Lettre ouverte aux adeptes de la « main invisible »

Récemment, la chaîne Thinkerview recevait Charles Gave et Olivier Delamarche. Tous deux ont des lectures intéressantes de l’économie. En revanche, Charles Gave a une foi en la « main invisible » du marché particulièrement aveugle.

La « main invisible »

Introduite par Adam Smith au XVIIIème siècle, le concept de « main invisible » est facile à comprendre. Adam Smith théorise que l’ensemble des gens qui s’affairent chacun très égoïstement à leurs propres intérêts finit en réalité par servir l’intérêt général.

La première hypothèse sous-jacente est qu’on n’est jamais aussi motivé que lorsqu’on s’affaire pour soi-même. Si Adam Smith, avait pu voir l’Union Soviétique, cela aurait apporté de l’eau à son moulin. Une nation toute entière devenue improductive à cause d’une planification globale où plus personne ne se sent impliqué, quelle aubaine ! Du coup, l’antithèse est que la compétition à outrance est le système le plus productif, et donc le meilleur pour l’ensemble de la société.

La deuxième hypothèse est que la somme de tous les intérêts tend vers l’intérêt général. En effet, on part du principe que chaque acteur de l’économie a des intérêts divergents. Du coup, il est logique de penser que la somme de tous ces intérêts est représentatif de l’intérêt commun.

Des contre-exemples

L’Union Soviétique semble donner une « preuve » que lorsqu’on n’utilise pas la « main invisible », tout part en cacahuète. Mais en logique, le fait de démontrer non-non-A ne veut pas dire que A est vrai.

L’interviewer demande à Charles Gave s’il faut rouvrir les dossiers du passé. Sous-entendu, toutes ces « affaires » où l’intérêt général n’était pas vraiment au rendez-vous. Charles Gave répond qu’il ne faut pas juger les actions du passé avec les standards d’aujourd’hui. C’est une évidence, il faut remettre les choses dans leur contexte. Pour autant, cela n’excuse pas les comportements prédateurs perpétrés en toute connaissance de cause. Il est particulièrement important de réouvrir ces dossiers. Apprendre du passé peut nous permettre de ne pas commettre à nouveau les mêmes erreurs.

Prenons quelques exemples, parmi les plus connus. Évidemment, il s’agit de cas où les fraudeurs ont été pris « la main dans le sac ». Il y a probablement beaucoup de cas que l’on ne connaîtra jamais.

Le Cartel Phœbus

Dans les années 20, les principaux fabricants d’ampoules signent un accord pour limiter la durée des ampoules à 1000 heures de fonctionnement. Eh oui, plus la durée de vie d’une ampoule est élevée, moins on vend d’ampoules. C’est un cas typique où tous les acteurs ont en réalité exactement le même intérêt : tous y gagnent à réduire la durée de vie des ampoules pour tous les fabricants.

La « main invisible » aurait-elle pu empêcher cette situation ? En théorie, oui. Il suffisait qu’une entreprise vende des ampoules à durée de vie très élevée. Dans la pratique, c’est effectivement arrivé. Mais il aura fallu attendre presque 10 ans. On fait plus efficace !

Mis à part le gaspillage et les coûts élevés pour les consommateurs, l’impact sur l’Humanité de cet épisode est assez faible. En revanche, lorsqu’on parle de santé, il y a d’autres scandales beaucoup plus graves.

L’industrie du tabac

Après la seconde guerre mondiale, l’industrie du tabac est un énorme cartel avec un but commun évident : montrer au monde que le tabac est sans danger pour la santé. Aucune entreprise du secteur ne serait assez folle pour démontrer que le tabac provoque des cancers, c’est une évidence. Cela signifierait mettre la clé sous la porte immédiatement.

À l’époque, les médecins sont même payés pour vanter les mérites de telle ou telle marque. Des études – bidon, évidemment – sont financées en masse par l’industrie pour montrer l’innocuité du tabac, voire même ses bénéfices ! « Autre temps, autres mœurs » ? Sans doute. Ce ne serait excusable que si les dirigeants ne savaient pas que le tabac était dangereux. Or, ils savaient. Niaient. Mentaient.

Il faudra attendre des décennies avant que leurs mensonges éclatent finalement au grand jour. Dans cette histoire, combien de millions de cancers la « main invisible » a-t-elle causé ?

Le DDT

Doit-on ouvrir les dossiers comme celui du DDT ? Oui, évidemment.

Le DDT est un insecticide qui a des effets terribles sur l’environnement… et sur les humains. En particulier, il provoque des cancers. Là encore, il me paraît évident, même si nous n’avons pas de preuves, que les fabricants connaissaient très tôt l’impact de leur produit sur l’environnement.

Il faudra attendre qu’une lanceuse d’alerte tire la sonnette d’alarme pour que le DDT soit interdit… aux États-Unis, mais toujours vendu et utilisé dans le reste du monde. Belle hypocrisie ! Où était donc la main du marché à ce moment-là ? On savait pourtant parfaitement que l’insecticide était nocif. Mais il valait mieux écouler les stocks dans les pays pauvres que de perdre de l’argent ! La main invisible ne prend pas de gants.

Entente dans les télécoms

Il y a évidemment bien d’autres histoires en-dehors de la santé – j’aurais pu parler du Mediator, par exemple.

Dans les années autour de 2000, les trois principaux opérateurs de téléphonie mobile français signent des accords secrets pour garder des prix élevés. Là encore, il ne s’agit pas d’une « erreur involontaire ». Il s’agit au contraire d’une très claire volonté de nuire… ou plus exactement de profiter au maximum aux dépens du consommateur. Où était donc la main du marché pour empêcher une telle entente ?

Le pillage des ressources

Il faut le reconnaître et ne pas hésiter à l’affirmer : dans la frénésie sans fin de concurrence actuelle, tout le monde dans l’industrie est totalement à l’unisson. Il est beaucoup plus profitable de piller les ressources que de ne pas les exploiter.

Où est donc la main du marché lorsqu’il s’agit d’arrêter la déforestation au Brésil ? Que fait-elle pour sauver forêts rasées en Océanie pour y planter des palmiers ? Dit-elle stop lorsqu’on détruit l’environnement absolument partout, jusqu’au fond des océans ? La main piétine, écrase, extermine. C’est un fait vérifiable, partout autour du globe. La main n’est jamais rassasiée, elle en veut toujours plus. Et si tout cela passe par raser la planète de A à Z, les requins n’hésiteront pas une seule seconde, pour être plus compétitifs que la concurrence.

Explication

L’explication de ces contre-exemples est en fait très simple.

La théorie de la main invisible part du principe que tous les acteurs n’ont pas les mêmes intérêts. Et pourtant, dans une économie de marché, toutes les entreprises ont en réalité un seul et même but : être les plus rentables possible. On pourra arguer qu’une entreprise peut également être « éthique », ou même à l’image du slogan initial de Google « ne pas être mauvaise ». Tout cela n’est que du marketing. Une entreprise qui n’est pas profitable comparée à ses concurrents est tout simplement vouée à disparaître. Et ce, quelles que soient les « valeurs » qu’elle communique.

D’une certaine manière, ils sont tous en conflit d’intérêts : tous ont en réalité le même but. Même si celui-ci peut être atteint de plein de manières différentes, il reste tout de même des constantes :

  • exploiter des enfants dans un pays en développement restera toujours beaucoup plus rentable que d’employer des adultes d’un pays développé où les salaires sont beaucoup plus élevés et les protections sociales plus strictes,
  • rejeter sauvagement les déchets toxiques dans la rivière d’à côté est toujours moins cher que de les retraiter avec des moyens chimiques et de les jeter dans des endroits sécurisés,
  • lorsque tous les autres mentent sur leurs publicités, il n’y a pas d’autre choix que de mentir à son tour si on ne veut pas disparaître,
  • une équipe marketing pour vendre du rêve est toujours plus efficace que de devoir réellement être totalement éthique, éco-responsable, éco-renouvelable, etc. L’esbrouffe ne coûte pas cher, une usine de traitement des déchets, si.

La magie du marketing

Il y a un autre argument classique mis en avant par les adeptes de la « main invisible ». Les entreprises « non éthiques » finissent par perdre leurs clients au profit d’entreprises « éthiques ». Typiquement, Charles Gave prétend dans l’interview que « toutes les entreprises sont éco-sociales ». Soit-disant, personne ne va acheter chez les entreprises qui ne le sont pas. La bonne blague !

À l’heure où l’écologie est présentée comme une préoccupation majeure, on voit parfaitement comment le « green washing » permet de faire avaler des couleuvres à la population. Dans mon livre « La monnaie : ce qu’on ignore », je parle des biais cognitifs. Ici, de nombreux biais entrent en jeu. Au final, ce n’est pas la vérité qui compte, mais uniquement la perception qu’ont les gens de l’entreprise. Et cette perception peut être forgée de toute pièces, grâce à la publicité et au marketing.

Il est très facile de clamer haut et fort qu’on est « éco-social ». Les services marketing savent parfaitement mettre un coup de pinceau vert sur les pires gabegies écologiques. Ils savent également mettre en avant le tout petit pourcentage de l’entreprise qui œuvre à être plus éco-responsable, même si ce n’est que pour camoufler tout le reste. Toutes les grandes entreprises ont des équipes dédiées uniquement à cette tâche. Et il n’y a pas à dire, elles font des miracles.

La cause des causes

Pendant trois heures de débat, il est tout de même curieux que ces économistes chevronnés n’aient pas soufflé mot du problème principal, de la cause des causes de tout cela. Il s’agit de la création monétaire.

Charles Gave pourrait probablement arguer que c’est effectivement la faute des banques centrales. En effet, selon lui tout est la faute de ces institutions qui mettent les pieds dans le plat du marché. Celui-ci devrait être laissé tranquille pour qu’il se régule tout seul. Mais Charles, c’est exactement ce qui se passe !

Effectivement les banques centrales créent un peu de monnaie. Mais pour rappel, l’essentiel de la monnaie est créé par les banques privées. Et ce, sans aucune intervention extérieure. Ce sont bien elles qui sont censées être les garantes de créer de la monnaie pour ce qui est « le plus efficace ». Ou plus exactement, le plus rentable.

La main invisible est déjà là !

Dans les faits, ce sont les banques privées, dont le but est toujours la rentabilité à tout prix, qui choisissent ce qui va être financé, et ce qui ne va pas l’être. Chaque banque œuvre dans son propre intérêt… mais de toute évidence la somme des intérêts particuliers du système bancaire n’équivaut pas exactement à l’intérêt général.

Où sont donc ces systèmes de santé qui devraient nous permettre de lutter efficacement contre des épidémies, alors que tout le système de santé est de plus en plus privatisé ? Où sont donc ces systèmes ultra-efficients du marché permettant d’éviter l’accumulation morbide de capital par une petite minorité d’acteurs, pendant que le reste de la population sombre toujours plus dans la pauvreté ? La privatisation de la « gestion des vieux » est là aussi totalement catastrophique, avec un rapport qualité-prix totalement ubuesque pour l’individu lambda, mais évidemment extrêmement profitable pour les gestionnaires. Et tout cela dans une période où on n’a cessé de privatiser les acteurs du secteur.

Tout cela n’est dû qu’à un seul facteur : ce sont les banques privées qui décident ce qui est financé ou non. Exemple typique de la « main du marché ». Nous devrions nous en inspirer pour comprendre que cette main invisible est destructrice, et qu’elle n’a rien à voir avec « l’intérêt général ».

La démocratie

Pour terminer leur démonstration, nos deux sbires finissent par parler de « démocratie ». De leur point de vue, l’État, quel qu’il soit, fait toujours n’importe quoi. Il n’y a rien de plus intelligent que le « chaos constructif », selon eux. L’État déstabilise l’équilibre, et tous les dysfonctionnements sont de sa faute.

Mais là encore, les hypothèses de départ sont fausses. L’État tel que nous le connaissons n’est en réalité rien d’autre qu’une oligarchie, un ensemble d’individus qui contrôlent toutes les décisions et font toujours pencher la balance de leur côté. Il n’est en aucun cas l’organisme impartial qu’on tente de nous vendre, et qui permettrait de faire régner « l’intérêt général ». L’État sous forme d’élites auto-proclamées élues n’est en réalité qu’un cartel de plus que la main invisible ne saurait éliminer.

Le rôle de l’État, le vrai, celui où « l’État, c’est nous », est de protéger les Citoyens des requins qui se revendiquent de la main invisible, en lui tordant le cou une bonne fois pour toutes. Et ce, sans pour autant tout transformer en plans, kolkhoses et sovkhoses. Car non, la vie n’est jamais juste toute blanche ou toute noire. Quiconque présente une dichotomie aussi absurde n’est qu’un manipulateur.

Le Great Reset En Marche (attachez vos ceintures, ça va secouer)

De retour de jet ski, Emmanuel Macron vient de s’exprimer sur ce qui nous attend à la rentrée. Toute la rhétorique du Great Reset de Klaus Schwab est là.

Pour une fois, Macron ne semble plus du tout optimiste, ce qui n’est pas bon signe. Les couleuvres qu’il veut nous faire avaler sont sans aucun doute à la hauteur de sa gravité. Mais où est donc passé l’Emmanuel Macron du « penser printemps » ?

L’évolution en cours est en effet une formidable opportunité pour saisir au vol plein de chantiers dont on sait pertinemment qu’ils auraient un impact positif pour l’essentiel de la population.

« La fin de l’abondance des liquidités sans coût »

Mais de quoi parle-t-il au juste ? Que je sache, je n’ai pas reçu de la monnaie tombée du ciel sur mon compte en banque !

En quelques mots, voici ce à quoi il fait référence. Voilà une quinzaine d’années que les taux d’intérêts bancaires n’ont cessé de baisser, pour atteindre des taux négatifs. En clair, lorsque la France emprunte de l’argent, elle doit parfois rembourser moins que ce qu’elle a emprunté ! De plus, depuis une dizaine d’années, la Banque Centrale Européenne inonde le système financier et les marchés de monnaie toute fraîche qu’elle crée à partir de rien. Tout cela, cela n’impacte directement ni vous ni moi. Indirectement, en revanche, cela a de nombreuses répercussions, dont la hausse des prix de l’immobilier – mais ce n’est pas le sujet de cet article.

Justement, les taux remontent fortement et la création monétaire s’arrête ou ralentit. D’où sa phrase, qui peut se résumer à : « la fin de l’abondance d’argent magique ». Une fin dont se réjouissait d’ailleurs il y a peu Bruno Le Maire, qui ne semblait pas avoir compris ce que cela impliquait à moyen et long terme pour la France, vouée à crouler sous la dette.

La fin de l’argent magique implique que la France ne pourra de toute façon jamais rembourser sa dette – elle ne le pouvait déjà pas avec les politiques extrêmement complaisantes de la BCE, mais cette fois les carottes sont cuites ! Il va donc falloir prendre le taureau par les cornes et trouver des solutions.

La plus simple et qui ne coûte rien est déjà de se réapproprier le pouvoir régalien de création monétaire, ce qui nous éviterait de donner des dizaines de milliards d’euros d’intérêts au système bancaire chaque année.

Bien sûr, il va falloir trouver des milliards pour renflouer les caisses. Or, il y en a à foison :

  • en jugulant l’évasion fiscale, c’est pas moins de 100 milliards d’euros par an de recettes que nous pourrions trouver, et encore ce n’est qu’en tapant dans l’optimisation fiscale, on pourrait parfaitement envisager d’augmenter les taxes et de rétablir l’ISF, par exemple, puisque l’État est en difficulté, il n’y a pas de raison que les plus riches ne contribuent pas,
  • en arrêtant les politiques de l’autruche, nous pourrions récupérer plus de 400 milliards d’euros d’impayés de la part des secteurs de la grande distribution,
  • comme dit plus haut, le système bancaire, financier et en particulier les bourses ont bénéficié de beaucoup d’argent magique ces dernières années, il y a donc énormément de monnaie en circulation, qui pourrait être capté aisément avec par exemple une micro-taxe sur les transactions financières, où même une taxe à 0,1 % (oui oui, un pour mille) permettrait de collecter des centaines de milliards d’euros tout en limitant la spéculation,
  • cette année, les rentiers ont perçu plus de 44 milliards d’euros en France, tout cela sans rien faire ni produire, seulement en plaçant du capital, qui on le rappelle a bénéficié d’argent magique depuis plus de 10 ans, pas étonnant que les bourses se portent à merveille pendant que l’économie réelle souffre comme jamais depuis des décennies.

De l’argent, il y en a à foison. Et ce n’est pas M. et Mme Michu qui vont rapporter des centaines de milliards nécessaires…

« … les produits, technologies qui nous semblaient perpétuellement disponibles », ne le sont plus

C’est une excellente nouvelle. Cela fait prendre conscience que notre modèle économique, basé sur une infinité de ressources, mérite d’être revisité. Cela permettrait peut-être de ne plus courir directement dans le mur à l’avenir.

Par ailleurs, cela peut également amener des réflexions qui permettrait enfin à l’État de lutter de manière sérieuse contre l’obsolescence programmée.

« la rareté de tel ou tel matériau »

Là encore, c’est une excellente nouvelle. Cela ne peut conduire qu’à favoriser le recyclage, la réutilisation plutôt que de jeter, ce qui veut dire que les gens auront moins souvent à racheter encore et encore le même produit qui tombe en panne. Personnellement, je trouve tout cela extrêmement positif ! Pour peu, bien évidemment, que le Gouvernement prenne les dispositions évidentes qui s’imposent.

« la fin de l’abondance de l’eau »

Pour commencer, l’année 2022 est exceptionnelle en terme de pluviométrie. Comme l’indique le site de Météo France, c’est l’année la plus sèche depuis 1959 :

On pourrait se faire vraiment beaucoup de soucis s’il y avait une tendance sur le long terme à avoir moins de pluie, mais ce graphique ne montre rien de tel. C’est juste une année totalement exceptionnelle en terme de sécheresse. Bien sûr, il y a beaucoup d’autres facteurs qui peuvent poser problème, dont l’augmentation des températures, mais en terme d’eau, rien ne permet de dire que cela va empirer d’année en année. À ce stade, c’est totalement conjoncturel et exceptionnel.

Ensuite, c’est malgré tout encore une bonne nouvelle, car il va peut-être être temps de taper sur ces industriels qui se gavent sur la financiarisation de l’eau, et qui privent nos sols d’une partie de l’eau qui devrait s’y écouler en pompant les nappes phréatiques comme des grands malades, et donc détruisent l’environnement tout en mettant en danger les populations locales.

L’autre excellente nouvelle, c’est que la gestion de l’eau ne peut que mettre en évidence un phénomène connexe : réhabiliter les sols en choisissant des solutions permacoles au lieu de déverser des pesticides à tout va ce qui détruit les sols, la santé des humains et toute la chaîne alimentaire, comme les abeilles. En effet, bourrer les sols de pesticides les rendent stériles et les empêchent de capter l’eau. C’est très simple : s’il n’y a pas de vers de terre pour créer des galeries, le sol devient comme un roc sur lequel l’eau s’écoule au lieu de s’y infiltrer. Cela a de nombreux effets pervers :

  • les nappes phréatiques ne se remplissent plus, et ce malgré la pluie
  • le sous-sol n’est plus irrigué, ce qui oblige à arroser les plantations en surface, or tout ce qui est en surface s’évapore plus vite, ce qui accentue encore davantage le problème,
  • en ruisselant, l’eau crée des inondations beaucoup plus violentes que si elle pénétrait en partie dans le sol et restait sur place, ce qui explique pourquoi nous sommes de plus en plus souvent inondés.

Il y a donc une vraie réflexion autour de la gestion de l’eau sur les systèmes agricoles que nous mettons en place. L’agriculture de conservation, par exemple, promue par Konrad Schreiber en France, a de nombreuses réponses sur le sujet, c’est l’occasion d’ouvrir le débat !

« la fin des évidences […] la démocratie, les droits de l’homme, si d’aucuns pensaient que c’était la téléologie* de l’ordre international »

(* ou comment utiliser un mot savant, en faisant une pause pleine de suffisance ensuite, sans comprendre le mot… car la « téléologie » est la science, l’étude des finalités, ce qui n’est vraisemblablement pas du tout ce qu’il voulait dire ici)

Alors non, je peux rassurer M. Macron. Nous ne pensons pas que la norme à l’échelle internationale est « la démocratie » et « les droits de l’homme ». Bien sûr, on peut penser à certains pays africains où la « démocratie » est bien loin des préoccupations quotidiennes de la population, mais évidemment viennent immédiatement à l’esprit la Corée du Nord, la Chine ou la Russie, dont on nous rabat sans cesse les oreilles que ce sont des dictatures sanguinaires.

Mais non, cher Emmanuel, ce n’est pas du tout à tous ces pays auxquels je pense lorsque le mot « démocratie » ou l’expression « droits de l’homme » sortent de ta bouche. C’est à la France. Ma France déchirée, les mains arrachées, les yeux crevés de ces gens qui voulaient simplement user de leur droit à s’opposer au monarque jupitérien, qui n’a eu qu’une seule et unique réponse : opprimer, par tous les moyens, quitte à faire couler le sang. Est-ce cela, ta démocratie ? Je pense aussi à ces fameuses « élections » censées garantir la soit-disant « démocratie », et qui se jouent avec des dés pipés. Non, à part les naïfs, personne ne croit encore ces mensonges de « démocratie » et de « droits de l’homme ».

« la montée des régimes libéraux »

Alors, très franchement, je ne m’attendais pas à ce lapsus. Car s’il y a bien une montée d’un régime libéral à marche forcée, si j’ose dire, c’est bien en France ! Et sous sa propre direction ! Magnifique ! Tout cela poursuivi par « le renforcement des régimes autoritaires »… dont le sien fait partie.

« la fin d’une forme d’insouciance »

Ah, enfin, les politiciens vont en finir avec l’insouciance, celle de laisser mourir de faim ou de froid leurs compatriotes, par exemple. Voilà qui est excellent ! Enfin, ils vont réellement prendre le taureau par les cornes et faire bouger les lignes pour prendre les décisions qui s’imposent pour protéger le peuple, ce qui est et a toujours été leur devoir le plus impérieux. Bien sûr, en « démocratie », là où les « élus » œuvrent pour le peuple. Bien sûr.

« La guerre a repris il y a six mois en Europe »

La faute à qui ? Qui n’a pas réussi à faire respecter les accords de Minsk ? Qui a toujours soutenu le pourtant si corrompu et menteur Zelensky et sa clique depuis toutes ces années ? Qui a totalement laissé pourrir la situation au Donbas au point où il devenait évident que cela exploserait un jour ou l’autre ?

Peut-être aussi n’était-ce pas vraiment une excellente idée de dire à Poutine, quatre jour avant le début de la guerre, « je ne sais pas où ton juriste a appris le droit ». Sachant que Poutine a lui-même fait des études de droit. En faisant semblant de jouer l’apaisement, notre Emmanuel national a au contraire montré qu’il n’y avait absolument aucun terrain d’entente, aucune négociation possible. Au passage, Poutine lui a bien rappelé que, pendant toutes ces années, Macron n’a fait que brasser du vent, verbatim : « Je sais (que tu essaies de convaincre les Ukrainiens), mais ce n’est pas efficace ». Du vent. Un ventilateur géant.

Cet homme ne sait que provoquer, il est bien possible qu’il ait d’ailleurs tellement exaspéré l’ours qu’il ait précipité les choses. Au passage, le vocabulaire russe s’est enrichi depuis quelques mois d’un nouveau verbe, « macronit’ », qui veut dire « blablater pendant des heures pour te jouer du pipeau ». Très représentatif.

On va me dire que, au contraire, Macron a tout fait pour éviter la guerre, en tentant de maintenir le dialogue. Mais pour qu’un dialogue ait des effets positifs, il faut qu’il soit suivi d’actes. Un dialogue où on tourne en rond et on pique l’adversaire sans arrêt, tout en agissant à l’inverse de ce qu’on prône, ne mène qu’à la frustration. Il s’est posé en « négociateur principal », et il faut se rendre à l’évidence, depuis qu’il l’a fait, tout s’est précipité.

« Pour beaucoup de générations dans notre pays, la guerre était une réalité qui n’existait plus sur le sol européen »

Pourtant, nous avons eu la guerre des Balkans, il n’y a pas si longtemps. C’est beaucoup plus proche de la France que l’Ukraine. Au passage, si l’on parle de l’Europe géographique, la Tchétchénie en fait partie, et a été le théâtre de deux guerres sanglantes depuis moins de 30 ans.

Mais surtout, notre président ment lorsqu’il dit que la guerre est revenue en Europe depuis si longtemps que des générations ont oublié ce que c’était. Il devrait peut-être en parler à ces enfants nés depuis 2014 dans l’est ukrainien, qui n’ont connu que ça pendant toute leur vie : les bombardements, la désolation, l’abri sous-terrain qui est leur seule maison. Mais c’est loin, et tout le monde s’en fout. Depuis que la Russie est entrée officiellement dans la danse, bien sûr cela donne une dimension nouvelle au conflit. Mais avant l’intervention russe, la guerre dans le Donbas avait déjà fait 13.000 morts. 13.000 morts tus dans tous les médias, comme s’ils n’avaient jamais existé. Comme s’il n’y avait jamais eu de guerre là-bas avant le 24 février 2022.

Pour revenir à la France, nous avons également la guérilla dans certains coins de notre pays, qui n’est pas une guerre à coups de chars, mais qui crée une insécurité latente pour beaucoup de Français. Et 2005, où des policiers se sont fait tirer dessus à balles réelles, suivi de couvre-feux et état d’urgence, n’est pas si lointain non plus, et encore dans les mémoires de tous.

Quant aux attentats, que ce soit à Nice en 2016 ou au Bataclan en 2015, même s’ils ne laissent pas des traces aussi persistantes dans les esprits qu’une guerre, c’est un traumatisme psychologique pour une grande partie de la population, en particulier avec tout le battage médiatique qui accompagne ce genre d’événements. Et bien sûr, l’état d’urgence, reconduit d’année en année sous divers prétextes, est tout sauf le symptôme d’un pays paisible et harmonieux.

Alors, la guerre pour un Européen, c’est autre chose que pépé qui raconte ses aventures dans le maquis en 1944. Et au final, la guerre en Ukraine ne nous touche physiquement pas plus qu’une bombe au Yemen, un missile en Palestine ou en Israël, ou qu’une incursion de Boko Haram faisant 100 morts au Nigeria. C’est loin. À des milliers de kilomètres. Comme dirait l’autre, ça nous en touche une sans faire bouger l’autre. La guerre en Ukraine nous touche même moins qu’un vol à main armée dans l’épicerie au coin de la rue – ou l’incursion de cambrioleurs dans son logement, il y a plusieurs centaines de milliers de cambriolages en France chaque année !

L’insouciance, elle n’est pas vraiment là, Manu.

« La crise climatique »

Ah, oui, il ne fallait pas l’oublier, celle-la. Nous allons donc enfin appeler les industriels à arrêter leurs pollutions, puisque ce sont eux les plus pollueurs ? Relocaliser nos productions pour éviter d’avoir recours à des monstres marins qui polluent plus que toutes nos voitures réunies ? Taxer enfin le kérozène, responsable de beaucoup plus de pollution que le vélomoteur de papy ?

« Face à cela, je pense que nous avons quelques devoirs »

Ses devoirs, il les conçoit pour « réduire l’anxiété » de ses compatriotes. Mais Capitaine, on n’en veut plus de ton vent ! On veut des actes, il y a plein de solutions, que certains mettent d’ailleurs courageusement en œuvre de leur côté sans t’attendre. Mais pour que ces solutions aient un réel impact, il faut une impulsion forte qui touche le plus grand nombre.

Pour cela, il faudrait déjà résoudre la plus grosse cause de pollution et de destruction : la création monétaire par les banques privées. Car comme cette création monétaire s’accompagne d’une exigence de rentabilité qui met en concurrence tous les acteurs de l’économie, c’est à cause d’elle que :

  • la guerre est financée sans compter, car on ne peut se permettre d’être en retard par rapport à l’ennemi, et c’est l’État qui régale donc aucune limite ne saurait le brider,
  • le pillage des ressources accélère, car il n’y a rien de plus lucratif que de creuser le sol et y extraire or, diamant, palladium, … et eau !
  • tout ce qui saccage l’environnement est privilégié, au détriment de tout ce qui pourrait le préserver, car il est beaucoup plus rentable de jeter des déchets toxiques dans la rivière d’à côté que de les traiter pour s’en débarrasser de manière propre,
  • nous détruisons nos sols, car il vaut mieux rendre les paysans dépendants d’engrais, de semences infertiles, et de pesticides, pour les traire comme des vaches à lait, plutôt que de les laisser se débrouiller avec Mère Nature, qui elle ne rapporte pas grand-chose lorsqu’elle fait pousser toute seule l’abondance.

Et à l’inverse, c’est cette même création monétaire assortie de rendements qui bride tout ce qui pourrait être bénéfique pour les 99,999 % de la population humaine :

  • l’éducation, et je parle bien d’un système éducatif où l’on apprend à penser et raisonner par soi-même, en remettant tout en question sans avoir peur des vérités qui fâchent, car il ne faudrait tout de même pas que Monsieur Tout-Le-Monde comprenne comment fonctionne le système, il y aurait une révolution immédiatement !
  • la santé, devenue comme tout le reste un outil à traire les vaches à lait et où la maladie qu’il faut traiter est bien plus lucrative que la santé, surtout si elle est chronique !
  • la nourriture, car un corps rempli de sucre, de pesticides, de micro-plastiques et autres colorants et conservateurs cancérigènes est beaucoup plus susceptible de tomber dans la case « malade » – voir point précédent -, et il est beaucoup plus facile de rendre accro au sucre et autres aspartame qu’au brocolis,
  • tout service public, à l’instar des autoroutes, ou bien plus récemment d’EDF, doit être démantelé sur l’autel de la libéralisation lorsqu’il fonctionne bien pour être trait, et être ensuite renationalisé pour le renflouer avec l’argent du contribuable lorsqu’on l’a bien sucé jusqu’à la moelle,
  • les « vieux », dont il faut extraire le plus de jus possible avant de les laisser mourir.

Oui, la cause profonde de tous ces problèmes, c’est la création monétaire par les banques privées, qui choisissent de financer ce qui est le plus rentable pour elles. Sans compter, évidemment, le fait que les intérêts qui doivent être rembourser en plus du crédit sont à l’origine du besoin de « croissance », le Graal de tout économiste.

Alors, cher Emmanuel, toi qui sembles prendre à cœur le bien-être de tes compatriotes, tu sais ce qui te reste à faire !

En réalité…

Mais non, en réalité, tout cela ne provient que de l’imagination débridée d’un écrivain en mal de justice.

Ce qui nous sera proposé sera tout autre :

  • serrez-vous la ceinture sans broncher, bande de fainéants,
  • quant aux boomers qui ont bénéficié des trente glorieuses, on va leur diminuer leur pension, ils l’ont bien mérité !
  • l’inflation, prenez-là dans les dents avec sagesse, ne venez pas me demander si la Banque Centrale Européenne y est pour quelque chose avec ses politiques de création monétaire débridées : c’est la faute à Poutine de toute façon, ce dictateur sanguinaire !
  • chauffez-vous moins, et éteignez votre wifi, bande de sales gamins gaspilleurs,
  • arrêtez de partir en vacances, vous ferez des économies et en plus vous polluerez moins – certains ne t’ont pas attendu pour trouver l’astuce, hein !
  • il serait temps d’arrêter d’acheter le nouvel iphone avec l’aide de l’État pour les fournitures scolaires de vos enfants, bande d’irresponsables,
  • de toute façon vous n’êtes pas capables de gérer votre argent, nous allons donc saisir tout ce qui dépasse sur vos comptes en banque, et on va mettre en place un revenu universel pour que vous fermiez votre grand clapet et que vous soyez à jamais dépendants de l’État, sales Gaulois ; le premier qui l’ouvre je lui coupe le robinet monétaire, hop !
  • vous avez une coupure d’électricité, c’est la faute à Poutine ! Pensez quand même aux Ukrainiens qui vivent sous les bombes (russes bien sûr, les Ukrainiens n’envoient que des glaces au chocolat), et si vous avez trop froid vous savez ce que c’est une couverture bande d’ignares ?
  • vous allez changer de voiture, la vôtre est un danger public pour l’environnement, pour la planète, pensez à vos enfants, on doit vous interdire de rouler avec, pollueurs, terroristes du climat ! À la place, prenez une électrique, même si on n’arrive ni à les produire assez vite, ni à fournir les bornes de recharge sans compter qu’on n’a plus assez de courant de toute façon… au pire achetez un vélo, vous rendrez service à tout le monde ! Et pas un vélo électrique, hein ! Pédalez, bande de flemmards ! Vous pensez un peu aux pauvres enfants qui extraient le cobalt pour les batteries, hein, vous y pensez aux enfants ? Bon, moi je vais retourner dans mon avion avec la clim, y fait trop chaud. Et non, les clims on va les taxer un max car c’est dangereux pour l’environnement !
  • de manière générale, moins vous possédez, plus vous serez heureux alors on va tout vous saisir car il faut bien renflouer les caisses de l’État avec cette dette colossale dont vous avez bénéficié pendant toutes ces décennies, bande de profiteurs, hop plus de maison, patrimoine, sauf pour les copains, bien sûr, qui continueront de toucher leurs milliards en dividendes.

Dans l’absolu, la plupart des courants philosophiques font l’éloge de la sobriété heureuse, et il est tout-à-fait bénéfique que chacun d’entre-nous apprenne à se contenter de moins. Mais dans ce cas, il faudrait en faire une priorité nationale et l’appliquer à tous. Car nous allons clairement avoir besoin de monnaie pour faire la transition écologique et la réindustrialisation de la France.

Mais tout ce que savent faire les politiques, c’est culpabiliser la population. Les uns doivent se serrer la ceinture pendant que les autres vont faire du golf en jet privé. Ou bien s’offrent de la vaisselle digne de Marie-Antoinette.

Attention, Emmanuel. Lorsque les efforts énormes des uns sont totalement annihilés par les extravagances des autres, les têtes tombent.

La guerre contre le pétrodollar

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Depuis les accords de Bretton Woods en 1945, le monde entier est forcé d’utiliser le dollar pour acheter des hydrocarbures. Pourtant, depuis les dernières décennies, un vent de contestation souffle de plus en plus fort contre cet état de fait. À tel point qu’il n’est pas impossible que le roi pétrodollar puisse être un jour déchu.

Après autant de sanctions de la part de l’Occident, la Russie tente par tous les moyens de continuer à vendre son gaz à l’étranger. Évidemment, son économie a sérieusement besoin de rentrées d’argent pour équilibrer sa balance commerciale. Et les mesures qu’elle prend sont une tentative de détrôner le pétrodollar, ni plus ni moins.

La dette publique russe

La Russie est l’un des pays ayant la dette publique la plus faible au monde, comparée à son PIB. Contrairement à l’Occident qui vit littéralement sur la dette publique, la Russie a réussi le tour de force de s’en débarrasser presque totalement.

Où donc se trouve la Russie sur cette spirale du monde de la dette ? (désolé, c’est en anglais : Russia)

Indice : la Russie se trouve en périphérie, en bas à droite. Source : Visual Capitalist

On a entendu parler d’un défaut possible de la Russie, mais très sincèrement ça me paraît être de la propagande. Oui, bien sûr, les sanctions ainsi que les dépenses liées à la guerre vont sacrément handicaper son économie. L’Union Européenne rigole en ce moment, en appliquant les sanctions ordonnées par les Américains, les unes après les autres. Entre nous, je me demande combien de temps cela va durer. Cette simple image résume la situation.

Les sanctions…

L’usage de sanctions économiques est assez répandu, pourtant leur effet réel est plutôt controversé. Tout d’abord, les perspectives de sanctions, aussi dures soient-elles, n’ont pas empêché Poutine d’envahir l’Ukraine. Ensuite, ceux qui prennent les sanctions de plein fouet sont les plus pauvres, pas les élites. On sait parfaitement que le résultat principal des sanctions économiques en général est d’augmenter la pauvreté.

Quant à ce milliardaire qui se plaint qu’il ne peut plus payer sa bonne, je ne verserai pas une larme pour lui. Au passage, la plupart des oligarques russes étaient en faveur de la guerre, car beaucoup craignaient de perdre du terrain si l’Ukraine venait à prendre ses distances avec la Russie.

Mais surtout, il semblerait que l’Occident ait épuisé toutes ses cartouches d’un coup. Ce n’était certainement pas une tactique très maline, car nous nous retrouvons maintenant démunis et sans aucun levier supplémentaire face à la Russie. Cela a laissé à l’« ennemi » le temps d’élaborer une contre-offensive adéquate. Franchement, n’importe qui avec une paire de neurones sait qu’il ne faut pas jouer toutes ses cartes d’un coup. On dirait que ça ne fait pas partie des cours à Science Po ou l’ENA. Quoi, ils ne jouaient même pas aux cartes entre les cours, là-bas ?

… ne servent à rien

Bien sûr, on peut se dire que faire crever les populations de faim peut les inciter à se retourner contre leurs dirigeants. Réfléchissons trois secondes. Même dans nos « démocraties », si notre gouvernement décide de se lancer dans une guerre, nous n’avons aucun poids pour l’en empêcher. D’ailleurs, nos gouvernements prennent des mesures suicidaires envers la Russie, et nous ne pouvons rien y faire. Comment donc imaginer un instant que les Russes aient une quelconque chance d’arrêter Vladimir Vladimirovitch Poutine ?

Mais il y a pire encore. Ces sanctions, particulièrement violentes, sont le prétexte parfait pour un dictateur de justifier ses actions. « Voyez comme nos ennemis sont haineux. Voyez comme j’ai bien raison de vous en protéger ! »

Il semblerait que nous soyons dirigés par des imbéciles sans un soupçon de bon sens. À moins peut-être qu’une guerre les arrange bien, histoire de détourner les esprits des problèmes internes dans leur propre pays. Une économie chancelante et un système financier au bord de l’implosion. Ou bien, dans le cas des États-Unis, un budget militaire de plus de 700 milliards de dollars par an, qui paraît bien excessif et difficile à justifier, surtout après s’être retiré d’Afghanistan.

La Russie amasse de l’or

Pendant les deux dernières décennies, des pays comme la France ou la Suisse se sont massivement débarrassés de leur or. À l’inverse, la Russie et la Chine ont amassé ce métal à un rythme sans précédent.

Beaucoup de pays occidentaux se débarrassent de leur or, tandis que la Russie et la Chine remplissent leur stock à toute vitesse. Source : l’IMF.

Par ailleurs, la Russie a la deuxième réserve d’or dans ses sous-sols au niveau mondial, juste derrière l’Australie.

Il est clair que la Russie a prévu de se protéger contre d’éventuelles sanctions grâce à son stock massif d’or. Sans surprise, les États-Unis tentent de bannir toute transaction impliquant de l’or avec la Russie. Le problème est que, contrairement à un système numérique avec lequel il suffit de cliquer sur un bouton, il est quasiment impossible de bannir les transactions en or. C’est un actif intraçable qui peut être échangé physiquement, fondu et transformé.

Valeur du rouble

Note préliminaire : SWIFT est un système électronique qui permet aux banques d’échanger de la monnaie dans le monde entier. L’essentiel du commerce mondial passe par là. À cause de son monopole, certains pays, comme la Russie, développent depuis quelques temps déjà des systèmes alternatifs. Par ailleurs, il est de notoriété publique que les Américains n’hésitent pas à tout faire pour siphonner les informations qui transitent par ce système… contre le terrorisme, bien sûr.

Les sanctions de l’Occident, y compris le bannissement de la Russie du réseau SWIFT, ont sérieusement affaibli le rouble. Pour la petite histoire, couper un pays entier de SWIFT est sans précédent. Des banques iraniennes ont subi ce genre de sanctions dans les affaires du nucléaire iranien, mais un tel ostracisme d’un pays entier n’a jamais eu lieu. Pourtant, cela n’a pas arrêté la guerre pour autant.

De plus, un autre de type de sanctions dont on parle peu proviennent des agences de notation. Elles ont baissé la note de la Russie, ce qui a pour effet d’augmenter les intérêts pour obtenir de la monnaie. C’est une sanction qui ne dit pas son nom, d’importance capitale, si je puis dire. Et elle vient exactement des mêmes acteurs occidentaux que les autres sanctions, puisque les agences de notation sont dirigées par les mêmes que les requins du système financier de toute façon.

En conséquence, la Russie est face à une menace de taille : l’effondrement possible du rouble. Ce pourrait être une bénédiction pour un pays croulant sous les dettes, mais ce n’est pas le cas de la Russie. La dépréciation du rouble signifie que la Russie risque d’avoir du mal à importer des produits à prix acceptable pour sa population.

Le levier de l’énergie

Malgré tout, en dépit du bannissement total de SWIFT, l’Allemagne a immédiatement levé la voix : hors de question de bannir les paiements pour le gaz russe, c’est une question de vie ou de mort pour les Allemands en plein hiver. Ainsi, tous les paiements sont suspendus, sauf ceux pour le gaz. Très pratique.

Au passage, cela laisse d’autant plus songeur. S’ils se préparaient à cette guerre depuis longtemps, pourquoi les Russes n’ont-ils pas attaqué l’Ukraine en novembre dernier ? Ils auraient eu une carte d’autant plus forte à jouer avec le gaz pendant tous les mois d’hiver. Par ailleurs, ils adorent le froid et ils auraient également pu utiliser le sol gelé pour déployer leurs tanks et autres véhicules par les champs plutôt que d’être coincés comme ils l’ont été sur les routes. Peut-être n’ont-ils pas eu le temps de peindre leurs chars en blanc ?

En tout cas, une chose est sûre : l’Union Européenne ne peut se passer totalement du gaz russe, c’est une question de survie. Certains experts affirment d’ailleurs que même le gaz américain ne peut être une alternative pour au moins les 10 prochaines années. L’infrastructure nécessaire, y compris les bateaux eux-mêmes, est massive. En effet, la totalité des bateaux gaziers dans le monde peut actuellement livrer environ un milliard de mètres cubes de gaz par an. L’UE en consomme 150 milliards par an.

Poutine est donc en train de tirer parti du talon d’Achille de l’Europe pour sauver le rouble. En d’autres termes, il dit clairement : vous voulez me mettre des sanctions, eh bien je vous propose un deal que vous ne pouvez pas refuser, et qui va annuler vos sanctions. Et du côté européen, on a déjà épuisé toutes nos cartouches.

Le pétrodollar

Pour rappel, depuis la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, les hydrocarbures s’achètent uniquement en dollars. Les dollars accumulés par le vendeur s’appellent alors des « pétrodollars ». Aucun moyen de passer outre, et ceux qui ont essayé, comme Saddam Hussein ou Mouammar Khaddafi, ont rencontré… quelques problèmes « mineurs », menant à leur décès.

Mais les BRICS ne sont pas l’Irak ou la Libye. La Chine paie déjà une partie de son gaz à la Russie en petroyuan plutôt qu’en dollars depuis 2017. Pire encore, l’Arabie Saoudite, pourtant alliée de longue date aux États-Unis, déclare récemment qu’elle aussi est prête à accepter le petroyuan. C’est un véritable tremblement de terre géopolitique dont peu de monde parle.

En tout cas, la manœuvre de Poutine semble fonctionner, la chute du rouble a été arrêtée. En effet, si on se met à acheter du rouble afin de pouvoir acheter du gaz russe, cela augmente la demande, et donc la valeur, du rouble.

Dans le même temps, les dollars que tout le monde s’arrachait pour acheter des hydrocarbures perdent une partie de leur utilité, ce qui a évidemment un impact sur la valeur du dollar. Bien entendu, si on ne parle que du gaz russe, l’impact est négligeable. Mais si d’autres acteurs majeurs dans le monde se mettent à suivre la tendance et préférer d’autres monnaies pour échanger, les dollars actuellement en circulation vont retourner aux États-Unis, ce qui risque d’augmenter encore un peu plus la tendance inflationniste actuelle.

Les cryptomonnaies

En 2017, je prévenais déjà dans mon livre « La monnaie : ce qu’on ignore » que les Russes s’intéressaient de près aux cryptomonnaies. Typiquement, la Banque Centrale de la Fédération de Russie s’affaire à créer une monnaie digitale fédérale.

Évidemment, cette monnaie ne serait pas une cryptomonnaie décentralisée. La Russie est bien sûr opposée à des systèmes dont elle pourrait perdre le contrôle, au moins en partie.

Mais là encore, le principe de réalité prévaut : le Kremlin cherche à vendre son gaz coûte que coûte. Y compris avec des cryptomonnaies. Mais cela reste le privilège des pays « amis ». C’est une nouveauté, car les cryptomonnaies ont même été bannies un temps du sol russe.

La planche à billets

Mes lecteurs savent déjà que le nombre d’euros et de dollars en circulation a explosé de manière exponentielle ces dernières décennies. Typiquement, la masse monétaire en euros a doublé chaque décennies depuis sa création. Pas étonnant que l’inflation pointe finalement le bout de son nez !

 

Le rouble or

Depuis les réponses russes aux sanctions, les pays occidentaux n’ont plus le choix. Ils vont devoir payer leur gaz en roubles ou… en or. Et ce, à partir du 31 mars 2022. Ah, certes, des voix s’élèvent pour dire que les contrats sont clairs et qu’on ne peut les changer. On verra ce qu’on verra le jour où les Russes finiront par couper le gaz.

Mais ce n’est pas tout ! Par ailleurs, la banque centrale russe indique qu’elle est prête à acheter de l’or avec des roubles à un taux fixe. D’une certaine manière, cela revient à fixer un étalon or. C’est un message clair au monde que le rouble n’est pas comme les monnaies occidentales créées sur du vent.

La Russie semble donc vouloir faire un appel au retour de l’étalon or. Elle lance aussi un signal à tout investisseur que les sanctions peuvent être sans limite. L’Occident peut saisir tout ce qu’il a sous la main à tout instant et sous n’importe quel prétexte. Le message est clair : « Ne faites pas confiance aux banques occidentales, ne vous laissez pas impressionner par les marchés occidentaux extrêmement volatiles et qui peuvent s’évaporer en un instant ; non, pariez plutôt pour la valeur sûre qu’est l’or, ou bien même son équivalent, le rouble. »

Les étalons échouent toujours

Sur le court terme, on peut dire que ces actions peuvent payer, en particulier en réponse aux sanctions. En revanche, cela pourrait s’avérer néfaste sur le long terme.

Dans la culture populaire, il y a une vision manichéenne avec une vision en noir et blanc. D’un côté, des monnaies créées sur « du vent », sans valeur. De l’autre, des monnaies adossées à « du concret », typiquement de l’or. Malheureusement, l’histoire a montré que les étalons, en particulier sur l’or, sont particulièrement ravageurs.

Rappelons-nous ce qui est arrivé avec l’étalon or des dollars dans la deuxième moité du XXème siècle. Son abandon par Nixon en 1971 a causé les crises pétrolières des années 1970. Au XIXème siècle ainsi qu’au début du XXème siècle, les monnaies basées sur l’or ont causé beaucoup de misère dans les populations. Plus récemment, la chute du bolivar vénézuélien est due à un étalon fixé par le gouvernement entre le bolivar et le dollar.

Je pense que cette histoire de « 5000 roubles = 1 once d’or » est du grand spectacle. C’est un message au monde, un rappel cinglant que bâtir toute une économie sur de la dette est extrêmement risqué.

Une recette contre la guerre

Ceci est tiré d’un groupe constituant, et narré par Étienne Chouard. Ce dernier nous rappelle sans cesse qu’il est absurde de laisser les politiciens écrire le texte qui est censé les contrôler. C’est un peu comme désigner son chien comme gardien du sandwich. Désolé pour les chiens qui lisent cela, je sais que votre queue remue déjà.

Voici une recette simple pour éviter la guerre. Si tous les pays adoptaient cette règle, nous vivrions sans aucun doute dans un monde en paix.

  1. Aucune guerre ne peut être déclarée sans un référendum ouvert.
  2. Au cas où le « oui » l’emporterait pour la guerre, quiconque a répondu « oui » se voit attribué un fusil et doit aller au front illico. Aucune obligation pour quiconque a voté « non ».
  3. Une fois que les premiers ont été tués, on refait un référendum pour savoir s’il y a de nouveaux volontaires pour continuer la guerre.
  4. Retour à la case départ.

L’euro digital, l’arme ultime de la BCE

Avertissement : ce que j’explique ici n’est pas ma propre opinion, mais n’est que le point de vue des banquiers centraux. Si j’étais banquier central, nul doute que mes solutions seraient toutes différentes. Je mets bout à bout des événements et déclarations pour tenter d’expliquer les choix faits par nos banquiers centraux dans le passé et dans le futur proche.

Introduction

Au vu de l’endettement massif partout dans le monde et un système bancaire à l’agonie, la BCE (Banque Centrale Européenne) et l’euro sont au bord du gouffre. On pourrait en dire autant de la Fed aux États-Unis, mais je vais m’attarder dans cet article sur l’Europe.

Dans mon livre paru en 2017 « La monnaie : ce qu’on ignore », je mentionnais déjà que les banques centrales (y compris la BCE) examinaient déjà les crypto-monnaies. Ces dernières années, la BCE a dévoilé petit-à-petit la possibilité à court terme (quelques années) d’offrir d’un « euro digital ». En d’autres termes, les citoyens européens pourraient avoir un compte à la BCE. Il y a eu aussi des rumeurs et discussions sur la « monnaie hélicoptère ». Comment tout cela est-il lié ? Pourquoi y en a-t-il besoin ? Y en a-t-il vraiment besoin ?

L’origine

Le problème vient de la manière dont la monnaie est créée actuellement. Dans le système actuel, ce sont les banques privées qui créent l’essentiel de la monnaie. En tout cas, c’est ainsi dans l’Eurozone et aux États-Unis.

Le système est le même partout dans le monde : les banques centrales créent de la monnaie fiat, les banques privées captent un maximum de cette monnaie dans l’économie, et font des crédits, qu’on appelle à tort « prêts ». En effet, la banque ne « prête » pas de la monnaie existante, mais crée de la monnaie lorsqu’elle accorde un crédit. Cette monnaie est alors détruite lorsque le crédit est remboursé. Ce système provoque de nombreux problèmes, comme je l’ai détaillé dans deux de mes livres : « La monnaie : ce qu’on ignore » et « La monnaie : l’essentiel ».

Arrêtons-nous maintenant à l’un des problèmes de ce système : il lui faut de plus en plus de monnaie. En effet, pour maintenir le système des crédits à flot, il faut sans cesse introduire de la nouvelle monnaie dans l’économie. Si par accident la masse monétaire vient à diminuer, c’est tout le système qui risque de s’effondrer car il n’y a plus assez de monnaie pour rembourser les crédits existants.

Le problème

Mais, direz-vous, pourquoi est-ce réellement un problème ? Il se trouve que depuis la crise des subprimes en 2008, l’économie elle-même ne génère plus assez de nouvelle monnaie, plus assez de « croissance », pour maintenir le système. Au passage, seuls les économistes théoriques ne comprennent pas pourquoi cela pose problème. On ne peut avoir une croissance infinie sur une planète finie, c’est pourtant très simple à comprendre ! Bon, peut-être que le minage d’astéroïdes nous sauvera de la décroissance. Peut-être pas.

Bref, après la crise de 2008, les banques centrales font face à un problème de taille : comment créer assez de monnaie pour soutenir le système bancaire et éviter la catastrophe ? Il n’y avait pas assez de monnaie, et l’économie ne créait pas assez de crédits par elle-même.

La première phase (2008-2015)

Les banques centrales n’ont pas beaucoup de leviers pour interférer dans l’économie. Elles peuvent créer de la monnaie physique, billets ou pièces, mais seulement jusqu’à un certain point. Créer cette monnaie physique a un coût. À l’inverse, créer de la monnaie pour un crédit se fait essentiellement en cliquant sur un bouton de souris devant un ordinateur. C’est la raison pour laquelle, dans le monde occidental, 90 % de la monnaie est digitale et créée par les banques privées. C’est différent dans d’autres endroits où les gens utilisent encore beaucoup les espèces dans la vie de tous les jours.

Malgré tout, le rôle des banques centrales est de s’assurer que le système financier tient debout. Il leur fallait agir en 2008 pour sauver le système bancaire.

Pour cela, elles ont utilisé leur premier et principal outil : les taux directeurs. En effet, le taux directeur a un impact direct sur les taux des crédits émis par les banques privées. Et évidemment, les taux d’intérêts ont un rôle important dans l’émission ou non de crédits.

Lorsque les taux sont élevés, les gens hésitent beaucoup plus à prendre un crédit qui va leur coûter cher à rembourser. À l’inverse, lorsque les taux sont bas, tout le monde se rue sur les crédits puisqu’ils ne coûtent pas grand-chose. C’est assez évident.

En baissant les taux d’intérêts, les banques centrales ont rendu les crédits bancaires beaucoup plus attractifs, ce qui pousse les gens à prendre des crédits. Et plus de nouveaux crédits signifie plus de nouvelle monnaie créée pour ces crédits qui circule dans l’économie.

La seconde phase (2015-2021)

Cette première solution semble idéale. Malheureusement, lorsque l’économie a toujours besoin d’être accélérée mais que les taux d’intérêts ont tellement baissé qu’ils deviennent négatifs, il y a un sérieux problème. Aucun système bancaire ne peut survivre en payant les gens pour faire crédit ! Et pourtant, c’est ce qui est arrivé, les taux des crédits sont devenus négatifs. Ils le sont même devenus en Allemagne pour les particuliers pendant un certain temps.

Il fallait donc trouver un autre moyen de maintenir le système à flot. Malheureusement, les leviers de la banque centrale sont assez limités. Normalement, une banque centrale n’est pas censée créer de la monnaie digitale. Cette monnaie est d’ailleurs seulement utilisée par les banques entre-elles pour équilibrer leurs échanges.

Malgré tout, il en allait de la survie du système. La BCE, ainsi que d’autres banques centrales, ont commencé à utiliser un outil qui est normalement réservé aux situations d’urgence : l’assouplissement quantitatif. Pour faire simple, la banque centrale rachète des dettes d’état et injecte de la monnaie dans le système financier.

Grâce à ces deux premières phases, le nombre d’euros en circulation a doublé tous les dix ans, et ce depuis 20 ans. C’est un taux d’inflation de 10 % par an ! J’explique tout cela avec plus de détails dans mon livre.

Et maintenant ?

L’assouplissement quantitatif ne peut pas se prolonger éternellement. De plus, il ne résout visiblement pas le problème. En effet, j’ai mentionné un taux d’inflation à 10 % par an, mais ce n’est tout de même pas ce qu’on constate au niveau des prix. Ils augmentent, certes, mais ils ne doublent pas tous les 10 ans. En fait, la monnaie qui est généreusement distribuée aux financiers ne descend jamais dans l’économie. Qui a un jour cru au « ruissellement » ?

Les banques centrales font face à une évidence : il leur faut un autre outil pour sauver le système bancaire. Évidemment, une méthode alternative serait d’accepter que le système actuel ne fonctionne pas, mais cela mettrait un coup certain à leur crédibilité !

La dette et l’inflation

Jusqu’à maintenant, la BCE s’est fixé une cible de 2 % d’inflation par an. Comme je l’explique dans « La monnaie : l’essentiel », l’inflation ne peut jamais être calculée sans tomber dans des biais, mais admettons que la BCE ait réussi à maintenir ses 2 % dans les 10 dernières années.

Le problème est que l’économie actuelle est très endettée. Les entreprises sont fortement endettées car une grande partie des dettes publiques a glissé vers le privé, et la pandémie de Covid accompagnée de ses confinements et du ralentissement de l’économie ont encore accru ces dettes. De même, les états ont été obligés de s’endetter fortement pour subventionner leurs économies en berne.

Du point de vue d’une banque centrale, il y a un moyen simple de réduire les dettes de tout le monde : l’inflation. L’idée est simple : si on doit un montant fixe de monnaie et que la monnaie perd de sa valeur avec le temps, le résultat immédiat est que ma dette perd également en valeur. Typiquement, si on arrive à maintenir un taux d’inflation à 10 % par an, la dette de tout le monde est divisée par deux en 10 ans.

Malgré tout, il faut garder en tête qu’une banque centrale n’est pas censée créer de la monnaie directement. Il leur faut changer les règles si elles veulent le faire.

Une monnaie digitale

La BCE parle de plus en plus de « l’euro digital ». Certains parlent d’une « crypto-monnaie », mais ce n’en est clairement pas une puisqu’une dans le cadre d’une banque centrale, le terme « crypto-monnaie centralisée » ne peut être qu’un oxymore.

Bref, l’idée derrière la monnaie digitale de la BCE est que chaque citoyen de l’Eurozone puisse avoir un porte-monnaie virtuel… à la BCE. En clair, en plus de votre compte en banque actuel, vous et moi aurions également un compte à la BCE. Les montants maximum seraient limités à quelques milliers d’euros, mais il serait bel et bien là.

La BCE prétend que la principale raison à ce changement est que « les citoyens se détournent des espèces ».

Vraiment ? Est-ce réellement là la seule raison, voire même la principale ? Pourquoi un revirement si soudain, tout ça pour un compte où nous pourrions n’avoir que quelques milliers d’euros alors, que des milliards se baladent tous les jours dans la zone euro ?

La monnaie hélicoptère

La « monnaie hélicoptère » est simplement de la monnaie créée par la banque centrale et distribuée sans contrepartie aux citoyens. En Europe, Mario Draghi, le Président de la BCE à l’époque, disait trouver le concept « intéressant ». Peter Praet, l’économiste en chef de la BCE, a déclaré :

Oui, toutes les banques centrales peuvent le faire. Vous pouvez créer de la monnaie et la distribuer au peuple. C’est ça, la monnaie hélicoptère.

Il n’y a aucune annonce officielle comme quoi il serait dans les plans de la BCE de distribuer de la monnaie hélicoptère. Pour autant, il y a beaucoup de gens qui militent pour.

Mais concrètement, comment distribuer cette monnaie hélicoptère ? Si tout le monde a plusieurs comptes dans plusieurs banques, il faut identifier les citoyens auprès des états, demander dans quelle banque ils préfèrent recevoir la monnaie, faire des versements, etc. C’est compliqué. Il faut aussi ne pas distribuer de monnaie aux associations et entreprises qui ont un compte, etc.

Mais si soudain, chaque citoyen de la zone euro a un compte en banque à la BCE, c’est tout de suite beaucoup plus simple ! D’un simple clic, vous pouvez créditer tous les comptes d’un certain montant ! On peut dire que le compte à la BCE utilisant de la monnaie digitale est en quelque sorte le prérequis de la monnaie hélicoptère.

Est-ce vraiment une option sérieuse ?

Réfléchissez. Le système bancaire est en train de couler, obligé de donner des sous aux gens pour qu’ils fassent des crédits. La BCE a tout essayé pour injecter de la monnaie dans le système, en vain. Et elle est à court d’options. Par-dessus le marché, il y a beaucoup de dettes partout, dettes qui vont couler tout le monde tôt ou tard.

Et là, soudain, vous avez un outil qui permet d’injecter directement et facilement de la monnaie dans l’économie. Vous créez de l’inflation, ce qui va réduire les dettes. Et au passage, vous vous débarrassez des espèces qui vous coûtent cher, tout en accroissant votre contrôle sur les flux de monnaie – et permet de limiter le blanchiment.

Si j’étais dans les bottes d’un banquier central et que je voulais maintenir le système, je n’hésiterais pas une seconde à utiliser cet outil providentiel.

Un nouveau « truc » centralisé

Nous ne devons pas nous méprendre sur les intentions. Il s’agit ni plus ni moins que d’un outil de contrôle. On pourrait même parler d’outil de contrôle suprême.

Certains évoquent depuis quelques temps déjà que cela pourrait aller bien au-delà de la « monnaie ». Par exemple, il serait possible via ce système de distribuer des « bons alimentaires ». En d’autres termes, vous recevriez de la « monnaie » sur votre compte, mais vous ne pourriez dépenser cette monnaie que pour acheter des produits alimentaires de première nécessité.

On peut également parfaitement imaginer un « revenu de base » indexé sur votre « note » attribuée par l’État. Un crédit social à la chinoise, avec un effet direct sur ce que vous percevriez. Pourquoi pas l’utiliser également pour décider du niveau auquel vous devez être taxé. On peut aller très très loin avec ce système, en terme de contrôle, bien sûr.

Et nous dans tout ça ?

Bien sûr, tout cela n’est que la vision d’un banquier central. En tant qu’individu qui a beaucoup réfléchi à la monnaie, je suis persuadé qu’il vaudrait mieux se débarrasser du système bancaire actuel. Repartir de zéro. Ce ne serait pas la première fois dans l’histoire. Et parfois, plutôt que de laisser pourrir un système malade, un nouveau départ avec un meilleur système est largement préférable.

Certains pensent que la monnaie hélicoptère est une forme de revenu universel, ou revenu de base. Comme j’ai prévenu dans mon livre, le revenu universel peut également être un piège. Une astuce, un tour de passe-passe, pour maintenir le système véreux actuel à flot.

Pour nous, citoyens, il y a déjà une alternative, et chacun d’entre nous peut la choisir en toute liberté et en toute conscience : la monnaie libre. Assurez-vous de lire la Théorie Relative de la Monnaie ainsi que mon livre « La monnaie : ce qu’on ignore » pour découvrir toutes vos options pour choisir un système monétaire.

Ponzi et création monétaire

Les chaînes de Ponzi

Fabien Olicard est un mentaliste talentueux. Dans une vidéo récente, il explique le mécanisme des pyramides de Ponzi. Je ne sais pas s’il a choisi le timing sciemment pour la publication de cette vidéo, mais vu la conjoncture, la coïncidence est particulièrement troublante ! En effet, le système de création monétaire du système bancaire est basé sur ce principe. Et non, je n’exagère rien.

 

La création monétaire par le crédit

Les lecteurs de mes livres savent déjà que, quand vous obtenez un crédit de votre banque, elle ne vous prête pas de la monnaie qu’elle a déjà. Elle crée ce montant sur votre compte par une simple écriture comptable, c’est juste un nombre saisi dans un ordinateur. Cela s’appelle la création monétaire ex-nihilo. Cette création suit un certain nombre de règles, qu’on ne va pas détailler ici.

Mais les intérêts du crédit, eux, ne sont pas créés. Seul le principal est créé. Cela signifie que, pour rembourser ces intérêts, il faut bien aller les chercher quelque part, ailleurs, pour les rembourser. Ailleurs, mais où ? On doit forcément ponctionner de la monnaie qui a été créée par d’autres crédits. Or, ces autres crédits ont été octroyés à d’autres individus ou entreprises, qui, à leur tour, vont avoir bien du mal à rembourser… leur seule solution est d’aller prendre à leur tour de la monnaie d’autres crédits, etc. D’où un endettement perpétuel et croissant de toute la population, y compris des états. Et cela, absolument partout dans le monde puisque le système bancaire fonctionne de cette même manière dans tous les pays à de rares exceptions près.

Analogie avec Ponzi…

Le système de création monétaire par les banques privées est donc exactement basé sur le même principe qu’une pyramide de Ponzi : celui qui crée la monnaie s’enrichit constamment sur le dos de ceux pour qui il crée de la monnaie, et ce de plus en plus puisque ce sont les nouveaux entrants qui doivent fournir aux précédents les intérêts qu’ils doivent rembourser.

Toute chaîne de Ponzi a une fin

Un système pyramidal de ce type ne peut jamais durer éternellement dans un monde fini. En effet, pour payer les membres existants, il est nécessaire de faire entrer de nouveaux membres sans cesse. Lorsqu’il n’y a plus assez de nouveaux entrants pour alimenter les anciens, le château de cartes s’effondre par manque de fonds.

C’est exactement ce qui est en train de se produire aujourd’hui avec le système bancaire. C’est d’ailleurs ce qui aurait dû se produire en 2008 si les états un peu partout dans le monde ne s’étaient pas endettés pour renflouer le système bancaire en déroute. Pas étonnant que les intérêts des crédits aient été ramenés quasiment à zéro par les banques centrales dans la décennie passée, on sent bien que la supercherie ne peut plus continuer beaucoup plus longtemps. La Covid-19 est probablement le dernier clou dans le cercueil…

Pour aller plus loin…

Voici un extrait de mon livre « La monnaie : l’essentiel », dans lequel j’ai utilisé dans les chapitres précédents l’exemple de naufragés sur une île utilisant des émeraudes comme monnaie d’échange.

L’intérêt esclavagiste

Imaginons à nouveau une île, cette fois avec 10 naufragés. Au lieu d’échanger des émeraudes, ils font appel à un onzième protagoniste qui se prétend banquier ; ils le croient, car il a encore sa cravate. Il leur propose de leur créditer 100 unités chacun, ils devront rembourser 10 unités tous les mois sur un an, ce qui fera 120 unités à rembourser, soit 20 % d’intérêts. Ils ont envie d’avoir de la monnaie pour leurs échanges, ils acceptent donc la proposition du banquier.

Celui-ci a « oublié » de leur expliquer que, sur les 12 mensualités qu’il va percevoir, les deux premières sont des intérêts qu’il va conserver, puis il détruira les 10 autres, pour détruire exactement ce qu’il a créé, c’est-à-dire 100 par personne.

Arrêtons-nous quelques instants et calculons :

  • il y a au total 100 unités créditées × 10 naufragés, soit 1 000 unités en circulation,
  • il faut rembourser 10 par mois × 12 mois × 10 naufragés, soit 1 200 unités au total au banquier.

Comment est-ce possible ? Il n’y a pas assez d’unités en circulation pour rembourser le banquier. Pire encore, à partir du dixième mois, il n’y aura plus une seule unité en circulation dans l’économie puisque chacun aura remboursé 100, c’est-à-dire l’intégralité de la monnaie qui a été créée ! Il leur restera à rembourser deux mois à 10 par mois soit 200 pour les 10 naufragés.

Mais on a oublié tout de même un détail : le banquier, lui, sera en possession des deux premières mensualités, soit 10×2×10=200. Ce sont les intérêts qu’il n’a pas détruits. À partir de ce constat, tout dépend de ce que le banquier décide de faire avec ces 200 unités.

Si le banquier décide d’utiliser cette monnaie pour se payer à manger grâce au travail des autres naufragés, il lui suffit de dépenser tranquillement ces intérêts pour se nourrir. Il peut alors passer ses journées dans un hamac au bord de l’eau, cocktails et caviar fournis par sa main-d’œuvre qu’il paye avec les intérêts qu’il a récoltés. Dans ce cas, s’il dépense tous les intérêts, il réinjecte 200 unités dans l’économie, exactement celles qui manquaient pour rembourser tous les crédits.

Malgré tout, même dans ce scénario parfait, il n’y a à la fin de l’année plus aucune unité en circulation dans l’île, car le banquier a détruit les dernières mensualités, comme prévu. C’est la crise. Chacun est à nouveau obligé de demander un nouveau crédit au banquier. Et donc de lui servir le caviar pour l’année qui vient. Et ceci indéfiniment.

L’intérêt manquant

Nous avons examiné un scénario, mais il en reste deux autres.

Si le banquier décide de partir lui-même à la pêche pour se nourrir et qu’il conserve ces 200 unités dans son coffre, alors effectivement il n’y aura jamais assez de monnaie pour le rembourser. Dans ce cas, les naufragés n’ont qu’une seule solution pour terminer de rembourser le banquier : faire de nouveaux crédits, qui incluront donc la fin du remboursement des anciens crédits. Chaque naufragé devra donc faire un crédit de 100+20 pour l’année suivante, soit 120. Mais cette fois les mensualités seront de 12 au lieu de 10. Et dix mois plus tard, il restera alors 24 à rembourser chacun tandis que toute la monnaie aura disparu. On se retrouve ainsi à faire des crédits de plus en plus gros pour rembourser de plus en plus d’intérêts.

On se retrouve exactement dans le même cas si le banquier décide de ne dépenser qu’une partie des intérêts qu’il a récoltés. Il n’y a pas assez de monnaie pour tout rembourser, les naufragés sont obligés de faire des crédits de plus en plus gros au fil du temps.

Dans la réalité, comme tous les crédits ne sont pas octroyés en même temps dans l’économie, les acteurs de l’économie doivent « piocher » dans les crédits des autres pour rembourser leurs propres crédits. Mais cette monnaie manque alors aux autres, qui se trouvent obligés à leur tour de ponctionner dans la monnaie d’autres crédits, et ainsi de suite.

L’arnaque du Revenu Universel d’Activité

Le Gouvernement étudie actuellement dans le plus grand silence médiatique, depuis de nombreux mois, le remplacement des aides sociales par une aide unique au doux nom de « Revenu Universel d’Activité ».

Une arnaque de plus

Que cache cette nouvelle mesure, annoncée pour très bientôt, puisque c’est pour 2020 ? Vu l’échéance, on en entend très peu parler dans les médias. Mais il y a un très joli site bien touffu de « consultation citoyenne »… avec une participation citoyenne extrêmement faible, logique. C’est bien le signe qu’on vous prépare le coup du lapin assorti de « mais, on a consulté les citoyens avant ! ». Un peu comme le référendum ADP.

En résumé, ça pue l’arnaque. Le Gouvernement va encore probablement faire des « économies », tirant tout le monde encore plus vers le bas. Mais bien sûr, tout en s’assurant que les plus miséreux aient leur miche de pain pour éviter qu’ils se révoltent. Attention ça va piquer !

Sous couvert affiché de « lutter contre la pauvreté », il s’agit en réalité d’aider le Medef à baisser les salaires encore davantage. Astuce pratique pour traiter tous les opposants de vilains capitalistes qui refusent de lutter contre la pauvreté. On ne peut d’ailleurs que s’inquiéter davantage puisque le Gouvernement s’apprête à démanteler « l’Observatoire national de la pauvreté » juste avant l’arrivée de cette réforme. Hasard de calendrier ? Peut-être pas.

Inciter à travailler – coûte que coûte

En réalité, le but à peine caché est de « mettre les fainéants au travail ». C’est dit avec des fleurs, mais le message de fond est bien celui-là. En clair, bien vous mettre la tête dans la gadoue pour vous obliger à trouver un travail coûte que coûte, sans aucun doute, ce revenu sera… frugal, comparé aux aides actuelles. C’est pour votre bien : lorsque vous retrouverez un travail, vous gagnerez plus d’argent ! D’autre part, il est prévu d’être dégressif pour que vous n’ayez plus le choix à un moment donné : vous prostituer ou mourir de faim. Ce qui aura pour effet évident une baisse générale des salaires.

Pour rappel, les différentes aides sociales existantes sont rarement là juste pour la déco. Elles existent pour palier à des problèmes spécifiques de chaque individu. Tout le monde n’a pas les mêmes contraintes. Ni les mêmes handicaps. Pas non plus les mêmes difficultés à retrouver un travail. Activités saisonnières, intermittentes, à temps plein ou non, en horaires décalés, etc. Pas les mêmes contraintes budgétaires en fonction de la famille et du lieu où on habite, etc.

Au fait, le RUA s’appliquera-t-il aux Élus de la Ripoublique et aux Milliardaires ?

Universel ?

« Revenu Universel Sous Conditions de Ressources ». Universel ? Non puisque « sous condition ».

L’oxymore parfait.

L’art de détourner les mots et de les utiliser pour ce qu’ils ne sont pas, version Novlangue. Si c’était « Universel », ce serait versé à chaque individu, qu’il travaille ou non, quelle que soit sa situation. Ce qui, au passage, l’inciterait très clairement à travailler puisque cela viendrait s’ajouter à son salaire. Mais il ne faut pas rêver non plus. Les expériences de ce type sont « trop coûteuses » pour un état asphyxié par des décisions budgétaires et économiques absurdes. Lesquelles ?

Détourner l’attention, toujours

Évidemment, il s’agit comme d’habitude d’une redistribution monétaire qui ne pose pas les bonnes questions. On détourne systématiquement les têtes de là où il faudrait regarder.

  • Évasion fiscale = 100 milliards d’euros par an. Mais on tape sur les chômeurs et l’APL des étudiants. Tout en supprimant l’ISF, ce qui a eu pour effet de bord prévisible de diminuer les dons aux associations caritatives.
  • Dette publique due aux intérêts = 40 milliards d’euros par an. Dette jamais remise en question bien qu’illégitime.
  • Lobby de la grande distribution qui se permet d’occuper illégalement des sols = plus de 400 milliards d’euros d’arriérés. Tandis qu’on met une amende de 500€ pour un SDF ou un gilet jaune qui a érigé une cabane.
  • Bradage systématique au privé des infrastructures publiques dans lesquelles on vient d’investir massivement : autoroutes, gares, aéroports, Française des Jeux, barrages, etc. Les Grecs ont dû le faire sous la contrainte et les menaces. Pour la France, c’est fait tranquillement au vu de tous, petit-à-petit.

Escamoter systématiquement l’essentiel

Inonder la population de complications pour qu’elle n’ait jamais le temps de s’interroger sur la racine des problèmes. S’assurer qu’elle vit au jour-le-jour, soit débordée d’information de moindre importance. Pour éclipser, cacher en plein jour, les questions essentielles.

La plus importante : le pouvoir de la création monétaire laissé aux banques privées. Ce qui leur donne le pouvoir de financer avant tout le pétrole, l’industrie pharmaceutique et chimique, et les guerres. Surtout pas les hôpitaux, l’éducation, la permaculture ou les pompiers, pas assez rentables.

Le Dividende Universel de la monnaie libre, lui, répond à la vraie question de la création monétaire. Il est réellement « Universel » : un humain = un dividende. La vraie remise en question est là. Et il faut à tout prix éviter que ce débat atteigne la sphère publique.

Pris de court ? Vraiment ?

L’étonnement

Certains s’étonnent des tournures que prend actuellement le système financier. Partout, on est surpris que les marchés financiers aient des hoquets. Les craintes d’une crise financière grave à la rentrée s’accentuent. Un peu comme tous les ans ces dernières années, d’ailleurs.

Dans la droite ligne de tous les critiques actuels du système financier, on peut lire dans un récent article de Mediapart le paragraphe suivant :

« Il y a des signes qui ne trompent pas. Quand les financiers brusquement redécouvrent l’attrait de l’or, quand ils sont prêts à perdre de l’argent pour le mettre dans des placements jugés sûrs, quand ils commencent à s’inquiéter de la liquidité sur les marchés, c’est que la mécanique financière est en train de se dérégler, que la peur est en train de gagner. »

La mécanique financière est en train de se dérégler. Comme si c’était un fait nouveau !

… cependant…

On ne pourra pourtant pas dire qu’il n’y avait pas de sérieux signes avant-coureurs, et ce depuis longtemps :

 
  • les subprimes et produits dérivés ne se sont jamais aussi bien portés – désolé pour le sarcasme,
  • les dettes des états s’envolent à tel point qu’on sait tous depuis longtemps que ces dettes ne seront jamais remboursables par les circuits classiques, et je ne parle même pas du hors bilan qui sert à en planquer sous le tapis…
  • les quelques agences de notation élitistes sont les faucheuses du système, qui peuvent décapiter des têtes à volonté,
  • les plus gros spéculateurs filent en masse dans des marchés de gré à gré (dark pools) pour échapper au contrôle des banques centrales depuis plus d’une décennie,
  • les banques centrales injectent de la monnaie à tout-va dans le système financier depuis des années – la perfusion,
  • les taux restent négatifs sur des durées prolongées ce qui est un risque immédiat pour tout le système bancaire – le palliatif, un enfant comprend que quelqu’un qui prête ou crédite de la monnaie à taux négatifs va finir par couler, à moins bien sûr qu’on l’arrose de monnaie par ailleurs,

L’évidence

Tout cela est évidemment de la pure folie, un système dont on sait qu’il n’est pas soutenable, et qui est mis sous perfusion, puis sous soins palliatifs. Le colosse aux pieds d’argile ne peut pas durer sur le long terme. C’est une évidence pour quiconque s’intéresse un peu à la question en profondeur.

Et qu’on ne me raconte pas que ses architectes ne sont pas au courant – ce qu’ils avanceront, bien évidemment, le jour où le château de cartes s’écroulera, à l’image de Janet Yellen, déclarant en 2011 à propos de la crise de 2008 : « Je n’ai pas apprécié les risques liés à la titrisation, aux agences de notation, à la finance de l’ombre, aux véhicules hors bilan, je n’ai rien vu venir de tout cela jusqu’à ce que ça arrive. »

Mais c’est bien sûr !

Soyons radicaux !

En fait, même la plupart de ceux qui avaient repéré ces signes avant-coureurs ne voient pas plus loin que le bout de leur nez. Ils ne s’intéressent qu’à des conséquences superficielles d’une cause plus profonde.

Ce n’est qu’en pointant la cause première, la racine du problème, qu’on peut enfin se libérer de la cascade d’inégalités qui en découlent. Cette source initiale a un nom : la création monétaire.

En effet, un système où des « élites » ont le monopole de la création monétaire, et ce à volonté, ne pouvait que terminer comme il est aujourd’hui.

La monnaie libre, et la Ğ1 propulsée par Duniter, son implémentation lancée en 2017, est en cela une véritable révolution puisqu’elle remet à plat, à l’horizontale, si je peux oser cette métaphore, la création monétaire. Elle n’y est pas l’apanage d’une élite, elle appartient à tous. Elle a toujours appartenu à tout le monde, mais la liberté ne se donne pas, elle se prend.

Comme je l’écris en conclusion de mon livre « La monnaie : ce qu’on ignore » :

Se réapproprier la monnaie, ce n’est pas demain, c’est aujourd’hui !

Teste tes connaissances sur la monnaie !

(This test also exists in English)

Communiquer sur la monnaie n’est pas commode. Amener le sujet dans une conversation peut s’avérer fastidieux.

Les réactions vont généralement de « On peut parler d’autre chose ? » à « Quel sujet barbant ! ».

Mais lorsqu’on titille l’ego, on obtient plus souvent une réponse. L’indifférence se transforme en vanité. Vanité de « savoir quelque chose ». Étaler sa confiture.

Alors, nous y voilà, teste tes connaissances avec ce quiz et teste tes amis ! Certaines réponses risquent de te paraître étranges. C’est normal, j’ai sélectionné les idées reçues – fausses – les plus communes.

Je sais tout, même pas besoin de regarder les réponses !

Teste-toi sans les réponses !

Euh… pas si sûr… j’aimerais bien apprendre quelque chose.

Teste-toi avec réponses/explications

 

Résoudre le problème de la dette publique par l’expropriation

On nous parle de plus en plus souvent du « problème de la dette publique ». C’est effectivement un problème. Ceux qui s’intéressent un tout petit peu à la monnaie savent très bien comment le résoudre. Il suffit d’arrêter le système de création monétaire par les banques. D’arrêter de payer pour de la monnaie créée par un clic de souris.

On sait par ailleurs que le système financier tel qu’il est actuellement ne peut pas continuer éternellement. Les dettes gonflent inexorablement, la croissance est la condition d’existence du système. Or sur une planète aux ressources non infinies, il n’est matériellement pas possible de maintenir une croissance exponentielle. Car c’est bien d’une croissance exponentielle qu’il s’agit. Un « petit » 2 % par an, c’est 20 % au bout de 10 ans, 46 % au bout de 20 ans, 78 % au bout de 30 ans, 100 % au bout de 36 ans, 258 % au bout de 50 ans. Quant à la décroissance, c’est tout simplement impossible en système de monnaie-crédit : ce serait l’effondrement immédiat du château de cartes. La chute est donc inévitable.

L’État, par l’intermédiaire de l’organisme « France Stratégie » relié directement au premier ministre se penche sérieusement sur la question de la dette publique. Il a publié sur son site officiel des « pistes » pour venir à bout du problème dans une note qui date de fin 2017. Et là, cramponnez-vous à votre siège. Ils envisagent qu’« en cas de problème », l’État devienne propriétaire de tout le territoire et fasse payer un « droit d’occupation du sol » aux anciens propriétaires désormais expropriés. Vous ne me croyez pas tellement c’est gros ? Lisez par vous-même :

« Concomitamment à l’augmentation des dettes publiques, les vingt dernières années ont été marquées par une forte progression du patrimoine des ménages en Europe, en particulier immobilier, avec une distribution très inégale de cet enrichissement. Ceci ouvre une deuxième voie qui permettrait à un État excessivement endetté de décréter qu’il devient copropriétaire de tous les terrains construits résidentiels à hauteur d’une fraction limitée de leur valeur. Il deviendrait ainsi créditeur d’une somme annuelle, correspondant à la rémunération du droit d’occupation du sol. Tout propriétaire pourrait différer son paiement, dont le montant cumulé interviendrait alors au moment de la vente ou de la transmission du bien. »

Lire en clair : « les gens deviennent propriétaires, il ne reste plus qu’à les déposséder de leurs biens et rafler la mise ». Bien entendu, le bénéficiaire direct de ce genre de mesure ne serait pas l’État, il ne ferait que « se désendetter ». Bingo pour les banquiers et grands financiers.

La vidéo qui accompagne le billet est également à couper le souffle. Âmes sensibles s’abstenir. 

La guerre du Kippour n’a pas causé le choc pétrolier des années 1970 (en fait, c’est l’inverse)

Dans mon livre « La monnaie : ce qu’on ignore », j’écris que l’abandon de l’étalon or par Nixon est le déclencheur du premier « choc pétrolier » des années 70. En lisant cela, tu peux te dire : « C’est faux, ça. On sait tous que les méchants de l’OPEP sont à l’origine de la crise et que c’est la guerre du Kippour qui est le déclencheur. »

Je ne vais pas nier que certaines raisons politiques ont pu avoir une influence. Malgré tout, j’affirme ici qu’elles ne sont pas le facteur principal. Des preuves ? Elles arrivent.

Plutôt que de croire inconditionnellement ce qu’on nous raconte, regardons les chiffres.

Hausse des prix

Voilà ce qu’on nous présente : les Saoudiens avec leurs copains de l’OPEP ont démarré un embargo sur le pétrole en 1973. La principale raison aurait été de protester contre les états qui soutenaient Israël dans la guerre contre les pays arabes. Ou au pire, on nous dit que c’est juste les types cupides de l’OPEP qui voulaient tirer un maximum de jus de leur pétrole. Résultat : les prix du pétrole flambent.

Effectivement, les prix ont grimpé lorsqu’on regarde les prix en dollars sans correction (la courbe bleue). Ils ont aussi grimpé en « dollars constants », c’est-à-dire tenant compte de l’inflation.

On doit alors se poser deux questions :

  • la guerre a-t-elle été la cause de l’embargo ?
  • le « dollar constant » est-il une référence fiable et non faussée ?

Répondons à ces deux questions.

Les Saoudiens : rois du pétrole

Tout d’abord, les Saoudiens étaient les rois du pétrole à l’époque. En fait, ils rivalisaient avec les États-Unis en terme de production :

Non seulement ils étaient l’un des principaux producteurs au niveau mondial, mais ils basaient aussi leur économie sur le pétrole.

Jetons un coup d’œil à leur dépendance économique au pétrole :

En 1970, 30 % de leurs revenus provenaient du pétrole, ce qui n’est pas rien. C’est passé à 70 % en 1974. Peut-être étaient-ils vraiment cupides, finalement ?

Mais comment sont-ils passés de 30 à 70 % ? Est-ce grâce à la hausse des prix ? Est-ce que, par hasard, ce pourrait être parce qu’ils ont exporté beaucoup plus ? Regardons un peu la courbe de leurs exportations :

Effectivement, leurs exportations ont littéralement explosé entre 1970 et 1979. La multiplication par 3 de leurs exportations entre 1970 et 1975 explique déjà à elle seule largement la hausse des revenus pétroliers. Si c’était de la cupidité, ils n’ont pas obtenu plus par un simple gain de prix, on peut même être surpris qu’ils n’aient pas gagné plus vu l’augmentation de leurs exportations.

Mais une première question vient à l’esprit : au vu de la hausse des prix du pétrole, où donc est passée la chute vertigineuse des exportations qui devrait en être la cause ? Il y a bien une petite baisse de moins de 10 % vers 1973, mais cela suffirait-il à justifier la hausse brutale des prix du pétrole ? Est-ce qu’il pourrait y avoir d’autres raisons à cette hausse ?

Les productions mondiales et états-unienne

Jetons un coup d’œil à la production mondiale de pétrole dans la période qui nous intéresse.

Le plus surprenant dans l’histoire, c’est que la production saoudienne (Middle-East en vert) n’ait pas plongé plus que cela en 1973 pour un embargo qui a tout de même duré 6 mois. Plus surprenant, la production états-unienne a elle-aussi baissé dans la même période. Auraient-ils fait un embargo sur eux-mêmes ? Ça n’a aucun sens ! Penchons-nous sur la question d’un peu plus près et focalisons-nous sur la production de pétrole des États-Unis sur la période :

Effectivement, on voit la production américaine baisser significativement entre 1970 et 1980, en plein choc pétrolier. Elle ne remonte légèrement qu’en 1980. N’est-ce pas surprenant ? Devrions-nous peut-être regarder d’autres sources ?

Aucun doute, en pleine crise du pétrole, les États-Unis ont réduit leur production. On peut voir une très légère inflexion des importations pendant l’embargo, mais sans pour autant avoir un arrêt total, très loin de là, puis une accélération très impressionnante des imports. La logique de l’époque, qui n’a été cassée que récemment sous Obama était : « Épuisons les réserves de tout le monde, puis quand ils seront à cours de pétrole, on pourra puiser dans les nôtres ». Ils y sont d’ailleurs arrivé partiellement puisqu’ils deviennent en 2017 le premier producteur de pétrole au monde. Le prix à payer était peut-être la crise pétrolière des années 1970.

Biais culturels

Le monde arabe, comme bien d’autres parties du monde, est très traditionnel. Il est basé sur la stabilité des valeurs ancestrales. Il fonctionne sur des valeurs « sûres » comme l’or. Encore aujourd’hui, les frasques dorés des princes du pétroles sont mondialement connus, en plus d’autres choses.

Par ailleurs, l’or prend une place importante pour afficher ses richesses :

L’étalon or

Ceux qui ont lu mon livre sur la monnaie savent qu’à la suite des accords de Bretton Woods en 1945, l’économie mondiale repose sur le dollar américain pour les échanges internationaux, chaque dollar est échangeable contre de l’or à taux fixe. Malheureusement, les États-Unis impriment beaucoup plus de dollars qu’ils n’ont d’or et le président Nixon est forcé d’abandonner l’étalon or en 1971.

Le résultat direct est la chute immédiate du cours du dollar par rapport à l’or :

D’un autre côté, tous les échanges internationaux continuent à être payés en dollars. Le pétrole ne fait pas exception, puisqu’on parle même en pétrodollars. C’était encore le cas très récemment, et quiconque défiait ce monopole était immédiatement écarté. Saddam Hussein et Khaddafi en sont deux exemples frappants, si j’ose dire. Il n’y a que les Chinois et les Russes pour se lancer dans l’aventure ces dernières années.

Revenons en 1973. Mets-toi dans la peau d’un Saoudien. Tu chéris l’or. Mais en échange de ton pétrole, tu reçois des bouts de papier avec lesquels tu pourrais tapisser ta chambre tellement ils ne valent plus rien. Ce que tu vois, c’est que ton or noir a une valeur qui dégringole par rapport à l’or sonnant et trébuchant, il perd même quasiment la moitié de sa valeur :

Prix d’un barril de pétrole en onces d’or

Que faire ? Tu te souviens que le dernier embargo en 1967 a remonté les prix rapidement, on le voit d’ailleurs sur le graphique ci-dessus. Il faut absolument trouver une excuse pour obliger le prix du pétrole à remonter au niveau où il se trouvait sous l’étalon or.

La guerre du Kippour est l’excuse rêvée. Surtout quand on sait que les Saoudiens en ont été secrètement les artisans puis ouvertement actifs dans le conflit.

Comparaison pétrole-or

Continuons notre analyse et étudions comment le pétrole et l’or se sont comportés dans les décennies qui nous intéressent. Peut-être allons-nous trouver une forme de stabilité. N’oublions pas qu’à cette période, le monde entier entre en crise, les monnaies subissent des dévaluations importantes, on l’a vu avec le dollar qui plonge par rapport à l’or, etc.

Il semblerait bien qu’au milieu du chaos mondial, on trouve une certaine stabilité dans ce graphique. Jusqu’en 1985, il y a des vagues, certes, mais la tendance globale est très stable : le pétrole remonte systématiquement à ses niveaux d’avant la crise autour de 0,08.

Analysons cette fois ce graphique avec en tête les événements historiques de l’époque. Soudain, tout s’éclaire.

Pour résumer, les Saoudiens et leurs alliés forcent le prix du pétrole en or à revenir à ses niveaux de la période de l’étalon or. Ils le font même monter encore plus loin pour s’approcher de 0.1. Visiblement, d’autres étaient aussi en train de regarder ce même graphique : les dirigeants de l’OPEP sont attaqués physiquement pour leur rappeler qui est le patron. L’opération marche bien, les prix du brut redescendent.

Cinq ans plus tard, le prix du pétrole en or est de nouveau redescendu bien bas. C’est compter sans la perspicacité des Saoudiens. Ils lancent un embargo sur le long terme en réduisant de manière drastique leur production et leurs exports. Malgré tout, ils doivent finalement céder autour de 1985 : de nouveaux concurrents indépendants sont apparus dans le secteur pétrolier comme l’Alaska, la Sibérie ou encore la Norvège en Mer du Nord. Les Saoudiens voient qu’en retenant trop leur production, ils perdent du terrain et leurs revenus s’effritent, ils remettent les gaz, si on peut dire, faisant descendre le prix du pétrole cette fois pour plus longtemps. Adieu étalon or-pétrole !

Conclusion

Si tu crois encore qu’il n’y a aucun lien entre le pétrole et l’or dans cette période, exprime-toi ! Depuis, d’autres événements ont eu lieu qui peuvent brouiller les cartes. Pourtant, à l’époque, je suis persuadé que ce graphique explique tout.

Quant au graphique « en dollars constants » du début, il est évident que le calcul de ce « dollar constant » est de la pure fantaisie. Les Saoudiens n’en avaient rien à faire des « papelards constants » ou de l’« inflation » calculée par un panel obscur quelque part dans le monde. Ils se basaient sur l’or qu’ils pouvaient entasser dans leurs coffres.

La guerre du Kippour n’a été qu’une excuse et les Occidentaux savaient très bien ce qu’ils faisaient à l’époque, ils voulaient se servir de l’excuse de l’abandon de l’étalon or pour récupérer du pétrole à bas prix !