leurs anciennes colonies,
  • les « blancs » en gĂ©nĂ©ral sont vus par les « noirs » comme des colonialistes et des esclavagistes, aux États-Unis, mais aussi en Afrique du Sud, etc.
  • la Chine ne s’est toujours pas remise des abus des Occidentaux aux 19Ăšme siĂšcle,
  • etc.

L’impĂ©rialisme soviĂ©tique

Évidemment, le rĂ©gime autoritaire soviĂ©tique n’Ă©tait pas seulement autoritaire envers sa propre population. Il Ă©tait encore pire avec les « rĂ©publiques » qui Ă©taient sous son contrĂŽle. Il n’hĂ©sitait pas Ă  procĂ©der Ă  des purges ethniques, Ă  dĂ©placer des populations entiĂšres, voire Ă  organiser volontairement des famines comme cela a Ă©tĂ© le cas en Ukraine.

La plupart des gens d’un certain Ăąge des pays du bloc de l’est connaissent la langue russe : ils ont Ă©tĂ© obligĂ©s de l’apprendre Ă  l’Ă©cole. Ils cultivent Ă©galement la haine du Russe. C’est particuliĂšrement vrai en Pologne, en TchĂ©quie ainsi que dans les pays baltes. Les bruits des bottes et des chars soviĂ©tiques dans les rues de leurs villes sont encore des cauchemars trĂšs vivaces.

Qui pourrait leur en vouloir ? Pas moi.

Dans les pays baltes, ça se traduit par une situation un peu particuliĂšre. Sous les Soviets, ils ont endurĂ© des dĂ©portations, et surtout une tentative de remplacer la population locale par des Russes, venus d’ailleurs. Vraiment pas chouette. Au passage, ils ont des cultures et langues trĂšs diffĂ©rentes des Russes. Le sentiment nationaliste Ă  leur libĂ©ration a littĂ©ralement explosĂ©. LĂ  encore, difficile de leur en vouloir. Certains Russes qui y vivent ont un statut un peu particulier. Par exemple, en Estonie, ils ne sont ni russes ni estoniens. Ils ont un « passeport gris ». Cela ne pose pas de problĂšme particulier pour vivre mais c’est dire l’impact du passĂ© sur le prĂ©sent. C’est le reflet de cette apprĂ©hension du Russe.

Il y a de l’espoir

MalgrĂ© toutes ces difficultĂ©s, il y a de l’espoir. Je pense ici Ă  l’exemple de l’Allemagne et des Nazis.

Inutile de rappeler la brutalitĂ© des Nazis Ă  travers toute l’Europe, l’histoire est connue. Pourtant, la « haine du Boche » n’a pas persistĂ© trĂšs longtemps. C’est par une auto-flagellation quasiment Ă  l’extrĂȘme que l’Allemagne a fini par faire accepter au monde entier qu’ils ne sont pas des Nazis dans leur ensemble et que l’Allemand moyen n’est pas un SS.

Malheureusement, le sentiment anti-allemand revient en force ces derniĂšres dĂ©cennies, mais il a d’autres sources : elles sont Ă©conomiques. Il devient de plus en plus Ă©vident que l’euro ne sert que l’Allemagne au dĂ©triment des autres pays d’Europe. Mais c’est vraiment un autre sujet.

Ce qu’il est intĂ©ressant de noter ici, c’est qu’un vocabulaire bien particulier peut ĂȘtre utilisĂ©. Il suffit de distinguer ce qui caractĂ©ristique l’oppresseur d’un individu lambda. Lorsqu’on parle de « Nazis » d’un cĂŽtĂ©, et d’« Allemands » de l’autre, les choses sont plus claires. La haine diminue plus facilement.

Il est peut-ĂȘtre temps de prendre des bonnes habitudes et de nommer un chat un chat. L’occupation du Politburo vs citoyens russes. L’État Profond vs citoyens amĂ©ricains. « Le Gouvernement » plutĂŽt que « les Français ». Les marchands d’esclaves vs des citoyens de la France, des USA, etc. Au passage, les « slaves » ont donnĂ© leur nom Ă  l’« esclavage », car ils Ă©taient des esclaves de choix au Moyen-Âge.

Enfin, peut-ĂȘtre que les Polonais peuvent Ă©galement se rappeler que, sans l’intervention de l’URSS, nous serions peut-ĂȘtre tous encore sous le joug nazi.

Vue d’ensemble de la crise ukrainienne

L’Ukraine est le berceau de tous les Slaves. Les Rus de Kiev sont Ă  l’origine de toute la culture russe. Ainsi, l’Ukraine est vue par la grande majoritĂ© des Russes comme la sƓur de la Russie. Beaucoup d’Ukrainiens ont d’ailleurs Ă©galement une vision trĂšs positive de la Russie. Une guerre entre ces deux pays est une guerre fratricide. Et il y a fort Ă  parier que cela va renforcer le sentiment anti-russe.

Les frontiĂšres de l’Ukraine ont beaucoup changĂ© au cours de l’histoire. MalgrĂ© tout, son territoire central a fait partie de la « Grande Russie » pendant des siĂšcles, et l’essentiel de son existence. Le problĂšme Ă©tant que le dĂ©coupage actuel de l’Ukraine regroupe des populations qui ont subi des influences trĂšs diverses.

Une population non uniforme

À l’ouest, la grande majoritĂ© de la population parle ukrainien, une langue slave qui ressemble de loin au russe, mais qui a Ă©tĂ© fortement influencĂ©e par des langues aux frontiĂšres : le polonais Ă  l’ouest, le biĂ©lorusse et les langues baltes au nord. Ces parties de l’ouest ukrainien ont Ă©galement fait partie d’autres pays dans leur histoire : la Pologne et l’Empire Austro-hongrois notamment. Elles sont dĂ©finitivement tournĂ©es vers l’ouest et le reste de l’Europe.

Au contraire, plus on se dĂ©place Ă  l’est, plus les gens parlent russe en passant par des dialectes qui sont des mĂ©langes d’ukrainien et de russe. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, il y a de plus en plus de sympathie pour la Russie dĂšs qu’on se dĂ©place vers l’est.

Plus on s’Ă©loigne du centre du pays, plus les liens culturels et Ă©conomiques se font naturellement avec les pays qui bordent le pays des deux cĂŽtĂ©s. Avec les plus extrĂ©mistes d’un cĂŽtĂ© et de l’autre de part et d’autre du pays.

Pour ceux qui seraient sceptique de cette vision qui peut paraßtre caricaturale, il suffit de regarder les résultats des élections, comme par exemple celles de 2004 :

L’ultra nationalisme

Le sentiment ultra-nationaliste, accompagnĂ© d’une russophobie aiguĂ«, n’existe vraiment que dans l’ouest ukrainien. Le parti nazi Svoboda, le Parti National Socialiste de l’Ukraine (ça ne s’invente pas) en est la manifestation typique. Il a crĂ©Ă© son emblĂšme avec des rĂ©fĂ©rences particuliĂšrement parlantes :

De gauche Ă  droite : la 2Ăšme division SS de Panzers, l’ancien logo de l’ancien parti dont est issu Svoboda, et le logo actuel

Alors, qu’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas dit. Les partis ultra-nationalistes et les malades existent partout. Autre point Ă  noter, Svoboda n’a Ă  l’heure actuelle qu’un seul siĂšge au Parlement. C’est totalement vrai, ces nazis ne sont qu’une toute petite minoritĂ© lorsqu’on considĂšre l’Ukraine dans son ensemble. Mais malheureusement, ils sont proches de la majoritĂ© dans certaines petites rĂ©gions en fonction des circonstances.

RĂ©sultats de Svoboda aux Ă©lections de 2012, avec un score avoisinant les 40 % dans certains endroits


Par ailleurs, ce qui les distingue particuliĂšrement des autres pays, c’est qu’ils sont aidĂ©s et armĂ©s par le pouvoir en place.

Le multiculturalisme existe ailleurs

Bien sĂ»r, il y a plein de pays dont les populations sont parfois trĂšs hĂ©tĂ©rogĂšnes, et qui s’en sortent trĂšs bien sans se taper dessus. Mais pour que ça fonctionne vraiment, je ne connais que deux recettes. Un dictateur qui va Ă©touffer tout sentiment indĂ©pendantiste. Ou bien une intention scellĂ©e sur le papier de respecter son voisin et d’ĂȘtre en paix.

La Suisse nous en donne un parfait exemple. Quatre cultures et langues cohabitent, et le pays n’a connu aucune guerre depuis deux siĂšcles.

Pour prendre un autre exemple, la situation interne en Ukraine n’est finalement pas trĂšs diffĂ©rente de celle des États-Unis, avec les RĂ©publicains au sud qui correspondent aux Ă©tats sĂ©cessionnistes lors de la guerre civile, et les DĂ©mocrates au nord. Le problĂšme en Ukraine, c’est que ces divisions sont utilisĂ©es par des puissances Ă©trangĂšres pour semer le trouble.

Au 20Ăšme siĂšcle

L’Ukraine tente une premiĂšre fois de prendre son indĂ©pendance en profitant de la RĂ©volution d’Octobre en Russie. Mais ça ne dure pas, l’URSS toute neuve fait main basse sur l’Ukraine en 1922.

Au dĂ©but de la DeuxiĂšme Guerre Mondiale, les Ukrainiens de l’est voient dans la guerre le moyen de se dĂ©tacher du joug russe. Pour rappel, ce sont les plus nationalistes, et certains vont jusqu’Ă  sympathiser avec les Nazis. Les partis extrĂ©mistes d’aujourd’hui n’en sont qu’un hĂ©ritage.

À la fin de la guerre, au vu de la rĂ©sistance des Ukrainiens contre les Bolcheviks, Staline provoque une famine et fait du « nettoyage ». Mais en 1954, l’Ukraine est devenue le « bon Ă©lĂšve » et est l’un des plus gros producteurs du bloc soviĂ©tique. Khrouchtchev dĂ©cide de donner la CrimĂ©e Ă  l’Ukraine en signe de reconnaissance. Une action non sans consĂ©quences plus tard


Dans tous les cas, le sentiment anti-russe, surtout dans l’ouest, provient Ă©videmment de ces dĂ©cennies d’abus. Les premiĂšres actions d’un rĂ©gime autoritaire sont de dĂ©truire toute culture et langue locale. Mais les gens ont tendance Ă  oublier que le Russe moyen d’aujourd’hui n’a plus grand-chose Ă  voir avec Staline.

1991-2004

Avec la chute de l’URSS, l’Ukraine obtient finalement son indĂ©pendance pour de bon. Elle signe des accords avec les USA, la Grande-Bretagne et la Russie qui assurent qu’elle restera un pays souverain, Ă  la condition qu’elle renonce Ă  tout l’arsenal nuclĂ©aire provenant de l’ex-URSS.

De mon point de vue, c’est le dĂ©coupage gĂ©ographique lors de ces accords qui a donnĂ© lieu Ă  la situation que nous vivons aujourd’hui. Mettre ensemble deux populations qui ont la tĂȘte tournĂ©e Ă  l’opposĂ© l’une de l’autre n’Ă©tait peut-ĂȘtre pas la meilleure idĂ©e qui soit. Peu de gens comprennent cela. La Yougoslavie nous a montrĂ© dans les annĂ©es 1990 les consĂ©quences que peuvent avoir une erreur de ce genre. Il y a probablement une leçon Ă  en tirer.

La corruption

Je m’autorise une petite pause historique pour m’arrĂȘter sur un autre problĂšme qui est Ă©galement en partie responsable de la situation actuelle.

La corruption est profondĂ©ment ancrĂ©e en Ukraine, du mĂȘme style que la corruption en Russie dans les annĂ©es 1990.

Depuis, la Russie a su faire un peu de mĂ©nage, mĂȘme s’il reste beaucoup Ă  faire. Mais des oligarques ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s, des sanctions et mesures prises pour tenter de limiter les dĂ©gĂąts. Elle a aussi relevĂ© son Ă©conomie et la redistribution de richesses fonctionne dĂ©jĂ  un peu mieux. Elle est parmi les pays du monde ayant la dette publique la plus faible. Tout cela malgrĂ© les sanctions imposĂ©es par l’Occident depuis 2014. Il y a encore beaucoup de dĂ©fis Ă  relever et la corruption y est encore Ă©levĂ©e, mais la situation n’a plus rien Ă  voir avec ce qu’elle Ă©tait dans les annĂ©es 1990. Et avant de critiquer, nous pourrions dĂ©jĂ  nous regarder dans la glace


En Ukraine, en revanche, tout cela n’a pas eu lieu. Le rĂ©sultat est que, malgrĂ© une industrie et un secteur agricole extrĂȘmement productifs, des ressources naturelles en pagaille, la pauvretĂ© est toujours un problĂšme Ă©norme. Je recommande un documentaire qui montre l’un des symptĂŽmes : les orphelins de la rue (en anglais). En 2012, Ernst and Young classe l’Ukraine parmi les trois premiers pays les plus corrompus du monde. Elle est neuviĂšme en 2017. La situation s’amĂ©liore trĂšs trĂšs lentement, mais l’Ukraine reste l’un des pays les plus corrompus au monde.

L’Ukraine est parmi les 4 pays les plus citĂ©s dans les derniĂšres rĂ©vĂ©lations en date, l’affaire du CrĂ©dit Suisse :

Au passage, le prĂ©sident lui-mĂȘme est aussi enfoncĂ© dans la boue, malgrĂ© de grands discours anti-corruption.

2004 : La RĂ©volution Orange

Revenons à notre voyage dans le temps. En 2004, deux candidats sont en lice pour la présidence :

  • Viktor Iouchtchenko appuyĂ© par Ioulia Tymochenko => camp occidental
  • Viktor Ianoukovytch => pro-russe

Tous deux reçoivent de l’aide de leur camp respectif. Russes d’un cĂŽtĂ©, et de l’autre des fondations comme la Fondation Soros ou la Freedom House et autres organisations amĂ©ricaines « pour la dĂ©mocratie » (lire : pour faire des coups d’Ă©tat et renverser les gouvernements qui ne sont pas alignĂ©s avec les USA).

Il se trouve que, manque de chance, le pro-russe Ianoukovytch est élu de justesse. Des manifestations sont organisées à Kiev, évidemment organisées et orchestrées par les Occidentaux, pas trop contents. Les élections sont annulées. Iouchtchenko est mystérieusement empoisonné (je te laisse deviner par qui) mais survit. Il est cette fois élu lui-aussi de justesse. Pas de protestations. Les gentils ont gagné.

L’un des facteurs majeurs ici est de savoir que Kiev se situe dans la partie « pro-occidentale » de l’Ukraine. Il est donc beaucoup plus facile d’y organiser un renversement de rĂ©gime pour les Occidentaux que pour les Russes.

La claque de 2010

La crise de 2008 passe par lĂ , le bilan de Iouchtchenko est assez catastrophique, et c’est Ianoukovytch qui l’emporte lors des Ă©lections de 2010, cette fois sans protestations. Il semblerait que les Russes aient gagnĂ©. Mais c’est seulement parce que Ianoukovytch a lancĂ© des signes qui indiquent qu’il a l’intention de se rapprocher de l’Occident.

En effet, il commence Ă  nĂ©gocier des accords Ă©conomiques avec l’Union EuropĂ©enne. Cela ne fait pas du tout l’affaire des gens de son parti, qui sont particuliĂšrement inquiets des rĂ©percussions qu’un accord avec les EuropĂ©ens pourraient avoir sur leurs propres relations avec la Russie cĂŽtĂ© est. MalgrĂ© tout, il donne l’espoir Ă  la population qu’une ouverture est possible. Quelques mois plus tard, il envoie tout balader d’un coup et se tourne soudain vers Moscou. Difficile de savoir ce qui a provoquĂ© ce changement d’humeur.

2013 MaĂŻdan

Malheureusement, si l’espoir fait vivre, la dĂ©ception est source de violence. Des manifestations commencent Ă  Kiev, dans la place MaĂŻdan, pour protester contre ce revirement soudain.

LĂ  oĂč ça devient intĂ©ressant, c’est qu’on voit des diplomates europĂ©ens et amĂ©ricains venir soutenir les manifestants en personne. Que dirions-nous si des diplomates russes venaient se mĂȘler aux manifs des gilets jaunes pour les soutenir ? Ce serait clairement inacceptable.

Ah, mais non. Nous, on est les gentils. Donc ça va.

Le sénateur américain McCain au milieu des manifestants

Et dans le mĂȘme temps, les AmĂ©ricains utilisent la mĂȘme tactique que dans les RĂ©volutions Arabes. Ils se servent cette fois des extrĂ©mistes nazis de l’ouest pour faire le sale boulot. Ces organisation radicales jouent un rĂŽle dĂ©cisif dans la tournure que vont prendre les Ă©vĂ©nements. Ne reculant devant rien, des snipers tirent dans les manifestants et dans les policiers pour provoquer l’escalade.

De trĂšs sympathiques snipers de MaĂŻdan
 au passage, il me semble voir quelques drapeaux intĂ©ressants sur cette photo (oui oui, c’est bien le drapeau de l’OTAN Ă  gauche)

Ça fonctionne. Le gouvernement est renversĂ©.

L’implication occidentale

Bon, mis Ă  part les sĂ©nateurs occidentaux qui vont faire les beaux dans les manifs, on pourrait se dire que tout ça est finalement une affaire interne Ă  l’Ukraine. Mais ça ne s’arrĂȘte pas lĂ .

L’Occident a soutenu financiĂšrement des organisations nazies. Tout est bon dans le cochon. Pire, les soutiens sont carrĂ©ment officiels. D’ailleurs, un enregistrement rĂ©vĂ©lera plus tard que la Sous-SecrĂ©taire d’État amĂ©ricaine, Victoria Nuland, a appelĂ© l’ambassadeur amĂ©ricain en Ukraine pour lui indiquer qui il fallait mettre au pouvoir. Tout en ajoutant « que les EuropĂ©ens aillent se faire voir » (avec le mot en F en anglais, oui oui).

La photo suivante est particuliĂšrement parlante. L’homme au milieu est le chef de Nuland, John Kerry, SecrĂ©taire d’État des États-Unis. On comprend qu’il soit content, mais quand mĂȘme
 Ă  gauche Oleksandr Tourtchynov le nouveau prĂ©sident par intĂ©rim de l’Ukraine aprĂšs le coup d’Ă©tat, et Ă  droite le Premier Ministre Arseni Yatsenjouk. Mais pas d’inquiĂ©tude, on est les gentils !

Si j’Ă©tais ukrainien, avec tout ça j’aurais un peu l’impression d’ĂȘtre pris pour un imbĂ©cile. Mais passons.

Évidemment, sans surprise, le nouveau gouvernement est composĂ© quasiment de membres pro-ouest.

Au passage, comme je m’intĂ©resse beaucoup Ă  la monnaie, voici le nouveau billet ukrainien de 500 Hryven :

Il y a tout de suite un truc qui m’a sautĂ© aux yeux
 si je puis dire. Au centre, on a un clin d’Ɠil
 enfin une rĂ©fĂ©rence assez Ă©vidente, quoi, au billet amĂ©ricain :

En tout cas, ces Ă©vĂ©nements sont une vĂ©ritable catastrophe pour les Russes qui n’ont pas rĂ©ussi Ă  stopper le coup d’Ă©tat. Et la partie russophone de l’est ukrainien ne voit pas tout cela d’un bon Ɠil, justement.

Imaginons un instant le Mexique


D’une certaine maniĂšre le Mexique est aux États-Unis ce que l’Ukraine est Ă  la Russie. Une large frontiĂšre commune. Des interactions Ă©conomiques fortes. Un relatif continuum de populations Ă  la frontiĂšre.

Imaginons maintenant un soulĂšvement au Mexique, orchestrĂ© par la Russie qui financerait des guĂ©rilleros mexicains pour Ă©jecter le gouvernement, avec en plus le soutien ouvert des officiels russes. Par-dessus le marchĂ©, une fois le nouveau gouvernement fantoche mis en place par les Russes, le Mexique signe une coopĂ©ration militaire avec la Russie, en mĂ©moire de la guerre perdue contre les États-Unis au XIXĂšme siĂšcle, permettant l’installation d’ogives nuclĂ©aires au nord du Mexique, histoire aussi de bien montrer leur dĂ©saccord avec le mur Ă  la frontiĂšre.

Il se passerait quoi Ă  ton avis, cher lecteur ? Les États-Unis resteraient-ils les bras croisĂ©s ?

Oui, je suis d’accord, Poutine n’est pas tout blanc, loin de lĂ . Mais la nature explosive de la situation en Ukraine est causĂ©e en premier lieu par les abus et l’arrogance visible des Occidentaux. Pour clore le dĂ©bat, voici le prĂ©sident ukrainien (Ă  gauche), Volodymyr Zelensky implorant l’OTAN en dĂ©cembre 2021 d’accepter l’Ukraine en son sein. Ce qui peut expliquer en grande partie les Ă©vĂ©nements qui ont suivi.

Le Donbass et la Crimée

Le Donbass, une rĂ©gion Ă  l’extrĂȘme est de l’Ukraine, et la CrimĂ©e, une pĂ©ninsule au sud, ont une large majoritĂ© de locuteurs russes. AprĂšs le coup d’Ă©tat de MaĂŻdan, ces deux parties du pays rejettent massivement Porochenko, le nouveau prĂ©sident.

Par ailleurs, le nouveau gouvernement de Kiev s’attaque de plus en plus Ă  la langue russe et tente d’en bannir l’usage par des lois, ce qui provoque un mĂ©contentement bien comprĂ©hensible Ă  l’est.

La Crimée

En CrimĂ©e, le processus est rapide. L’une des raisons est que la pĂ©ninsule est isolĂ©e gĂ©ographiquement de l’Ukraine par un isthme, et donc beaucoup plus difficile Ă  atteindre pour les forces ukrainiennes. Un rĂ©fĂ©rendum est organisĂ©, lors duquel les crimĂ©ens appellent Ă  rejoindre la Russie avec un score sans appel de 96,77 %.

Bien sĂ»r, la Russie est derriĂšre tout cela, c’est une Ă©vidence. Peut-on questionner la lĂ©gitimitĂ© du rĂ©fĂ©rendum ? Sans doute. Mais il est tout de mĂȘme avĂ©rĂ© que les crimĂ©ens sont historiquement beaucoup plus proches des Russes que des Ukrainiens. Pour rappel, elle n’a Ă©tĂ© donnĂ©e Ă  l’Ukraine qu’en 1954.

Alors, est-ce pour le meilleur ou pour le pire ? Je pense que si la CrimĂ©e Ă©tait restĂ©e en Ukraine, son sort n’aurait pas Ă©tĂ© bien diffĂ©rent de celui du Donbass. Pourquoi Poutine est-il intervenu si rapidement dans la pĂ©ninsule, alors qu’il a laissĂ© pourrir la situation plus au nord ? La rĂ©ponse me paraĂźt Ă©vidente : SĂ©bastopol, la ville principale, qui est la plus grande base militaire russe sur la Mer Noire. La ville a d’ailleurs un statut spĂ©cial et est restĂ©e russe mĂȘme aprĂšs l’indĂ©pendance de l’Ukraine.

En tout cas, l’« annexion » de la CrimĂ©e par la Russie, donc par les mĂ©chants, a donnĂ© lieu Ă  des sanctions internationales contre l’Ă©conomie russe.

Quant Ă  la lĂ©galitĂ© du procĂ©dĂ©, il a un prĂ©cĂ©dent. En 2008, le Kosovo, une province officielle de la Serbie, a dĂ©clarĂ© son indĂ©pendance, approuvĂ©e « lĂ©galement » par les États-Unis et une bonne partie des pays du monde. Mais c’Ă©tait les gentils, alors ça ne pose pas de problĂšme.

Le Donbass

Au Donbass, en revanche, la situation est beaucoup plus compliquĂ©e. Les insurgents ont pourtant eux-aussi saisi les bĂątiments administratifs et on pris de facto le contrĂŽle des territoires et dĂ©clarĂ© leur indĂ©pendance. La Russie n’a pourtant pas reconnu ces territoires. Évidemment, les Occidentaux non plus. Il ne faudrait tout de mĂȘme pas exagĂ©rer. Quelle diffĂ©rence avec le Kosovo ? Il y a eu aussi des massacres de pro-Russes en Ukraine en particulier lors de l’Ă©pisode MaĂŻdan ainsi qu’Ă  Odessa, ce qui rend la situation finalement trĂšs proche de celle du Kosovo en son temps.

En tout cas, depuis, c’est la guerre civile, aidĂ©e bien Ă©videmment par les Russes, tout contents de pouvoir crĂ©er de l’instabilitĂ© dans cette Ukraine tombĂ©e dans les mains occidentales. Quand je dis « guerre civile », il ne s’agit pas de quelques coups de feu par-ci par-lĂ . Cette guerre a fait la bagatelle de 14.000 morts depuis 2014, dont au moins 3.000 civils. C’est une vraie guerre, au milieu des civils.

Peu de gens parlent de cette guerre, comme si elle n’existait pas et que tout allait bien en Ukraine. Il est indispensable de comprendre que la population locale est particuliĂšrement remontĂ©e contre le pouvoir central et soutient activement les sĂ©paratistes, sinon cette guerre n’aurait pas pu durer aussi longtemps.

Les accords de Minsk (1 et 2)

Les sĂ©paratistes et le gouvernement ukrainien tentent des nĂ©gociations. Ils signent par deux fois des accords de paix et de dĂ©sescalade des tensions militaires Ă  Minsk. Mais ceux-ci ne sont pas respectĂ©s, en particulier par les Ukrainiens. Il est clair qu’aprĂšs 8 ans Ă  s’envoyer des tirs de mortiers et autres obus, la situation n’est pas prĂšs d’ĂȘtre rĂ©solue.

Bien sĂ»r, comme je l’ai dĂ©jĂ  mentionnĂ©, les Russes n’y sont pas pour rien dans cette histoire. Poutine ne veut Ă©videmment pas que l’Ukraine devienne un vassal des États-Unis. La frontiĂšre entre l’Ukraine et la Russie fait 1500 km. De ce point de vue, avoir les troupes amĂ©ricaines tout le long deviendrait un cauchemar. Non seulement pour la Russie, mais pour la paix dans le monde tout court. Pas besoin d’ĂȘtre sorti des Mines pour le comprendre.

Les USA utilisent la force partout oĂč ils le jugent nĂ©cessaire
 c’est-Ă -dire partout. Comme je l’ai mentionnĂ© dans mon livre « La monnaie : ce qu’on ignore », la section 301 de la loi amĂ©ricaine de 1974, qui est toujours appliquĂ©e aujourd’hui, « autorise le PrĂ©sident Ă  prendre toute mesure appropriĂ©e [
] pour obtenir le retrait de tout acte, politique ou pratique d’un gouvernement Ă©tranger [
] qui restreindrait le commerce avec les États-Unis ». ImpĂ©rialisme, quand tu nous tiens.

Volodymyr Zelensky

Faisons un petit zoom sur le prĂ©sident Zelensky. Il a accĂ©dĂ© au pouvoir par des moyens assez peu conventionnels. On peut d’ailleurs le comparer Ă  Macron en France, ou Trudeau au Canada. Sa campagne n’a pas Ă©tĂ© « classique » :

  • il n’est pas politicien professionnel, c’est un comĂ©dien hĂ©ros d’une sĂ©rie tĂ©lĂ© oĂč il jouait justement son propre rĂŽle de « type normal » devenant prĂ©sident, une sorte de prophĂ©tie auto-rĂ©alisatrice, et promet un « renouveau en politique »,
  • un homme assez jeune pour la fonction prĂ©sidentielle, avec une campagne particuliĂšrement axĂ©e sur sa personne plutĂŽt que sur des idĂ©es,
  • l’usage de nouvelles technologies et des rĂ©seaux sociaux,
  • beaucoup de promesses non tenues et une chute dans les sondages peu aprĂšs son Ă©lection.

Par ailleurs, alors qu’il a jurĂ© de combattre la corruption, le « serviteur du peuple » est lui-mĂȘme en plein dedans. Son principal soutien, Igor Kolomoisky, un oligarque anti-amĂ©ricain, possĂšde la plus grande chaĂźne de tĂ©lĂ©vision. Mais il est aussi rĂ©guliĂšrement impliquĂ© dans des scandales de corruption.

Les Pandora Papers rĂ©vĂšlent en outre que Zelensky possĂ©dait un compte offshore, cĂ©dĂ© peu avant son Ă©lection Ă  un ami
 hum. Serviteur du peuple, mon Ɠil.

En fait, les Ukrainiens eux-mĂȘmes ne sont pas ravis de leur prĂ©sident. Voici les rĂ©sultats de sondages en 2021, par un site qui n’a pas d’affiliation avec les Russes et qu’on peut donc qualifier de « neutre » :

Réponses à la question « En général, approuvez-vous les activités de Volodymyr Zelensky ou non »

Sa popularitĂ©, dĂ©jĂ  bien entamĂ©e en juin 2021, descend encore davantage avec 28 % d’opinion favorable.

Je ne serais pas surpris d’apprendre que l’oligarque s’est senti trahi et s’est finalement tournĂ© vers Poutine.

Les demandes russes

En dĂ©cembre 2021, les Russes envoient aux Occidentaux une liste formelle de demandes. C’est de mon point de vue un piĂšge car Poutine sait parfaitement que ses « partenaires » ne signeront jamais. Ils l’auraient fait depuis longtemps s’ils l’avaient voulu. Mais il veut tenter de tendre la main une derniĂšre fois.

Évidemment, ces demandes sont purement et simplement ignorĂ©es, et la rĂ©ponse parle de demandes de la part des Occidentaux, totalement diffĂ©rentes.

Aurions-nous pu Ă©viter la guerre en Ukraine ? Oui. J’en suis persuadĂ©. Si les EuropĂ©ens ou les AmĂ©ricains avaient au moins pris ces demandes au sĂ©rieux, il y avait de trĂšs fortes chances d’Ă©viter une guerre militaire. À la place, Macron nous a fait un grand cirque, a jouĂ© des mĂ©caniques en se faisant passer pour le Saint Sauveur en clamant que Poutine lui avait promis de ne pas attaquer l’Ukraine. Ce que le Kremlin a formellement dĂ©menti dans la foulĂ©e. Quel clown !

Il est bien malheureux de constater que personne n’a pris Poutine au sĂ©rieux. Comme toujours. Mais Ă©videmment, cela ne justifie pas, ne justifiera jamais, un conflit armĂ©.

La dĂ©cision d’attaquer

Difficile de dire ce qui a dĂ©clenchĂ© la dĂ©cision finale de lancer l’assaut contre l’Ukraine. C’est d’autant plus surprenant que la date choisie est un contresens total en terme militaire. En effet, c’est la pĂ©riode de l’annĂ©e oĂč les champs se transforment en boue. De fait, les colonnes militaires sont totalement coincĂ©es sur les axes routiers, ce qui fait des cibles parfaites. Si l’attaque avait Ă©tĂ© prĂ©vue de longue date, elle aurait eu lieu en Ă©tĂ© ou en plein cƓur de l’hiver.

Difficile, donc, de savoir ce qui a motivĂ© Poutine Ă  prendre cette dĂ©cision soudaine. Je pense que c’est un ensemble de facteurs. Il me semble que l’expĂ©rience syrienne lui a donnĂ© une assurance de ce dont son armĂ©e Ă©tait capable. Les rĂ©cents Ă©vĂ©nements au Kazakhstan l’ont probablement sĂ©rieusement irritĂ©. Et la rĂ©cente provocation de Zelensky demandant Ă  rejoindre l’OTAN a vraisemblablement Ă©tĂ© la goutte de trop.

Petit rappel d’Ă©vĂ©nements marquants de l’attaque sur l’Ukraine, qui ne sont de toute façon que des prĂ©textes, la dĂ©cision Ă©tait dĂ©jĂ  prise Ă  mon avis Ă  ce moment-lĂ  :

  • 21 fĂ©vrier : attaques d’une position russe Ă  la frontiĂšre par les Ukrainiens,
  • 22 : la Russie reconnaĂźt les deux rĂ©publiques sĂ©paratistes Ă  l’est dans le Donbass, envoie des troupes pour « maintenir la paix »,
  • 23 : dĂ©ploiement au Donbass, Poutine dĂ©clare vouloir « dĂ©militariser » et « « dĂ©nazifier » l’Ukraine qui menace l’intĂ©gritĂ© de la Russie, un discours de guerre trĂšs classique pour faire peur,
  • 24 : attaque de l’Ukraine par le nord, l’est et le sud, avec bombardement de zones militaires pour tenter de prendre le contrĂŽle de l’espace aĂ©rien,
  • 25 : l’armĂ©e russe fonce sur Kiev.

Personne ne peut prĂ©dire ce qui va advenir. Il semblerait que les Ukrainiens, armĂ©s massivement par les Occidentaux, offrent plus de rĂ©sistance que prĂ©vu Ă  l’avance des troupes russes.

Les buts de Poutine

Évidemment, je ne suis pas dans sa tĂȘte. MalgrĂ© tout, il me semble que les buts qu’il poursuit sont trĂšs clairs.

Je ne crois pas une seconde qu’il veuille occuper l’Ukraine sur le long terme. Toutes les invasions de ce type ont conduit Ă  des conflits de guĂ©rilla interminables et impossibles Ă  gagner lorsqu’on n’a pas le soutien de la population, et il le sait. Peu importe ce qu’on pense de lui, c’est un fin tacticien, il ne ferait pas une erreur aussi grossiĂšre.

Il veut se dĂ©barrasser de Zelensky, c’est indĂ©niable. Et probablement mettre un prĂ©sident pro-russe au pouvoir. Le peut-il ? Cela reste Ă  voir.

Il est parfaitement possible qu’il veuille couper l’Ukraine en deux. Cela aurait l’avantage de rĂ©gler les problĂšmes internes. Et cela lui ferait le pays tampon dont il a besoin du cĂŽtĂ© est. Tant pis si l’ouest bascule du cĂŽtĂ© atlantiste. Ce serait en tout cas gagnant-gagnant pour lui, surtout s’il contrĂŽle le fleuve Dniepr au milieu. L’est ukrainien contient beaucoup de ressources et des industries lourdes, ce qui lui permettrait de renforcer et diversifier l’Ă©conomie russe.

Évidemment, l’un des autres buts est de dĂ©livrer un message trĂšs clair aux Occidentaux : ne m’ignorez plus, je ne rigole pas, ne franchissez pas mes lignes rouges. En d’autres termes, l’Ukraine ne devrait jamais faire partie de l’OTAN, inutile d’en rĂȘver.

Une guerre mondiale ?

Est-ce que Poutine veut un conflit international ? Non, je ne pense pas.

Les États-Unis et l’Union EuropĂ©enne, en revanche, ne refuseraient probablement pas une petite guerre en ce moment. Je parle Ă©videmment des fous qui nous gouvernent, pas du peuple, qui n’a jamais envie de guerre. Mais les pays occidentaux ont beaucoup de problĂšmes avec des populations de plus en plus opposĂ©es Ă  leurs gouvernements, une dette massive et irremboursable, une crise Ă©conomique et Ă©nergĂ©tique qui n’ont pas de solutions.

À l’inverse, la Russie n’a quasiment pas de dette, a du gaz Ă  ne pas savoir qu’en faire, et le gouvernement n’a pas particuliĂšrement de problĂšmes avec sa population. Poutine n’a aucune raison particuliĂšre de faire la guerre, si ce n’est pour montrer qu’il en a raz-le-bol qu’on se paie sa tĂȘte. Une chose est sĂ»re, l’ours est Ă©nervĂ©.

Conclusion

Que va-t-il se passer ? Je n’en sais rien, je ne suis pas mĂ©dium. MĂȘme si elle ne semble pas vraiment se passer comme prĂ©vu, je pense que cette guerre ne va pas durer trĂšs longtemps. Les Russes ont Ă  mon avis attaquĂ© beaucoup trop tard dans la saison, ils auraient dĂ» attaquer au cƓur de l’hiver pour un « blitz ». Nous allons tous suer pendant un moment
 il va y avoir des dĂ©gĂąts. Mais je pense que Poutine va finalement obtenir ce qu’il demande depuis des annĂ©es, voire des dĂ©cennies : ĂȘtre entendu.

Les Occidentaux ne sont pas vraiment prĂ©parĂ©s Ă  une guerre. La Russie, elle, l’est, et a un avantage technologique au niveau militaire. Les Ukrainiens vont devoir se bagarrer tout seuls, et il me semble qu’il n’est que pure folie de leur donner davantage de matĂ©riel. Cela ne fait que retarder l’inĂ©vitable, tout en augmentant les chances de dĂ©rapages et les morts. Mais il faut bien Ă©couler le matos et se faire des cacahuĂštes en or.

Bien sĂ»r, si l’OTAN dĂ©cidait d’intervenir, cela pourrait conduire Ă  la catastrophe. C’est impossible. Enfin, ça le serait si on n’Ă©tait pas gouvernĂ©s par des pyromanes.

Est-ce que j’aime la situation actuelle ? Non, Ă©videmment. J’aime la France suffisamment pour ĂȘtre atterrĂ© de voir qu’on en est arrivĂ©s lĂ . Est-ce que Poutine est seul coupable ? Je pense qu’aprĂšs avoir lu autant de paragraphes, il est Ă©vident que la situation n’est ni blanche ni noire. En fait, les pays Occidentaux sont totalement responsables de l’escalade de ces deux derniĂšres dĂ©cennies.

C’est un peu comme quelqu’un qui te harcĂšle continuellement en te filant des claques Ă  rĂ©pĂ©tition. ExaspĂ©rĂ©, tu lances le premier coup de poing et du coup tu es seul responsable. Vraiment ?

Ma seule inquiétude est que cela crée un précédent qui inviterait les Chinois à attaquer Taïwan. Pas sûr que ça se passe aussi bien.

Le scandale des temps de parole

L’Arcom, anciennement CSA, est en charge de surveiller les temps de parole des candidats dans les mĂ©dias avant une Ă©lection.

Mais
 pourquoi donc surveiller les temps de parole ? AprĂšs tout, c’est Ă  chaque citoyen de voter en son Ăąme et conscience pour le candidat qui lui plaĂźt le plus.

Non ?

Les temps de parole décident du candidat élu

L’excellent blog « Notre Époque » a fait un excellent travail de recherches (y compris bibliographique) sur le sujet. Malheureusement, ce blog a disparu. J’ai donc reproduit les articles de l’Ă©poque sur mon propre blog Ă  des fins d’archives :

Les conclusions sont sans appel : le pourcentage de temps de parole dans les mĂ©dias permet d’avoir un pourcentage de votes Ă©quivalent lors de l’Ă©lection. C’est une relation directe, immuable, mathĂ©matique.

Ni plus, ni moins.

Il y a des Ă©tudes Ă©parpillĂ©es Ă  l’Ă©tranger, car c’est un sujet assez peu Ă©tudiĂ©, qui arrivent aux mĂȘmes conclusions. Certaines vont mĂȘme d’ailleurs plus loin : le contenu positif ou nĂ©gatif pour un candidat n’a que peu d’importance. C’est principalement le temps d’exposition dans les mĂ©dias qui est dĂ©cisif. Peu importe qu’on dise du mal ou du bien de ce candidat, c’est le fait d’en parler qui est crucial.

Ce n’est pas pour rien



 que le CSA est censé veiller.

L’un des rĂŽles de cet organisme est de veiller Ă  « la pluralitĂ© » en terme de temps de parole politique en pĂ©riode Ă©lectorale. S’il Ă©tait dĂ©montrĂ© qu’il n’y a aucun lien entre temps de parole et rĂ©sultats des votes, il y a fort Ă  parier que ce rĂŽle n’existerait tout simplement pas.

Ainsi donc, le CSA veille.

Mais comme tant de ces « API » (AutoritĂ© Publique IndĂ©pendante) et autres « Hautes AutoritĂ©s » aux rĂŽles pourtant cruciaux pour le bon fonctionnement de la RĂ©publique, cet organisme n’a aucun pouvoir.

Il peut s’Ă©poumoner autant qu’il veut, publier les chiffres qu’il veut. Aucun problĂšme. Parfois, il va mĂȘme jusqu’Ă  Ă©mettre des « mises en garde ».

Il est purement et simplement ignoré.

Il n’est qu’une entitĂ© fantĂŽme qui ne sert qu’Ă  agiter l’Ă©pouvantail : « Pas d’inquiĂ©tude de ce cĂŽtĂ©-lĂ , on a le CSA qui veille ».

Une loi infĂąme pour Ă©liminer les petits

En avril 2016 est votĂ©e une loi scandaleuse sur les temps de parole. Adieu l’Ă©galitĂ© absolue ! Les temps de parole seront maintenant proportionnels Ă  la « reprĂ©sentativitĂ© » des candidats. Cette loi aux dĂ©finitions floues et subjectives est un nouveau clou enfoncĂ© dans le dos des « petits candidats ». Ils sont petits, qu’ils le restent !

On peut effectivement se dire que, si un clown se prĂ©sente comme candidat, il paraĂźt logique de ne pas trop lui donner la parole pour Ă©viter aux gens de perdre leur temps. Le problĂšme de la loi en question est : qui dĂ©cide ? Les « petits candidats » n’ont-ils rĂ©ellement tous « rien Ă  dire » ? Qui juge qu’ils sont « petits » ?

Quelques précisions

La loi prĂ©cise trois maniĂšres de « calibrer » l’importance des candidats :

  • en fonction des rĂ©sultats obtenus aux plus rĂ©centes Ă©lections par les candidats ou par les partis et groupements politiques qui les soutiennent,
  • en fonction des sondages d’opinion,
  • la contribution de chaque candidat Ă  l’animation du dĂ©bat Ă©lectoral.

Le premier point est totalement hors sol. C’est un peu comme si les opinions des peuples ne changeaient jamais, comme si l’environnement ne se transformait pas, comme si aussi les formations politiques ne variaient jamais leurs discours. Comme si la politique Ă©tait quelque chose de statique. Quel intĂ©rĂȘt Ă  Ă©lire de nouvelles tĂȘtes, dans ce cas ? La loi est clairement faite pour que rien ne change.

Quant au deuxiĂšme point, les « sondages d’opinion » sont financĂ©s par les mĂȘmes qui financent les mĂ©dias. Ils ont donc exactement les mĂȘmes conflits d’intĂ©rĂȘts et mettent donc en avant exactement les mĂȘmes candidats. Qui contrĂŽle le bon fonctionnement de ces sondages ? Ah oui, une autre coquille vide, la « commission des sondages ».

Heureusement que le ridicule ne tue pas, car le dernier point est évidemment une mesure qui se mort la queue. Un candidat ne peut contribuer au débat que si on le laisse parler en premier lieu


Le test du terrain

Prenons un exemple précis pour juger de la pertinence de cette loi.

Le candidat ayant le plus de temps de parole cumulĂ© en janvier 2022 est de trĂšs loin
 Éric Zemmour.

Or, il n’a jamais Ă©tĂ© candidat, n’est pas dans un parti. Par ailleurs, il est crĂ©ditĂ© tout au plus de 15 % des votes.

À l’autre extrĂ©mitĂ© du spectre, tout en bas du graphique, une candidate, Clara Egger, a eu droit Ă  0 secondes de temps de parole dans les principaux mĂ©dias. Pourtant, le programme de cette candidate est axĂ© sur une mesure soutenue par une grande majoritĂ© de Français. En effet, elle soutient le RIC. Un sondage Ifop montre que 73 % des Français y sont favorables.

On a donc d’un cĂŽtĂ© un candidat qui se rĂ©pĂšte en boucle sur tous les plateaux tĂ©lĂ© alors qu’il attire moins d’un Français sur 5, et de l’autre cĂŽtĂ© une candidate soutenant une mesure plĂ©biscitĂ©e par les 3/4 des Français qui n’a pas eu le droit Ă  une seule seconde de temps de parole.

Un véritable scandale


Loin du discours officiel et lissĂ©, les temps de parole sont donc choisis par les mĂ©dias. Évidemment, les discours les plus clivants sont retenus en prioritĂ©, tandis que les idĂ©es qui pourraient rassembler le peuple sont recalĂ©es.

Cela a un impact majeur sur le fonctionnement de la RĂ©publique et de la reprĂ©sentativitĂ© des Ă©lus. En effet, comme l’indique trĂšs justement le blog que j’ai reproduit plus haut, la conclusion qui en dĂ©coule est que :

Le candidat vainqueur de l’Ă©lection n’est pas le candidat privilĂ©giĂ© des Français, mais celui des mĂ©dias.

Ainsi, les quelques milliardaires qui se partagent le contrĂŽle des mĂ©dias sont en rĂ©alitĂ© ceux qui Ă©lisent le futur candidat. Pas vous, cher lecteur, navrĂ© de vous dĂ©livrer peut-ĂȘtre un petit Ă©lectro-choc.

Dans mon roman « Le PrĂ©sident Providentiel », c’est un candidat totalement inconnu du peuple qui se prĂ©sente. PlĂ©biscitĂ© par les mĂ©dias, le rĂ©sultat n’est pas surprenant.

Un petit outil Ă  disposition

Les fichiers du CSA Ă©tant assez indigestes pour le citoyen lambda, je mets Ă  disposition un petit outil pour visualiser les temps de parole des candidats. Il s’agit de graphes qui permettent de voir d’un seul coup d’Ɠil le gouffre qui sĂ©pare les « baleines » des « sauterelles », pour reprendre l’analogie du blog « Notre Époque ».

Pour y accĂ©der, cliquer sur l’image ci-dessous :

On va me dire qu’il y a bien paritĂ© pour les 4 ou 5 premiers candidats. Mais il faut se rendre Ă  l’Ă©vidence, tous sont extrĂȘmement clivants. Par ailleurs, ils se ressemblent tous sur les sujets les plus essentiels :

  • crĂ©ation monĂ©taire,
  • Ă©vasion fiscale,
  • rĂ©partition des richesses,
  • corruption,
  • souverainetĂ© nationale,
  • impuissance du peuple.

OĂč sont les rares candidats qui pourraient changer quelque chose Ă  ces points essentiels ? Ils obtiennent littĂ©ralement mille fois moins de temps de parole que les autres. Autant dire que, pour qu’ils soient Ă©lus, il faudrait un miracle, une licorne statistique, de ce genre :

VisualisĂ© ainsi, c’est dĂ©jĂ  beaucoup plus clair.

Conclusion

La fameuse « paritĂ© des temps de parole » est une vaste farce. Il n’y a strictement aucune paritĂ©, tout le temps de parole est donnĂ© aux futurs vainqueurs Ă©lus par les mĂ©dias.

OĂč sont donc les « autoritĂ©s » censĂ©es s’assurer du « bon fonctionnement » de la RĂ©publique ? Mais que fait la police ? Comment croire encore Ă  la « dĂ©mocratie » pourtant dans toutes les bouches ?

Archive Web – Notre Époque – Élections et temps de parole – Partie 4

Le blog d’origine ayant malheureusement disparu, je reproduis ici le post d’origine. Il est normalement encore disponible sur l’archive de l’internet.

Médias et élections (4) : Internet et temps de parole médiatique

 

Archive Web – Notre Époque – Élections et temps de parole – Partie 3

Le blog d’origine ayant malheureusement disparu, je reproduis ici le post d’origine. Il est normalement encore disponible sur l’archive de l’internet.

L’effrayante corrĂ©lation entre temps de parole et rĂ©sultats des Ă©lections (3) : les mĂ©canismes

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