La guerre du Kippour n’a pas causé le choc pétrolier des années 1970 (en fait, c’est l’inverse)

Dans mon livre « La monnaie : ce qu’on ignore », j’écris que l’abandon de l’étalon or par Nixon est le déclencheur du premier « choc pétrolier » des années 70. En lisant cela, tu peux te dire : « C’est faux, ça. On sait tous que les méchants de l’OPEP sont à l’origine de la crise et que c’est la guerre du Kippour qui est le déclencheur. »

Je ne vais pas nier que certaines raisons politiques ont pu avoir une influence. Malgré tout, j’affirme ici qu’elles ne sont pas le facteur principal. Des preuves ? Elles arrivent.

Plutôt que de croire inconditionnellement ce qu’on nous raconte, regardons les chiffres.

Hausse des prix

Voilà ce qu’on nous présente : les Saoudiens avec leurs copains de l’OPEP ont démarré un embargo sur le pétrole en 1973. La principale raison aurait été de protester contre les états qui soutenaient Israël dans la guerre contre les pays arabes. Ou au pire, on nous dit que c’est juste les types cupides de l’OPEP qui voulaient tirer un maximum de jus de leur pétrole. Résultat : les prix du pétrole flambent.

Effectivement, les prix ont grimpé lorsqu’on regarde les prix en dollars sans correction (la courbe bleue). Ils ont aussi grimpé en « dollars constants », c’est-à-dire tenant compte de l’inflation.

On doit alors se poser deux questions :

  • la guerre a-t-elle été la cause de l’embargo ?
  • le « dollar constant » est-il une référence fiable et non faussée ?

Répondons à ces deux questions.

Les Saoudiens : rois du pétrole

Tout d’abord, les Saoudiens étaient les rois du pétrole à l’époque. En fait, ils rivalisaient avec les États-Unis en terme de production :

Non seulement ils étaient l’un des principaux producteurs au niveau mondial, mais ils basaient aussi leur économie sur le pétrole.

Jetons un coup d’œil à leur dépendance économique au pétrole :

En 1970, 30 % de leurs revenus provenaient du pétrole, ce qui n’est pas rien. C’est passé à 70 % en 1974. Peut-être étaient-ils vraiment cupides, finalement ?

Mais comment sont-ils passés de 30 à 70 % ? Est-ce grâce à la hausse des prix ? Est-ce que, par hasard, ce pourrait être parce qu’ils ont exporté beaucoup plus ? Regardons un peu la courbe de leurs exportations :

Effectivement, leurs exportations ont littéralement explosé entre 1970 et 1979. La multiplication par 3 de leurs exportations entre 1970 et 1975 explique déjà à elle seule largement la hausse des revenus pétroliers. Si c’était de la cupidité, ils n’ont pas obtenu plus par un simple gain de prix, on peut même être surpris qu’ils n’aient pas gagné plus vu l’augmentation de leurs exportations.

Mais une première question vient à l’esprit : au vu de la hausse des prix du pétrole, où donc est passée la chute vertigineuse des exportations qui devrait en être la cause ? Il y a bien une petite baisse de moins de 10 % vers 1973, mais cela suffirait-il à justifier la hausse brutale des prix du pétrole ? Est-ce qu’il pourrait y avoir d’autres raisons à cette hausse ?

Les productions mondiales et états-unienne

Jetons un coup d’œil à la production mondiale de pétrole dans la période qui nous intéresse.

Le plus surprenant dans l’histoire, c’est que la production saoudienne (Middle-East en vert) n’ait pas plongé plus que cela en 1973 pour un embargo qui a tout de même duré 6 mois. Plus surprenant, la production états-unienne a elle-aussi baissé dans la même période. Auraient-ils fait un embargo sur eux-mêmes ? Ça n’a aucun sens ! Penchons-nous sur la question d’un peu plus près et focalisons-nous sur la production de pétrole des États-Unis sur la période :

Effectivement, on voit la production américaine baisser significativement entre 1970 et 1980, en plein choc pétrolier. Elle ne remonte légèrement qu’en 1980. N’est-ce pas surprenant ? Devrions-nous peut-être regarder d’autres sources ?

Aucun doute, en pleine crise du pétrole, les États-Unis ont réduit leur production. On peut voir une très légère inflexion des importations pendant l’embargo, mais sans pour autant avoir un arrêt total, très loin de là, puis une accélération très impressionnante des imports. La logique de l’époque, qui n’a été cassée que récemment sous Obama était : « Épuisons les réserves de tout le monde, puis quand ils seront à cours de pétrole, on pourra puiser dans les nôtres ». Ils y sont d’ailleurs arrivé partiellement puisqu’ils deviennent en 2017 le premier producteur de pétrole au monde. Le prix à payer était peut-être la crise pétrolière des années 1970.

Biais culturels

Le monde arabe, comme bien d’autres parties du monde, est très traditionnel. Il est basé sur la stabilité des valeurs ancestrales. Il fonctionne sur des valeurs « sûres » comme l’or. Encore aujourd’hui, les frasques dorés des princes du pétroles sont mondialement connus, en plus d’autres choses.

Par ailleurs, l’or prend une place importante pour afficher ses richesses :

L’étalon or

Ceux qui ont lu mon livre sur la monnaie savent qu’à la suite des accords de Bretton Woods en 1945, l’économie mondiale repose sur le dollar américain pour les échanges internationaux, chaque dollar est échangeable contre de l’or à taux fixe. Malheureusement, les États-Unis impriment beaucoup plus de dollars qu’ils n’ont d’or et le président Nixon est forcé d’abandonner l’étalon or en 1971.

Le résultat direct est la chute immédiate du cours du dollar par rapport à l’or :

D’un autre côté, tous les échanges internationaux continuent à être payés en dollars. Le pétrole ne fait pas exception, puisqu’on parle même en pétrodollars. C’était encore le cas très récemment, et quiconque défiait ce monopole était immédiatement écarté. Saddam Hussein et Khaddafi en sont deux exemples frappants, si j’ose dire. Il n’y a que les Chinois et les Russes pour se lancer dans l’aventure ces dernières années.

Revenons en 1973. Mets-toi dans la peau d’un Saoudien. Tu chéris l’or. Mais en échange de ton pétrole, tu reçois des bouts de papier avec lesquels tu pourrais tapisser ta chambre tellement ils ne valent plus rien. Ce que tu vois, c’est que ton or noir a une valeur qui dégringole par rapport à l’or sonnant et trébuchant, il perd même quasiment la moitié de sa valeur :

Prix d’un barril de pétrole en onces d’or

Que faire ? Tu te souviens que le dernier embargo en 1967 a remonté les prix rapidement, on le voit d’ailleurs sur le graphique ci-dessus. Il faut absolument trouver une excuse pour obliger le prix du pétrole à remonter au niveau où il se trouvait sous l’étalon or.

La guerre du Kippour est l’excuse rêvée. Surtout quand on sait que les Saoudiens en ont été secrètement les artisans puis ouvertement actifs dans le conflit.

Comparaison pétrole-or

Continuons notre analyse et étudions comment le pétrole et l’or se sont comportés dans les décennies qui nous intéressent. Peut-être allons-nous trouver une forme de stabilité. N’oublions pas qu’à cette période, le monde entier entre en crise, les monnaies subissent des dévaluations importantes, on l’a vu avec le dollar qui plonge par rapport à l’or, etc.

Il semblerait bien qu’au milieu du chaos mondial, on trouve une certaine stabilité dans ce graphique. Jusqu’en 1985, il y a des vagues, certes, mais la tendance globale est très stable : le pétrole remonte systématiquement à ses niveaux d’avant la crise autour de 0,08.

Analysons cette fois ce graphique avec en tête les événements historiques de l’époque. Soudain, tout s’éclaire.

Pour résumer, les Saoudiens et leurs alliés forcent le prix du pétrole en or à revenir à ses niveaux de la période de l’étalon or. Ils le font même monter encore plus loin pour s’approcher de 0.1. Visiblement, d’autres étaient aussi en train de regarder ce même graphique : les dirigeants de l’OPEP sont attaqués physiquement pour leur rappeler qui est le patron. L’opération marche bien, les prix du brut redescendent.

Cinq ans plus tard, le prix du pétrole en or est de nouveau redescendu bien bas. C’est compter sans la perspicacité des Saoudiens. Ils lancent un embargo sur le long terme en réduisant de manière drastique leur production et leurs exports. Malgré tout, ils doivent finalement céder autour de 1985 : de nouveaux concurrents indépendants sont apparus dans le secteur pétrolier comme l’Alaska, la Sibérie ou encore la Norvège en Mer du Nord. Les Saoudiens voient qu’en retenant trop leur production, ils perdent du terrain et leurs revenus s’effritent, ils remettent les gaz, si on peut dire, faisant descendre le prix du pétrole cette fois pour plus longtemps. Adieu étalon or-pétrole !

Conclusion

Si tu crois encore qu’il n’y a aucun lien entre le pétrole et l’or dans cette période, exprime-toi ! Depuis, d’autres événements ont eu lieu qui peuvent brouiller les cartes. Pourtant, à l’époque, je suis persuadé que ce graphique explique tout.

Quant au graphique « en dollars constants » du début, il est évident que le calcul de ce « dollar constant » est de la pure fantaisie. Les Saoudiens n’en avaient rien à faire des « papelards constants » ou de l’« inflation » calculée par un panel obscur quelque part dans le monde. Ils se basaient sur l’or qu’ils pouvaient entasser dans leurs coffres.

La guerre du Kippour n’a été qu’une excuse et les Occidentaux savaient très bien ce qu’ils faisaient à l’époque, ils voulaient se servir de l’excuse de l’abandon de l’étalon or pour récupérer du pétrole à bas prix !

Vidéo sur ma chaîne Youtube  : pourquoi s’intéresser à la monnaie ?

Je viens de rajouter une vidéo qui explique en moins de 3 minutes pourquoi nous devrions tous nous intéresser à la monnaie, en particulier la création monétaire. Je vais également diffuser sous peu d’autres vidéos bien plus détaillées, le but de celle-ci est surtout d’attirer l’attention sur le sujet pour les gens qui n’ont pas conscience de son importance.

Apprendre de l’histoire

En 1789, on brûle les châteaux des nobles. Pour quels effets ? La bourgeoisie qui saisit l’occasion pour prendre le pouvoir.
En 1871, Paris est en flammes. Les principaux bâtiments sont incendiés, les archives détruites, les pertes sont énormes. Pour quels effets ? Aucun.
En 1968, de nombreux dégâts également, pour finalement très peu d’avancées réelles puisqu’on se retrouve encore au même point aujourd’hui 50 ans plus tard, tout en remplaçant De Gaulle par Pompidou, l’une des pires erreurs de l’histoire de France.
Comme je le disais dans mon précédent message aux gilets jaunes, « chassez le naturel, il revient au galop ».

La définition de la folie, c’est de refaire toujours la même chose, et d’attendre des résultats différents.
– Albert Einstein

En 1936, les protestations sont pacifiques, mais le pays est bloqué économiquement et là tout change comme je le rappelle dans mon roman, « Le Président Providentiel » que je cite : « congés payés, augmentation de
salaires de 12 % dans toute la France, passage de la semaine de 48
heures de travail à 40 heures, allocations chômage, retraites,
nationalisations, conventions collectives, soutien aux agriculteurs, le tout
en pleine période de crise. »
N’oublions pas aussi la propagande déjà à l’époque :
Ceci dit, le fonctionnement de l’État ne change pas, et nous revoilà dans la même situation 82 ans plus tard avec certaines de ces avancées qui sont déjà sérieusement mises à mal (sécurité sociale, agriculture moribonde, privatisations…). Je ne citerai pas le combat pacifiste de Gandhi, ah si c’est fait, trop tard.
Mon message n’est pas réellement sur le pacifisme, tant il est maintenant de notoriété publique que le gouvernement infiltre des casseurs parmi les manifestants pour attiser la haine et la rage et que la plus grande majorité des gilets jaunes est pacifique. Non, mon message va bien au-delà, il porte sur les revendications.
L’un des problèmes qui est à la fois la force des gilets jaunes est que le mouvement n’a ni leader ni porte-parole. Force parce que la récupération politique est impossible. Faiblesse parce que ça part dans tous les sens et qu’une voix unique ne se fait pas encore entendre.
L’un des principaux défis est de parler tous d’une seule voix, envoyer un message fort, clair audible, en direction du gouvernement. Pour l’instant, tout se mélange pêle-mêle, taxes sur les carburants, augmentation du SMIC, diminution de taxes diverses, démission du gouvernement, dissolution de l’Assemblée Nationale, suppression du Sénat, départ d’Emmanuel Macron, lutte contre la précarité, zéro SDF, hausse des retraites, rétablissement de l’ISF, lutte contre l’évasion fiscale, la transition écologique, la liste n’en finit plus, comme je le soulignais d’ailleurs déjà dans mon précédent article. Les médias se délectent d’ailleurs de cet éclectisme, s’amusent à en rajouter sur d’autres revendications parfois moins glorieuses de certains groupuscules.
Oui, toutes ces demandes sont justifiées. Mais cela donne une impression confuse d’une foule de revendications sans queue ni tête. Mais par-dessus tout, ces demandes ne sont que des « mesurettes ».
À quoi bon rassembler des millions de gens, à quoi bon les morts, les blessés, les estropiés, les gazés, les larmes et le sang, la douleur, l’énergie, si c’est pour demander quelques bricoles comme des augmentations du SMIC ou des baisses de taxes ? Même des promesses sur la lutte contre l’évasion fiscale ou de transparence des élus ne seront que du vent et du court terme.
Enfin, la base d’une négociation est toujours de demander plus pour avoir moins. Comme je l’écrivais déjà il y a 2 semaines, demandons de réécrire la Constitution par le peuple (Constituante Citoyenne à l’échelle nationale). Si cette demande est refusée, nous pouvons au moins obtenir le Référendum d’Initiative Citoyenne comme pis-aller. Mais ce serait un pis-aller de taille car il permettrait au peuple de retrouver enfin sa voix.
Comme je l’écrivais plus haut, l’un des « problèmes » et à la fois la force des gilets jaunes est l’absence d’organisation pyramidale. Sans porte-parole, comment faire entendre des revendications de manière claire ? Nous avons aujourd’hui internet qui est un outil extrêmement efficace. Nous parlons de plus en plus de « démocratie participative », il est temps de la mettre en pratique !
Alors je viens de créer une pétition, la plus simple, lisible, concise, possible, pour manifester notre désir de réécrire la Constitution. Peuple français, c’est à toi de jouer. Si tu n’estimes pas que la Constitution est importante, ne signe rien, au moins nous le ferons en connaissance de cause.
À noter que j’ai personnellement arrêté de signer des pétitions en me rendant compte que nos élus corrompus nous jettent à la figure plus de problèmes à la minute que nous ne pouvons en résoudre par des pétitions qui n’ont par-dessus le marché aucun poids politique. Aujourd’hui, avec le mouvement des gilets jaunes (qu’il ne faut surtout pas arrêter, tout en restant pacifiques), nous avons tous un poids réel de négociation et s’il y a bien une pétition, une seule, à signer, pour éviter de se battre sur tous les fronts, c’est bien celle de la réécriture de la Constitution. Au rythme où vont les choses, le Gouvernement ne pourra plus avoir très longtemps de légitimité à l’international et les forces de l’ordre elles-mêmes se joindront au mouvement de protestation car elles sont constituées d’humains qui font eux-aussi partie du peuple, quoi qu’on en dise.
Quant au choix de change.org, je suis conscient qu’il peut être critiquable, mais c’est l’une des seules solutions de pétition crédibles à l’heure actuelle.