Le risque du Référendum d’Initiative Citoyenne en toutes matières

Depuis presque 3 semaines, je milite pour que le mouvement des gilets jaunes demande de réécrire la Constitution, en indiquant bien que la solution de secours ou de repli en cas de refus est le RIC.

Le Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC, ou « Populaire », RIP) en toutes matières est une alternative viable si nous ne dévions jamais de notre cap et que nous ne lâchons pas une miette sur le sujet. J’étais hier à l’excellente Conférence du live avec Demos Kratos, Étienne Chouard, Yvan Bachaud, Fly Rider et Léo Girod, et comme je l’ai exprimé au micro depuis la salle, ma crainte est que, dans toute négociation, les deux parties demandent quelque chose (dans le cas présent ce serait le RIC pour les GJ et le statut quo pour le Gouvernement) et un consensus finit généralement par s’établir ENTRE les deux positions. En prenant la position de ne demander que le RIC, nous ne nous mettons pas vraiment en position de force, et le risque est que nous n’obtenions peut-être pas le « vrai RIC en toutes matières » puisqu’il faudra négocier à partir de cette demande. C’est bien là que je veux mettre l’accent : si nous partons d’emblée sur le RIC, nous ne devons céder sur RIEN :

  • Référendum d’Initiative Citoyenne, à NOUS d’en fixer les modalités (nombre de signatures nécessaires pour le déclencher…),
  • en TOUTES matières : législatif (imposer une nouvelle loi ou en modifier une), abrogatoire (retirer une loi existante ou la signature d’un traité), révocatoire (pour mettre dehors un élu ou un politicien), constituant (pour ajouter/supprimer/modifier des articles de la Constitution),
  • que toute modification de l’article où sera inscrit le RIC ne soit possible que par référendum. Méfions-nous aussi que le Parlement ne joue pas la montre, comme l’a rappelé Yvan hier.

Nous ne devons céder sur AUCUN de ces points. AUCUN. Un seul recul nous fera perdre toute la puissance de cet outil. Rappelons-nous par exemple que certaines lois ne peuvent être changées ou abrogées qu’en se retirant de certains traités. Tout est lié. Un seul point tombe, nous avons perdu.

En revanche, demander d’emblée le RIC a des avantages certains :

  • comme l’a rappelé Yvan Bachaud hier, plus de 80% de la population est déjà pour le RIC. Pas besoin de convaincre qui que ce soit (ou presque), il suffit de faire circuler l’information ; convaincre de réécrire la Constitution est beaucoup plus long et complexe, l’ensemble de la population n’étant pas vraiment acquis au projet,
  • application immédiate de ce Référendum, en gardant les institutions telles quelles (nous pourrons virer n’importe qui dès la mise en place du RIC, c’est le principe), la phase de transition va être progressive ; en réécrivant la Constitution, c’est beaucoup plus complexe et les modalités risquent de ne pas faire consensus par-dessus le marché.
  • avec le RIC en toutes matières, nous pouvons réécrire la Constitution, article par article, nettoyer tout ce qui ne va pas et mettre des garde-fous progressifs.

Ainsi, je dis « Oui au RIC » mais restons extrêmement vigilants et ne cédons sur RIEN. Et en attendant, aucune autre demande ne doit venir perturber cette unique revendication pour avoir un message clair.

Pour terminer, si vous ne le savez pas déjà, mes deux livres sont gratuits en version électronique en soutien au mouvement des gilets jaunes :

  • La monnaie : ce qu’on ignore, pour découvrir et comprendre la monnaie de manière simple,
  • Le Président Providentiel pour un roman qui va bousculer un peu votre cerveau sur tous nos problèmes de société, de l’économie à la justice, en passant par la corruption, l’éducation et bien d’autres sujets.

Apprendre de l’histoire

En 1789, on brûle les châteaux des nobles. Pour quels effets ? La bourgeoisie qui saisit l’occasion pour prendre le pouvoir.
En 1871, Paris est en flammes. Les principaux bâtiments sont incendiés, les archives détruites, les pertes sont énormes. Pour quels effets ? Aucun.
En 1968, de nombreux dégâts également, pour finalement très peu d’avancées réelles puisqu’on se retrouve encore au même point aujourd’hui 50 ans plus tard, tout en remplaçant De Gaulle par Pompidou, l’une des pires erreurs de l’histoire de France.
Comme je le disais dans mon précédent message aux gilets jaunes, « chassez le naturel, il revient au galop ».

La définition de la folie, c’est de refaire toujours la même chose, et d’attendre des résultats différents.
– Albert Einstein

En 1936, les protestations sont pacifiques, mais le pays est bloqué économiquement et là tout change comme je le rappelle dans mon roman, « Le Président Providentiel » que je cite : « congés payés, augmentation de
salaires de 12 % dans toute la France, passage de la semaine de 48
heures de travail à 40 heures, allocations chômage, retraites,
nationalisations, conventions collectives, soutien aux agriculteurs, le tout
en pleine période de crise. »
N’oublions pas aussi la propagande déjà à l’époque :
Ceci dit, le fonctionnement de l’État ne change pas, et nous revoilà dans la même situation 82 ans plus tard avec certaines de ces avancées qui sont déjà sérieusement mises à mal (sécurité sociale, agriculture moribonde, privatisations…). Je ne citerai pas le combat pacifiste de Gandhi, ah si c’est fait, trop tard.
Mon message n’est pas réellement sur le pacifisme, tant il est maintenant de notoriété publique que le gouvernement infiltre des casseurs parmi les manifestants pour attiser la haine et la rage et que la plus grande majorité des gilets jaunes est pacifique. Non, mon message va bien au-delà, il porte sur les revendications.
L’un des problèmes qui est à la fois la force des gilets jaunes est que le mouvement n’a ni leader ni porte-parole. Force parce que la récupération politique est impossible. Faiblesse parce que ça part dans tous les sens et qu’une voix unique ne se fait pas encore entendre.
L’un des principaux défis est de parler tous d’une seule voix, envoyer un message fort, clair audible, en direction du gouvernement. Pour l’instant, tout se mélange pêle-mêle, taxes sur les carburants, augmentation du SMIC, diminution de taxes diverses, démission du gouvernement, dissolution de l’Assemblée Nationale, suppression du Sénat, départ d’Emmanuel Macron, lutte contre la précarité, zéro SDF, hausse des retraites, rétablissement de l’ISF, lutte contre l’évasion fiscale, la transition écologique, la liste n’en finit plus, comme je le soulignais d’ailleurs déjà dans mon précédent article. Les médias se délectent d’ailleurs de cet éclectisme, s’amusent à en rajouter sur d’autres revendications parfois moins glorieuses de certains groupuscules.
Oui, toutes ces demandes sont justifiées. Mais cela donne une impression confuse d’une foule de revendications sans queue ni tête. Mais par-dessus tout, ces demandes ne sont que des « mesurettes ».
À quoi bon rassembler des millions de gens, à quoi bon les morts, les blessés, les estropiés, les gazés, les larmes et le sang, la douleur, l’énergie, si c’est pour demander quelques bricoles comme des augmentations du SMIC ou des baisses de taxes ? Même des promesses sur la lutte contre l’évasion fiscale ou de transparence des élus ne seront que du vent et du court terme.
Enfin, la base d’une négociation est toujours de demander plus pour avoir moins. Comme je l’écrivais déjà il y a 2 semaines, demandons de réécrire la Constitution par le peuple (Constituante Citoyenne à l’échelle nationale). Si cette demande est refusée, nous pouvons au moins obtenir le Référendum d’Initiative Citoyenne comme pis-aller. Mais ce serait un pis-aller de taille car il permettrait au peuple de retrouver enfin sa voix.
Comme je l’écrivais plus haut, l’un des « problèmes » et à la fois la force des gilets jaunes est l’absence d’organisation pyramidale. Sans porte-parole, comment faire entendre des revendications de manière claire ? Nous avons aujourd’hui internet qui est un outil extrêmement efficace. Nous parlons de plus en plus de « démocratie participative », il est temps de la mettre en pratique !
Alors je viens de créer une pétition, la plus simple, lisible, concise, possible, pour manifester notre désir de réécrire la Constitution. Peuple français, c’est à toi de jouer. Si tu n’estimes pas que la Constitution est importante, ne signe rien, au moins nous le ferons en connaissance de cause.
À noter que j’ai personnellement arrêté de signer des pétitions en me rendant compte que nos élus corrompus nous jettent à la figure plus de problèmes à la minute que nous ne pouvons en résoudre par des pétitions qui n’ont par-dessus le marché aucun poids politique. Aujourd’hui, avec le mouvement des gilets jaunes (qu’il ne faut surtout pas arrêter, tout en restant pacifiques), nous avons tous un poids réel de négociation et s’il y a bien une pétition, une seule, à signer, pour éviter de se battre sur tous les fronts, c’est bien celle de la réécriture de la Constitution. Au rythme où vont les choses, le Gouvernement ne pourra plus avoir très longtemps de légitimité à l’international et les forces de l’ordre elles-mêmes se joindront au mouvement de protestation car elles sont constituées d’humains qui font eux-aussi partie du peuple, quoi qu’on en dise.
Quant au choix de change.org, je suis conscient qu’il peut être critiquable, mais c’est l’une des seules solutions de pétition crédibles à l’heure actuelle.