Read this post in English.
On parle beaucoup de couleur de peau ces derniers temps, en particulier dans la dernière décennie. « Black Lives Matter ». Les suprémacistes blancs. Le « Grand Remplacement ». On se préoccupe beaucoup de notre couleur de peau.
Comme je le mentionne dans mon roman « Le Président Providentiel », le concept de « races humaines » est une invention qui n’a aucune réalité scientifique. En effet, comment classifier la « race » d’un enfant issu d’un parent « blanc » et d’un parent « noir » ? Les races « noire » et « blanche » n’existent pas. En fait, il n’y a aucune frontière génétique bien définie. Il n’existe que des nuances de tons, un continuum.
Par ailleurs, la couleur de peau n’a aucun lien avec les autres caractéristiques physiologiques. Certains Africains sont noirs, mais d’autres ont des couleurs de peau beaucoup plus claires. Certains Amérindiens sont très pâles, d’autres sont particulièrement « sombres » de peau. La plupart des Indonésiens sont tout aussi « noirs » que les Africains les plus sombres, on peut en dire autant de certains Péruviens ainsi que les Aborigènes d’Australie. Les Maoris, qui ne sont pas bien loin des côtes australiennes, mais vivent dans une zone tempérée, ont des couleurs de peau similaires à la plupart des Méditerranéens d’Europe. Si l’on réfléchit en terme de migrations humaines, et donc de flux de génomes, c’est très déconcertant.
Mais alors, d’où provient donc notre couleur de peau ?
Corrélation avec l’exposition aux ultra-violets
Nina Jablonski et son mari sont catégoriques : la couleur de peau dépend de notre exposition aux rayons ultra-violets. Rien d’autre. C’est tout. Elle est totalement décorrélée de nos caractéristiques faciales, ou pire de notre comportement social. Et la corrélation avec l’exposition aux UV est extrêmement significative statistiquement.
Bon, tu vas me dire, cher lecteur : « Ça y est, Denis a inventé l’eau chaude ! Comme si on ne savait pas que les Africains sont noirs et les Norvégiens blancs ! » D’accord, ce n’est pas une grande surprise. Mais n’est-il pas étonnant qu’il y ait une corrélation aussi forte entre les deux ? Ne t’es-tu jamais posé la question du « pourquoi » ? C’est exactement comme s’il était absolument vital qu’à un emplacement du globe les humains adoptent une couleur de peau bien particulière. Et ce, indépendamment de n’importe quel autre critère de sélection.
Voici une carte des couleurs de peau à travers le monde :
À mettre en relation avec l’exposition aux UV :
En effet, tous les gens à la peau noire sont situés près de l’équateur. Lorsqu’on s’en éloigne un peu, autour des tropiques et des régions subtropicales, on trouve des gens à la peau légèrement bronzée, dont la couleur peut varier très fortement en fonction de leur exposition au soleil, comme des caméléons. Au-delà, les humains adoptent une couleur de peau la plus claire possible.
À noter qu’il y a des « anomalies » géographiques, en raison de chaînes de montagnes : les Andes et l’Himalaya. Dans ces deux régions, il y a moins d’épaisseur d’atmosphère à traverser pour les rayons du soleil, donc les gens sont exposés à plus de rayonnement ultra-violet, et adoptent une couleur de peau sombre.
Deux facteurs majeurs contribuent à l’importance d’avoir une couleur de peau donnée en fonction de l’exposition aux UV.
Les folates
Les folates sont des molécules (des vitamines B) qui jouent un rôle clé dans la division cellulaire et la croissance humaine. Elles sont absolument partout dans le corps, y compris sur et sous la peau. Une carence en folates cause de l’anémie, des cancers, des maladies cardio-vasculaires, et des difformités congénitales des nouveaux-nés. Inutile de dire que ces molécules sont donc extrêmement importantes pour rester en bonne santé.
Or, les folates sont très sensibles aux UV : ces molécules sont « cassées » par les rayonnements. Ainsi, certaines recherches montrent que les niveaux de folates dans le sang diminuent en été dans les régions tempérées. C’est la raison pour laquelle les gens qui vivent dans des régions très exposées aux UV doivent développer une pigmentation de peau sombre pour empêcher les rayonnements de pénétrer sous la peau, afin de protéger leurs folates. D’ailleurs les UV ne détruisent pas que les folates, mais également l’ADN et plein de molécules nécessaires à la vie ; c’est pourquoi on utilise les UV comme désinfectant. Trop d’UV cause des cancers car détruit les molécules nécessaires au vivant en général.
Au passage, si tu es très exposé au soleil en particulier en été, l’une des actions à prendre pour éviter d’avoir des carences en folates est de consommer des légumes verts, qui sont riches en folates. À noter que les hommes ont naturellement moins de folates que les femmes et sont donc encore plus sensibles aux effets des UV.
Tout cela explique pourquoi les gens qui vivent dans des régions fortement exposées aux UV doivent adopter une couleur de peau la plus sombre possible. Ceux avec une peau claire ont moins de chances d’avoir des enfants sains. La sélection naturelle au cours des générations fait le reste.
La vitamine D
Note : la vitamine D n’est en fait pas une vitamine, mais une hormone. Quelle est la différence ? Une hormone est une molécule qui peut être synthétisée par le corps par des réactions chimiques. Les vitamines, à l’inverse, ne peuvent pas être créées par le corps, mais doivent être apportées par l’alimentation. Dans le cas de la vitamine D, elle est synthétisée par les cellules de la peau… lorsqu’elles sont exposées au soleil. D’après la définition ci-dessus, il s’agit donc bien d’une hormone.
Alors que les UV sont toxiques en grande quantité, paradoxalement ils sont également nécessaires pour notre survie. En effet, ils permettent à notre corps de synthétiser la vitamine D, un composant vital.
L’un des rôles majeurs de la vitamine D est de véhiculer le calcium pour construire les os. Par ailleurs, elle joue un rôle fondamental dans le système immunitaire, ainsi que bien d’autres fonctions. À noter que de très nombreuses études montrent systématiquement une corrélation entre les déficiences en vitamine D et des cas sérieux d’infections respiratoires. Des carences en vitamine D peuvent aussi causer l’ostéoporose, le diabète, des problèmes de tension artérielle, ainsi que des cancers, parmi d’autres effets. Certaines études suggèrent même que la vitamine D joue un rôle important dans les fonctions cognitives.
Très logiquement, les humains qui ont gardé la pigmentation de leur peau en migrant dans des zones moins ensoleillées se sont retrouvés en manque sérieux de vitamine D. Dans le même temps, les humains qui ont perdu cette pigmentation ont eu un avantage sérieux en augmentant leur niveau de vitamine D.
En résumé, bloquer les UV est une excellente chose lorsqu’ils sont trop abondants, mais à la fois très néfaste lorsqu’il n’y en a pas beaucoup. Et lorsque les os craquent à cause de l’ostéoporose, il devient difficile d’avoir des enfants en bonne santé !
Adaptation du régime alimentaire
Par ailleurs, les cultures qui vivent dans des zones peu ensoleillées ont adopté une constante dans leur alimentation : l’huile de poisson, en particulier l’huile de foie de morue. Ce n’est pas une coïncidence que ce soit l’aliment le plus riche en vitamine D !
Lecteur, si tu n’es pas très exposé au soleil, il y a de très fortes chances que tu aies des carences en vitamine D. Par conséquent, tu devrais probablement te tourner vers une alimentation assez riche en vitamine D : poissons (poisson-scie, saumon, thon, sardines, maquereaux…), foie de bœuf, côtelettes de porc, blanc de poulet et œufs, champignons, lait ou yaourt, oranges, etc. Bien sûr, il faut toujours garder en tête qu’une alimentation équilibrée est préférable. Par exemple, se gaver de thon peut résulter en une exposition accrue aux métaux lourds, et c’est très certainement à éviter.
Le compromis
Les humains ont donc adopté des couleurs de peau en fonction de leur exposition aux UV. Mais le plus fascinant est ce qui se passe dans les régions subtropicales, où l’exposition aux UV varie fortement en fonction de la saison.
En effet, en été l’exposition y est maximale, tandis que les UV se font très rares en hiver. Or, une peau de couleur très sombre ne s’éclaircit pas en hiver, et cause donc une déficience en vitamine D. À l’inverse, une peau très claire ne bronze pas au soleil, elle cuit comme un steak – les folates sont brûlés et la peau développe des cancers.
Ainsi, ceux qui vivent entre les deux n’ont pas eu d’autres choix que de développer une capacité particulière : le bronzage. Leur peau s’assombrit dès qu’elle est suffisamment exposée au soleil. Par exemple, les personnes du Maghreb ou du Moyen-Orient peuvent avoir une peau particulièrement claire lorsqu’elle n’est pas exposée au soleil, mais peuvent devenir très sombres lorsqu’elles y sont exposées.
Plus au nord, cette fonction ne marche plus car jamais vraiment utile dans des latitudes plus élevées :
C’est ainsi que la couleur de peau est tout simplement un élément vital en fonction de notre environnement.
L’aspect social
Au Japon, les geishas se peignent en blanc. En effet, la couleur de peau y prend une dimension sociale. Une peau blanche est signe d’une personne cultivée, qui reste à l’intérieur la plupart du temps. À l’inverse, une peau tannée indique un travailleur des champs, un travailleur manuel, un sous-être. De même, en Inde, la couleur de peau est un indicateur majeur de classe sociale. Plus la peau est claire, plus son porteur a un statut social élevé.
Malheureusement, cet état de pensée est encore beaucoup trop commun. Nous obtenons notre couleur de peau principalement par nos ancêtres, une génération ne peut rien y changer, car il s’agit d’évolutions très longues. Et pourtant, il y a encore cette fascination pour la peau blanche, alors qu’il ne s’agit ni plus ni moins d’une peau qui a perdu sa pigmentation pour s’adapter à son environnement.
D’autres études sur les gènes et l’« intelligence » viennent aussi semer la confusion et les biais liés à la couleur de peau.
L’intelligence
Des études montrent des corrélations entre certains gènes et les scores à des tests de QI. Autant il est important de savoir cela, autant il ne faut pas non plus en tirer de conclusions hâtives. Encore moins faire une classification de supériorité sur ces critères. D’autant que l’amalgame « couleur de peau = population génétique » est souvent utilisé à tort.
Pour commencer, un test de QI est un test particulier qui mesure certaines aptitudes. Notre définition de l’« intelligence » doit-elle s’arrêter à ces aptitudes ? En particulier, les tests de QI sont principalement axés sur la logique, le raisonnement, les calculs. Ne devrions-pas nous pencher sur d’autres aptitudes comme l’empathie, la générosité, la « chaleur » des individus, pour qualifier une population ? Les narcissiques et manipulateurs sont d’autant plus dangereux qu’ils sont intelligents.
D’autre part, il s’agit de moyennes. Comme toute moyenne, cela n’a pas d’incidence sur chaque individu. Le fait qu’une personne appartienne à tel groupe qui a une « intelligence » moins développée n’implique pas que cette personne ne soit pas intelligente. À l’inverse, il peut parfaitement y avoir des gens très peu intelligents dans une population « généralement intelligente ».
Nous devons donc rester très prudents lorsqu’on base toute une idéologie sur de telles études, pour conforter des positions… nazies.
Conclusion
La couleur de peau dépend d’un facteur, et d’un seul : l’exposition aux UV. Elle évolue totalement indépendamment d’autres facteurs. Il est donc particulièrement ironique que certains basent leurs jugements des autres uniquement sur ce critère. La prochaine fois que tu croises une personne dont tu juges la couleur de peau « négative » tu pourras repenser à ce billet. L’intelligence, le comportement social, n’a strictement rien à voir avec la couleur de peau. Elle n’est que le reflet de l’exposition au soleil de nos ancêtres.