En France, dans les dĂ©cennies qui viennent, l’eau va manquer. Ce n’est pas une fatalitĂ©, fais il va falloir faire quelque chose si des humains veulent encore vivre sur ce territoire.
Pourquoi l’eau peut manquer
La gestion de l’eau a Ă©tĂ© depuis toujours une prĂ©occupation majeure des ĂȘtres humains. Pas de vie sans eau, c’est aussi simple que cela. Toutes les grandes implantations de villes se sont faites prĂšs de sources d’eau.
Une population croissante
La population mondiale augmentant sans cesse, il n’est pas difficile de comprendre que les besoins en eau augmentent d’autant, et Ă un moment donnĂ©, l’Ă©quilibre peut ĂȘtre rompu.
Des variations
Le cycle de l’eau est aussi trĂšs inĂ©gal. Ăvidemment, il y a des courants gĂ©nĂ©raux autour de la Terre provoquant des pluies saisonniĂšres. Cette animation de l’annĂ©e 2022 est particuliĂšrement fascinante :
On y constate des courants statistiquement prĂ©dominants, amenant plus ou moins d’eau Ă diffĂ©rents endroits du globe.
Des cycles – pas Ă©ternels !
Ces cycles ne sont pas éternels ! Nous commençons à les comprendre grùce à des modélisations de plus en plus poussées. Malgré tout, il nous reste encore beaucoup à faire.
Par exemple, on ne comprend toujours pas vraiment pourquoi le nord de l’Afrique est un grand dĂ©sert⊠alors que les pyramides de Gizeh ont Ă©tĂ© bĂąties sous un climat tropical. On sait qu’il y avait beaucoup d’eau en Afrique du Nord, mais on ne sait pas pourquoi la pluie a disparu – et avec elle, la vie. Par ailleurs, on sait que ce changement a eu lieu trĂšs rapidement, peut-ĂȘtre mĂȘme moins d’une dĂ©cennie.
ĂvĂ©nement catastrophique ? Explosion volcanique ? Possible. Probable.
De la mĂȘme maniĂšre, le fameux « croissant fertile » en MĂ©sopotamie n’est aujourd’hui qu’un grand dĂ©sert.
Sans vouloir faire peur Ă qui que ce soit, il n’est donc pas complĂštement tirĂ© par les cheveux d’imaginer que la France puisse demain se transformer en dĂ©sert.
La pluie – mais pas queâŠ
Pour l’instant, je ne parle que de pluie. Effectivement, elle est indispensable pour amener l’eau dans les hauteurs. Mais une fois qu’il pleut, il faut pouvoir utiliser cette eau. Une partie est utilisĂ©e directement en irrigant les cultures.
Mais qu’advient-il de tout le reste ? Est-il disponible pour ĂȘtre utilisĂ© pour : boire, supplĂ©menter l’irrigation naturelle, refroidir les rĂ©acteurs nuclĂ©aires, voire mĂȘme gĂ©nĂ©rer de l’Ă©lectricitĂ© grĂące Ă des turbines couplĂ©es Ă des gĂ©nĂ©rateurs ?
La rĂ©alitĂ©, c’est qu’une grande partie de cette eau repart directement Ă l’ocĂ©an. Et l’ocĂ©an, c’est l’essentiel de l’eau sur Terre :
Si nous avions demain une Ă©nergie illimitĂ©e, nous pourrions Ă loisir purifier l’eau des mers et ocĂ©ans et la pomper jusque dans les Alpes. Mais ce n’est pas vraiment le cas aujourd’hui.
Du coup, toute goutte d’eau qui tombe sur nos sols compte lĂ oĂč elle est.
Qu’advient-il de la pluie ?
Tout dĂ©pend du terrain ! En fonction du terrain, la pluie ruisselle plus ou moins, et elle s’infiltre plus ou moins dans les sols. Ă ce stade, de trĂšs nombreux facteurs entrent en jeu :
- le matériau qui forme le sol : roche, terre meuble, argile, fentes dans la roche, etc.
- ce qu’il y a dans les couches plus profondes du sol : poches de stockage, etc.
- l’Ă©tat du stockage actuel du sol : s’il est dĂ©jĂ gorgĂ© d’eau ou non, si les structures souterraines sont dĂ©jĂ pleines ou non,
- le nombre de millimĂštres d’eau qui tombe par mĂštre carrĂ© Ă un instant donnĂ©, ainsi que ce qui tombe au-dessus : les gouttes qui tombent directement sur le sol n’ont pas le mĂȘme effet que sur de l’eau qui ruisselle dĂ©jĂ ,
- la force des gouttes – une pluie fine n’agit pas de la mĂȘme maniĂšre que des gouttes trĂšs larges,
- la vĂ©gĂ©tation – qui peut absorber une partie de l’eau,
- etc.
Dans le pire des cas, comme par exemple une rue en pleine ville, l’eau est jetĂ©e Ă l’Ă©goĂ»t, puis directement dans le lit de la riviĂšre. Cette eau est perdue localement mais va alimenter le rĂ©seau des riviĂšres en aval. Cela peut ĂȘtre positif si la riviĂšre est Ă sec, mais cela peut Ă©galement entraĂźner des inondations – ce qui peut d’ailleurs Ă©galement ĂȘtre positif en dĂ©posant du limon fertile dans les champs inondĂ©s.
L’impact de l’agriculture
Dans cette perspective, l’agriculture a un trĂšs gros impact sur les sols et leur rĂ©action face Ă l’eau.
Naturellement, un sol riche en vie est trĂšs gĂ©nĂ©ralement permĂ©able : la multitude d’ĂȘtres vivants en son sein crĂ©e un rĂ©seau de galleries, remue la terre mĂȘme si elle est dure et la rend meuble, etc. De fait, un sol a normalement une capacitĂ© d’absorption consĂ©quente. L’impact est alors dĂ©cuplĂ© s’il y a en-dessous d’autres structures de stockage : l’eau pĂ©nĂštre dans le sol mais n’y reste pas, elle tombe dans des stockages plus bas, ce qui permet au sol d’absorber encore plus d’eau.
Malheureusement, la monoculture intensive Ă base de pesticides et de labour dĂ©truit la vie des sols : tout ce qui vit dans le sol est vu comme un « parasite » Ă Ă©liminer. Finies les galleries des fourmis, plus de vers de terre pour ramener de prĂ©cieux minĂ©raux des roches enfouies. La terre devient dure comme le roc. Lorsqu’il pleut, l’eau ne peut y pĂ©nĂ©trer facilement, elle ruisselle. Et du mĂȘme coup, les structures de stockage souterrains ne sont plus autant alimentĂ©s.
⊠mais si l’eau manque ?
Lorsqu’on considĂšre tous ces paramĂštres, l’eau peut venir Ă manquer, non pas parce qu’elle est rare, mais parce que l’eau utilisable stockĂ©e localement n’est plus suffisante, en raison de tous les facteurs Ă©voquĂ©s ci-dessus.
Que faire ?
Les méga-bassines
Les mĂ©ga-bassines sont prĂ©sentĂ©es comme « la » solution pour rĂ©soudre les problĂšmes, en pompant le surplus d’eau en hiver dans de grandes bassines, afin de la restituer l’Ă©tĂ©. Les effets de cette solution sont multiples. Et surtout, l’implĂ©mentation de la solution pose de nombreux problĂšmes.
Puiser dans des réserves qui se vident
L’idĂ©e serait Ă©ventuellement intĂ©ressante si toutes nos nappes phrĂ©atiques Ă©taient pleines dĂšs l’automne. Dans ce cas, effectivement, cela voudrait dire que l’on « ferait de la place » pour stocker plus. Or, dans les faits, ce n’est pas du tout le cas : la plupart des nappes phrĂ©atiques en France ne sont mĂȘme plus remplies Ă la fin de la saison des pluies.
Cela veut donc dire que nous allons mettre en surface de l’eau qui Ă©tait stockĂ©e dans les sols. Cela a trois impacts majeurs :
- la contamination de cette eau par l’environnement,
- l’accĂ©lĂ©ration de la prolifĂ©ration d’organismes marins ayant besoin de lumiĂšre pour vivre (algues, bactĂ©ries, etc.), il est connu qu’il n’est pas idĂ©al d’exposer l’eau Ă la lumiĂšre ni Ă la chaleur pour la conserver, et les nappes naturelles font cela parfaitement, contrairement aux grandes bassines,
- l’Ă©vaporation – eh oui, que va-t-il se passer lorsque les beaux jours vont arriver ?
Bref, c’est un non sens total.
La marchandisation de l’eau
Il y a certains avantages Ă ce systĂšme pour un certain nombre d’acteurs. Les premiers sont les marchands d’eau : on commercialise quelque chose, on s’approprie une ressource naturelle.
Pour certains agriculteurs dont le modĂšle Ă©conomique dĂ©pend d’un arrosage consĂ©quent, c’est probablement une bonne solution. Mais voulons-nous soutenir ces pratiques alors que l’eau risque de manquer ? Ne devrions-nous pas plutĂŽt rediriger ces agriculteurs vers des pratiques et des cultures qui nĂ©cessitent moins d’eau ?
Comme toujours, il faut s’intĂ©resser aux financiers, les crĂ©ateurs de monnaie : Ă©videmment, ces bassines vont gĂ©nĂ©rer du profit, alors elles sont financĂ©es – y compris en grande partie par l’Ătat.
Stocker l’eau
Oublions l’aspect financier. Car les billets et les piĂšces ne se boivent pas. Et ils ne font pas non plus pousser les plantes qui nous nourrissent.
Rendre son pouvoir Ă la nature
L’un des aspects les plus urgents, c’est surtout de redonner Ă la nature ses capacitĂ©s Ă stocker la pluie dans ses rĂ©servoirs naturels que sont le sol et les nappes phrĂ©atiques.
Pour cela, nous devons nous prĂ©occuper des sols agricoles, pour qu’ils redeviennent des lieux de stockage. Nous devrions donc collectivement inciter tout projet limitant les pesticides et utilisant les capacitĂ©s naturelles des sols pour produire avec le moins d’intervention humaine possible. Les solutions sont nombreuses, elles ne demandent qu’Ă ĂȘtre implĂ©mentĂ©es.
Stocker⊠intelligemment
Il y a de nombreuses expĂ©riences oĂč l’eau est stockĂ©e, mĂȘme en surface, qui ont eu des effets positifs.
Dans tous les cas, nous ne voulons surtout pas Ă©puiser les stocks naturels pour en crĂ©er d’artificiels, comme ces mĂ©ga-bassines. Il nous faudrait crĂ©er des espaces de stockage supplĂ©mentaires, puisant de l’eau qui de toute façon retournerait Ă la mer sans notre intervention.
Bien sĂ»r, on peut imaginer des grands projets avec d’immenses rĂ©servoirs souterrains. AprĂšs tout, c’est exactement ce que faisaient dĂ©jĂ les Romains il y a plus de deux millĂ©naires, mĂȘme dans des lieux trĂšs inhospitaliers.
Là encore, les solutions ne manquent pas. La seule question qui reste : est-ce que ces solutions seront financées ?
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