Lettre ouverte aux adeptes de la « main invisible »

Récemment, la chaîne Thinkerview recevait Charles Gave et Olivier Delamarche. Tous deux ont des lectures intéressantes de l’économie. En revanche, Charles Gave a une foi en la « main invisible » du marché particulièrement aveugle.

La « main invisible »

Introduite par Adam Smith au XVIIIème siècle, le concept de « main invisible » est facile à comprendre. Adam Smith théorise que l’ensemble des gens qui s’affairent chacun très égoïstement à leurs propres intérêts finit en réalité par servir l’intérêt général.

La première hypothèse sous-jacente est qu’on n’est jamais aussi motivé que lorsqu’on s’affaire pour soi-même. Si Adam Smith, avait pu voir l’Union Soviétique, cela aurait apporté de l’eau à son moulin. Une nation toute entière devenue improductive à cause d’une planification globale où plus personne ne se sent impliqué, quelle aubaine ! Du coup, l’antithèse est que la compétition à outrance est le système le plus productif, et donc le meilleur pour l’ensemble de la société.

La deuxième hypothèse est que la somme de tous les intérêts tend vers l’intérêt général. En effet, on part du principe que chaque acteur de l’économie a des intérêts divergents. Du coup, il est logique de penser que la somme de tous ces intérêts est représentatif de l’intérêt commun.

Des contre-exemples

L’Union Soviétique semble donner une « preuve » que lorsqu’on n’utilise pas la « main invisible », tout part en cacahuète. Mais en logique, le fait de démontrer non-non-A ne veut pas dire que A est vrai.

L’interviewer demande à Charles Gave s’il faut rouvrir les dossiers du passé. Sous-entendu, toutes ces « affaires » où l’intérêt général n’était pas vraiment au rendez-vous. Charles Gave répond qu’il ne faut pas juger les actions du passé avec les standards d’aujourd’hui. C’est une évidence, il faut remettre les choses dans leur contexte. Pour autant, cela n’excuse pas les comportements prédateurs perpétrés en toute connaissance de cause. Il est particulièrement important de réouvrir ces dossiers. Apprendre du passé peut nous permettre de ne pas commettre à nouveau les mêmes erreurs.

Prenons quelques exemples, parmi les plus connus. Évidemment, il s’agit de cas où les fraudeurs ont été pris « la main dans le sac ». Il y a probablement beaucoup de cas que l’on ne connaîtra jamais.

Le Cartel Phœbus

Dans les années 20, les principaux fabricants d’ampoules signent un accord pour limiter la durée des ampoules à 1000 heures de fonctionnement. Eh oui, plus la durée de vie d’une ampoule est élevée, moins on vend d’ampoules. C’est un cas typique où tous les acteurs ont en réalité exactement le même intérêt : tous y gagnent à réduire la durée de vie des ampoules pour tous les fabricants.

La « main invisible » aurait-elle pu empêcher cette situation ? En théorie, oui. Il suffisait qu’une entreprise vende des ampoules à durée de vie très élevée. Dans la pratique, c’est effectivement arrivé. Mais il aura fallu attendre presque 10 ans. On fait plus efficace !

Mis à part le gaspillage et les coûts élevés pour les consommateurs, l’impact sur l’Humanité de cet épisode est assez faible. En revanche, lorsqu’on parle de santé, il y a d’autres scandales beaucoup plus graves.

L’industrie du tabac

Après la seconde guerre mondiale, l’industrie du tabac est un énorme cartel avec un but commun évident : montrer au monde que le tabac est sans danger pour la santé. Aucune entreprise du secteur ne serait assez folle pour démontrer que le tabac provoque des cancers, c’est une évidence. Cela signifierait mettre la clé sous la porte immédiatement.

À l’époque, les médecins sont même payés pour vanter les mérites de telle ou telle marque. Des études – bidon, évidemment – sont financées en masse par l’industrie pour montrer l’innocuité du tabac, voire même ses bénéfices ! « Autre temps, autres mœurs » ? Sans doute. Ce ne serait excusable que si les dirigeants ne savaient pas que le tabac était dangereux. Or, ils savaient. Niaient. Mentaient.

Il faudra attendre des décennies avant que leurs mensonges éclatent finalement au grand jour. Dans cette histoire, combien de millions de cancers la « main invisible » a-t-elle causé ?

Le DDT

Doit-on ouvrir les dossiers comme celui du DDT ? Oui, évidemment.

Le DDT est un insecticide qui a des effets terribles sur l’environnement… et sur les humains. En particulier, il provoque des cancers. Là encore, il me paraît évident, même si nous n’avons pas de preuves, que les fabricants connaissaient très tôt l’impact de leur produit sur l’environnement.

Il faudra attendre qu’une lanceuse d’alerte tire la sonnette d’alarme pour que le DDT soit interdit… aux États-Unis, mais toujours vendu et utilisé dans le reste du monde. Belle hypocrisie ! Où était donc la main du marché à ce moment-là ? On savait pourtant parfaitement que l’insecticide était nocif. Mais il valait mieux écouler les stocks dans les pays pauvres que de perdre de l’argent ! La main invisible ne prend pas de gants.

Entente dans les télécoms

Il y a évidemment bien d’autres histoires en-dehors de la santé – j’aurais pu parler du Mediator, par exemple.

Dans les années autour de 2000, les trois principaux opérateurs de téléphonie mobile français signent des accords secrets pour garder des prix élevés. Là encore, il ne s’agit pas d’une « erreur involontaire ». Il s’agit au contraire d’une très claire volonté de nuire… ou plus exactement de profiter au maximum aux dépens du consommateur. Où était donc la main du marché pour empêcher une telle entente ?

Le pillage des ressources

Il faut le reconnaître et ne pas hésiter à l’affirmer : dans la frénésie sans fin de concurrence actuelle, tout le monde dans l’industrie est totalement à l’unisson. Il est beaucoup plus profitable de piller les ressources que de ne pas les exploiter.

Où est donc la main du marché lorsqu’il s’agit d’arrêter la déforestation au Brésil ? Que fait-elle pour sauver forêts rasées en Océanie pour y planter des palmiers ? Dit-elle stop lorsqu’on détruit l’environnement absolument partout, jusqu’au fond des océans ? La main piétine, écrase, extermine. C’est un fait vérifiable, partout autour du globe. La main n’est jamais rassasiée, elle en veut toujours plus. Et si tout cela passe par raser la planète de A à Z, les requins n’hésiteront pas une seule seconde, pour être plus compétitifs que la concurrence.

Explication

L’explication de ces contre-exemples est en fait très simple.

La théorie de la main invisible part du principe que tous les acteurs n’ont pas les mêmes intérêts. Et pourtant, dans une économie de marché, toutes les entreprises ont en réalité un seul et même but : être les plus rentables possible. On pourra arguer qu’une entreprise peut également être « éthique », ou même à l’image du slogan initial de Google « ne pas être mauvaise ». Tout cela n’est que du marketing. Une entreprise qui n’est pas profitable comparée à ses concurrents est tout simplement vouée à disparaître. Et ce, quelles que soient les « valeurs » qu’elle communique.

D’une certaine manière, ils sont tous en conflit d’intérêts : tous ont en réalité le même but. Même si celui-ci peut être atteint de plein de manières différentes, il reste tout de même des constantes :

  • exploiter des enfants dans un pays en développement restera toujours beaucoup plus rentable que d’employer des adultes d’un pays développé où les salaires sont beaucoup plus élevés et les protections sociales plus strictes,
  • rejeter sauvagement les déchets toxiques dans la rivière d’à côté est toujours moins cher que de les retraiter avec des moyens chimiques et de les jeter dans des endroits sécurisés,
  • lorsque tous les autres mentent sur leurs publicités, il n’y a pas d’autre choix que de mentir à son tour si on ne veut pas disparaître,
  • une équipe marketing pour vendre du rêve est toujours plus efficace que de devoir réellement être totalement éthique, éco-responsable, éco-renouvelable, etc. L’esbrouffe ne coûte pas cher, une usine de traitement des déchets, si.

La magie du marketing

Il y a un autre argument classique mis en avant par les adeptes de la « main invisible ». Les entreprises « non éthiques » finissent par perdre leurs clients au profit d’entreprises « éthiques ». Typiquement, Charles Gave prétend dans l’interview que « toutes les entreprises sont éco-sociales ». Soit-disant, personne ne va acheter chez les entreprises qui ne le sont pas. La bonne blague !

À l’heure où l’écologie est présentée comme une préoccupation majeure, on voit parfaitement comment le « green washing » permet de faire avaler des couleuvres à la population. Dans mon livre « La monnaie : ce qu’on ignore », je parle des biais cognitifs. Ici, de nombreux biais entrent en jeu. Au final, ce n’est pas la vérité qui compte, mais uniquement la perception qu’ont les gens de l’entreprise. Et cette perception peut être forgée de toute pièces, grâce à la publicité et au marketing.

Il est très facile de clamer haut et fort qu’on est « éco-social ». Les services marketing savent parfaitement mettre un coup de pinceau vert sur les pires gabegies écologiques. Ils savent également mettre en avant le tout petit pourcentage de l’entreprise qui œuvre à être plus éco-responsable, même si ce n’est que pour camoufler tout le reste. Toutes les grandes entreprises ont des équipes dédiées uniquement à cette tâche. Et il n’y a pas à dire, elles font des miracles.

La cause des causes

Pendant trois heures de débat, il est tout de même curieux que ces économistes chevronnés n’aient pas soufflé mot du problème principal, de la cause des causes de tout cela. Il s’agit de la création monétaire.

Charles Gave pourrait probablement arguer que c’est effectivement la faute des banques centrales. En effet, selon lui tout est la faute de ces institutions qui mettent les pieds dans le plat du marché. Celui-ci devrait être laissé tranquille pour qu’il se régule tout seul. Mais Charles, c’est exactement ce qui se passe !

Effectivement les banques centrales créent un peu de monnaie. Mais pour rappel, l’essentiel de la monnaie est créé par les banques privées. Et ce, sans aucune intervention extérieure. Ce sont bien elles qui sont censées être les garantes de créer de la monnaie pour ce qui est « le plus efficace ». Ou plus exactement, le plus rentable.

La main invisible est déjà là !

Dans les faits, ce sont les banques privées, dont le but est toujours la rentabilité à tout prix, qui choisissent ce qui va être financé, et ce qui ne va pas l’être. Chaque banque œuvre dans son propre intérêt… mais de toute évidence la somme des intérêts particuliers du système bancaire n’équivaut pas exactement à l’intérêt général.

Où sont donc ces systèmes de santé qui devraient nous permettre de lutter efficacement contre des épidémies, alors que tout le système de santé est de plus en plus privatisé ? Où sont donc ces systèmes ultra-efficients du marché permettant d’éviter l’accumulation morbide de capital par une petite minorité d’acteurs, pendant que le reste de la population sombre toujours plus dans la pauvreté ? La privatisation de la « gestion des vieux » est là aussi totalement catastrophique, avec un rapport qualité-prix totalement ubuesque pour l’individu lambda, mais évidemment extrêmement profitable pour les gestionnaires. Et tout cela dans une période où on n’a cessé de privatiser les acteurs du secteur.

Tout cela n’est dû qu’à un seul facteur : ce sont les banques privées qui décident ce qui est financé ou non. Exemple typique de la « main du marché ». Nous devrions nous en inspirer pour comprendre que cette main invisible est destructrice, et qu’elle n’a rien à voir avec « l’intérêt général ».

La démocratie

Pour terminer leur démonstration, nos deux sbires finissent par parler de « démocratie ». De leur point de vue, l’État, quel qu’il soit, fait toujours n’importe quoi. Il n’y a rien de plus intelligent que le « chaos constructif », selon eux. L’État déstabilise l’équilibre, et tous les dysfonctionnements sont de sa faute.

Mais là encore, les hypothèses de départ sont fausses. L’État tel que nous le connaissons n’est en réalité rien d’autre qu’une oligarchie, un ensemble d’individus qui contrôlent toutes les décisions et font toujours pencher la balance de leur côté. Il n’est en aucun cas l’organisme impartial qu’on tente de nous vendre, et qui permettrait de faire régner « l’intérêt général ». L’État sous forme d’élites auto-proclamées élues n’est en réalité qu’un cartel de plus que la main invisible ne saurait éliminer.

Le rôle de l’État, le vrai, celui où « l’État, c’est nous », est de protéger les Citoyens des requins qui se revendiquent de la main invisible, en lui tordant le cou une bonne fois pour toutes. Et ce, sans pour autant tout transformer en plans, kolkhoses et sovkhoses. Car non, la vie n’est jamais juste toute blanche ou toute noire. Quiconque présente une dichotomie aussi absurde n’est qu’un manipulateur.

Effondrement historique du PIB en France et en Europe

Tous les grands médias caracolent actuellement avec des gros titres :

  • hausse historique du PIB en 2021,
  • du jamais vu depuis 50 ans,
  • etc.

Au-delà de ces titres-dont-je-tairai-le-but, la réalité est bien différente.

Effondrement historique du PIB en 2020

Comme on le sait tous, le PIB a chuté en 2020 un peu partout dans le monde. En particulier, il a reculé de 6,4 % dans la zone euro. En France, encore plus, il a chuté d’environ 8 %.

La fameuse « hausse historique » de 5,2 % en 2021 en Europe est donc vue sous un autre angle lorsqu’on garde en tête la succession des années. Sortons notre calculette :

(100 – 6,4) × 1,052 = 98,47

soit une baisse sur deux ans de 1,53 %.

En France, si on fait le même calcul, on a droit à une baisse de 1,56 % sur deux ans.

Mais ce n’est pas tout.

Injection massive de monnaie par la BCE

Face à l’arrêt de l’économie en 2020, la Banque Centrale Européenne a décidé de ne pas y aller de main morte.

Après tout, elle commence à en avoir l’habitude. Cela fait presque une décennie qu’elle injecte régulièrement de la monnaie dans la sphère financière par le mécanisme de l’assouplissement quantitatif (QE – Quantitative Easing en anglais). Et l’euro ne s’en porte pas plus mal, du moins en apparence. Alors, pourquoi ne pas y aller franchement ? Au fond, il s’agit de « sauver l’économie ». Ou plus exactement la sphère financière, mais chut.

Il me semble que le blog creationmonetaire.info est l’un des seuls, si ce n’est le seul, à nous donner des graphiques de l’évolution de la masse monétaire en euro. Celui-ci est particulièrement parlant :

Masse monétaire euro
Source : https://www.creationmonetaire.info/2022/01/masse-monetaire-e-janvier-2022-les-15000-milliards-depasses-le-rsa-au-plus-bas-de-tous-les-temps.html

Depuis mars 2020, c’est-à-dire moins de 2 ans, la BCE a injecté la bagatelle de 20.000 milliards d’euros dans l’économie. 10 fois le PIB de la France.

À masse monétaire constante, le PIB a donc déjà reculé de 1,5 % en deux ans. Mais si on tient compte du gonflement de presque 20 % de la masse monétaire dans le même temps, alors la conclusion s’impose :

en deux ans, le PIB a reculé de 20 %.

Il s’agit donc d’un effondrement historique du PIB, contrairement à ce qu’on veut bien nous faire croire, en pleine période électorale.

Inflation

J’indiquais en 2016 dans mon livre « La monnaie : ce qu’on ignore » que les QE successifs n’avaient eu qu’un très faible impact sur l’inflation :

Or, malgré l’augmentation constante et soutenue de la masse monétaire, l’inflation officielle dans l’Union Européenne sur 10 ans est d’environ 2 % par an, guère plus de 25 % en 10 ans, soit un quart de la hausse de la masse monétaire (pour rappel, la masse monétaire M1 a doublé dans les 10 dernières années et la monnaie fiduciaire a même quadruplé en 15 ans).

Il semblerait tout de même que la dernière folie de nos banquiers centraux commence à porter ses fruits : partout, « on craint » une inflation record en 2022. La question est : qui donc craint cette inflation ?

La réponse est simple : le petit épargnant, le salarié qui ne va pas voir son salaire suivre la courbe de l’inflation, le petit commerçant qui va devoir racler sur ses marges déjà inexistantes pour ne pas trop perdre de clientèle, etc.

L’État, lui, en sort grand gagnant. Il pourra de toute façon relever les taxes et autres impôts. En effet, il suffira de justifier qu’ils sont indexés par défaut sur l’inflation. Mais surtout, il voit sa dette fondre comme neige au soleil.

À lire aussi sur le sujet, cet autre récent billet sur le petit jeu de la BCE.

L’euro digital, l’arme ultime de la BCE

Avertissement : ce que j’explique ici n’est pas ma propre opinion, mais n’est que le point de vue des banquiers centraux. Si j’étais banquier central, nul doute que mes solutions seraient toutes différentes. Je mets bout à bout des événements et déclarations pour tenter d’expliquer les choix faits par nos banquiers centraux dans le passé et dans le futur proche.

Introduction

Au vu de l’endettement massif partout dans le monde et un système bancaire à l’agonie, la BCE (Banque Centrale Européenne) et l’euro sont au bord du gouffre. On pourrait en dire autant de la Fed aux États-Unis, mais je vais m’attarder dans cet article sur l’Europe.

Dans mon livre paru en 2017 « La monnaie : ce qu’on ignore », je mentionnais déjà que les banques centrales (y compris la BCE) examinaient déjà les crypto-monnaies. Ces dernières années, la BCE a dévoilé petit-à-petit la possibilité à court terme (quelques années) d’offrir d’un « euro digital ». En d’autres termes, les citoyens européens pourraient avoir un compte à la BCE. Il y a eu aussi des rumeurs et discussions sur la « monnaie hélicoptère ». Comment tout cela est-il lié ? Pourquoi y en a-t-il besoin ? Y en a-t-il vraiment besoin ?

L’origine

Le problème vient de la manière dont la monnaie est créée actuellement. Dans le système actuel, ce sont les banques privées qui créent l’essentiel de la monnaie. En tout cas, c’est ainsi dans l’Eurozone et aux États-Unis.

Le système est le même partout dans le monde : les banques centrales créent de la monnaie fiat, les banques privées captent un maximum de cette monnaie dans l’économie, et font des crédits, qu’on appelle à tort « prêts ». En effet, la banque ne « prête » pas de la monnaie existante, mais crée de la monnaie lorsqu’elle accorde un crédit. Cette monnaie est alors détruite lorsque le crédit est remboursé. Ce système provoque de nombreux problèmes, comme je l’ai détaillé dans deux de mes livres : « La monnaie : ce qu’on ignore » et « La monnaie : l’essentiel ».

Arrêtons-nous maintenant à l’un des problèmes de ce système : il lui faut de plus en plus de monnaie. En effet, pour maintenir le système des crédits à flot, il faut sans cesse introduire de la nouvelle monnaie dans l’économie. Si par accident la masse monétaire vient à diminuer, c’est tout le système qui risque de s’effondrer car il n’y a plus assez de monnaie pour rembourser les crédits existants.

Le problème

Mais, direz-vous, pourquoi est-ce réellement un problème ? Il se trouve que depuis la crise des subprimes en 2008, l’économie elle-même ne génère plus assez de nouvelle monnaie, plus assez de « croissance », pour maintenir le système. Au passage, seuls les économistes théoriques ne comprennent pas pourquoi cela pose problème. On ne peut avoir une croissance infinie sur une planète finie, c’est pourtant très simple à comprendre ! Bon, peut-être que le minage d’astéroïdes nous sauvera de la décroissance. Peut-être pas.

Bref, après la crise de 2008, les banques centrales font face à un problème de taille : comment créer assez de monnaie pour soutenir le système bancaire et éviter la catastrophe ? Il n’y avait pas assez de monnaie, et l’économie ne créait pas assez de crédits par elle-même.

La première phase (2008-2015)

Les banques centrales n’ont pas beaucoup de leviers pour interférer dans l’économie. Elles peuvent créer de la monnaie physique, billets ou pièces, mais seulement jusqu’à un certain point. Créer cette monnaie physique a un coût. À l’inverse, créer de la monnaie pour un crédit se fait essentiellement en cliquant sur un bouton de souris devant un ordinateur. C’est la raison pour laquelle, dans le monde occidental, 90 % de la monnaie est digitale et créée par les banques privées. C’est différent dans d’autres endroits où les gens utilisent encore beaucoup les espèces dans la vie de tous les jours.

Malgré tout, le rôle des banques centrales est de s’assurer que le système financier tient debout. Il leur fallait agir en 2008 pour sauver le système bancaire.

Pour cela, elles ont utilisé leur premier et principal outil : les taux directeurs. En effet, le taux directeur a un impact direct sur les taux des crédits émis par les banques privées. Et évidemment, les taux d’intérêts ont un rôle important dans l’émission ou non de crédits.

Lorsque les taux sont élevés, les gens hésitent beaucoup plus à prendre un crédit qui va leur coûter cher à rembourser. À l’inverse, lorsque les taux sont bas, tout le monde se rue sur les crédits puisqu’ils ne coûtent pas grand-chose. C’est assez évident.

En baissant les taux d’intérêts, les banques centrales ont rendu les crédits bancaires beaucoup plus attractifs, ce qui pousse les gens à prendre des crédits. Et plus de nouveaux crédits signifie plus de nouvelle monnaie créée pour ces crédits qui circule dans l’économie.

La seconde phase (2015-2021)

Cette première solution semble idéale. Malheureusement, lorsque l’économie a toujours besoin d’être accélérée mais que les taux d’intérêts ont tellement baissé qu’ils deviennent négatifs, il y a un sérieux problème. Aucun système bancaire ne peut survivre en payant les gens pour faire crédit ! Et pourtant, c’est ce qui est arrivé, les taux des crédits sont devenus négatifs. Ils le sont même devenus en Allemagne pour les particuliers pendant un certain temps.

Il fallait donc trouver un autre moyen de maintenir le système à flot. Malheureusement, les leviers de la banque centrale sont assez limités. Normalement, une banque centrale n’est pas censée créer de la monnaie digitale. Cette monnaie est d’ailleurs seulement utilisée par les banques entre-elles pour équilibrer leurs échanges.

Malgré tout, il en allait de la survie du système. La BCE, ainsi que d’autres banques centrales, ont commencé à utiliser un outil qui est normalement réservé aux situations d’urgence : l’assouplissement quantitatif. Pour faire simple, la banque centrale rachète des dettes d’état et injecte de la monnaie dans le système financier.

Grâce à ces deux premières phases, le nombre d’euros en circulation a doublé tous les dix ans, et ce depuis 20 ans. C’est un taux d’inflation de 10 % par an ! J’explique tout cela avec plus de détails dans mon livre.

Et maintenant ?

L’assouplissement quantitatif ne peut pas se prolonger éternellement. De plus, il ne résout visiblement pas le problème. En effet, j’ai mentionné un taux d’inflation à 10 % par an, mais ce n’est tout de même pas ce qu’on constate au niveau des prix. Ils augmentent, certes, mais ils ne doublent pas tous les 10 ans. En fait, la monnaie qui est généreusement distribuée aux financiers ne descend jamais dans l’économie. Qui a un jour cru au « ruissellement » ?

Les banques centrales font face à une évidence : il leur faut un autre outil pour sauver le système bancaire. Évidemment, une méthode alternative serait d’accepter que le système actuel ne fonctionne pas, mais cela mettrait un coup certain à leur crédibilité !

La dette et l’inflation

Jusqu’à maintenant, la BCE s’est fixé une cible de 2 % d’inflation par an. Comme je l’explique dans « La monnaie : l’essentiel », l’inflation ne peut jamais être calculée sans tomber dans des biais, mais admettons que la BCE ait réussi à maintenir ses 2 % dans les 10 dernières années.

Le problème est que l’économie actuelle est très endettée. Les entreprises sont fortement endettées car une grande partie des dettes publiques a glissé vers le privé, et la pandémie de Covid accompagnée de ses confinements et du ralentissement de l’économie ont encore accru ces dettes. De même, les états ont été obligés de s’endetter fortement pour subventionner leurs économies en berne.

Du point de vue d’une banque centrale, il y a un moyen simple de réduire les dettes de tout le monde : l’inflation. L’idée est simple : si on doit un montant fixe de monnaie et que la monnaie perd de sa valeur avec le temps, le résultat immédiat est que ma dette perd également en valeur. Typiquement, si on arrive à maintenir un taux d’inflation à 10 % par an, la dette de tout le monde est divisée par deux en 10 ans.

Malgré tout, il faut garder en tête qu’une banque centrale n’est pas censée créer de la monnaie directement. Il leur faut changer les règles si elles veulent le faire.

Une monnaie digitale

La BCE parle de plus en plus de « l’euro digital ». Certains parlent d’une « crypto-monnaie », mais ce n’en est clairement pas une puisqu’une dans le cadre d’une banque centrale, le terme « crypto-monnaie centralisée » ne peut être qu’un oxymore.

Bref, l’idée derrière la monnaie digitale de la BCE est que chaque citoyen de l’Eurozone puisse avoir un porte-monnaie virtuel… à la BCE. En clair, en plus de votre compte en banque actuel, vous et moi aurions également un compte à la BCE. Les montants maximum seraient limités à quelques milliers d’euros, mais il serait bel et bien là.

La BCE prétend que la principale raison à ce changement est que « les citoyens se détournent des espèces ».

Vraiment ? Est-ce réellement là la seule raison, voire même la principale ? Pourquoi un revirement si soudain, tout ça pour un compte où nous pourrions n’avoir que quelques milliers d’euros alors, que des milliards se baladent tous les jours dans la zone euro ?

La monnaie hélicoptère

La « monnaie hélicoptère » est simplement de la monnaie créée par la banque centrale et distribuée sans contrepartie aux citoyens. En Europe, Mario Draghi, le Président de la BCE à l’époque, disait trouver le concept « intéressant ». Peter Praet, l’économiste en chef de la BCE, a déclaré :

Oui, toutes les banques centrales peuvent le faire. Vous pouvez créer de la monnaie et la distribuer au peuple. C’est ça, la monnaie hélicoptère.

Il n’y a aucune annonce officielle comme quoi il serait dans les plans de la BCE de distribuer de la monnaie hélicoptère. Pour autant, il y a beaucoup de gens qui militent pour.

Mais concrètement, comment distribuer cette monnaie hélicoptère ? Si tout le monde a plusieurs comptes dans plusieurs banques, il faut identifier les citoyens auprès des états, demander dans quelle banque ils préfèrent recevoir la monnaie, faire des versements, etc. C’est compliqué. Il faut aussi ne pas distribuer de monnaie aux associations et entreprises qui ont un compte, etc.

Mais si soudain, chaque citoyen de la zone euro a un compte en banque à la BCE, c’est tout de suite beaucoup plus simple ! D’un simple clic, vous pouvez créditer tous les comptes d’un certain montant ! On peut dire que le compte à la BCE utilisant de la monnaie digitale est en quelque sorte le prérequis de la monnaie hélicoptère.

Est-ce vraiment une option sérieuse ?

Réfléchissez. Le système bancaire est en train de couler, obligé de donner des sous aux gens pour qu’ils fassent des crédits. La BCE a tout essayé pour injecter de la monnaie dans le système, en vain. Et elle est à court d’options. Par-dessus le marché, il y a beaucoup de dettes partout, dettes qui vont couler tout le monde tôt ou tard.

Et là, soudain, vous avez un outil qui permet d’injecter directement et facilement de la monnaie dans l’économie. Vous créez de l’inflation, ce qui va réduire les dettes. Et au passage, vous vous débarrassez des espèces qui vous coûtent cher, tout en accroissant votre contrôle sur les flux de monnaie – et permet de limiter le blanchiment.

Si j’étais dans les bottes d’un banquier central et que je voulais maintenir le système, je n’hésiterais pas une seconde à utiliser cet outil providentiel.

Un nouveau « truc » centralisé

Nous ne devons pas nous méprendre sur les intentions. Il s’agit ni plus ni moins que d’un outil de contrôle. On pourrait même parler d’outil de contrôle suprême.

Certains évoquent depuis quelques temps déjà que cela pourrait aller bien au-delà de la « monnaie ». Par exemple, il serait possible via ce système de distribuer des « bons alimentaires ». En d’autres termes, vous recevriez de la « monnaie » sur votre compte, mais vous ne pourriez dépenser cette monnaie que pour acheter des produits alimentaires de première nécessité.

On peut également parfaitement imaginer un « revenu de base » indexé sur votre « note » attribuée par l’État. Un crédit social à la chinoise, avec un effet direct sur ce que vous percevriez. Pourquoi pas l’utiliser également pour décider du niveau auquel vous devez être taxé. On peut aller très très loin avec ce système, en terme de contrôle, bien sûr.

Et nous dans tout ça ?

Bien sûr, tout cela n’est que la vision d’un banquier central. En tant qu’individu qui a beaucoup réfléchi à la monnaie, je suis persuadé qu’il vaudrait mieux se débarrasser du système bancaire actuel. Repartir de zéro. Ce ne serait pas la première fois dans l’histoire. Et parfois, plutôt que de laisser pourrir un système malade, un nouveau départ avec un meilleur système est largement préférable.

Certains pensent que la monnaie hélicoptère est une forme de revenu universel, ou revenu de base. Comme j’ai prévenu dans mon livre, le revenu universel peut également être un piège. Une astuce, un tour de passe-passe, pour maintenir le système véreux actuel à flot.

Pour nous, citoyens, il y a déjà une alternative, et chacun d’entre nous peut la choisir en toute liberté et en toute conscience : la monnaie libre. Assurez-vous de lire la Théorie Relative de la Monnaie ainsi que mon livre « La monnaie : ce qu’on ignore » pour découvrir toutes vos options pour choisir un système monétaire.

Ponzi et création monétaire

Les chaînes de Ponzi

Fabien Olicard est un mentaliste talentueux. Dans une vidéo récente, il explique le mécanisme des pyramides de Ponzi. Je ne sais pas s’il a choisi le timing sciemment pour la publication de cette vidéo, mais vu la conjoncture, la coïncidence est particulièrement troublante ! En effet, le système de création monétaire du système bancaire est basé sur ce principe. Et non, je n’exagère rien.

 

La création monétaire par le crédit

Les lecteurs de mes livres savent déjà que, quand vous obtenez un crédit de votre banque, elle ne vous prête pas de la monnaie qu’elle a déjà. Elle crée ce montant sur votre compte par une simple écriture comptable, c’est juste un nombre saisi dans un ordinateur. Cela s’appelle la création monétaire ex-nihilo. Cette création suit un certain nombre de règles, qu’on ne va pas détailler ici.

Mais les intérêts du crédit, eux, ne sont pas créés. Seul le principal est créé. Cela signifie que, pour rembourser ces intérêts, il faut bien aller les chercher quelque part, ailleurs, pour les rembourser. Ailleurs, mais où ? On doit forcément ponctionner de la monnaie qui a été créée par d’autres crédits. Or, ces autres crédits ont été octroyés à d’autres individus ou entreprises, qui, à leur tour, vont avoir bien du mal à rembourser… leur seule solution est d’aller prendre à leur tour de la monnaie d’autres crédits, etc. D’où un endettement perpétuel et croissant de toute la population, y compris des états. Et cela, absolument partout dans le monde puisque le système bancaire fonctionne de cette même manière dans tous les pays à de rares exceptions près.

Analogie avec Ponzi…

Le système de création monétaire par les banques privées est donc exactement basé sur le même principe qu’une pyramide de Ponzi : celui qui crée la monnaie s’enrichit constamment sur le dos de ceux pour qui il crée de la monnaie, et ce de plus en plus puisque ce sont les nouveaux entrants qui doivent fournir aux précédents les intérêts qu’ils doivent rembourser.

Toute chaîne de Ponzi a une fin

Un système pyramidal de ce type ne peut jamais durer éternellement dans un monde fini. En effet, pour payer les membres existants, il est nécessaire de faire entrer de nouveaux membres sans cesse. Lorsqu’il n’y a plus assez de nouveaux entrants pour alimenter les anciens, le château de cartes s’effondre par manque de fonds.

C’est exactement ce qui est en train de se produire aujourd’hui avec le système bancaire. C’est d’ailleurs ce qui aurait dû se produire en 2008 si les états un peu partout dans le monde ne s’étaient pas endettés pour renflouer le système bancaire en déroute. Pas étonnant que les intérêts des crédits aient été ramenés quasiment à zéro par les banques centrales dans la décennie passée, on sent bien que la supercherie ne peut plus continuer beaucoup plus longtemps. La Covid-19 est probablement le dernier clou dans le cercueil…

Pour aller plus loin…

Voici un extrait de mon livre « La monnaie : l’essentiel », dans lequel j’ai utilisé dans les chapitres précédents l’exemple de naufragés sur une île utilisant des émeraudes comme monnaie d’échange.

L’intérêt esclavagiste

Imaginons à nouveau une île, cette fois avec 10 naufragés. Au lieu d’échanger des émeraudes, ils font appel à un onzième protagoniste qui se prétend banquier ; ils le croient, car il a encore sa cravate. Il leur propose de leur créditer 100 unités chacun, ils devront rembourser 10 unités tous les mois sur un an, ce qui fera 120 unités à rembourser, soit 20 % d’intérêts. Ils ont envie d’avoir de la monnaie pour leurs échanges, ils acceptent donc la proposition du banquier.

Celui-ci a « oublié » de leur expliquer que, sur les 12 mensualités qu’il va percevoir, les deux premières sont des intérêts qu’il va conserver, puis il détruira les 10 autres, pour détruire exactement ce qu’il a créé, c’est-à-dire 100 par personne.

Arrêtons-nous quelques instants et calculons :

  • il y a au total 100 unités créditées × 10 naufragés, soit 1 000 unités en circulation,
  • il faut rembourser 10 par mois × 12 mois × 10 naufragés, soit 1 200 unités au total au banquier.

Comment est-ce possible ? Il n’y a pas assez d’unités en circulation pour rembourser le banquier. Pire encore, à partir du dixième mois, il n’y aura plus une seule unité en circulation dans l’économie puisque chacun aura remboursé 100, c’est-à-dire l’intégralité de la monnaie qui a été créée ! Il leur restera à rembourser deux mois à 10 par mois soit 200 pour les 10 naufragés.

Mais on a oublié tout de même un détail : le banquier, lui, sera en possession des deux premières mensualités, soit 10×2×10=200. Ce sont les intérêts qu’il n’a pas détruits. À partir de ce constat, tout dépend de ce que le banquier décide de faire avec ces 200 unités.

Si le banquier décide d’utiliser cette monnaie pour se payer à manger grâce au travail des autres naufragés, il lui suffit de dépenser tranquillement ces intérêts pour se nourrir. Il peut alors passer ses journées dans un hamac au bord de l’eau, cocktails et caviar fournis par sa main-d’œuvre qu’il paye avec les intérêts qu’il a récoltés. Dans ce cas, s’il dépense tous les intérêts, il réinjecte 200 unités dans l’économie, exactement celles qui manquaient pour rembourser tous les crédits.

Malgré tout, même dans ce scénario parfait, il n’y a à la fin de l’année plus aucune unité en circulation dans l’île, car le banquier a détruit les dernières mensualités, comme prévu. C’est la crise. Chacun est à nouveau obligé de demander un nouveau crédit au banquier. Et donc de lui servir le caviar pour l’année qui vient. Et ceci indéfiniment.

L’intérêt manquant

Nous avons examiné un scénario, mais il en reste deux autres.

Si le banquier décide de partir lui-même à la pêche pour se nourrir et qu’il conserve ces 200 unités dans son coffre, alors effectivement il n’y aura jamais assez de monnaie pour le rembourser. Dans ce cas, les naufragés n’ont qu’une seule solution pour terminer de rembourser le banquier : faire de nouveaux crédits, qui incluront donc la fin du remboursement des anciens crédits. Chaque naufragé devra donc faire un crédit de 100+20 pour l’année suivante, soit 120. Mais cette fois les mensualités seront de 12 au lieu de 10. Et dix mois plus tard, il restera alors 24 à rembourser chacun tandis que toute la monnaie aura disparu. On se retrouve ainsi à faire des crédits de plus en plus gros pour rembourser de plus en plus d’intérêts.

On se retrouve exactement dans le même cas si le banquier décide de ne dépenser qu’une partie des intérêts qu’il a récoltés. Il n’y a pas assez de monnaie pour tout rembourser, les naufragés sont obligés de faire des crédits de plus en plus gros au fil du temps.

Dans la réalité, comme tous les crédits ne sont pas octroyés en même temps dans l’économie, les acteurs de l’économie doivent « piocher » dans les crédits des autres pour rembourser leurs propres crédits. Mais cette monnaie manque alors aux autres, qui se trouvent obligés à leur tour de ponctionner dans la monnaie d’autres crédits, et ainsi de suite.

Pris de court ? Vraiment ?

L’étonnement

Certains s’étonnent des tournures que prend actuellement le système financier. Partout, on est surpris que les marchés financiers aient des hoquets. Les craintes d’une crise financière grave à la rentrée s’accentuent. Un peu comme tous les ans ces dernières années, d’ailleurs.

Dans la droite ligne de tous les critiques actuels du système financier, on peut lire dans un récent article de Mediapart le paragraphe suivant :

« Il y a des signes qui ne trompent pas. Quand les financiers brusquement redécouvrent l’attrait de l’or, quand ils sont prêts à perdre de l’argent pour le mettre dans des placements jugés sûrs, quand ils commencent à s’inquiéter de la liquidité sur les marchés, c’est que la mécanique financière est en train de se dérégler, que la peur est en train de gagner. »

La mécanique financière est en train de se dérégler. Comme si c’était un fait nouveau !

… cependant…

On ne pourra pourtant pas dire qu’il n’y avait pas de sérieux signes avant-coureurs, et ce depuis longtemps :

 
  • les subprimes et produits dérivés ne se sont jamais aussi bien portés – désolé pour le sarcasme,
  • les dettes des états s’envolent à tel point qu’on sait tous depuis longtemps que ces dettes ne seront jamais remboursables par les circuits classiques, et je ne parle même pas du hors bilan qui sert à en planquer sous le tapis…
  • les quelques agences de notation élitistes sont les faucheuses du système, qui peuvent décapiter des têtes à volonté,
  • les plus gros spéculateurs filent en masse dans des marchés de gré à gré (dark pools) pour échapper au contrôle des banques centrales depuis plus d’une décennie,
  • les banques centrales injectent de la monnaie à tout-va dans le système financier depuis des années – la perfusion,
  • les taux restent négatifs sur des durées prolongées ce qui est un risque immédiat pour tout le système bancaire – le palliatif, un enfant comprend que quelqu’un qui prête ou crédite de la monnaie à taux négatifs va finir par couler, à moins bien sûr qu’on l’arrose de monnaie par ailleurs,

L’évidence

Tout cela est évidemment de la pure folie, un système dont on sait qu’il n’est pas soutenable, et qui est mis sous perfusion, puis sous soins palliatifs. Le colosse aux pieds d’argile ne peut pas durer sur le long terme. C’est une évidence pour quiconque s’intéresse un peu à la question en profondeur.

Et qu’on ne me raconte pas que ses architectes ne sont pas au courant – ce qu’ils avanceront, bien évidemment, le jour où le château de cartes s’écroulera, à l’image de Janet Yellen, déclarant en 2011 à propos de la crise de 2008 : « Je n’ai pas apprécié les risques liés à la titrisation, aux agences de notation, à la finance de l’ombre, aux véhicules hors bilan, je n’ai rien vu venir de tout cela jusqu’à ce que ça arrive. »

Mais c’est bien sûr !

Soyons radicaux !

En fait, même la plupart de ceux qui avaient repéré ces signes avant-coureurs ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. Ils ne s’intéressent qu’à des conséquences superficielles d’une cause plus profonde.

Ce n’est qu’en pointant la cause première, la racine du problème, qu’on peut enfin se libérer de la cascade d’inégalités qui en découlent. Cette source initiale a un nom : la création monétaire.

En effet, un système où des « élites » ont le monopole de la création monétaire, et ce à volonté, ne pouvait que terminer comme il est aujourd’hui.

La monnaie libre, et la Ğ1 propulsée par Duniter, son implémentation lancée en 2017, est en cela une véritable révolution puisqu’elle remet à plat, à l’horizontale, si je peux oser cette métaphore, la création monétaire. Elle n’y est pas l’apanage d’une élite, elle appartient à tous. Elle a toujours appartenu à tout le monde, mais la liberté ne se donne pas, elle se prend.

Comme je l’écris en conclusion de mon livre « La monnaie : ce qu’on ignore » :

Se réapproprier la monnaie, ce n’est pas demain, c’est aujourd’hui !