Tous les médias caracolent : « Macron premier avec 27 % des voix. »
Mais il n’en est rien. Tout comme en 2017, Macron a été battu à plate couture par… l’abstention. Voici la réalité des chiffres qu’aucun média ne présente :
L’abstention, à laquelle j’ai ajouté les votes blancs et nuls. Ceux-ci ne sont pas non plus comptabilisés par les médias, ils représentent environ 2 %.
C’est là que l’on voit toute l’aberration du système électoral français. Quelle que soit l’issue du deuxième tour, le président en exercice bénéficiera du soutien d’à peine un cinquième de la population. Par ailleurs, le troisième candidat, d’un poids semblable aux deux autres n’a plus qu’à… se taire, comme ses électeurs.
Certains pointent du doigt les abstentionnistes : ce sont de mauvais citoyens, la racine du mal à cause desquels Macron risque d’être réélu. L’abstention, tout comme le vote blanc ou nul, est pour certains tout simplement la manifestation d’une résistance. Tout comme le fait de ne pas s’inscrire sur les listes électorales peut être un acte politique. C’est un refus de participer à la mascarade du système.
Il existe pourtant des alternatives simples à ce système aberrant. L’une d’entre-elles s’appelle le « jugement majoritaire ».
Le jugement majoritaire
L’Institut Rousseau a récemment conduit une étude sur le jugement majoritaire :
Tout d’abord, le premier constat est qu’une large portion des personnes interrogées sont favorables à l’instauration du jugement majoritaire :
Proportion de personnes interrogées en faveur ou non de l’instauration du jugement majoritaire.
Des résultats surprenants
Mais en allant plus loin, les résultats du sondage peuvent surprendre : Macron est deuxième, derrière… Valérie Pécresse.
Sondage prédisant les résultats de l’élection présidentielle si celle-ci était votée au jugement majoritaire. Source : Institut Rousseau
Ne nous voilons pas la face : ces deux candidats feront exactement la même politique. Alors, au vu de ce résultat, on peut clairement se demander : est-ce que ça vaut vraiment la peine de changer de type de scrutin pour élire Françoise à la place de François ?
Un garde-fou nécessaire
On peut avoir une autre lecture de ce résultat. En effet, dans le scrutin actuel, il y a bien une clause qui impose la majorité absolue pour qu’un président soit élu. C’est une mesure d’apparat puisqu’au deuxième tour il n’y a que deux candidats, et seuls sont comptés les votes pour l’un ou l’autre.
Dans le cas du jugement majoritaire, on pourrait parfaitement envisager une règle stipulant que le candidat choisi obtienne au moins une mention « assez bien » pour être élu. En effet, dans le sondage de l’Institut Rousseau, Pécresse est celle qui rassemble le plus de suffrages, mais avec une mention… « passable ». Par ailleurs, le sondage a eu lieu en décembre 2021, il y a fort à parier que les résultats ne seraient pas les mêmes mi avril 2022, vu la campagne déplorable de cette candidate.
En mettant en place ce garde-fou, seul un candidat ayant au moins un support populaire décent pourrait être élu. Si personne ne fait l’affaire au premier tour, alors tous les candidats sont écartés et la campagne repart avec de nouveaux candidats.
Évidemment, on peut craindre que personne ne puisse contenter globalement les Français. Mais qu’est-ce qui est préférable : choisir au petit bonheur la chance un candidat qui ne satisfait pas grand-monde, comme c’est actuellement le cas, ou bien tenter de faire mieux ?
Le système des partis
En réalité, tout cela provient en premier lieu du système des partis qui implique d’être d’accord sur tout ce que présente le parti.
Écoutons un personnage de mon roman, « Le Président Providentiel » :
« La meilleure preuve, c’est que les Verts soient un parti. L’écologie devrait être au cœur du débat de tous les partis. On cloisonne totalement les idées au sein d’un parti. Au lieu de proposer les idées à la carte, on propose un menu 100 % poisson ou bien un menu 100 % viande. Si vous voulez du poisson en entrée mais de la viande en plat principal, c’est impossible. Ou bien on vous présente un menu végétarien dans lequel la seule boisson comprise est une bouteille de vin. Si vous voulez du jus de fruit, vous n’avez pas le choix, ça sera une bouteille de vin. Et on vous oblige à la boire ! Présenté comme ça, ça semble totalement absurde, c’est pourtant ce que font les partis politiques avec les idées. Jusqu’au point où si vous êtes écologiste alors vous devez forcément être d’accord sur tout le reste, ce qui est totalement farfelu. Vous avez des écologistes qui sont à droite, d’autres à gauche, certains sont pour l’immigration et d’autres contre, certains sont pro-européens et d’autres anti-européens, etc. Ben oui, les idées c’est pas au menu, c’est à la carte ! »
Il s’agirait donc de voter non pas pour un menu, mais pour chaque idée, à la carte. C’est parfaitement atteignable, avec le RIC, plébiscité par plus de 70 % des Français. Ça a une autre dimension que des candidats qui peinent à récolter 20 % !
Une image vaut mille mots :
C’est quand même autre chose, non ?
Conclusion
Les modalités de l’élection présidentielle permettent de nombreuses manipulations pour élire un candidat voulu. Pire encore, elles sont des outils formidables pour engendrer de la frustration et diviser le peuple. « Votez utile, sinon vous êtes des traîtres ! » Le spectacle des « consignes de vote » au deuxième tour est tellement loufoque qu’il vaut mieux en rire.
Mais à chaque fois que nous nous retournons contre nos pairs au lieu de tous tourner un doigt accusateur vers nos bourreaux communs, nous devrions nous poser la question :
Pourquoi ?
Comment en sommes-nous arrivés là ? Au lieu de se battre les uns contre les autres autour d’un problème dont les seules issues qui nous sont présentées ne sont pas des solutions, nous devrions prendre du recul. Sortir du cadre. Le cadre, c’est à nous de le définir.
En réalité, ces pièges ne sont que des techniques de base, le B.A. BA du manipulateur. En psychologie, cela s’appelle une injonction contradictoire, ou double bind en anglais. Il s’agit de présenter un problème et de n’offrir comme « solutions » que des portes de sortie perdantes. Ici, l’électeur est sans cesse tiraillé entre voter contre sa conscience pour être un « bon citoyen » et suivre sa conscience – quitte à ne pas aller voter – mais devenir un « mauvais citoyen ».
Tout psychologue sait que le seul moyen pour sortir de ces situations sans issue est de ne pas accepter les fausses solutions qui nous sont offertes. Il suffit de s’extraire du moule qu’on veut nous imposer.
J’invite le lecteur à lire cet article pour aller un peu plus en profondeur sur cette élection et sur le système de l’élection présidentielle française.
Pour beaucoup de Français, l’élection présidentielle est un moment fort et un symbole évident de la vivacité de la démocratie en France. Au premier abord, la théorie et les principes sont louables, paraissent tenir parfaitement debout.
Mais quelle est donc cette théorie ? Passons en revue ses principes de base.
D’abord, le peuple élit qui il veut. Il est souverain dans le choix de son chef. De toute évidence, il choisit quelqu’un qui a les qualifications, l’intelligence, le charisme, le panache même, pour endosser la fonction présidentielle. Cela ne peut pas être n’importe qui. Ainsi, il est bien normal que nous n’ayons pas de présidents ouvriers, machinistes, profs, serveuses ou serveurs, infirmières ou infirmiers. On appelle cela la « méritocratie ». Nous voulons les meilleurs, les plus capables, pour diriger le pays.
Il est donc parfaitement normal que tous les présidents aient une formation ad hoc. L’ENA. Science Po. Et de préférence un homme fort d’un certain âge, qui va en imposer et à qui on ne peut pas conter d’histoires. Au passage, la France n’a jamais eu de présidente. Jusqu’à maintenant.
Le peuple choisit l’individu qui brille le plus par sa carrure, et les mauvais présidents ne sont pas réélus, comme Sarkozy ou Hollande. Le chef est faillible, il sera écarté en cas de manquements aux prochaines élections.
Tout cela semble parfaitement logique.
Un goût amer
Il y a tout de même un hic. Il suffit de faire un petit sondage autour de soi pour s’en apercevoir. « La démocratie fonctionne-t-elle parfaitement ? Permet-elle d’éviter les inégalités ? Le Gouvernement élu met-il en œuvre tous les désirs des Français ? » En toute logique, il le devrait. Sinon il ne sera pas réélu. Et pourtant…
Une très récente enquête Ifop est plutôt parlante. Difficile de dire avec le graphique suivant que tout le monde est content :
Réponses de l’ensemble des Français à la question : « Diriez-vous qu’en France la démocratie fonctionne très bien, assez bien, pas très bien ou pas bien du tout ? » Source : IFOP
D’ailleurs, le taux de mécontents varie au cours du temps, ils étaient plus de 70 % en 2014 et 2016 !
Les réponses surprennent le plus souvent. Le constat d’échec est flagrant. Une large majorité semble avoir l’intuition qu’il y a quelque chose qui cloche. Pourquoi, alors, ne pas en changer ? La réponse, souvent sans appel, ne se fait pas attendre : « c’est le meilleur modèle qu’on connaît, donc il faut faire avec ».
Des échecs partout ailleurs
Cela rappelle trop toutes ces tentatives occidentales d’amener la « démocratie » un peu partout dans le monde. Avec sans cesse des effets particulièrement ravageurs, des pays transformés en ruines, politiquement et économiquement. Et ce malgré la tenue « d’élections démocratiques » dans les pays concernés.
Il semble que la « démocratie » telle que nous la concevons mène toujours aux mêmes dysfonctionnements. Partout, elle autorise des empires financiers à prendre le dessus. Les multinationales n’en font qu’une bouchée grâce à des lobbys toujours plus puissants. Elle court systématiquement après le petit voleur de pâtes pour quelques euros parce que le frigo est vide. En revanche, elle ne touche pas au milliardaire qui pourtant provoque des milliards de manque à gagner pour l’État en évasion fiscale et autres malversations, qui provoquent en retour inégalités, pauvreté, insécurité. Elle laisse en liberté les politiciens corrompus. Au lieu de rassembler les peuples, elle les divise, parfois très profondément. Elle s’attaque systématiquement à des problèmes secondaires, sans jamais régler l’essentiel.
Elle finit même par justifier des mesures extrêmement autoritaires dans certaines situations. Mais c’est pour notre bien, évidemment. Sous prétexte de « sécurité », d’anti-terrorisme. Ou bien « sanitaires ». Ou encore de « sauvegarde de l’emploi ». Malgré tout, on sent que le système est… perfectible, c’est le moins qu’on puisse dire !
Partout, le terme « démocratie » est associé à « élections ». D’ailleurs, on le confirme généralement par des expressions du type « On a les dirigeants qu’on mérite ». Mais est-ce bien ça, l’élection de « dirigeants », la démocratie ?
C’est quoi, une démocratie ?
Partons de la définition large du terme :
Régime politique dans lequel le peuple dispose du pouvoir souverain
Ainsi, c’est un régime politique où les décisions communes sont prises par le peuple.
Pourtant, aujourd’hui, ce n’est pas le peuple qui prend réellement les décisions. Ce sont ses « représentants élus ».
Ah. Nous sommes donc dans un « système représentatif », une République. Certains parlent de « démocratie représentative ». Pour qu’il s’agisse réellement de démocratie, il faudrait que le peuple ait le contrôle total sur ses représentants, ce qui n’est pas du tout le cas, comme nous allons le voir plus loin.
D’autres systèmes représentatifs…
Mais alors… en quoi est-ce que la France différerait-elle donc tant de la Russie ? En effet, la Russie a également un président élu, un gouvernement et des ministres, un parlement d’élus aux suffrage direct, la Douma. Cette dernière a d’ailleurs le pouvoir de contester les décisions gouvernementales. C’est une république fédérale, comme l’Allemagne. L’organisation est un peu différente des pays occidentaux, mais sur l’essentiel, cela revient strictement au même.
Même la Chine fonctionne sur un système parlementaire, avec des élections plus indirectes, mais cela ne change pas grand-chose, dans le fond.
Pour rappel, en France, le Gouvernement a aussi le droit de s’opposer à une loi votée par le Parlement. Il peut également forcer ses propres lois par le fameux mécanisme de l’article 49-3. Dans ces cas-là, le peuple n’a rien à dire, il devra patienter jusqu’aux prochaines élections s’il n’est pas content.
La corruption
Mais alors, pourquoi diable la Chine et la Russie seraient des dictatures et la France une démocratie ? Pour faire la distinction, on va s’appuyer sur d’autres critères, comme le degré de corruption. Évidemment, les gouvernants russes et chinois sont corrompus, les élections sont truquées, c’est en cela que ce sont des dictatures.
Pourtant, en terme de corruption, la France n’est certainement pas en reste ! Chacun de nos présidents a été mêlé de près ou de loin à des scandales. Parmi les élus, on ne compte plus les procès. Le Parlement vote régulièrement des lois qui favorisent les inégalités – où est donc l’égalité ? De la même manière, il bloque des lois qui pourtant serviraient le peuple. Par ailleurs, les parlementaires votent eux-mêmes à une large majorité leurs propres augmentations. Ce n’est pas le même refrain lorsqu’il faut augmenter le SMIC. N’est-ce pas du conflit d’intérêt majeur et parfaitement évident ?
Emmanuel Macron lui-même navigue dans des eaux peu claires. Il a vendu la sécurité nationale de la France aux Américains avec l’affaire Alstom. C’est également un maître manipulateur, comme on peut le constater dans l’affaire des journalistes du Monde. Au passage, il n’a rien à envier à un Poutine dans les tentatives de faire taire quiconque s’oppose à lui. Deux des épisodes de « Off Investigation » ont déjà été censurés par Youtube. La liste est bien trop longue. Alexandre Benalla, l’un de ses plus proches gardes du corps ayant commis d’innombrables fautes est totalement protégé par le pouvoir, quelles que soient ses exactions. Y compris en permettant à l’intéressé de vider son appartement de ses preuves avant son inspection par la police. On se croirait dans un mauvais scénario de dictature.
La liberté d’expression
Alors, très certainement, on peut aussi s’intéresser à un autre axe : la liberté d’expression. On peut dire qu’elle est mieux respectée en France qu’elle ne l’est en Russie ou en Chine. Il semblerait pourtant que c’est valable uniquement tant qu’il ne s’agit que de paroles. En d’autres termes, tant que c’est du blabla, nous pouvons toujours dire ce que nous voulons. Mais il ne faudrait pas que cela se traduise en actes.
Exemple criant : tous ces gilets jaunes qui se sont fait tirer comme des lapins, alors que la majorité ne représentait aucun danger. On ne compte plus les blessés, les éborgnés, les mains arrachées. Combien de mains arrachées en Russie ? Combien d’éborgnés ? Aucun, à ma connaissance. En Hollande, un manifestant est même abattu à balles réelles.
Et ceux qui dérangent vraiment l’ordre établi, comme les lanceurs d’alerte, sont persécutés. Stéphanie Gibaud, employée dans une banque, se retrouve dans une situation très précaire après avoir dénoncé des pratiques illégales de son employeur. Mais où est donc l’« État protecteur », garant des libertés et de la transparence ? La France n’a jamais offert l’asile politique à Julian Assange. Ni à Edward Snowden. Qui a été accueilli, ironie du sort, en Russie. Bien évidemment, il ne représente pas une menace pour l’État russe, même s’il en dénonce parfois les écarts.
On sent clairement le « deux poids, deux mesures ». La Russie et la Chine sont des dictatures et tout y va très mal. La France est une démocratie et tout va très bien, Mme la Marquise.
Museler les trouble-fête « à l’ancienne »…
Certes, Poutine a ses méthodes pour se débarrasser des journalistes ou politiciens. C’est un ancien du KGB, la vieille école. Une balle entre les yeux. Ou bien le si classique poison. Au mieux, l’emprisonnement.
Mais à moins d’être aveugle, il est loin d’être le seul. Nous avons également droit à ce genre d’épisodes dans les pays occidentaux. Ils sont certes un peu moins « flagrants ». On se rappelle trop facilement des disparitions assez curieuses de Coluche ou Balavoine, ainsi que Bérégovoy. Plus récemment, Bruno Gaccio a bien failli y passer aussi. Et ceux qui disparaissent en prison ne sont pas en reste. Comme par exemple récemment Jean-Luc Brunel en France et son alter ego Epstein aux États-Unis.
… et beaucoup plus simplement
Pourtant, il y a une recette extrêmement simple et efficace pour se débarrasser des voix « encombrantes » : les médias. Il suffit de virer tel journaliste ou animateur qui sort un peu trop du rang, voire le reléguer à un média « de seconde zone » où sa voix portera peu. Pour les autres, le simple fait qu’ils ne passent pas sur les grands médias les rend muets. Littéralement.
Patrick Sébastien. Natacha Polony. Les « guignols de l’info », supprimés. Frédéric Taddeï, obligé de passer sur RT pour avoir le droit d’inviter qui il veut dans son émission. Le monde à l’envers ! Et au pire, on demande à la justice de museler les plus gênants, comme Denis Robert avec l’affaire Clearstream. Là encore, la liste est trop longue.
Ce qui est vrai pour les temps de parole lors de l’élection présidentielle l’est évidemment pour tout le reste. Il faut et il suffit que les médias focalisent l’attention sur un sujet pour éviter de parler du reste. C’est digne des techniques de prestidigitation. Regarde bien ma main droite, et pendant ce temps, ma main gauche va chercher une balle dans ma poche. Et hop, le tour est joué.
Or, il se trouve que tous les principaux médias en France sont entre les mains d’une minorité, une dizaine de milliardaires. Et l’État, qui travaille pour son compte – ou plus exactement pour le compte des « Élus ». Eux-mêmes à la solde des milliardaires précités.
Le Président Providentiel
Dans mon roman, l’ascension au pouvoir du Président est justement due à une exposition accrue dans les médias. Cela aura pu paraître un peu tiré par les cheveux pour certains lecteurs.
C’est pourtant ce qui s’est passé avec Emmanuel Macron en 2017. Certes, il a été Ministre de l’Économie peu avant, mais il était quasiment inconnu des Français. Et ceux qui le connaissaient ne l’appréciaient pas forcément, ce qui peut se comprendre au vu de certaines mesures hallucinantes qu’il a prises. Comme par exemple le remplacement des trains par des bus… mesure qui a d’ailleurs subi un rétro-pédalage sous son mandat présidentiel. En 2010, il avait même proposé de supprimer la dissuasion nucléaire française, « pour faire des économies ». Heureusement, Jacques Attali était là pour le remettre à sa place.
Je n’aurais jamais imaginé un jour écrire une phrase faisant l’éloge de Jacques Attali !… qui l’eût cru ?
Dans les faits, n’importe quelle personne qui connaît un minimum les artifices de la rhétorique est présidentiable. De ce point de vue, Emmanuel Macron s’y connaît. Il a particulièrement appris cet art à la banque Rothschild, comme l’explique son directeur.
Ainsi, il est tout-à-fait réaliste que même un inconnu comme Pierre puisse se présenter et gagner les élections présidentielles. Il faut et il suffit qu’il soit adoubé par une dizaine de milliardaires.
Qui sont nos « représentants »?
Ce sont donc nos oligarques, au contrôle des médias, qui font et défont les présidents. Le peuple ne fait que suivre les candidats qui lui sont présentés, à hauteur de leur exposition dans les médias. À l’heure où j’écris cet article, le monde est une grande mosaïque d’oligarchies.
Oui, j’ai bien écrit « oligarchies ». Définition :
Gouvernement politique où l’autorité souveraine est entre les mains d’un petit nombre de personnes
Alors, en Russie, oui, sans doute. En Chine, aussi. Ah, en Corée du Nord, bien évidemment. Et puis, certainement d’autres états corrompus. Mais en France, sûrement pas, tout de même ?
Une caste dirigeante
Certes, les dirigeants ne se passent plus le pouvoir de père en fils comme le faisaient jadis les rois.
Dans les faits, les « représentants » en France forment une caste à part entière. Ils sont constitués d’individus au statut particulier : les politiciens. Ces gens font carrière en politique, leur fonction est de « représenter ». Ils ne savent rien faire d’autre. Et ils sont sélectionnés au sein d’un club bien privé. Club du Cercle. Young Leaders. Institut Montaigne. Il faut être introduit aux bons endroits et auprès des personnes les plus influentes. Et une fois élu, on voit mal celui qui a accédé à la fonction présidentielle trahir ceux-là mêmes qui l’ont fait élire.
Des élus « hors sol »
C’est là que le glissement sémantique entre « représentant » et « représentatif » s’effectue bien trop souvent dans les têtes. Justement, ces « représentants » ne sont en rien représentatifs de l’ensemble de la population pour laquelle ils sont censés être les porte-voix.
Ils ne l’ont d’ailleurs jamais été. Pendant la Révolution Française, lors des États Généraux, ce sont déjà principalement des notables qui représentent le Tiers État. À l’époque, cela pouvait éventuellement se justifier. Et encore. Le fait est que la majorité des membres du Tiers État était illettrée et aurait eu bien du mal à défendre ses propres intérêts face à des professionnels de la magouille juridique.
Le problème, c’est qu’un « représentant » qui n’a pas les mêmes intérêts que celui qu’il prétend défendre se trouve en conflit d’intérêts. Il est logiquement porté à défendre les idées favorables à son statut et à sa caste en général. Ces idées sont potentiellement totalement opposées à celles qui favoriseraient le peuple.
L’absence de contrôle
On pourrait éventuellement parler de démocratie si effectivement le peuple avait le pouvoir total sur ses représentants. Or, dans le système français actuel, il n’en est rien. Si un élu trahit le peuple, ce dernier n’a aucun moyen de recours. Impossible de révoquer un élu ni même une loi scélérate. Impossible de toucher à la Constitution pour y ajouter un peu de contrôle sur les élus. Le seul levier du peuple est d’attendre les prochaines élections.
Ce ne serait pas forcément catastrophique s’il s’agissait d’un cas isolé : il suffirait de voter pour un « bon » représentant la prochaine fois.
Mais lorsque c’est l’ensemble du corps des « représentants » qui trahit sans cesse, et qu’il n’y en a pas un pour rattraper l’autre, le peuple se trouve effectivement totalement impuissant. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’abstention augmente à chaque élection. À force d’être trahi de manière répétée, le peuple finit par comprendre qu’il ne sert à rien d’élire un pantin qui n’en fera qu’à sa tête, comme ses prédécesseurs.
Une large portion de citoyens comprennent que, en tant qu’électeurs, ils n’ont en réalité aucun pouvoir.
Le piège de l’élection présidentielle
En France comme ailleurs, les artifices permettant de perpétuer cette caste au pouvoir sont finalement très simples. La principale épine dans la « démocratie » est l’élection présidentielle elle-même ainsi que ses modalités.
J’entends déjà des voix qui protestent : « Pas du tout, c’est le peuple qui décide qui il élit ». Par ailleurs, l’élection est très contrôlée, avec l’Arcom (ancien CSA) qui veille au grain et le vote aux urnes est l’un des plus fiables au monde.
Aux États-Unis, la manière d’élire le Président est particulièrement tirée par les cheveux. Mais en France, nous votons directement pour nos dirigeants, et chaque bureau de vote est dûment contrôlé par tous les partis. Pour l’instant, pas de vote par correspondance, pas de vote électronique, il semble impossible de tricher.
Pourtant, nous allons voir que le système des élections en France est loin d’être neutre, en particulier celui de l’élection du Président de la République. Il est truffé de pièges, de subtilités qui peuvent aisément être exploitées pour faire voter le peuple « comme on le leur dira », comme disait Tocqueville.
Analysons ensemble ce système pour comprendre pourquoi depuis plus d’un demi-siècle, la France part à la dérive :
pertes de souveraineté, tant avec l’euro que la soumission à l’UE,
inégalités et insécurité grandissantes,
système de santé et infrastructures publiques qui tombent en ruine,
perte de résilience et dépendance accrue à des pays étrangers,
libertés de plus en plus bafouées sous divers prétextes,
etc.
Les tours de magie
L’élection présidentielle se déroule en plusieurs temps :
présélection de candidats : primaires,
obtention de soutiens municipaux,
premier tour,
deuxième tour.
Chacune de ces étapes est parsemée d’embûches. Et celles-ci rendent le beau tableau « le peuple souverain élit son président » un peu… terne.
Présélection de candidats
La logique des partis impose que chaque camp politique choisisse un représentant et un seul, pour avoir un peu de chance de faire le poids face aux autres partis. L’idée est de choisir celui qui fait le plus consensus. Au risque de choisir le plus gros moulin à vent qui ne propose rien pour éviter de froisser quiconque.
Par ailleurs, cette présélection est totalement livrée à l’imagination des différentes forces en puissance. Dans certains partis, c’est un leader auto-proclamé. Dans d’autres partis, c’est celui qui est désigné par ses pairs comme « le meilleur ». D’autres organisent des élections internes dont les modalités peuvent parfois être douteuses.
Dans la mesure où cette étape n’est pas encadrée, il n’est pas toujours facile de comprendre pourquoi et comment tel ou tel candidat a été mis en avant plus qu’un autre.
Déjà, très tôt dans le calendrier électoral, les médias ont une influence énorme. Évidemment, quiconque est mis en avant plus que les autres dans les médias a beaucoup plus de chances de l’emporter au sein de son propre parti que les autres.
À ce moment, l’Arcom, anciennement CSA, commence tout juste à comptabiliser les temps… pour rire. Dans la mesure où il n’y a pas encore de candidats « officiels », ça compte pour du beurre. Et pourtant…
Les parrainages
Être sélectionné au sein de son propre parti ne suffit pas. En effet, dans un monde sans filtre, on pourrait parfaitement imaginer avoir 500 candidats à la présidentielle. Cela rendrait l’organisation de la campagne à l’échelle nationale un peu complexe, sans aucun doute. Pour éviter d’avoir trop de candidats, ceux-ci doivent obtenir des promesses de soutien auprès des maires de France. Cela n’a pas toujours été le cas, pour avoir l’historique, c’est ici.
Cette mesure n’est toutefois pas anodine. En effet, elle détermine réellement le choix des « représentants » pour qui les électeurs vont ensuite pouvoir voter. Quiconque n’obtient pas les parrainages nécessaires n’aura plus aucune voix dans la campagne. Pire encore, le candidat déchu risque tout simplement de perdre en crédibilité pour le reste de sa carrière.
Divers paramètres entrent en jeu ici, qui ont subi des modifications aux impacts majeurs.
Première barrière officielle
Le premier levier pour mettre les bâtons dans les roues de candidats « non voulus » par l’oligarchie est tout simplement de demander un nombre assez grand de parrainages. Seuls les candidats parvenant à récolter suffisamment de parrainages ont alors une chance d’exposer leurs idées devant les Français. Les autres, tout comme les journalistes gênants, n’ont plus qu’à parler dans leur coin. Tant que leur voix ne porte pas, ils ne représentent aucun danger.
Pour résumer, le nombre de signatures nécessaires a augmenté progressivement. De 50 en 1958, elles sont passées à 100 puis à 500 en 1976.
Pour ajouter un peu de difficulté, il faut également que les parrainages proviennent d’un nombre suffisant de départements. Ceci évidemment pour éviter qu’un candidat ratisse les petits villages de sa région et soit totalement inconnu ailleurs.
Deuxième barrière officielle
Le nombre de signatures s’est avéré être une mesure insuffisante pour contenir le nombre de candidats – y compris les plus gênants. Une nouvelle mesure a été mise en place dès 1976, avec pour prétexte « la transparence de la démocratie ». Cette mesure est déterminante malgré son air innocent : il s’agit de publier les noms des soutiens pour chaque candidat.
Effets directs…
En apparence, 500 signatures peut paraître un nombre assez faible au regard du nombre de maires en France – plusieurs dizaines de milliers. Pour un maire, donner une signature n’a aucun impact personnel tant que cette signature reste anonyme. Or, dès que les noms des soutiens deviennent publics, les élus mettent leur tête en jeu. En effet, soutenir un candidat qui n’aura aucun poids peut avoir un impact négatif non négligeable sur la future carrière politique d’un élu.
C’est en particulier le cas pour les candidats des extrêmes. Si effectivement cela augmente la transparence, l’autre effet immédiat est de permettre de clouer publiquement au piloris les élus ayant soutenu des candidats jugés « extrémistes ».
Évidemment, le but recherché, limiter les candidats, est atteint. Les candidats les plus extrêmes ont beaucoup de mal à obtenir des soutiens. Il en va de même avec des candidats « loufoques » qui n’ont aucune chance. À la rigueur, cela peut se justifier dans ces cas-là. Malheureusement, cela va plus loin. En effet, pour un maire qui a été élu le plus souvent avec le soutien d’un parti politique, il est extrêmement difficile d’apporter un soutien à une voix dissonante. Bon courage pour la suite de sa carrière !
… et Effets de bord
De mon point de vue, cette mesure a favorisé la consolidation du Front National, en éliminant mécaniquement toute tentative de concurrence. Il semblerait toutefois que cette tactique ait échoué en 2022 : Marine Le Pen a maintenant deux adversaires qui vont lui « voler » des voix : Éric Zemmour et Nicolas Dupont-Aignan. Il n’est d’ailleurs du coup pas étonnant que Florian Philippot ait fait un « flop » en terme de signatures…
De la même manière, de l’autre côté du spectre, Jean-Luc Mélenchon se retrouve avec trois épines dans le pied, même s’ils « pèsent » moins que leurs équivalents à droite : Nathalie Arthaud, Philippe Poutou et Fabien Roussel. On notera d’ailleurs que Christiane Taubira, qui aurait également pu faire de l’ombre à gauche, est loin d’avoir obtenu ses 500 signatures malgré une couverture médiatique correcte.
Le paramètre caché
Tout cela semble bien beau et logique. Pourtant, il existe un paramètre invisible qui détermine tout.
Comment un candidat se fait-il connaître ? Par les médias, évidemment. Ainsi, un candidat totalement inconnu qui se présente comme une fleur a-t-il une chance d’obtenir ces parrainages ? Étudions le nombre de parrainages en fonction du temps d’antenne dans la période de récolte des signatures :
Nombre de parrainages en fonction du temps de parole du candidat et de ses soutiens (échelles logarithmiques, temps en secondes). En-dessous de 3h d’exposition dans les médias, les candidats n’ont aucune chance d’obtenir les 500 parrainages nécessaires. Sources : Arcom et Conseil Constitutionnel
Le constat est très clair : le nombre de parrainages est proportionnel au temps d’exposition du candidat et de ses soutiens.
Ce n’est pas une règle absolue, car on voit qu’il y a une zone d’indécision entre 10.000 secondes (environ 3 heures) et 100.000 secondes (30 heures) où certains candidats peuvent tirer leur épingle du jeu. Cela peut être dû à leur ancienneté en politique, à un programme axé sur un sujet absent chez les autres candidats, ou bien à leur réelle popularité. D’autres s’en sortent moins bien dans cette zone.
En-dessous de 3 heures, il est clairement impossible d’obtenir les 500 parrainages nécessaires. Et au-delà de 30 heures, les 500 parrainages sont garantis. Bien sûr, cela peut rester tendu pour certains candidats, en particulier aux extrêmes, à cause de la publication des parrainages.
Une mesure farfelue qui en cache une autre
Ainsi, cette histoire de signatures est totalement grotesque. Et surtout, extrêmement hypocrite. Pour être transparent, il suffirait de mettre le critère suivant : obtenir 30h d’exposition dans les médias en janvier et février. Ce serait peut-être choquant pour le public, mais cela refléterait beaucoup plus la réalité.
Du coup, le constat est un peu effrayant. Dans notre « démocratie », ne peuvent se présenter à la Présidence de la République que les candidats ayant le soutien des milliardaires qui possèdent les médias. Ceux-ci font donc une présélection, sans que jamais cette règle ne soit écrite.
Par ailleurs, une partie des médias sont possédés par l’État. On pourrait se dire que eux, au moins, donneraient une audience aux « sans voix ». Il faut pourtant se rendre à l’évidence, les médias d’état filtrent tout autant. À croire que les donneurs d’ordre sont finalement exactement de la même caste dans le public et dans le privé.
Du coup, le CSA peut s’amuser à jouer au gendarme jusqu’à l’élection présidentielle. C’est totalement inutile, dans la mesure où les seuls candidats retenus à ce stade sont déjà ceux qui ont les faveurs des médias. Il est déjà trop tard, toutes les voix dissidentes ont déjà été éliminées.
Le piège du premier tour
L’élection présidentielle se joue actuellement à deux tours. Au premier tour, chaque votant choisit un candidat et un seul. Il y a un choix assez large dans le spectre politique. Pourtant, certains candidats se ressemblent fortement.
Des galaxies…
En 2022, je crois que nous n’avons jamais eu autant de clones qui se présentent. Certains thèmes sont décidément sur-représentés par les candidats qui ont tiré leur épingle du jeu.
Les galaxies :
Macron et son clone féminin Pécresse dont la médiocrité criante porterait presque à sourire si elle n’était pas celle ayant bénéficié de la plus grande exposition médiatique jusqu’à présent,
Le Pen et son clone Zemmour, ainsi que Dupont-Aignan dans une ligne légèrement moins dure,
Mélenchon et les communistes à sa suite (Arthaud, Poutou, Roussel),
Hidalgo et son ombre Jadot sur un fond de toile vert et bordeaux,
le seul rescapé de la purge médiatique, Lassalle…
Au passage, les médias continuent impunément leur sélection arbitraire, en n’invitant pas par exemple Jean Lassalle dans la plupart des émissions. « Ah, mais de toute façon c’est un clown qui fera à peine 1 % ». Petite question : est-ce qu’il fait 1 % parce qu’il n’est pas présenté dans les médias, ou bien est-ce qu’il n’est pas présenté dans les médias parce qu’il est annoncé dans les sondages à 1 % ? Une histoire de poule et d’œuf…
… et du vide
À l’inverse, certains pans majeurs des préoccupations des Français ne sont pas du tout représentés.
Les sujets favoris des Français…
Une étude de France Bleu s’est intéressée aux propositions citoyennes des Français et en a tiré les principales préoccupations. En toute première position vient la « démocratie », ce qui inclut la transparence de la vie publique, mais aussi la relocalisation de nos industries et la souveraineté de la France.
Or, la plupart de ces préoccupations sont maintenant absentes des propositions des candidats qui ont été présélectionnés par les médias.
Le vide :
les questions de transparence des élus, restaurer la confiance dans la politique, tout cela est totalement absent des débats, même Macron, qui avait hypocritement axé sa campagne de 2017 sur le sujet, n’en parle plus,
le RIC, avec Clara Egger largement sous-exposée dans les médias, alors que le RIC est plébiscité par une très large majorité de Français, souvent à plus de 70 %, cela été montré par tous les sondages sur le sujet… et la seule candidate portant le projet a bénéficié de 20 minutes d’antenne en tout et pour tout en janvier et février, évidemment très loin des 3 heures fatidiques…
la santé, le système de soins et les infrastructures publiques sont totalement absents des débats,
l’écologie, dont on ne peut pas vraiment dire qu’elle soit représentée par des candidats pastiches comme Hidalgo ou Jadot… l’écologie devrait d’ailleurs être au cœur des programmes de tous les candidats, mais c’est une autre affaire,
la souveraineté nationale avec Asselineau, le seul à avoir une ligne claire sur la sortie de l’UE et de l’OTAN, accompagné d’analyses géopolitiques très justes… Lassalle ne fait clairement pas le poids dans le domaine, Dupont-Aignan en parle mais n’est pas aussi précis – on peut douter qu’il sortirait réellement de l’UE – et il n’est de toute façon jamais présent dans les médias,
les gilets jaunes, qui avaient pourtant plusieurs candidats et qui représentent une portion importante de la population,
les restrictions de libertés ont fait couler beaucoup d’encre lors de la crise de la covid, mais on n’en entend plus beaucoup parler à moins de 2 mois de l’élection…
L’omerta
Évidemment, d’autres sujets capitaux dont peu de gens se soucient et qui n’apparaissent jamais dans les médias font l’objet d’une censure absolue.
Par exemple, le silence est assourdissant sur les réseaux pédocriminels, qui impliquent très vraisemblablement de hauts responsables politiques. Et ce, malgré de nombreuses tentatives de Karl Zéro pour remettre le sujet sur la table. Comme pour les autres, il suffit qu’il ne passe pas dans les grands médias pour le faire taire. Aucunement besoin de poison…
Évidemment, personne ne parle jamais de création monétaire. C’est pourtant le sujet le plus essentiel. En effet, c’est elle qui permet de financer les projets présentés par les candidats. Un projet sans réfléchir à son financement est par avance mort-né. Pourtant, absolument personne ne remet en cause la création monétaire par les banques privées. Ainsi, tout le monde est de facto d’accord pour que ce soit les banques qui décident des projets qui verront réellement le jour. Et ce, quel que soit le candidat qui gagnera l’élection.
Les sujets phares
Les médias ne se contentent pas de mettre en avant des candidats. Ils ont également une influence déterminante dans le façonnement de l’opinion publique en général. En mettant en avant certains sujets plutôt que d’autres, ils tournent les têtes vers tel ou tel sujet. Et bien sûr, ils vont tourner les têtes vers les sujets qui les arrangent.
En période électorale, c’est d’autant plus crucial que chaque candidat a un certain nombre de sujets de prédilection. Ainsi, multiplier les reportages sur l’insécurité, par exemple, fait mécaniquement le jeu de l’extrême droite, sans jamais mentionner leurs candidats. Cela n’est évidemment pas pris en compte par l’Arcom (ex-CSA).
Parler d’un sujet n’est d’ailleurs pas suffisant. La manière dont le sujet est traité est également primordiale. Par exemple, cet article de l’Express – propriété de Patrick Drahi… – sur le RIC qui traite le sujet de manière plutôt… orientée. C’est le moins qu’on puisse dire. Évidemment, nos chers milliardaires seraient un peu embarrassés si le peuple pouvait obtenir un peu plus de pouvoir.
Non, les médias ne doivent surtout pas parler des sujets qui rassemblent. Au contraire, ils doivent absolument diviser, se faire caisses de résonances des fractures sociales, monter les gens les uns contre les autres. C’est là tout le pouvoir de l’élection de « partis ».
Préparer l’opinion
Les prophéties
Les gens de pouvoir aiment les prophéties. En 2014, Jacques Attali indiquait nonchalamment que Macron, « un garçon très brillant », était un bon élève « présidentiable ». Ce à quoi il a rajouté en riant : « J’irais même plus loin. Je crois que je connais celle qui viendra après lui ».
Or, il se trouve que Valérie Pécresse est passée comme Macron par le cursus des « Young Leaders », ces « talents présidentiables » recrutés par les élites. Et elle est celle qui a effectivement la plus grande exposition médiatique depuis janvier lorsqu’on compte également ses soutiens… On voit une sorte de trame bien ficelée se dérouler sous nos yeux.
Les sondages
Les sondages d’opinion, pour l’essentiel eux-aussi financés par exactement les mêmes qui possèdent les médias, sont un autre instrument, une autre maille du filet présidentiel. En effet, s’ils sont censés recueillir l’opinion du moment, ils forgent également l’opinion future. Ils sont consultés par une large portion de la population, et permettent aux hésitants de faire un choix final. Or, dans la présidentielle, il suffit de quelques petits pourcents, quelques centaines de milliers de votes, pour tout faire basculer.
Bien sûr, lorsqu’Attali lâche une bombe en direct en indiquant les futurs présidents, il fait une prophétie. Mais les sondages, en manipulant l’opinion, vont plus loin puisqu’ils influencent à grande échelle le cours de l’histoire. Ils font des prophéties auto-réalisatrices.
Le « vote utile »
Les sondages sont particulièrement influents lors du premier tour de l’élection présidentielle. En effet, chaque votant ne peut choisir qu’un seul candidat. Peu importe ses préférences pour les autres candidats, il n’a droit qu’à un seul. Ainsi, un votant « de droite » a le choix entre Macron et Pécresse. Am-stram-gram. De même, le votant « de gauche » a un peu l’embarras du choix cette année.
Bien évidemment, les inconditionnels de tel ou tel candidat ne vont probablement pas changer d’avis à cause d’un sondage. Seuls les indécis sont malléables. Mais dans le cas d’un duel équilibré, ce sont bien ces derniers qui ont le dernier mot.
Au premier tour, les électeurs sont priés de ne pas « gaspiller » leur vote pour un candidat « qui n’a aucune chance ». Ainsi, plutôt que de voter en fonction de leurs opinions, ils vont voter pour un candidat « qui leur déplaît le moins » parce qu’il a plus de chances de l’emporter… selon les sondages. Curieuse manière de choisir un président !
Le piège du deuxième tour
Une fois le premier tour terminé, il ne reste que deux candidats en lice. Inutile de dire que, pour la majorité des Français, il s’agira d’une déception. En effet, ces deux candidats réunissent généralement à eux deux environ 40 % des suffrages au premier tour, même pas la majorité. 60 % des Français sont des laissés-pour-compte.
La confusion
Cette fois, ce système provoque une confusion tant au sein des partis qui n’ont pas gagné que dans la tête des électeurs. Eh oui, les chefs des différents partis perdants donnent alors des « conseils de vote » à leurs troupes. Généralement, ils se prennent des volées de bois vert quel que soit leur choix. Au pire, ils courent à droite et à gauche, faisant des alliances sans queue ni tête, avec l’espoir de se faire des amis dans le camp gagnant pour les 5 années à venir. Et ils n’ont qu’une seule semaine pour sceller ces alliances, autant dire qu’on assiste à un bal des plus comiques.
Certains se compromettent pour longtemps en faisant alliance avec des candidats sans en mesurer les conséquences. Nicolas Dupont-Aignan s’est ainsi « grillé », pour ainsi dire, en négociant un futur poste de ministre avec Marine Le Pen lors des élections de 2017. Beaucoup l’ont abandonné alors – et s’en rappellent encore aujourd’hui.
Pour les électeurs, la situation n’est pas bien meilleure. Malgré tout, généralement il y a un candidat « de droite » et un « de gauche », et la France coupée en deux se rabat vers celui vers lequel elle penche le plus. Mais toujours en faisant des compromis scabreux, pour ne pas dire des compromissions. Dans tous les cas, beaucoup vont au bureau de vote à reculons.
Voter « contre »
Et puis, il y a les cas un peu particuliers comme en 2017, avec Emmanuel Macron d’un côté et Marine Le Pen de l’autre. Exactement la même situation qu’en 2002 avec le duel Chirac – Le Pen. Tout le monde crie alors au « barrage contre le fascisme ». Il semblerait en l’occurrence qu’en 2017, il n’y avait pas tant de différences que ça entre les deux candidats.
Pour rappel, Macron a quelques casseroles avec des remarques racistes que même la « fasciste » de service n’aurait probablement pas osé proférer en public. Par ailleurs, il ne s’est pas privé de jouer à l’autocrate en matant toute révolte plutôt que de négocier avec le peuple. Non, je n’appelle pas à voter Marine ! Je fais simplement un constat des faits. Un fascisme peut en cacher un autre.
Dans tous les cas, cette situation amène une grande majorité à « voter contre » le candidat « à bloquer », plutôt que « pour » la personne qui va prendre toutes les décisions à votre place pour votre pays pendant les cinq prochaines années. Alors, un communiste va préférer voter à droite que de laisser passer le fascisme. Bravo la démocratie ! De qui se moque-t-on ?
Il serait amusant d’assister à un duel Le Pen – Zemmour au deuxième tour cette année, cela pourrait être sacrément comique ! Le pire étant que c’est parfaitement possible statistiquement.
Les contrôles des votes
Dans beaucoup de pays, on peut douter de l’exactitude des résultats. En effet, il est possible de tricher sur le nombre de votes pour tel ou tel candidat à beaucoup de niveaux.
Le bureau de vote
En France, la partie la plus proche des citoyens, le bureau de vote, est très contrôlé. En particulier, ceux qui dépouillent sont de partis différents et se surveillent mutuellement. C’est une fierté française, car cela limite l’un des modes de fraude électorale les plus simples : le « bourrage » d’urnes. En effet, lorsque de multiples yeux sont braqués en permanence vers l’urne et les petites enveloppes, difficile d’en substituer une large portion par de faux votes.
Un autre élément essentiel est l’isoloir, qui permet d’enlever toute pression des pairs au moment du vote.
En France, on estime généralement qu’il est difficile de tricher, tout simplement parce que la partie la plus visible, le bureau de vote, est jugé « très sûr ». Mais on oublie trop souvent que le bureau de vote n’est qu’un petit maillon de la chaîne électorale.
Préparer l’opinion
Or, la fraude ne commence pas du tout avec le vote lui-même. Elle peut être préparée par de multiples moyens bien avant.
On a déjà vu que la propagande médiatique et les sondages sont des instruments essentiels de fraude forge de l’opinion. Avec les nouvelles technologies, d’autres outils émergent pour manipuler encore davantage le public.
Des entreprises comme Facebook ou Google ont un poids grandissant dans la fabrique des avis populaires. Un lanceur d’alertes a par exemple prévenu que Google changeait les résultats de recherche pour manipuler l’élection aux États-Unis. De la même manière, Facebook peut parfaitement favoriser certains contenus pour soutenir tel ou tel candidat.
D’autre part, les réseaux sociaux sont devenus un outil formidable pour récolter des informations sur les électeurs. Facebook affirme qu’il suffit à un utilisateur de laisser plus de 70 « likes » pour le connaître mieux que ses amis. Avec 300 « likes » ou plus, Facebook le connaît encore mieux que son conjoint, voire mieux qu’il ne se connaît lui-même !
On sait alors quels quartiers d’une ville seront plus susceptibles de changer d’opinion lors d’une campagne de porte-à-porte, ou encore d’appels téléphoniques. Emmanuel Macron a fait appel pour sa campagne de 2017 à un cabinet spécialisé dans le domaine : SelfContact.
Faux électeurs, procurations…
En plus des techniques de manipulation de l’opinion, la triche reste parfaitement possible, en particulier en amont de la chaîne. Cela peut se faire en ajoutant de faux électeurs à la liste électorale comme les morts ou même des personnes imaginaires, utiliser des procurations pour faire voter des non votants, etc. On peut même acheter des votes auprès de populations peu regardantes sur l’éthique et en manque de monnaie…
En 2017, beaucoup d’électeurs se sont vus radiés des listes sans aucune notification préalable. On parle là de dizaines de milliers d’électeurs. Des mauvaises langues murmurent qu’il s’agissait d’une purge pour diminuer les chiffres de l’abstention. Par ailleurs, certains électeurs ont parfois la possibilité de voter deux fois… on parle d’environ 500.000 doublons en 2017.
Les référendums
Le référendum, où il ne s’agit pas de voter pour une personne, mais pour un sujet, est un peu à part. En effet, la question posée lors d’un référendum est particulièrement importante car elle peut induire psychologiquement les indécis à pencher d’un côté ou de l’autre de la balance.
Un contre-exemple flagrant est le vote de ralliement de l’Autriche au Troisième Reich en 1938 :
Alors, 𝕵𝖆 ou 𝔑𝔢𝔦𝔫 – avec le pistolet sur la tempe -, mon cœur balance. Sans surprise, le résultat a été 99 % de « oui ».
Mais il y a plus subtil. Par exemple, lors du référendum sur le Brexit au Royaume Uni, une commission a écrit un document de 53 pages pour expliquer qu’il fallait changer la question envisagée. La question d’origine était :
Le Royaume Uni doit-il rester membre de l’Union Européenne ?
Après modification, la question a été changée en :
Le Royaume Uni doit-il rester membre de l’Union Européenne, ou bien quitter l’Union Européenne ?
Au passage, même la deuxième formulation n’est pas totalement neutre à cause du placement des deux possibilités. Qui sait, lorsque le score est extrêmement serré dans l’opinion entre les deux options, l’ordre peut avoir un effet décisif.
On pourrait parfaitement imaginer imprimer la moitié des bulletins avec une formulation et l’autre avec la formulation inversée… mais cela poserait des problèmes d’erreurs au dépouillement.
Les médias et les questions
Pourquoi mentionner les questions lors des référendums alors que cet article parle de l’élection présidentielle ? Tout simplement parce que, lors de leurs passages dans les médias, les candidats sont soumis à des questions de la part des animateurs et journalistes.
Évidemment, certaines techniques simples peuvent décrédibiliser un candidat. Par exemple, lui poser des questions totalement à côté de ses sujets favoris ou du fer de lance de sa campagne. Orienter les questions de manière à ce que ses réponses attendues paraissent loufoque. Ne pas lui laisser le temps d’expliquer pourquoi ses réponses diffèrent de ce que l’on attendait. Tout l’arsenal de manipulation est à disposition. À lire impérativement sur le sujet « L’art d’avoir toujours raison » de Schopenhauer.
L’après…
Autant le bureau de vote en France est extrêmement contrôlé, autant la suite de la chaîne est assez opaque. Il n’y a en tout cas quasiment jamais de communication dessus. C’est « de la technique », qu’on laisse aux experts. Tout cela est ensuite publié en accès libre sur le portail gouvernemental.
Chacun est invité par exemple à vérifier que les résultats présentés en préfecture, qui sont des agrégés des résultats des différents bureaux de votes, correspondent bien à ce qui est attendu. Mais qui le fait vraiment ? Des anomalies sont souvent relevées par des voix, mais ces voix ne portent jamais. Là encore, pas besoin d’une balle dans la tête.
Les moyens alternatifs
Les choses se compliquent encore davantage lorsqu’on autorise le vote à distance par courrier. Hors des clous des bureaux de vote hyper contrôlés, la fraude peut exploser tranquillement.
Quant au vote électronique, à moins d’avoir un système dont le code source est publié et vérifiable, il y a toujours des tas de moyens de tricher. Les États-Unis sont devenus assez connus pour le flou entourant le vote électronique, avec des soupçons de fraude massive quasiment à chaque élection.
Conclusion sur le système actuel
Ce sont les médias qui sélectionnent les candidats finalistes lors de la campagne. En fonction de leur popularité auprès des différents médias, chaque candidat est également passé par un filtre plus ou moins positif et avec une exposition différente. Nos « élus » sont donc choisis, sélectionnés, filtrés, et finalement élus, par 10 milliardaires.
Les instances censées veiller à l’égalité des temps de parole dans les médias, les seules à pouvoir éventuellement rétablir l’équilibre, ne sont que des coquilles vides. Plus exactement, elles sont des hochets que les « démocrates » peuvent brandir à tout moment pour indiquer que tout va pour le mieux.
Clara Egger représente un projet plébiscité par plus de 70 % des Français, le Référendum d’Initiative Citoyenne. On peut difficilement en dire autant de toutes les autres mesures portées par les candidats en lice. Mais le RIC signifierait une perte énorme de pouvoir pour les oligarques français. Il serait totalement inadmissible pour ces derniers que le RIC entre dans les débats lors de la campagne présidentielle. Ainsi, il est très facile pour eux d’éliminer de telles voix dangereuses dès le départ.
Mais cela ne s’arrête pas là. Une fois élu, le peuple n’a absolument aucun moyen de lutter contre les décisions prises par cette personne qui ne représente qu’une petite fraction de la population.
Le peuple n’a aucun pouvoir
Rectifions. Les élus « représentent » le peuple sur le papier, mais dans la réalité, le Président prend des décisions qui l’arrangent… ou qui arrangent ses amis. Il prend toute action qui bénéficie au cercle de ceux qui l’ont élu. Car il sait parfaitement que ce n’est pas le peuple qui l’a choisi. Ce sont les médias. Et il sait qu’il en sera de même aux prochaines élections.
Emmanuel Macron, avec moins de 30 % d’approbation dans la population au cœur de son mandat, de l’aveu même des sondages payés par ses propres amis, ose même se représenter à l’élection, avec une exposition médiatique conséquente. Où est la représentativité ? En réalité il a été élu au premier tour en 2017 avec 28 % des voix. Et forcément pas beaucoup plus au deuxième tour en réalité. Non seulement il n’est pas représentatif des Français, mais il ne représente même pas un tiers d’entre eux.
Le peuple n’a qu’à se taire. Ah, évidemment, il peut parler. Le bla-bla n’est jamais vraiment dangereux s’il n’est pas accompagné d’actes concrets. Et si les plus exaspérés daignent montrer un peu les crocs, les milices armées du Gouvernement leur règlent violemment leur compte. Comme disait Guillemin : « Silence aux pauvres ! À la niche, une bonne fois, les gens de rien !»
Les alternatives
Critiquer sans proposer de solution est rarement constructif.
La critique est toutefois nécessaire pour que nous ayons conscience de la réalité. Pourquoi donc chercher des alternatives à ce qui serait déjà parfait ? Comprendre les limites et les failles de l’existant est d’autant plus important que cela évite de reproduire nos erreurs.
Dans le cas particulier de l’élection présidentielle, il y a tellement de facteurs à revoir que la tâche semble bien ardue. Voyons quelques améliorations que l’on pourrait envisager. Il y en a d’autres, mais j’ai retenu ici les principales, par ordre croissant d’impact.
Prendre en compte les votes blancs
Avec le système actuel, les votes blancs, ainsi que l’abstention, ne comptent pas pour obtenir la « majorité absolue ». Ainsi, en théorie, si seulement un seul Français se rendait aux urnes le jour de l’élection et votait pour le candidat X, le soir même tous les médias reprendraient en chœur que le candidat X a été élu avec 100 % des voix. C’est totalement absurde !
L’abstention est comptabilisée, mais est totalement ignorée ensuite par les médias lors de l’annonce des résultats. Dans tous les cas, elle ne change strictement rien concrètement. Il en va de même aujourd’hui pour les votes blanc. Ils sont comptabilisés, mais ils n’interviennent pas pour calculer la majorité.
Il faudrait impérativement, en considérant que l’on garde le système actuel, avoir un quorum sur l’élection, en prenant en compte les votes blancs. Et de mon point de vue, l’abstention également. Dans le cas où la majorité absolue ne serait pas atteinte, il faudrait refaire une élection complète en repartant à zéro. Et évidemment, aucun candidat s’étant présenté au premier passage n’aurait le droit de se représenter. Eh oui, tous ces candidats ont en réalité été rejetés par les électeurs, qui n’ont pas voulu d’eux. Cela changerait totalement la donne. Il faudrait d’ailleurs faire de même lors des autres élections.
Un changement mineur…
Prendre en compte les votes blancs avec un quorum serait totalement insuffisant pour rendre réellement le pouvoir au peuple. Malgré tout, un changement en apparence aussi mineur aurait un impact significatif sur tout le processus de l’élection. En effet, imaginons un instant qu’en 2017 il ait été appliqué.
Voici le résultat du vote au deuxième tour tel qu’il nous a été présenté dans tous les médias :
Résultat du 2ème tour de l’élection présidentielle de 2017, sans tenir compte de l’abstention ni des votes blancs et nuls.
… aux conséquences majeures
Mais le tableau est totalement différent lorsqu’on considère l’abstention ainsi que les votes blancs et nuls :
Résultat du deuxième tour de l’élection présidentielle de 2017 en prenant en compte l’abstention ainsi que les bulletins blancs et nuls.
En réalité, Emmanuel Macron n’a pas du tout obtenu la majorité des votes de l’ensemble du corps électoral. Bien sûr, on peut arguer que les abstentionnistes n’avaient qu’à aller voter. Imaginons un instant que le vote blanc soit en réalité comptabilisé dans les résultats finaux. Imaginons également que les abstentionnistes aient tous voté blanc, ce qui ne serait pas si farfelu. L’élection aurait été invalidée car aucun des deux candidats n’auraient atteint les 50 % nécessaires.
Poussons le raisonnement plus loin. En effet, la grande majorité de ceux qui ont voté pour Emmanuel Macron n’ont en réalité pas voté « pour » lui, mais « contre » Marine Le Pen. Mais si les votes blancs comptaient réellement, la logique de ces électeurs auraient été différente. Plutôt que de voter « contre », ils auraient voté blanc, s’assurant de toute façon que Marine Le Pen n’aurait pas obtenu non plus les 50 % nécessaires.
Ce simple changement aurait pu invalider l’élection. Et s’il avait fallu tout recommencer, cette fois avec des candidats différents ?
Appliquer la parité des temps de parole
Il ne s’agit pas ici de présenter une idée totalement folle, une nouveauté disruptive, une mesure scandaleuse. Mais seulement de respecter réellement ce qui nous est présenté comme ce qui existe déjà.
Bien évidemment, les temps de parole devraient être respectés à stricte égalité de temps. La règle actuelle qui est censée se baser sur le « poids » d’un candidat est biaisée et inapplicable, surtout pour les candidats qui n’ont jamais été présents. Non, il faut laisser la parole à chacun, à égalité. Les gens, et les maires en tout premier lieu, se rendront vite compte des candidats loufoques.
Il y a fort à gager que si Clara Egger avait eu le même temps de parole qu’Éric Zemmour, elle avait toutes ses chances d’obtenir ses parrainages. Les maires ont tout à gagner avec le RIC, car les citoyens sont généralement plus proches de leur maire que du Président de la République. Ils exigeraient plus de pouvoir pour les maires, se battraient pour les zones rurales oubliées, demanderaient des lois et des mesures pour relocaliser et redonner des moyens aux communes. Il me semble qu’il s’agit là d’évidences.
Changer le mode de scrutin
Une autre mesure simple pourrait être mise en place, qui permettrait d’être beaucoup plus « juste » : se débarrasser du système de majorité absolue à deux tours. En effet, le système à deux tours provoque comme on l’a vu des attitudes totalement contre-productives, tant au niveau des électeurs que des partis : vote utile, alliances contre nature, vote de barrage, etc.
Il existe une alternative simple, qui respecte les choix de chacun : le jugement majoritaire. Pour comprendre de quoi il s’agit, cette vidéo l’explique en 3 minutes :
Pour ceux qui veulent aller plus loin, je ne peux que conseiller cette vidéo :
Ce serait un changement assez simple à mettre en œuvre, finalement. Par ailleurs, il n’y aurait pas deux tours à faire ce qui simplifierait les choses pour tout le monde.
Il y a également d’autres systèmes, comme le scrutin de Condorcet randomisé. Le jugement majoritaire a l’avantage d’être extrêmement simple à comprendre, et résout déjà les principaux problèmes du système actuel. Alors, qu’est-ce qu’on attend ?
Le RIC
Le RIC permet d’introduire le ver dans la pomme, sans pour autant changer toute la pomme. Avec un RIC en toutes matières, il devient possible de :
proposer des nouvelles lois en faveur de la population et plus seulement des élites,
supprimer ou modifier des lois qui vont à l’encontre des intérêts du peuple,
modifier la Constitution pour rendre petit-à-petit, article après article, le pouvoir au peuple dans tous les pans de l’exercice du pouvoir,
révoquer un élu qui aurait trahi le peuple,
contrôler les médias et l’information en général, au lieu de laisser une poignée d’oligarques nous dicter leurs volontés,
etc.
À terme, le RIC permettrait de totalement réformer les institutions, car il serait facile pour le peuple de faire voter des lois ou des changements dans la Constitution qui éroderait progressivement le pouvoir tout-puissant des élus. Supprimer les pantouflages. Enfin lutter contre l’évasion fiscale. Relocaliser nos industries. Et surtout, augmenter le contrôle citoyen contre la corruption et les abus des élus.
Conclusion
Loin d’être une démocratie, la France est une oligarchie.
L’élection présidentielle est tout sauf démocratique. Elle est manipulable à souhait par les puissants. Dans les faits, ce sont les quelques oligarques possédant les médias qui élisent le nouveau président, trié sur le volet parmi un panel de « présidentiables acceptables ». De fait, le nouvel élu n’a aucune marge de manœuvre : il doit suivre les lignes directrices de ses bienfaiteurs.
Pire encore, une fois élu, le Président a les pleins pouvoirs pendant 5 ans. Quelles que soient ses décisions, le peuple est totalement impuissant. Au cas où il se soulèverait, la seule réponse est la répression violente.
Il existe pourtant des solutions simples pour rendre tout cela un peu plus « démocratique ». Si le peuple avait ne serait-ce même qu’un tout petit peu de pouvoir, le RIC, plébiscité par une très large majorité de Français, aurait été mis en place il y a belle lurette. Preuve s’il en fallait encore une que nous ne sommes pas du tout en démocratie.
Post-scriptum
Ce texte clairement à charge contre l’élection présidentielle n’est pas une invitation à l’abstention ou au vote blanc. Je ne fais que présenter l’état des choses. À chacun ensuite de décider pour lui-même les conclusions qu’il doit en tirer.
L’Arcom, anciennement CSA, est en charge de surveiller les temps de parole des candidats dans les médias avant une élection.
Mais… pourquoi donc surveiller les temps de parole ? Après tout, c’est à chaque citoyen de voter en son âme et conscience pour le candidat qui lui plaît le plus.
Non ?
Les temps de parole décident du candidat élu
L’excellent blog « Notre Époque » a fait un excellent travail de recherches (y compris bibliographique) sur le sujet. Malheureusement, ce blog a disparu. J’ai donc reproduit les articles de l’époque sur mon propre blog à des fins d’archives :
Les conclusions sont sans appel : le pourcentage de temps de parole dans les médias permet d’avoir un pourcentage de votes équivalent lors de l’élection. C’est une relation directe, immuable, mathématique.
Ni plus, ni moins.
Il y a des études éparpillées à l’étranger, car c’est un sujet assez peu étudié, qui arrivent aux mêmes conclusions. Certaines vont même d’ailleurs plus loin : le contenu positif ou négatif pour un candidat n’a que peu d’importance. C’est principalement le temps d’exposition dans les médias qui est décisif. Peu importe qu’on dise du mal ou du bien de ce candidat, c’est le fait d’en parler qui est crucial.
Ce n’est pas pour rien…
… que le CSA est censé veiller.
L’un des rôles de cet organisme est de veiller à « la pluralité » en terme de temps de parole politique en période électorale. S’il était démontré qu’il n’y a aucun lien entre temps de parole et résultats des votes, il y a fort à parier que ce rôle n’existerait tout simplement pas.
Ainsi donc, le CSA veille.
Mais comme tant de ces « API » (Autorité Publique Indépendante) et autres « Hautes Autorités » aux rôles pourtant cruciaux pour le bon fonctionnement de la République, cet organisme n’a aucun pouvoir.
Il peut s’époumoner autant qu’il veut, publier les chiffres qu’il veut. Aucun problème. Parfois, il va même jusqu’à émettre des « mises en garde ».
Il est purement et simplement ignoré.
Il n’est qu’une entité fantôme qui ne sert qu’à agiter l’épouvantail : « Pas d’inquiétude de ce côté-là, on a le CSA qui veille ».
Une loi infâme pour éliminer les petits
En avril 2016 est votée une loi scandaleuse sur les temps de parole. Adieu l’égalité absolue ! Les temps de parole seront maintenant proportionnels à la « représentativité » des candidats. Cette loi aux définitions floues et subjectives est un nouveau clou enfoncé dans le dos des « petits candidats ». Ils sont petits, qu’ils le restent !
On peut effectivement se dire que, si un clown se présente comme candidat, il paraît logique de ne pas trop lui donner la parole pour éviter aux gens de perdre leur temps. Le problème de la loi en question est : qui décide ? Les « petits candidats » n’ont-ils réellement tous « rien à dire » ? Qui juge qu’ils sont « petits » ?
Quelques précisions
La loi précise trois manières de « calibrer » l’importance des candidats :
en fonction des résultats obtenus aux plus récentes élections par les candidats ou par les partis et groupements politiques qui les soutiennent,
en fonction des sondages d’opinion,
la contribution de chaque candidat à l’animation du débat électoral.
Le premier point est totalement hors sol. C’est un peu comme si les opinions des peuples ne changeaient jamais, comme si l’environnement ne se transformait pas, comme si aussi les formations politiques ne variaient jamais leurs discours. Comme si la politique était quelque chose de statique. Quel intérêt à élire de nouvelles têtes, dans ce cas ? La loi est clairement faite pour que rien ne change.
Quant au deuxième point, les « sondages d’opinion » sont financés par les mêmes qui financent les médias. Ils ont donc exactement les mêmes conflits d’intérêts et mettent donc en avant exactement les mêmes candidats. Qui contrôle le bon fonctionnement de ces sondages ? Ah oui, une autre coquille vide, la « commission des sondages ».
Heureusement que le ridicule ne tue pas, car le dernier point est évidemment une mesure qui se mort la queue. Un candidat ne peut contribuer au débat que si on le laisse parler en premier lieu…
Le test du terrain
Prenons un exemple précis pour juger de la pertinence de cette loi.
Le candidat ayant le plus de temps de parole cumulé en janvier 2022 est de très loin… Éric Zemmour.
Or, il n’a jamais été candidat, n’est pas dans un parti. Par ailleurs, il est crédité tout au plus de 15 % des votes.
À l’autre extrémité du spectre, tout en bas du graphique, une candidate, Clara Egger, a eu droit à 0 secondes de temps de parole dans les principaux médias. Pourtant, le programme de cette candidate est axé sur une mesure soutenue par une grande majorité de Français. En effet, elle soutient le RIC. Un sondage Ifop montre que 73 % des Français y sont favorables.
On a donc d’un côté un candidat qui se répète en boucle sur tous les plateaux télé alors qu’il attire moins d’un Français sur 5, et de l’autre côté une candidate soutenant une mesure plébiscitée par les 3/4 des Français qui n’a pas eu le droit à une seule seconde de temps de parole.
Un véritable scandale…
Loin du discours officiel et lissé, les temps de parole sont donc choisis par les médias. Évidemment, les discours les plus clivants sont retenus en priorité, tandis que les idées qui pourraient rassembler le peuple sont recalées.
Cela a un impact majeur sur le fonctionnement de la République et de la représentativité des élus. En effet, comme l’indique très justement le blog que j’ai reproduit plus haut, la conclusion qui en découle est que :
Le candidat vainqueur de l’élection n’est pas le candidat privilégié des Français, mais celui des médias.
Ainsi, les quelques milliardaires qui se partagent le contrôle des médias sont en réalité ceux qui élisent le futur candidat. Pas vous, cher lecteur, navré de vous délivrer peut-être un petit électro-choc.
Dans mon roman « Le Président Providentiel », c’est un candidat totalement inconnu du peuple qui se présente. Plébiscité par les médias, le résultat n’est pas surprenant.
Un petit outil à disposition
Les fichiers du CSA étant assez indigestes pour le citoyen lambda, je mets à disposition un petit outil pour visualiser les temps de parole des candidats. Il s’agit de graphes qui permettent de voir d’un seul coup d’œil le gouffre qui sépare les « baleines » des « sauterelles », pour reprendre l’analogie du blog « Notre Époque ».
Pour y accéder, cliquer sur l’image ci-dessous :
On va me dire qu’il y a bien parité pour les 4 ou 5 premiers candidats. Mais il faut se rendre à l’évidence, tous sont extrêmement clivants. Par ailleurs, ils se ressemblent tous sur les sujets les plus essentiels :
création monétaire,
évasion fiscale,
répartition des richesses,
corruption,
souveraineté nationale,
impuissance du peuple.
Où sont les rares candidats qui pourraient changer quelque chose à ces points essentiels ? Ils obtiennent littéralement mille fois moins de temps de parole que les autres. Autant dire que, pour qu’ils soient élus, il faudrait un miracle, une licorne statistique, de ce genre :
Visualisé ainsi, c’est déjà beaucoup plus clair.
Conclusion
La fameuse « parité des temps de parole » est une vaste farce. Il n’y a strictement aucune parité, tout le temps de parole est donné aux futurs vainqueurs élus par les médias.
Où sont donc les « autorités » censées s’assurer du « bon fonctionnement » de la République ? Mais que fait la police ? Comment croire encore à la « démocratie » pourtant dans toutes les bouches ?
Dans le billet précédent, une des hypothèses que j’ai émises — et réfutées — pour tenter d’expliquer la corrélation entre temps de parole et suffrage est celle selon laquelle les critères de sélection des journalistes sont les mêmes que ceux de l’électeur moyen. Entre autres arguments, je donne l’exemple de la notoriété sur Internet pour illustrer la disparité entre la popularité d’un parti sur Internet et celle auprès des journalistes. Je propose dans ce billet d’étudier ce phénomène d’un peu plus près.
Une manière indirecte de mesurer l’intérêt de la population pour les différents partis est d’observer la popularité de leurs sites Internet. Ce n’est naturellement pas une mesure indépendante du temps de parole dans les grands médias, puisque, comme nous l’avons vu précédemment, les premières sources d’information politique en France sont les médias de masse que sont la télévision et la radio (Vedel, 2006 ; Brouard et Zimmermann, 2012). Mais Internet est un média intéressant puisqu’il permet à la personne de choisir l’information politique qu’il désire. Le lien unidirectionnel émetteur–récepteur des médias traditionnels, où l’auditeur ou téléspectateur subit le choix de présélection des journalistes, devient bidirectionnel avec Internet. Le traffic des sites Internet des partis est donc corrélé à l’intérêt politique des internautes. Le temps de parole médiatique, comme nous l’avons vu précédemment, est, lui, directement lié à l’intérêt des journalistes, nonobstant les quelques contraintes du CSA. (Voir ce billet pour les mécanismes influençant le temps de parole médiatique.)
Il est donc très pertinent d’utiliser la popularité sur Internet pour tenter d’évaluer la popularité intrinsèque d’un parti, puisque, du fait de la structure même du réseau, toutes les idées sont a priori à armes égales. Alors que le temps de parole médiatique mesure ce qui sort d’un haut parleur, même si personne n’écoute, la popularité Internet mesure la curiosité des internautes pour les différentes formations politiques.
Popularité des sites Internet des partis politiques
Les graphiques des Figures 1 et 2 montrent la popularité des sites Internet des listes principales s’étant présentées aux dernières élections européennes. J’ai relevé la popularité mesurée par le site Alexa, le 11 septembre 2014, date où j’ai commencé à faire des analyses pour ce billet1. Alexa génère un classement mondial des sites en fonction du nombre de visiteurs (uniques et non uniques). Je sais bien qu’il aurait fallu, pour être plus précis, obtenir les rangs pendant la campagne électorale, mais je pense que d’une certaine manière, les mesures en « période creuse » offrent aussi un certain intérêt, puisqu’elles permettent d’observer les popularités des partis en temps normal, non biaisées par l’insistance des médias de masse qui caractérisent les campagnes électorales. Observons tout d’abord ces fameux rangs sur les Figures 1 et 2 :
Fig. 1—Rang mondial normalisé des sites des différents partis politiques, selon Alexa.com. Mesuré le 11 septembre 2014. À noter que les Fédéralistes et les Féministes ne sont pas répertoriés sur Alexa du fait d’un traffic trop faible. Ils n’apparaissent donc pas sur ce graphique.
Fig. 2—Rang mondial normalisé des sites des partis politiques, selon Alexa.com. Mesuré le 11 septembre 2014. Détail du graphique de la Fig. 1, renormallisé de manière à ce que DLR = 0%.
Qu’il a-t-il à dire sur ces graphiques ? La première chose est que l’on observe un grand nombre de partis ayant une popularité relativement similaire, allant du FN à DLR. Le détail (Fig. 2) montre qu’il y a en fait une diminution à peu près linéaire du FN à DLR. Ensuite, à partir de DLR (Fig. 1), on observe une diminution linéaire plus brutale. On n’observe pas, comme c’est le cas pour les temps de parole médiatique, deux ou trois partis largement devant, et les deux tiers des « plus petits » écrasés par les autres (voir le premier graphique de ce billet). La popularité sur Internet semble donc plus égalitaire que le temps de parole médiatique mesuré pendant la campagne électorale 2014.
Il faut cependant faire attention en interprétant ces données, parce que le rang n’est pas une mesure linéaire (la plupart des sites Internet ont un traffic moyen ou très faible, et il y a moins de très gros sites). Une mesure permettant de comparer plus précisément la popularité des différents partis serait le nombre de visiteurs journaliers moyen, auquel je n’ai pas accès.
Une première hypothèse pouvant expliquer la distribution plus égalitaire, du moins pour les partis dits petits, est que le traffic est en grande partie constitué par des habitués de chaque site : des militants, membres ou sympathisants, qui vont s’informer sur leur formation politique préférée. Ces rangs pourraient donc mesurer en partie la capacité de ces partis à faire venir leurs sympathisants sur leur site Internet (via les médias traditionnels, le terrain ou les réseaux sociaux). Les partis peu médiatisés s’efforcent d’utiliser Internet pour faire connaitre leur parti, ce qui est inutile pour les partis médiatisés. Une autre hypothèse (pouvant compléter la première) : Internet étant utilisé comme prolongement des médias traditionnels en ce qui concerne l’information politique (TNS-Sofres, 2007), on peut imaginer que les gros partis, déjà largement médiatisés, ne nécessitent pas d’aller chercher des informations complémentaires sur la toile, alors que pour les autres, leur temps de parole médiatique réduit piquerait la curiosité des auditeurs, qui iraient chercher des informations complémentaires sur Internet. C’est l’hypothèse la plus probable à en juger l’audience des sites partisans (TNS-Sofres, 2007, 4e tableau).
Temps de parole médiatique contre Popularité du site : les tendances
Pour ce billet, j’ai étendu l’étude de corrélation initiale (rapportée dans le premier billet de la série) en effectuant une analyse de corrélation multiple, avec portion du temps de parole médiatique (son logarithme) et popularité du site (inverse du logarithme décimal du rang) en variables indépendantes et portion des suffrages en variable dépendante (son logarithme). Avec ces deux variables, 86,5 % de la variance des résultats du suffrage aux dernières élection est expliquée. Si le temps de parole seul est utilisé, 85 % en sont expliqués2. La popularité du site Internet a donc un très faible pouvoir explicatif complémentaire au temps de parole médiatique pour comprendre la répartition des suffrages.
Rentrons maintenant dans le vif du sujet et regardons le lien entre temps de parole médiatique (pendant la campagne des européennes 2014) et popularité du site Internet, avec la Figure 3 :
Fig. 3—Corrélation entre temps de parole médiatique pendant la campagne des élections européennes et popularité du site de chaque parti. Temps de parole croissant de bas en haut, et popularité croissante de gauche à droite. La corrélation est positive. NB : Les sites des Fédéralistes et des Féministes étaient trop peu populaires pour être indexés par Alexa.com. Ils ne figurent donc pas sur ce graphique.
On observe que le temps de parole médiatique est corrélé positivement à la popularité du parti sur Internet. Le taux de corrélation est de 47 %, qui est un taux assez moyen.
La corrélation positive s’explique certainement par le fait qu’Internet est utilisé comme le prolongement des médias traditionnels (TNS-Sofres, 2007), eux-mêmes première source d’information politique. Un parti médiatisé est un parti connu, sur lequel on cherchera des renseignements complémentaires sur Internet. Inversement, un parti peu médiatisé est un parti méconnu, dont il ne viendra pas à l’idée d’aller chercher des informations sur Internet. La relative faiblesse de la corrélation (du moins par rapport aux 85 % que nous avons vu entre temps de parole et suffrages) est certainement du fait des facteurs suivants :
– Premièrement, la population utilisant Internet pour s’informer sur la politique n’est pas représentative de la population française : elle est plus éduquée, plus masculine, et avec plus forte proportion de cadres, de fonctionnaires et de travailleurs indépendants, et une plus faible proportion d’ouvriers (TNS-Sofres, 2007).
– Deuxièmement, même s’il est difficile de le prouver, il est probable que la faiblesse de la corrélation reflète le décalage entre les centres d’intérêt des journalistes et ceux de la population française.
Sous-médiatisations et sur-médiatisations flagrantes par rapport à la popularité sur Internet
Si nous reprenons notre exemple entre le NPA, Nouvelle Donne (ND), Nous Citoyens (NC) et l’Union Populaire Républicaine (UPR) — je rappelle que cet exemple est intéressant parce qu’il permet de contrôler plusieurs variables, dont le temps de parole médiatique (NPA ≈ ND ≈ NC), l’ancienneté du parti (ND ≈ NC ≈ UPR) ainsi que, supposément, la taille en nombre d’adhérents —, on observe sur la Figure 3 que ND, NC et le NPA se trouvent près de la droite de régression : c’est-à-dire que la popularité de leur site Internet reflète bien leur taux de médiatisation. L’UPR, par contre, se trouve bien au-dessus de la moyenne : ce parti est sous-médiatisé par rapport à sa popularité sur Internet (ou bien sa popularité sur Internet est bien supérieure à son taux de médiatisation). C’est d’ailleurs le troisième site le plus visité après le Front National et le FdG — eux aussi tout-à-fait dans la moyenne. À l’inverse, le PS, l’UMP, le MoDem, ou encore Force Vie, ne génèrent que peu d’intérêt sur Internet, au vu de leur médiatisation.
Les Figures 4 et 5 présentent des cas de sur- et de sous-médiatisation de partis par rapport à leur popularité sur Internet (ces deux graphiques ne diffèrent que par leur axe des ordonnées) :
Fig. 4—Temps de parole médiatique de différents partis en fonction de leur popularité sur Internet. Les différentes couleurs indiquent si un parti est sous-médiatisé (bleu), moyennement médiatisé (rouge) ou sur-médiatisé (vert) par rapport à sa popularité sur Internet. Échelle logarithmique.
Fig. 5—Même chose que la Figure 4, mais avec une échelle linéaire.
Des partis de popularité Internet très différentes, mais traités identiquement par les grands médias
On observe d’une part trois partis (PPLD, le Parti pirate et l’UPR) dont la portion de temps de parole médiatique est à peu près la même (entre 0,25 % et 0,37 %), mais dont la popularité sur Internet est très différente (PPLD est dans les moins populaire et l’UPR est le troisième plus populaire). Sur notre échelle d’ordre de grandeur allant de la sauterelle à la baleine, le temps de parole de ces trois partis est équivalent au chat (voir ce billet).
Des partis populaires, voire très populaires sur Internet, mais sans accès aux médias
C’est le cas, comme le montrent les Figures 4 et 5, du Parti pirate — 11e site le plus populaire sur Internet, deux places devant DLR — et de l’UPR — 3e site le plus populaire de tous.
– Le cas de l’UPR est flagrant : subissant le même traitement médiatique que des partis quasiment absents sur Internet comme le Parti pour la décroissance malgré sa très forte popularité sur la toile. Comparé à EELV, situé dans la moyenne avec 8,70 % de temps de parole, l’UPR est un chat à côté d’un homme (voir ce billet). Dans le même temps, l’UMP, de popularité sur Internet équivalente à l’UPR et EELV, apparaît largement sur-médiatisée. Sur notre échelle, UMP est une baleine. Pour les partis très populaires sur Internet, nous avons donc des temps de parole médiatique d’ordre de grandeur allant du chat à la baleine en passant par l’homme. Or l’UPR n’est pas un parti fantaisiste (son président-fondateur est un haut fonctionnaire ayant travaillé dans des cabinets ministériels) et suscite aussi de l’intérêt sur le terrain, puisqu’il rassemblait déjà plus de 5000 adhérents pendant la campagne des européennes (il approche désormais les 6000).
– Moins flagrant mais tout aussi remarquable est la sous-médiatisation du Parti pirate au vu de sa grande popularité sur Internet. Il est à souligner que le Parti pirate est membre du Parti pirate international, dont certains de ses partis membres ont obtenu de nombreux sièges dans d’autres pays, notamment en Allemagne. Ce n’est donc pas non plus un parti fantaisiste comme l’est par exemple le Parti du plaisir. Remarquons cependant que les propositions phares du parti ont trait aux libertés individuelles, en particulier sur Internet, ce qui contribue sûrement à sa popularité auprès des internautes et sa forte présence sur la toile. Toujours est-il que le Parti pirate est plus populaire que DLR sur Internet mais obtient une portion de temps de parole 10 fois inférieure. Le MoDem, de popularité Internet quasiment identique, obtient, lui, une portion de temps de parole 30 fois supérieure et est donc sur-médiatisé selon cette échelle.
Le cas « Force Vie »
Le cas Force Vie est intéressant : un parti quasiment inexistant sur la toile mais bénéficiant d’un temps de parole comparable à celui de DLR ou de ND. Force vie est avant-avant-dernière dans le classement Alexa des listes que nous avons pris en compte, juste avant les partis tellement peu populaires sur Internet qu’ils ne sont même pas répertoriés (les Fédéralistes et les Féministes) ! Le site de Force vie est tellement peu populaire que même le site Notre Époque le dépasse !! Voir Figures 6 et 7 :
Fig. 6—J’ai le plaisir d’annoncer que le 14 septembre 2014, le site Notre Époque était le 11 457 310e site le plus visité au monde !
Fig. 7—J’ai le regret d’annoncer que le site de Force vie se trouve plus de 2 millions 500 mille places derrière Notre Époque…
De plus, au vu de sa médiatisation (2,17 % du temps de parole), Force Vie a obtenu un très faible résultat aux élections : 0,73 % des suffrages. À titre de comparaison, DLR a bénéficié de 3,45 % du temps de parole et a obtenu 3,82 % des suffrages ; Nouvelle donne 1,95 % et 2,90 % ; Nous Citoyens 1,37 % et 1,41 % ; Lutte Ouvrière 1,64 % et 1,17 %.
Force vie bénéficie donc d’un temps de parole très élevé dans les médias lorsqu’on observe l’absence d’intérêt des électeurs et des internautes.On peut se demander pour quelle raison Force vie est mis en avant par les journalistes plutôt que le Parti pirate ou l’UPR.
Conclusion
On observe donc une corrélation positive entre intérêt des internautes pour un parti et sa médiatisation. Cependant, cette corrélation est relativement faible, et de forts écarts de médiatisation existent pour un intérêt sur Internet similaire (inversement, de fortes différences d’intérêt sur Internet existent pour un même taux de médiatisation). Quelques cas extrêmes ont attiré notre attention :
Tout d’abord, Force vie est un parti largement sur-médiatisé compte tenu à la fois de l’absence intérêt qu’il suscite sur la toile et pour les urnes. À l’inverse, le Parti pirate, parti aussi populaire que DLR ou le MoDem sur Internet, bénéficie d’un temps de parole très faible. Un exemple encore plus flagrant est celui de l’UPR, qui est plus populaire sur la toile que l’UMP ou EELV mais qui est beaucoup moins médiatisé que Force vie (voir Figures 4 et 5).
Le rôle des journalistes politiques est d’informer la population générale sur l’ensemble des options d’idées et mouvements politiques existants dans le pays, suivant le principe d’équité. C’est un devoir en temps normal, mais c’est d’autant plus vrai en ces temps de crise politique, où tous les partis médiatisés ont perdu leur légitimité (TNS-Sofres, 2014, p. 20) et d’où tombent de manière quasi-hebdomadaire de nouveaux scandales (je ne vais pas faire la liste).
L’analyse que j’ai présentée, dans ce billet et dans les autres, ne peut nous mener qu’à la conclusion que les journalistes politiques des grands médias ne fonctionnent pas de manière démocratique et faillissent à leur devoir d’information : ils mettent sous les feux de la rampe certains partis, à commencer par l’UMP, le PS et le FN, menant de manière quasi-mécanique à leur élection, mettent en avant des « petits » partis, y compris ceux qui n’intéressent nullement les Français, tel que Force vie, donnant ainsi l’illusion de diversité de l’offre politique, et bloquent l’accès au médias de certains autres, pour des raisons obscures, y compris ceux suscitant manifestement l’intérêt d’une partie de la population, comme le Parti pirate ou l’UPR.
TNS-Sofres (2007). Les internautes et la politique. Par Sylvain BROUARD, Vincent TIBERJ, Thierry VEDEL. 21/03/2007.
TNS-Sofres (2014). Le baromètre politique Figaro Magazine, Septembre 2014.
Vedel (2006). Les électeurs français et l’information télévisée. Le Baromètre Politique Français (2006-2007) CEVIPOF – Ministère de l’Intérieur.
Notes de bas de page
Pour le Front de Gauche, la mesure a été prise le 14 septembre sur le site du blog de Mélenchon, qui est plus populaire que le site officiel du parti. ↩
Le résultat est légèrement différent que pour le premier billet parce que j’ai utilisé un logiciel différent. Certainement une histoire de chiffres arrondis. ↩
Dans le premier billet sur ce sujet, nous avons mis en évidence l’existence d’une forte corrélation entre temps de parole médiatique et suffrages. Dans le deuxième, nous avons comparé notre observation à ce qu’en disent les experts et avons conclu à l’existence d’un lien quasi-mécanique entre ces deux variables (les coefficients de corrélation allant de 0,80 à 0,97 !)
Le présent billet vise à explorer les causes de cette corrélation. Si vous pensez que j’ai oublié des explications possibles, n’hésitez pas à faire des suggestions dans les commentaires. Je mettrai ce billet à jour si je pense que des idées en valent la peine.
Je préviens le lecteur que ce troisième billet sur cette corrélation va enfoncer beaucoup de portes ouvertes. Si la relation dans le sens Temps de parole → Nombre de votes apparaît comme la plus évidente, il est cependant facile de se faire accuser (c’est d’ailleurs un reproche qui m’a été fait) d’être tombé dans le piège du sophisme Cum hoc ergo propret hoc, où l’on conclut à une relation causale après n’avoir observé qu’une simple corrélation. Je propose donc d’explorer diverses hypothèses de causalité afin d’étayer (ou non) la plus évidente et écarter (ou non) les autres mécanismes possibles. Nous n’arriverons pas à des certitudes, puisque cela nécessiterait des études statistiques et historiques détaillées. L’idée est de développer quelques idées (certaines d’entre elles déjà évoquées dans des billets précédents ainsi que par des lecteurs, que je remercie pour leur interventions très pertinentes).
Les différents liens causaux
Les liens de causalité possibles
La Fig. 1 ci-dessous liste deux types de relations causales hypothétiques pouvant expliquer la corrélation. Les liens directs sont illustrés par les Fig. 1A et B, et les liens indirects par les Fig. 1C et D. La Fig. 1A illustre le lien causal le plus évident : plus le temps de parole P alloué dans les médias audiovisuels de masse est important, plus les électeurs sont favorables au parti lors du scrutin S. La Fig. 1B illustre la relation inverse : le temps de parole est influencé par le scrutin. Cette hypothèse est à écarter d’emblée car le scrutin s’effectue une fois les temps de parole écoulés1. Enfin, les Fig. 1C et D illustrent des relations indirectes. Fig. 1C illustre une cause commune CC agissant à la fois sur le temps de parole et l’issue du scrutin. Le lien entre le temps de parole et la cause commune peut être bidirectionnel. La Fig. 1D illustre un ensemble de causes communes corrélées entre elles. Il est à noter que les mécanismes A, C et D peuvent agir simultanément à des degrés divers, renforçant ainsi la corrélation2. Voir le Paragraphe bonus en fin d’article pour l’hypothèse d’absence de liens causaux.
Liens causaux pouvant expliquer la corrélation entre temps de parole et scrutin : (A) Le temps de parole P influence le scrutin S ; (B) Le scrutin influence le temps de parole (lien causal impossible) ; (C) Une cause commune CC — le lien entre la cause commune et le temps de parole peut être bidirectionnel ; (D) Un ensemble de causes communes interagissant entre elles.
Dans les paragraphes suivants, je liste des mécanismes possibles illustrant les liens causaux précédemment cités, et discute de leur importance.
La relation directe Temps de parole → Nombre de votes (A)
C’est naturellement à la fois l’hypothèse la plus évidente et la plus probable. Les interactions entre les médias audiovisuels de masse et la population est une relation quasi-unidirectionnelle où le téléspectateur (ou l’auditeur) est dans une situation de réception de l’information. C’est littéralement une relation d’émetteur à récepteur. Il est donc très facilement concevable que s’il y a un mécanisme direct, c’est celui selon lequel l’information portée au public influence le vote. Ceci est d’autant plus probable que la population s’informe sur la politique d’abord et avant tout via les médias de masse (Vedel, 2006 ; Brouard et Zimmermann, 2012).
Comme l’indique un sondage de 20 Minutes (2011), les Français ne sont pas dupes sur l’influence des médias, puisqu’ils pensent à 75 % que les médias influencent le vote… des autres ! En revanche, ils sont beaucoup plus naïfs lorsqu’on leur pose la question sur leur propre vote puisque seulement 25 % pensent être influencés eux-mêmes par les médias !
Pour étayer cette hypothèse, l’exemple de la genèse des nouveaux partis politiques s’offre à nous. Les deux exemples suivants confirment que, du moins dans certains cas, la médiatisation précède la montée en popularité et le nombre de votes :
– L’arrivée du Front national sur la scène politique française Ce court article de l’Union Populaire Républicaine3 indique que des journalistes, ainsi que Roland Dumas (ministre des affaires étrangères sous Mitterrand) affirment que c’est bien la médiatisation du FN à partir de février 1984 qui a bel et bien précédé sa montée en popularité. Avant sa médiatisation, voulue par Mitterrand à des fins tactiques pour affaiblir la droite, le FN était un groupuscule. Ici, une décision politique causa une augmentation du temps de parole générant une augmentation de la popularité et du nombre de votes.
– Nouvelle donne, Nous Citoyens et l’Union Populaire Républicaine C’est un exemple que j’ai déjà cité dans le premier billet sur le sujet : Nouvelle donne (ND) et Nous Citoyens (NC) sont deux partis créés en novembre et octobre 2013 respectivement. L’Union Populaire Républicaine (UPR) fut créée en 2007. Alors que, dès leur lancement et pendant la campagne des européennes, ND et NC bénéficièrent de reportages et interviews dans les médias de masse, l’UPR, avait les plus grandes difficultés à s’y faire inviter, malgré ses 7 ans d’existence et ses 5000 adhérents. Pendant la campagne des européennes, ND et NC ont bénéficié de 1,95 % et 1,37 % du temps de parole respectivement, et l’UPR 0,37 %. En reprenant l’échelle imagée du billet précédent sur le sujet, l’UPR est de la taille d’un chat alors que ND et NC sont de la taille d’un homme4. Cette différence d’ordre de grandeur se retrouve dans celle des portions de scrutin de chaque parti : 2,9 % et 1,41 % pour ND et NC et 0,41 % pour l’UPR.
(C et D) Des causes indirectes
– La logique d’audimat Selon cette hypothèse, si un homme ou parti politique génère plus d’audimat, les médias, cherchant à maximiser leur nombre de téléspectateurs, auront tendance à augmenter la médiatisation de ces partis populaires (et vice versa). Il est cependant peu probable que cette hypothèse explique les différences de temps de parole énormes que nous avons relevées. En effet, selon cette hypothèse, il faut d’abord médiatiser un parti pour pouvoir mesurer son audimat.Sans médiatisation préalable, pas de mesure d’audimat, et pas d’adaptation de la médiatisation. Je reprendrai ici l’exemple donné plus haut avec ND, NC et l’UPR : les différences de médiatisation entre ces partis ne se sont pas faites à partir d’un temps de parole à l’origine égal, qui se serait ensuite ajusté par un mécanisme itératif. La médiatisation de ND et de NC a débuté le jour même de leur lancement officiel (Le Parisien, 2013, Le Figaro, 2013) : il était donc impossible de savoir s’ils généreraient plus d’audimat que l’UPR, qui n’avait été quasiment jamais été médiatisé.
– L’adéquation entre les critères des journalistes et des électeurs Selon cette hypothèse, c’est le goût des journalistes, représentatif de celui de la population, qui expliquerait cette corrélation. Ce serait donc l’éloquence, le charisme ou encore les idées ou la crédibilité des représentants de l’UMP par rapport à, disons, ceux de l’UPR qui expliquerait à la fois le rapport de temps de parole de 1/60 entre les deux listes et le rapport de 1/50 en nombre de voix. Dans certains cas, on peut effectivement supposer que des candidats largement écartés par les journalistes seraient aussi écartés par la population même s’ils étaient largement médiatisés (voir par exemple la candidate Cindy Lee – qui d’ailleurs a tout de même eu droit à un reportage au JT de 13h). Mais le corps des journalistes ne constituant pas du tout un échantillon représentatif de la population française et – ce n’est, je pense, un secret pour personne – étant de plus soumis à des pressions politiques et économiques leur empêchant d’opérer en toute indépendance, il serait en fait étonnant que leurs choix soient représentatifs de ceux de la population française. Je reprendrai ici pour la troisième fois – je m’en excuse – l’exemple de Nouvelle donne, Nous Citoyens et l’Union Populaire Républicaine5. De manière très évidente, les médias ont préféré Nouvelle donne, puis Nous Citoyens, et, loin derrière, l’UPR lors des élections européennes. Qu’est-ce qui justifie cela ? Si on peut comprendre que Nouvelle donne propose des idées intéressantes qui méritent d’être diffusées, il est difficile de dire la même chose de Nous Citoyens (ou alors qu’on m’explique ce qu’il y a de neuf dans leurs idées !). A contrario, l’UPR a, elle, beaucoup d’idées originales et en fort contraste avec le reste des partis politiques, et avec de nouvelles têtes (sachant que les Français sont très défiants envers la classe politique actuelle — voir CEVIPOF (2014) — et que le fondateur de ND, Larrouturou, est un habitué du PS et de EELV). Ce que je veux dire par là, c’est qu’il n’y a pas de raison évidente pour que les médias fassent le choix arbitraire d’écarter l’UPR par rapport à ces deux autres formations si leurs critères étaient en adéquation avec celle des citoyens, sachant que l’UPR est le deuxième site visité sur Internet et comptait 5000 adhérents lors de la campagne. (Pour la comparaison entre médiatisation et popularité Internet des partis, voir ce billet.) Naturellement, l’absence d’adéquation parfaite des critères des journalistes et des électeurs est très difficile à prouver, puisque pour tester cette hypothèse, il faudrait que les deux parties aient une connaissance exhaustive de l’ensemble des listes ou candidats. Or, la vision de la population est d’emblée biaisée puisque, encore une fois, ses connaissances se développent d’abord et avant tout par les médias de masse (Vedel, 2006 ; Brouard et Zimmermann, 2012).
– Le passif des partis Une autre cause commune possible est le passif de chaque parti. Cette hypothèse est tout à fait plausible. Premièrement, le score de chaque parti aux élections précédentes influence le taux de médiatisation, puisque c’est un des critères du CSA, ainsi que son budget (voir paragraphe suivant). Deuxièmement, si un parti obtient des sièges, cela peut contribuer à renforcer sa crédibilité auprès des électeurs. C’est probablement ce qui s’est passé une fois la médiatisation du FN amorcée. Une première médiatisation aura créé une réaction en chaîne amenant à plus de popularité, plus de moyens et plus de médiatisation : un phénomène auto-entretenu qui tient à l’histoire du parti.
– Le budget des partis Un budget conséquent permet beaucoup de choses. Sans parler de la possibilité d’acheter directement son passage dans les médias, un gros budget permet de se faire des amis et de se créer un réseau influent (on peut se créer un réseau sans argent, mais celui-ci sera certainement beaucoup moins influent), d’organiser des événements d’une taille conséquente qui seront repris par les médias ou qui les contourneront, etc. Je n’ai pas vérifié les données, mais ce visuel circulant sur Internet montre qu’il y a une corrélation entre temps de parole, nombre de votes et recettes de campagne.
Corrélation entre temps de parole, nombre de votes et recettes de campagne pour les présidentielles 2012.
– Le temps de parole indirect Le temps de parole étant une mesure tellement grossière, il est étonnant d’observer une corrélation d’une telle force. En considérant que la médiatisation est la cause principale du vote, il est très probable que d’autres aspects de la médiatisation n’étant pas pris en compte renforcent la corrélation. Ainsi, le nombre de publications de presse écrite dédiés à chaque candidat est probablement corrélé au temps de parole. Il ne serait pas étonnant non plus que les candidats bénéficiant du temps de parole le plus élevé sont aussi ceux qui sont invités aux émissions de grande écoute6. Enfin, certains thèmes sont immédiatement associés à certains partis. Par exemple, certains experts considèrent que le score du FN en 2002 s’explique en partie par la sur-médiatisation des problèmes d’insécurité (Darras, 2009). De même, le discours eurocritique est systématiquement associé au FN. Inversement, on n’entend pas plus parler du rétablissement de la royauté que du parti royaliste, ou pas plus de la souhaitabilité d’une réduction du PIB que du parti de la décroissance. Donc, au temps effectif du temps de parole des partis s’ajoute le temps durant lequel il est question de ces partis, et le temps durant lequel il est question de thèmes associés aux partis, et il est fort probable que, une fois ces décomptes ajustés, les disparités de temps de parole « étendu » entre partis soient accentuées.
Conclusion
Pour résumer : la logique d’audimat, l’équivalence entre l’intérêt et les critères des journalistes par rapport à ceux de la population ne semblent pas être des explications convaincantes à la corrélation observée. Du fait du caractère unidirectionnel des médias traditionnels, c’est bel et bien la médiatisation, comprenant le temps de parole direct et indirect, qui semble être la principale cause à l’origine des résultats du scrutin. Cette médiatisation permet d’entretenir le status quo, garantissant de construire un historique et un budget robustes, favorisant médiatisation et succès aux scrutins futurs.
Cela me permet donc de conclure exactement de la même manière que les billets précédents.
Ainsi, comme le dit Pierre Bourdieu dans sa conférence télévisée : «La télévision devient l’arbitre de l’accès à l’existence sociale ». Pour détruire donc un objet social (parti politique, idée…), rien de plus simple : il suffit de le nier7.
Rémon (2004) rejoint d’ailleurs exactement Bourdieu sur ce point :
« Les médias jouent un rôle par la sélection même de l’information, l’importance qu’ils décident d’accorder ou de refuser à tel événement : ce dont ils ne parlent pas n’existe pas. Il leur est possible en quelque sorte de refuser l’existence à un homme, un parti, une institution, ou un événement ; or, l’électeur n’entre en rapport avec la politique que par leur intermédiaire et en particulier par le truchement de la télévision. »
Cette sélection se fait par l’octroi d’un ordre de grandeur du temps de médiatisation direct et indirect. Des candidats peuvent ainsi être mis à l’index par les médias avec un octroi de 5 %, 1 %, 0,1 % voire 0,01 % du temps de parole. Les électeurs votent en masse pour les candidats bénéficiant du temps de parole le plus important. Leur choix s’exerce sur cette liste pré-sélectionnée par le système médiatique.
Dans un prochain billet sur ce sujet, je parlerai des forces contraires à cette corrélation et sur les manières de sortir de ce cercle vicieux, en partie responsable de la crise politique que nous sommes en train de traverser.
Paragraphe bonus : L’hypothèse d’absence de lien
Une dernière hypothèse que j’ai écartée du billet pour des raisons de concision : celle selon laquelle il n’existerait aucune relation causale. Autrement dit : les corrélations observées seraient le fruit du hasard — c’est tout-à-fait possible8. Je ne vais pas me lancer dans le calcul de la p-value afin d’évaluer la probabilité que nos résultats soient fortuits. D’abord parce que je n’ai pas envie d’y passer du temps (ce n’est pas un papier scientifique mais un blog), et deuxièmement parce que ce n’est pas nécessaire. [Mise à jour 17/07/2015 : Suite à une discussion, j’ai calculé les-dites p-values. Voir plus bas.] Nous avons effectivement relevé des corrélations très fortes, toutes supérieures à ρ = 0,80 (je rappelle qu’une relation linéaire parfaite aurait un coefficient de 1), pour tout une série de scrutins : – Les présidentielles de 2002 (ρ = 0,82 d’après Darras, 2009) ; – Les présidentielles de 2007 (ρ = 0,97 toujours d’après le même auteur) ; – Les présidentielles de 2012 (ρ = 0,94 d’après nos propres calculs) ; – Les européennes de 2014 (ρ = 0,86 aussi d’après nos propres calculs). Il est donc extrêmement peu probable que cette série de corrélations soit le fruit du hasard. Je parle d’une probabilité de l’ordre de 1 chance sur mille voire beaucoup plus9. [Mise à jour 17/07/2015 : J’ai finalement calculé ces probabilités. Elles sont effectivement extrêmement faibles : p < 2×10-17, p < 5×10-6 et p < 3×10-11 pour les Présidentielles2012+Européennes2014, les Présidentielles 2012 seules et les Européennes 2014 seules, respectivement.] Il y a donc un mécanisme logique, quelque part, expliquant cette corrélation.
Références
20 Minutes (2011). Les Français et l’information à l’occasion de l’élection présidentielle : Attentes, comportements, usages. Étude « 20 Minutes » avec Ipsos. Novembre 2011.
CEVIPOF (2014). Le baromètre de la confiance politique. Vague 5 – janvier 2014.
Darras (2009). « Free Journalism Under Control: Election Coverage in France » [« Le journalisme libre sous contrôle : la couverture médiatique des élections en France »] dans J. Strömbäck et L. Lee Kaid (Eds.) The handbook of Election News Coverage Around the World [« Manuel sur la couverture médiatique des élections à travers le monde »], (p. 90–108). Taylor & Francis e-Library.
Rémond (2004). Les médias font-ils l’élection ? Retour sur une controverse. Le Temps des médias n°3, automne 2004, p. 175-181. Propos recueillis par Christian Delporte et Marie Lhérault.
Vedel (2006). Les électeurs français et l’information télévisée. Le Baromètre Politique Français (2006-2007) CEVIPOF – Ministère de l’Intérieur.
Notes de bas de page
Bien que la rétrocausalité soit un phénomène pris au sérieux par certains philosophes et scientifiques ! ↩
Je ne parlerai pas ici des liens causaux inverses, c’est-à-dire agissant contre la corrélation, qui existent et qui expliquent entre autres les bons scores du FN au vu de son temps de parole. Nous évoquerons ces mécanismes dans un autre billet. ↩
Si je cite souvent l’UPR, c’est parce qu’ils fournissent des analyses très pertinentes sur ce sujet. Par ailleurs, leurs publications ont inspiré ces billets et les citer me permet donc de leur rendre hommage. Enfin, leur cas est assez symptomatique de l’inégalité du temps de parole dans les médias. ↩
L’échelle en question est la suivante : chaque ordre de grandeur de temps de parole correspond à l’ordre de grandeur de la taille d’un animal. Ainsi 0,01 % ~ sauterelle, 0,1 % ~ chat, 1 % ~ homme, 10 % ~ baleine. ↩
La reprise ad nauseam de cet exemple s’explique du fait que cet échantillon permet de contrôler plusieurs variables indépendantes, en particulier l’âge du parti et sa taille. ↩
Pour être beaucoup plus précis, le CSA devrait pondérer le temps de parole par l’audimat. ↩
Voir à ce sujet les nombreux exemples, souvent hilarants — oui, bon, chacun son humour —, du site Spurious Correlations(« Fausses corrélations »), qui recense des corrélations fortuites. ↩
La norme scientifique impose de considérer qu’une hypothèse est validée statistiquement lorsque l’effet mesuré passe le seuil de cinq chances sur cent. ↩
[Ce billet est le 2e de la série sur la corrélation temps de parole–suffrages. Pour l’intégrale des billets sur les médias, voir cette page.]
[Suite du premier billet sur ce sujet, dans lequel je mettais en évidence la très forte corrélation entre temps de parole audiovisuel alloué aux candidats pendant les campagnes européenne et présidentielle, et nombre de suffrages obtenus.Le troisième billet sur ce sujet, portant sur les mécanismes pouvant expliquer la corrélation, se trouve ici.]
Un lecteur du blogue que je remercie grandement au passage, a eu l’amabilité de partager ses réflexion ainsi que des références sur le sujet. Dans ce billet, je voudrais rebondir sur certains éléments de la discussion pour me consacrer à la seule question : y a-t-il vraiment une corrélation entre temps de parole et scrutin ? Je m’y attarde un peu parce que d’après les experts, la chose n’est pas si simple…
Ce que disent les experts en science politique
De manière très étonnante, les universitaires sont très prudents sur cette question de corrélation. Premièrement, c’est une question peu étudiée (je n’ai trouvé que quelques références via Google Scholar en plus des références fournies par le lecteur), et quand elle est étudiée, elle conclut à une influence faible, voire nulle, des médias.
Ainsi, Darras (2009, p. 100) fournit l’exemple du référendum de 1992 sur le traité de Maastricht en citant Gerstlé (1995) qui note « l’absence de lien direct entre temps de parole et résultats électoraux » puisque « toutes choses égales par ailleurs, si 80 % du temps de parole [pour le “oui”] génère 47 % des votes, 20 % du temps de parole [pour le “non”] en produit 52 % ».
De la même manière, René Rémond (2004) affirme que « l’effet [de la télévision] n’est pas déterminant et ne concerne jamais que 6 à 7 % du corps électoral ». Il se fonde sur une étude qu’il a publiée en 1963 sur le référendum de 1962, demandant aux électeurs de se prononcer sur l’élection du Président de la République au suffrage universel1. Cette étude ne mesurera qu’une corrélation nulle, voire légèrement négative, entre taux de pénétration de la télévision dans les foyers et résultat du suffrage (voir Rémond et Neuschwander, 1963). D’où son point de vue.
Après avoir cité le contre-exemple de Maastricht, Darras relève l’exemple de la présidentielle de 2007 qui présente une corrélation de… 0,97 (!!!)2 Non-non, je n’ai pas fait de faute de frappe ! C’est bien 0,97 — je rappelle que le maximum est 1.
Darras explique ensuite que, quand même, tout n’est pas si simple puisqu’en 2002, Jospin a bénéficié d’un temps de parole presque 5 fois plus élevé que Le Pen, mais que ce dernier l’a quand même devancé de presque 200 000 votes. Et puis aussi, cette fois, la corrélation entre temps de parole et vote n’était que de… 0,82 (!!!!).
Un problème vraiment si compliqué ?
Non mais franchement…
Présenter deux corrélations : l’une d’un coefficient de 0,97 et l’autre de 0,82, en sciences humaines, et oser prétendre que le lien entre les deux variables est compliqué, c’est quand même un peu fort de café3…
Dans le billet précédent, nous observions une corrélation de 0,90, combinant à la fois la présidentielle 2012 et les européennes 2014. La corrélation pour les européennes seules est de 0,86 et pour la présidentielle seule de 0,94 !
[Mise à jour 17/07/2015 : Les p-values, sont respectivement p < 2×10-17, p < 5×10-6 et p < 3×10-11. La p-value correspond à la probabilité pour laquelle une corrélation égale ou plus élevée arriverait pas hasard en considérant l’hypothèse nulle (c’est-à-dire l’hypothèse selon laquelle il n’y a pas de lien entre temps de parole et suffrages).]
Il est donc très, très clair que ce n’est pas un hasard. Si la corrélation, même très forte, ne nous dit rien sur les relations causales entre les deux variables (je prévois d’écrire un billet sur ce sujet), il est néanmoins très, très clair qu’il y a un lien quasi-mécanique entre suffrages et médiatisation, et ce malgré toute la prudence des experts, qu’ils soient normaliens, académiciens ou agrégés en science politique.
Le Pen devançant Jospin ? Une histoire de sauterelles et de baleines…
Comment donc expliquer la prudence de nos experts ? C’est simple : ils ne raisonnent pas en termes statistiques. Ils prennent un microscope alors qu’il faut prendre un grand angle. Après avoir découvert pourquoi le vin rouge est rouge et le vin blanc est blanc, ils nous expliquent que la relation entre « couleur du vin » et « variété des raisins » est beaucoup plus compliquée que ça, parce qu’elle n’explique pas la différence de robe entre le Château Mouton-Rotschild de 1982 et celui de 1994.
Se focaliser sur les différences de médiatisation et de suffrages entre Le Pen et Jospin ou le oui/non d’un référendum n’offre aucun intérêt d’un point de vue statistique. D’un point de vue politique et sociologique, bien sûr (« Pourquoi ce malheur ? », « Vis-je dans un pays de fachos ? », « Les médias ont-ils été trop gentils avec Le Pen ? », etc.), mais d’un point de vue statistique pour la question qui nous intéresse, zéro, puisqu’on on se focalise sur seulement deux points de données très proches entre eux sur la droite de régression. En effet, on compare des partis à qui l’on a accordéle même ordre de grandeur de temps de médiatisation : même si un facteur 5 peu paraître élevé, c’est tout de même peu, comparé au facteur 450 que l’on a pu observer par exemple lors de la campagne aux européennes.
Et aux européennes, il y avait 4 ordres de grandeur : les sauterelles (~0,01 mètre), les chats (~0,1 m), les hommes (~1 m), et les baleines (~10 m). Ce sont les mêmes comparaisons des ordres de grandeur respectifs entre les Communistes (~0,01 %), l’UPR (~0,1 %), Lutte Ouvrière (~1 %) et l’UMP (~10 %). Vous l’avez compris : pour ces dernières européennes, l’UMP, le PS et le FN sont chacun de la taille d’une baleine (plus ou moins grosse), et les Communistes, c’est une sauterelle.
La taille de la baleine eubalaena est à la taille de l’homme ce que le temps de parole de l’UMP est au temps de parole de Lutte Ouvrière : un ordre de grandeur de différence. Source : National Geographic. Photographie de Brian Skerry.
Tout comme la quantité de nourriture ingérée reflète notre taille (en ordre de grandeur), le pourcentage de suffrages reflète le pourcentage du temps de parole (toujours en ordre de grandeur). Il est très clair qu’en règle générale, je mange beaucoup plus que mon chat, qui mange beaucoup plus que la sauterelle qui traîne dans le jardin. En général, je mange aussi plus que ma petite cousine qui a 15 ans, mais si elle a passé l’après-midi à la piscine et qu’elle a très faim, et que moi, je me sens un peu barbouillé à cause de la pizza de ce midi, il se peut qu’elle mange plus que moi.
De même, une petite baleine peut manger plus qu’une grosse, et là, effectivement, il faut chercher d’autres facteurs explicatifs que la taille de la baleine : l’une est peut-être en croissance, ou enceint, l’autre malade, ou peut-être est-ce la qualité de la nourriture, etc.
Ainsi, les facteurs expliquant la différence de suffrages entre le FN et le PS (ou le « oui » et le « non ») ne sont pas à chercher dans leurs temps de parole respectifs, mais effectivement du côté du contexte politique ou médiatique, de la situation économique, de la qualité de la campagne, de la qualité des candidats, etc. (et ça, nos experts le font très bien) parce que le temps de parole est trop similaire entre ces deux partis.4
Par contre, le temps de parole est un excellent élément explicatif de la différence de suffrages entre, par exemple, l’UPR et le PS, à qui l’on a accordé des temps de parole d’ordre de grandeur différents.
Pour conclure
La relation entre médiatisation et suffrages est une relation tellement forte qu’elle est quasi-mécanique.Les experts affirmant le contraire se trompent, et la raison est qu’ils étudient des points de données trop proches entre eux et dont les différences ne peuvent s’expliquer exclusivement par le temps de parole, brouillant ainsi leur vision globale et les menant à une conclusion générale erronée. Pourtant, Rémond (2004) semble avoir la bonne intuition lorsqu’il affirme :
« Les médias jouent un rôle par la sélection même de l’information, l’importance qu’ils décident d’accorder ou de refuser à tel événement : ce dont ils ne parlent pas n’existe pas. Il leur est possible en quelque sorte de refuser l’existence à un homme, un parti, une institution, ou un événement ; or, l’électeur n’entre en rapport avec la politique que par leur intermédiaire et en particulier par le truchement de la télévision. »
En prenant l’hypothèse que le lien de causalité va effectivement dans le sens « temps de parole implique suffrage », cette sélection se ferait par l’octroi d’un ordre de grandeur du temps de parole. Des candidats peuvent ainsi être mis à l’index par les médias avec un octroi de 5 %, 1 %, 0,1 % voire 0,01 % du temps de parole. Les électeurs votent pour les baleines, c’est tout. Le reste (hommes, chats, sauterelles) est tout simplement mis de côté.
Darras (2009). « Free Journalism Under Control: Election Coverage in France » [« Le journalisme libre sous contrôle : la couverture médiatique des élections en France »] dans J. Strömbäck et L. Lee Kaid (Eds.) The handbook of Election News Coverage Around the World [« Manuel sur la couverture médiatique des élections à travers le monde »], (p. 90–108). Taylor & Francis e-Library.
Gerstlé (1995). La dynamique nationale d’une campagne européenne. dans P. Perrineau et C. Ysmal (Eds.) Le vote des douze, les élections européennes de juin (p. 203–228). Paris : Presses de SciencesPo. Cité dans Darras (2009).
Rémond et Neuschwander (1963). Télévision et comportement politique. Revue française de science politique. Vol. 13(2). p. 325–347.
René Rémond (2004). Les médias font-ils l’élection ? Retour sur une controverse. Le Temps des médias n°3, automne 2004, p. 175-181. Propos recueillis par Christian Delporte et Marie Lhérault.
Notes de bas de page
À l’époque, nous explique Rémond, la victoire du « oui » avait surpris puisqu’elle était en contradiction avec le vote des parlementaires, qui avaient voté une censure à presque 60 %. La cause était toute trouvé : la télévision, qui était en train de pénétrer les foyers et qui avait influencé les électeurs en faveur du « oui ». Rémond a donc voulu tester cette hypothèse scientifiquement (c’est tout à son honneur !). Il mena une étude (que je trouve très élégante, d’ailleurs) afin d’évaluer la corrélation entre le taux de pénétration de la télévision dans les foyers (à l’époque très hétérogène) et le taux de « oui ». ↩
En prenant le temps de parole de tous les candidats sur les trois chaînes principales. ↩
Probablement tellement émus par le passage de Le Pen au deuxième tour ou du fait que Maastricht soit passé avec justesse qu’ils en ont oublié leurs statistiques élémentaires… ↩
Après, pour les référendums, il y a peut-être aussi d’autres spécificités propres à ce type de scrutin, qui font que la médiatisation est moins importante. Il est vrai que vendre un mot de trois lettres est plus abstrait que de vendre un candidat auquel les gens peuvent s’identifier. Le candidat c’est un peu le produit qu’on achète dans le magasin : on sait à quoi il ressemble, on l’imagine chez soi pour voir si ça ira bien avec la moquette, etc. Répondre à un référendum fait donc peut-être aussi intervenir d’autres mécanismes psychologiques, qui sont peut-être moins influençables par les médias audiovisuels. À creuser… ↩
Le deuxième volet de cette étude, portant sur ce que disent les experts en science politique sur ce phénomène, est ici.Le troisième volet de cette étude, portant sur les mécanismes pouvant expliquer la corrélation, est ici.
L’émotion due aux résultats des élections européennes de mai dernier est maintenant retombée. Il est temps, je pense, de s’attarder sur un aspect de la campagne que très peu de commentateurs ont analysé pour « décrypter » (qu’est-ce que peux détester ce terme !) les résultats du scrutin ; un paramètre qui explique pourtant 90 % de la variance des résultats : le temps de parole audiovisuel. Vous pensiez voter librement ? Eh non : les médias votent pour vous !
À l’issue du scrutin, le 28 mai dernier, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA), a publié un communiqué dans lequel il affirme avoir « observé que les chaînes de télévision et de radio ont dans l’ensemble respecté le principe d’équité » et « conclut à un respect global du pluralisme dans les médias audiovisuels ».
La pluralité et l’équité ont-elles vraiment été respectées ? Si non, est-il possible de savoir quelles en ont été les conséquences pour l’issue du scrutin ?
Distribution du temps de parole et pluralité
La figure ci-dessous présente la distribution des temps de parole pendant la campagne, tel que relevés par le CSA1 :
Temps de parole mesuré par le CSA pour chaque liste pendant la campagne européenne de 2014.
On observe que le PS et l’UMP ont monopolisé à eux deux plus de 40 % du temps de parole. Les 6 listes ayant obtenu des élus (UMP, PS, FN, EELV, FdG, UDI) ont, elles, bénéficié de plus de 80 % du temps de parole. Au total, les 2/3 des listes ont dû se partager seulement 10 % du temps de parole. Le rapport entre le temps de parole du plus médiatisé (l’UMP, avec 31h37min59s) et du moins médiatisé (Communistes, avec 4min20s), est de 1 seconde pour 438 – c’est-à-dire 1 seconde pour 7min18s, ou encore 1 jour pour 1 an 2 mois et 11 jours – fait tourner la tête.
Au vu de ces disparités, il est difficile de conclure que le principe de pluralité a été « globalement respecté ».
Mais quel est effectivement l’impact de ces disparités de temps de parole sur l’issue du scrutin ?
Temps de parole et score : une corrélation effrayante
Portion des suffrages au scrutin en fonction du temps de parole pour le premier tour de la présidentielle de 2012 et les européennes de 2014.
La figure ci-dessus présente sur un même graphique les scores des différentes listes ou candidats (en pourcentage des suffrages exprimés) en fonction de leur portion de temps de parole (en pourcentage) pour les élections européennes (carrés bleus) et la primaire à la présidentielle de 2012 (triangles rouges)2.
On observe qu’en moyenne, plus un parti est médiatisé, plus il obtient un score important. [Mise à jour 17/07/2015 : La corrélation est statistiquement très significative, la p-value étant inférieure à 2×10-17.] Cette corrélation est très forte : une ligne parfaite aurait un coefficient de 100 %, celle-ci a un coefficient de 90 %.
De plus, la relation est quasiment identique entre les élections européennes et présidentielles, malgré des différences énormes en terme d’enjeux et de nombre de candidats.
En échelle linéaire (c’est-à-dire qui garde les proportions), cette relation ressemble au graphique ci-dessous, avec en gris une estimation (à la louche) des scores minimum et maximum pouvant être obtenus en fonction du temps de parole. On observe ici que moins une liste (ou un candidat) est médiatisée, moins elle a de chance de s’éloigner de la ligne rouge. Ainsi, les partis très peu médiatisés ont une chance infime de dépasser un score médiocre et d’obtenir des élus.
Portion de scrutin en fonction du temps de parole pour les européennes – échelle linéaire.
Puisque le scrutin et le temps de parole sont liés, temps de parole inéquitable est synonyme de scrutin fortement biaisé.
Y a-t-il eu iniquités ?
Si le temps de parole présente des disparités, celles-ci sont peut-être cependant fondées. Le temps de parole a-t-il donc été équitable ?
L’Union Populaire Républicaine a alerté le CSA de fortes iniquités pendant la campagne, en particulier envers leur parti3. Comparons donc les temps de parole avec des partis comparables à l’UPR : Nouvelle Donne, Nous Citoyens et le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA). L’UPR, Nouvelle Donne et Nous Citoyens sont tous trois des partis jeunes : l’UPR a été créée en 2007, Nouvelle Donne et Nous Citoyens ont été fraîchement et presque simultanément créés en 2013. Le NPA est plus ancien, mais a une taille comparable – en ordre de grandeur – à l’UPR et compterait moitié moins d’adhérents (env. 2500 contre env. 5000). Pour qu’il y ait équité, chacun de ces partis aurait dû bénéficier d’un temps de parole au maximum égal à celui accordé à l’UPR. Or ils ont tous bénéficié d’un temps de parole largement supérieur : Nouvelle Donne a bénéficié d’un temps de parole 5,3 fois plus important que l’UPR, alors que Nous Citoyens et le NPA 3,7 fois chacun4.
Ceci montre que le principe d’équité de temps de parole n’a pas été respecté, du moins entre ces formations politiques. Dans cet exemple, c’est l’UPR qui se trouve lésée, mais il est fort à parier que bon nombre d’anomalies peuvent être décelées en comparant temps de parole relatifs alloués et importances relatives entre partis. Il y aurait ainsi lieu de se demander si les différences de temps alloués aux 6 premières formations (PS, UMP, FN, UDI, EELV et FdG) reflètent effectivement leurs importances relatives, en terme de nombre d’élus ou d’adhérents (mais comme on le sait, le nombre d’adhérents est un peu un jeu de bluff…).
Conclusions
Notre analyse est à l’opposée de celle du CSA (qui, je le rappelle, conclut que les principes de respect du pluralisme et d’équité ont globalement été respectés) :
– Au vu de la distribution des temps de parole, il est difficile de conclure que la pluralité des opinions a effectivement été respectée ;
– Il est clair que le principe d’équité n’a pas été respecté, du moins pour certaines formations politiques comme nous l’avons vu ;
– Au vu de la très forte corrélation observée, il est très clair que cette iniquité a eu pour effet de biaiser l’issue du scrutin, et donc la représentation nationale au parlement européen. Les partis sur-médiatisés pendant la campagne se retrouvent donc sur-représentés au parlement, et vice-versa.
Nous avons donc des élus au pouvoir dont l’appartenance politique reflète non pas la préférence intrinsèque des citoyens, mais celle des médias.
Mise à jour 27/08 : Dans un second billet, je réfléchis aux raisons qui amènent les experts à conclure si prudemment quant à l’existence d’un lien direct entre temps de parole et scrutin.
Notes de bas de page
Les temps de parole pour les européennes sont comptés du 14 avril au 23 mai 2014. ↩
Les temps de parole pour la présidentielle sont comptés du 1er janvier au 19 mars 2012, période durant laquelle seule l’équité doit être assurée. ↩
Ce sont d’ailleurs les analyses de l’UPR qui m’ont inspirées pour écrire ce billet. ↩
Il est à noter que le parti Nouvelle Donne a aussi bénéficié d’une très forte médiatisation dès sa création en 2013. Nous Citoyens a aussi été médiatisé, mais il me semble dans une moindre mesure. ↩
Dans mon roman, « Le Président Providentiel », je m’attarde un peu sur Wikipedia. L’un des personnages propose de créer une encyclopédie alternative. On peut y lire :
« C’est très dangereux de n’avoir qu’une seule voix propageant la vérité. Vous allez me dire qu’il n’y a qu’une vérité absolue et que Wikipedia est impartial et ne prend pas position. Mais par définition, c’est quasiment impossible de ne pas prendre parti lorsqu’il s’agit en particulier de sujets non scientifiques. Même sur des sujets scientifiques, tous les spécialistes d’un domaine ne sont pas forcément d’accord entre-eux. Il est alors facile dans une encyclopédie de relayer en priorité une théorie plutôt qu’une autre. Et lorsqu’on arrive sur des sujets plus politiques, c’est également facile de manipuler l’opinion en donnant plus de crédit à une version ou à une théorie en particulier. Est-ce que vous pourriez par exemple m’ouvrir la page sur les lobbys ? »
À l’écran est alors apparue la page correspondante de l’encyclopédie en ligne. Il a commenté : « Vous allez voir comment la psychologie est utilisée pour manipuler les idées des gens. Pour commencer, la première chose par laquelle est attiré l’œil sur la page, c’est l’image associée. Que représente-t-elle ? Une caricature de lobbyistes anglais. Tout de suite, on vous met dans le cerveau : attention aux caricatures, le lobbyiste, ce n’est pas du tout ça ! »
Il a demandé ensuite à se déplacer vers la section « Les lobbys contre l’intérêt général ».
— Le titre paraît pourtant donner une piste. En fait, la réponse est pourtant très simple, un lobby, par définition, n’est absolument pas pour l’intérêt général, mais pour l’intérêt particulier de celui qui le commandite. C’est la définition même du lobby ! Du coup, l’expression en elle-même « les lobbys contre l’intérêt général » est une véritable lapalissade ! Et pourtant, dans ces paragraphes, on va faire naître dans l’esprit du lecteur le doute sur le fait que, peut-être, en réalité, le lobbyiste est là pour protéger l’intérêt général. Je cite : « il faut se garder d’imaginer le lobbyiste sous les traits caricaturaux du dispensateur de pots-de-vin, confiné au rôle de maillon d’une chaîne de prébende. Le lobbying, le vrai, se distingue à la fois de sa caricature et des pratiques douteuses ». Donc voilà, vous avez une idée fausse du lobbyiste, le vrai est un gars bien et pas un escroc. On retombe dans l’idée de caricature gravée dans l’inconscient collectif. Oui, c’est sûr, on a tous en tête que le lobbyiste est un gros méchant avec des dents de vampire et des cornes. Mais non, mais non, vous assure-t-on. Il est normal le gars ! Il a juste un costard, comme tout le monde et il travaille pour gagner sa croûte. Très bien, continuons. Le paragraphe suivant est intitulé « Une menace pour la démocratie ? ». Ah, peut-être qu’on va y arriver. Vous savez qu’on ne retient principalement d’un texte que les dernières phrases qu’on a lues. Sans compter tous ceux qui vont aller directement en fin de texte pour en lire la conclusion. Eh bien la dernière phrase de cette section est : « le lobbying est bon pour la démocratie ». C’est quand même génial, non ?
Et ensuite, dans le reste de l’article, ça reprend des théories disant que comme les différents lobbyistes travaillent pour des entreprises différentes et concurrentes, ils se contrebalancent, et du coup le résultat global est que tous ces lobbys ne profitent plus à des intérêts particuliers, mais à l’intérêt général. C’est de la manipulation pure et simple à l’aide d’une logique totalement bancale. C’est comme si je disais que si je mélange de l’eau froide avec de l’eau chaude j’obtiens de l’eau tiède. Sauf que si je mets une goutte d’eau un peu froide dans une tasse d’eau bouillante, le résultat ne va pas vraiment être tiède. Pour revenir à nos lobbyistes, on oublie de dire au lecteur qu’en réalité, sur les sujets les plus importants, tous les lobbys ne sont pas sur un pied d’égalité. Quand vous avez d’un côté l’industrie agro-alimentaire abreuvée de milliards face à des associations de consommateurs, il est évident que la bataille est totalement inégale, et que les intérêts particuliers de l’industrie gagnent haut la main face à l’intérêt général. Ensuite, pour les chiffres des lobbys au sein des institutions européennes, pour minimiser les chiffres toute la section s’appuie sur les chiffres de… 1992 ! Il y a 30 ans ! En soulignant qu’il y a aussi des lobbys qui représentent l’intérêt public, sans pointer du doigt les différences énormes de financement de ces différents lobbys. On pourrait rire de la manière dont tout cela est présenté si le sujet n’était pas aussi sérieux, important et grave.
— Vous voulez dire que l’encyclopédie n’est pas objective et a un biais dans la manière de présenter les choses ?
— C’est le moins qu’on puisse dire, on vient d’en voir un exemple typique. Et la raison est très simple. Il s’agit d’un projet privé, assujetti à des financements externes voire à des pressions. Le projet que je propose est un projet 100 % citoyen et financé par l’État, donc sans aucune pression. Il y aura donc une meilleure pluralité d’opinions. Dans notre encyclopédie, le lecteur pourra peut-être apprendre que Greenpeace, la plus grosse ONG à Bruxelles, avait un budget de 1,6 millions d’euros et 15 employés sur place en 2015. C’est énorme, non ? À comparer avec 40 millions de budget et 150 employés de la fédération des industries chimiques, c’est vite remis en perspective.
— Pourtant, n’importe qui peut éditer les pages et ajouter ou modifier du contenu, n’est-ce pas ?
— Ah, ça c’est la belle théorie. Dans la pratique, l’encyclopédie est bien forcée d’avoir une équipe de modération pour éviter que n’importe qui puisse écrire n’importe quoi. Ce sont les biais de cette équipe de modération qui pourrissent justement la neutralité des articles car ils vont, en toute bonne foi, supprimer tout ce qui ne va pas « dans le bon sens » selon eux, et qui est « faux » de leur point de vue. Potentiellement un peu « aidé » par la politique venant de plus haut. Et hop, adieu l’impartialité.
L’avis de l’un des fondateurs
Larry Sanger, l’un des co-fondateurs de l’encyclopédie en ligne, est soucieux. Il nous révèle que les lobbys noyautent l’encyclopédie et menacent donc la pluralité d’opinion. C’est exactement ce que je dénonçais dans le texte cité précédemment.
Cela est valable pour tout ce qui concerne les sujets de société : éducation, santé, politique, science, économie, philosophie, libre-échange, etc. Sur tous ces sujets, le ton de l’encyclopédie n’est pas neutre, loin s’en faut.
D’ailleurs, les copies d’écran du site que j’ai postées plus haut datent de 2018, année de publication de mon livre. La page Wikipedia en question n’a pas beaucoup changé depuis, et malgré de nombreuses tentatives d’édition pour tenter de rééquilibrer le propos, la plupart refusées, le ton général de la page est toujours très favorable au lobbyisme, elle en fait ouvertement l’apologie. D’ailleurs, pour enfoncer le clou, une autre image de caricature a été rajoutée en début d’article :
Une encyclopédie doit-elle suivre uniquement la doxa ?
Dans l’interview vidéo de la section précédente, l’interviewer pose une question pertinente : une encyclopédie ne se doit-elle pas de n’apporter que ce qui fait consensus, afin d’éviter de perdre le lecteur en incluant trop d’alternatives ?
Larry Sanger n’est pas dupe et sa réponse est très claire : sur des sujets controversés, l’encyclopédie doit pouvoir apporter différents points de vue, de la manière la moins biaisée possible. Cela, afin de laisser la possibilité au lecteur de se forger sa propre opinion. En ne suivant que la « doxa », on force un choix, sans d’ailleurs que cela soit explicite pour le lecteur.
Bien sûr, on a tous en tête les encyclopédies mythiques des grands éditeurs. De l’Encyclopædia Universalis à Larousse, et bien sûr les anciennes encyclopédies comme celle de Diderot et d’Alembert. Et effectivement, on pouvait attendre de ces encyclopédies « académiques » qu’elles n’apportent que le point de vue prédominant, la doxa ambiante.
Mais Wikipedia a été créé dans un but différent : autres temps, autres mœurs. D’ailleurs, c’est toujours l’un de ses buts affichés sur la page d’accueil de l’encyclopédie « participative » : « permettre à tout le monde de contribuer ».
Avec le sous-entendu que la pluralité d’opinion est encouragée. Et pourtant, ce n’est pas du tout le cas. Ça ne l’est plus. Les enjeux sont bien trop importants. Alors, on laisse croire que « tout le monde peut s’exprimer », tandis que dans les faits et de la bouche même de ce fondateur : « il est de plus en plus difficile, voire impossible, de contribuer, même sur les sujets les plus anodins ».
Depuis presque 3 semaines, je milite pour que le mouvement des gilets jaunes demande de réécrire la Constitution, en indiquant bien que la solution de secours ou de repli en cas de refus est le RIC.
Le Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC, ou « Populaire », RIP) en toutes matières est une alternative viable si nous ne dévions jamais de notre cap et que nous ne lâchons pas une miette sur le sujet. J’étais hier à l’excellente Conférence du live avec Demos Kratos, Étienne Chouard, Yvan Bachaud, Fly Rider et Léo Girod, et comme je l’ai exprimé au micro depuis la salle, ma crainte est que, dans toute négociation, les deux parties demandent quelque chose (dans le cas présent ce serait le RIC pour les GJ et le statut quo pour le Gouvernement) et un consensus finit généralement par s’établir ENTRE les deux positions. En prenant la position de ne demander que le RIC, nous ne nous mettons pas vraiment en position de force, et le risque est que nous n’obtenions peut-être pas le « vrai RIC en toutes matières » puisqu’il faudra négocier à partir de cette demande. C’est bien là que je veux mettre l’accent : si nous partons d’emblée sur le RIC, nous ne devons céder sur RIEN :
Référendum d’Initiative Citoyenne, à NOUS d’en fixer les modalités (nombre de signatures nécessaires pour le déclencher…),
en TOUTES matières : législatif (imposer une nouvelle loi ou en modifier une), abrogatoire (retirer une loi existante ou la signature d’un traité), révocatoire (pour mettre dehors un élu ou un politicien), constituant (pour ajouter/supprimer/modifier des articles de la Constitution),
que toute modification de l’article où sera inscrit le RIC ne soit possible que par référendum. Méfions-nous aussi que le Parlement ne joue pas la montre, comme l’a rappelé Yvan hier.
Nous ne devons céder sur AUCUN de ces points. AUCUN. Un seul recul nous fera perdre toute la puissance de cet outil. Rappelons-nous par exemple que certaines lois ne peuvent être changées ou abrogées qu’en se retirant de certains traités. Tout est lié. Un seul point tombe, nous avons perdu.
En revanche, demander d’emblée le RIC a des avantages certains :
comme l’a rappelé Yvan Bachaud hier, plus de 80% de la population est déjà pour le RIC. Pas besoin de convaincre qui que ce soit (ou presque), il suffit de faire circuler l’information ; convaincre de réécrire la Constitution est beaucoup plus long et complexe, l’ensemble de la population n’étant pas vraiment acquis au projet,
application immédiate de ce Référendum, en gardant les institutions telles quelles (nous pourrons virer n’importe qui dès la mise en place du RIC, c’est le principe), la phase de transition va être progressive ; en réécrivant la Constitution, c’est beaucoup plus complexe et les modalités risquent de ne pas faire consensus par-dessus le marché.
avec le RIC en toutes matières, nous pouvons réécrire la Constitution, article par article, nettoyer tout ce qui ne va pas et mettre des garde-fous progressifs.
Ainsi, je dis « Oui au RIC » mais restons extrêmement vigilants et ne cédons sur RIEN. Et en attendant, aucune autre demande ne doit venir perturber cette unique revendication pour avoir un message clair.
Pour terminer, si vous ne le savez pas déjà, mes deux livres sont gratuits en version électronique en soutien au mouvement des gilets jaunes :
Le Président Providentiel pour un roman qui va bousculer un peu votre cerveau sur tous nos problèmes de société, de l’économie à la justice, en passant par la corruption, l’éducation et bien d’autres sujets.
En 1789, on brûle les châteaux des nobles. Pour quels effets ? La bourgeoisie qui saisit l’occasion pour prendre le pouvoir.
En 1871, Paris est en flammes. Les principaux bâtiments sont incendiés, les archives détruites, les pertes sont énormes. Pour quels effets ? Aucun.
En 1968, de nombreux dégâts également, pour finalement très peu d’avancées réelles puisqu’on se retrouve encore au même point aujourd’hui 50 ans plus tard, tout en remplaçant De Gaulle par Pompidou, l’une des pires erreurs de l’histoire de France.
Comme je le disais dans mon précédent message aux gilets jaunes, « chassez le naturel, il revient au galop ».
La définition de la folie, c’est de refaire toujours la même chose, et d’attendre des résultats différents.
– Albert Einstein
En 1936, les protestations sont pacifiques, mais le pays est bloqué économiquement et là tout change comme je le rappelle dans mon roman, « Le Président Providentiel » que je cite : « congés payés, augmentation de
salaires de 12 % dans toute la France, passage de la semaine de 48
heures de travail à 40 heures, allocations chômage, retraites,
nationalisations, conventions collectives, soutien aux agriculteurs, le tout
en pleine période de crise. »
N’oublions pas aussi la propagande déjà à l’époque :
Ceci dit, le fonctionnement de l’État ne change pas, et nous revoilà dans la même situation 82 ans plus tard avec certaines de ces avancées qui sont déjà sérieusement mises à mal (sécurité sociale, agriculture moribonde, privatisations…). Je ne citerai pas le combat pacifiste de Gandhi, ah si c’est fait, trop tard.
Mon message n’est pas réellement sur le pacifisme, tant il est maintenant de notoriété publique que le gouvernement infiltre des casseurs parmi les manifestants pour attiser la haine et la rage et que la plus grande majorité des gilets jaunes est pacifique. Non, mon message va bien au-delà, il porte sur les revendications.
L’un des problèmes qui est à la fois la force des gilets jaunes est que le mouvement n’a ni leader ni porte-parole. Force parce que la récupération politique est impossible. Faiblesse parce que ça part dans tous les sens et qu’une voix unique ne se fait pas encore entendre.
L’un des principaux défis est de parler tous d’une seule voix, envoyer un message fort, clair audible, en direction du gouvernement. Pour l’instant, tout se mélange pêle-mêle, taxes sur les carburants, augmentation du SMIC, diminution de taxes diverses, démission du gouvernement, dissolution de l’Assemblée Nationale, suppression du Sénat, départ d’Emmanuel Macron, lutte contre la précarité, zéro SDF, hausse des retraites, rétablissement de l’ISF, lutte contre l’évasion fiscale, la transition écologique, la liste n’en finit plus, comme je le soulignais d’ailleurs déjà dans mon précédent article. Les médias se délectent d’ailleurs de cet éclectisme, s’amusent à en rajouter sur d’autres revendications parfois moins glorieuses de certains groupuscules.
Oui, toutes ces demandes sont justifiées. Mais cela donne une impression confuse d’une foule de revendications sans queue ni tête. Mais par-dessus tout, ces demandes ne sont que des « mesurettes ».
À quoi bon rassembler des millions de gens, à quoi bon les morts, les blessés, les estropiés, les gazés, les larmes et le sang, la douleur, l’énergie, si c’est pour demander quelques bricoles comme des augmentations du SMIC ou des baisses de taxes ? Même des promesses sur la lutte contre l’évasion fiscale ou de transparence des élus ne seront que du vent et du court terme.
Enfin, la base d’une négociation est toujours de demander plus pour avoir moins. Comme je l’écrivais déjà il y a 2 semaines, demandons de réécrire la Constitution par le peuple (Constituante Citoyenne à l’échelle nationale). Si cette demande est refusée, nous pouvons au moins obtenir le Référendum d’Initiative Citoyenne comme pis-aller. Mais ce serait un pis-aller de taille car il permettrait au peuple de retrouver enfin sa voix.
Comme je l’écrivais plus haut, l’un des « problèmes » et à la fois la force des gilets jaunes est l’absence d’organisation pyramidale. Sans porte-parole, comment faire entendre des revendications de manière claire ? Nous avons aujourd’hui internet qui est un outil extrêmement efficace. Nous parlons de plus en plus de « démocratie participative », il est temps de la mettre en pratique !
Alors je viens de créer une pétition, la plus simple, lisible, concise, possible, pour manifester notre désir de réécrire la Constitution. Peuple français, c’est à toi de jouer. Si tu n’estimes pas que la Constitution est importante, ne signe rien, au moins nous le ferons en connaissance de cause.
À noter que j’ai personnellement arrêté de signer des pétitions en me rendant compte que nos élus corrompus nous jettent à la figure plus de problèmes à la minute que nous ne pouvons en résoudre par des pétitions qui n’ont par-dessus le marché aucun poids politique. Aujourd’hui, avec le mouvement des gilets jaunes (qu’il ne faut surtout pas arrêter, tout en restant pacifiques), nous avons tous un poids réel de négociation et s’il y a bien une pétition, une seule, à signer, pour éviter de se battre sur tous les fronts, c’est bien celle de la réécriture de la Constitution. Au rythme où vont les choses, le Gouvernement ne pourra plus avoir très longtemps de légitimité à l’international et les forces de l’ordre elles-mêmes se joindront au mouvement de protestation car elles sont constituées d’humains qui font eux-aussi partie du peuple, quoi qu’on en dise.
Quant au choix de change.org, je suis conscient qu’il peut être critiquable, mais c’est l’une des seules solutions de pétition crédibles à l’heure actuelle.