Les chaĂźnes de Ponzi
Fabien Olicard est un mentaliste talentueux. Dans une vidĂ©o rĂ©cente, il explique le mĂ©canisme des pyramides de Ponzi. Je ne sais pas s’il a choisi le timing sciemment pour la publication de cette vidĂ©o, mais vu la conjoncture, la coĂŻncidence est particuliĂšrement troublante ! En effet, le systĂšme de crĂ©ation monĂ©taire du systĂšme bancaire est basĂ© sur ce principe. Et non, je n’exagĂšre rien.
Â
La création monétaire par le crédit
Les lecteurs de mes livres savent dĂ©jĂ que, quand vous obtenez un crĂ©dit de votre banque, elle ne vous prĂȘte pas de la monnaie qu’elle a dĂ©jĂ . Elle crĂ©e ce montant sur votre compte par une simple Ă©criture comptable, c’est juste un nombre saisi dans un ordinateur. Cela s’appelle la crĂ©ation monĂ©taire ex-nihilo. Cette crĂ©ation suit un certain nombre de rĂšgles, qu’on ne va pas dĂ©tailler ici.
Mais les intĂ©rĂȘts du crĂ©dit, eux, ne sont pas créés. Seul le principal est créé. Cela signifie que, pour rembourser ces intĂ©rĂȘts, il faut bien aller les chercher quelque part, ailleurs, pour les rembourser. Ailleurs, mais oĂč ? On doit forcĂ©ment ponctionner de la monnaie qui a Ă©tĂ© créée par d’autres crĂ©dits. Or, ces autres crĂ©dits ont Ă©tĂ© octroyĂ©s Ă d’autres individus ou entreprises, qui, Ă leur tour, vont avoir bien du mal Ă rembourser⊠leur seule solution est d’aller prendre Ă leur tour de la monnaie d’autres crĂ©dits, etc. D’oĂč un endettement perpĂ©tuel et croissant de toute la population, y compris des Ă©tats. Et cela, absolument partout dans le monde puisque le systĂšme bancaire fonctionne de cette mĂȘme maniĂšre dans tous les pays Ă de rares exceptions prĂšs.
Analogie avec PonziâŠ
Le systĂšme de crĂ©ation monĂ©taire par les banques privĂ©es est donc exactement basĂ© sur le mĂȘme principe qu’une pyramide de Ponzi : celui qui crĂ©e la monnaie s’enrichit constamment sur le dos de ceux pour qui il crĂ©e de la monnaie, et ce de plus en plus puisque ce sont les nouveaux entrants qui doivent fournir aux prĂ©cĂ©dents les intĂ©rĂȘts qu’ils doivent rembourser.
Toute chaĂźne de Ponzi a une fin
Un systĂšme pyramidal de ce type ne peut jamais durer Ă©ternellement dans un monde fini. En effet, pour payer les membres existants, il est nĂ©cessaire de faire entrer de nouveaux membres sans cesse. Lorsqu’il n’y a plus assez de nouveaux entrants pour alimenter les anciens, le chĂąteau de cartes s’effondre par manque de fonds.
C’est exactement ce qui est en train de se produire aujourd’hui avec le systĂšme bancaire. C’est d’ailleurs ce qui aurait dĂ» se produire en 2008 si les Ă©tats un peu partout dans le monde ne s’Ă©taient pas endettĂ©s pour renflouer le systĂšme bancaire en dĂ©route. Pas Ă©tonnant que les intĂ©rĂȘts des crĂ©dits aient Ă©tĂ© ramenĂ©s quasiment Ă zĂ©ro par les banques centrales dans la dĂ©cennie passĂ©e, on sent bien que la supercherie ne peut plus continuer beaucoup plus longtemps. La Covid-19 est probablement le dernier clou dans le cercueilâŠ
Pour aller plus loinâŠ
Voici un extrait de mon livre « La monnaie : l’essentiel », dans lequel j’ai utilisĂ© dans les chapitres prĂ©cĂ©dents l’exemple de naufragĂ©s sur une Ăźle utilisant des Ă©meraudes comme monnaie d’Ă©change.
L’intĂ©rĂȘt esclavagiste
Imaginons Ă nouveau une Ăźle, cette fois avec 10 naufragĂ©s. Au lieu d’Ă©changer des Ă©meraudes, ils font appel Ă un onziĂšme protagoniste qui se prĂ©tend banquier ; ils le croient, car il a encore sa cravate. Il leur propose de leur crĂ©diter 100 unitĂ©s chacun, ils devront rembourser 10 unitĂ©s tous les mois sur un an, ce qui fera 120 unitĂ©s Ă rembourser, soit 20 % d’intĂ©rĂȘts. Ils ont envie d’avoir de la monnaie pour leurs Ă©changes, ils acceptent donc la proposition du banquier.
Celui-ci a « oubliĂ© » de leur expliquer que, sur les 12 mensualitĂ©s qu’il va percevoir, les deux premiĂšres sont des intĂ©rĂȘts qu’il va conserver, puis il dĂ©truira les 10 autres, pour dĂ©truire exactement ce qu’il a créé, c’est-Ă -dire 100 par personne.
ArrĂȘtons-nous quelques instants et calculons :
- il y a au total 100 unités créditées à 10 naufragés, soit 1 000 unités en circulation,
- il faut rembourser 10 par mois à 12 mois à 10 naufragés, soit 1 200 unités au total au banquier.
Comment est-ce possible ? Il n’y a pas assez d’unitĂ©s en circulation pour rembourser le banquier. Pire encore, Ă partir du dixiĂšme mois, il n’y aura plus une seule unitĂ© en circulation dans l’Ă©conomie puisque chacun aura remboursĂ© 100, c’est-Ă -dire l’intĂ©gralitĂ© de la monnaie qui a Ă©tĂ© créée ! Il leur restera Ă rembourser deux mois Ă 10 par mois soit 200 pour les 10 naufragĂ©s.
Mais on a oubliĂ© tout de mĂȘme un dĂ©tail : le banquier, lui, sera en possession des deux premiĂšres mensualitĂ©s, soit 10Ă2Ă10=200. Ce sont les intĂ©rĂȘts qu’il n’a pas dĂ©truits. Ă partir de ce constat, tout dĂ©pend de ce que le banquier dĂ©cide de faire avec ces 200 unitĂ©s.
Si le banquier dĂ©cide d’utiliser cette monnaie pour se payer Ă manger grĂące au travail des autres naufragĂ©s, il lui suffit de dĂ©penser tranquillement ces intĂ©rĂȘts pour se nourrir. Il peut alors passer ses journĂ©es dans un hamac au bord de l’eau, cocktails et caviar fournis par sa main-d’Ćuvre qu’il paye avec les intĂ©rĂȘts qu’il a rĂ©coltĂ©s. Dans ce cas, s’il dĂ©pense tous les intĂ©rĂȘts, il rĂ©injecte 200 unitĂ©s dans l’Ă©conomie, exactement celles qui manquaient pour rembourser tous les crĂ©dits.
MalgrĂ© tout, mĂȘme dans ce scĂ©nario parfait, il n’y a Ă la fin de l’annĂ©e plus aucune unitĂ© en circulation dans l’Ăźle, car le banquier a dĂ©truit les derniĂšres mensualitĂ©s, comme prĂ©vu. C’est la crise. Chacun est Ă nouveau obligĂ© de demander un nouveau crĂ©dit au banquier. Et donc de lui servir le caviar pour l’annĂ©e qui vient. Et ceci indĂ©finiment.
L’intĂ©rĂȘt manquant
Nous avons examiné un scénario, mais il en reste deux autres.
Si le banquier dĂ©cide de partir lui-mĂȘme Ă la pĂȘche pour se nourrir et qu’il conserve ces 200 unitĂ©s dans son coffre, alors effectivement il n’y aura jamais assez de monnaie pour le rembourser. Dans ce cas, les naufragĂ©s n’ont qu’une seule solution pour terminer de rembourser le banquier : faire de nouveaux crĂ©dits, qui incluront donc la fin du remboursement des anciens crĂ©dits. Chaque naufragĂ© devra donc faire un crĂ©dit de 100+20 pour l’annĂ©e suivante, soit 120. Mais cette fois les mensualitĂ©s seront de 12 au lieu de 10. Et dix mois plus tard, il restera alors 24 Ă rembourser chacun tandis que toute la monnaie aura disparu. On se retrouve ainsi Ă faire des crĂ©dits de plus en plus gros pour rembourser de plus en plus d’intĂ©rĂȘts.
On se retrouve exactement dans le mĂȘme cas si le banquier dĂ©cide de ne dĂ©penser qu’une partie des intĂ©rĂȘts qu’il a rĂ©coltĂ©s. Il n’y a pas assez de monnaie pour tout rembourser, les naufragĂ©s sont obligĂ©s de faire des crĂ©dits de plus en plus gros au fil du temps.
Dans la rĂ©alitĂ©, comme tous les crĂ©dits ne sont pas octroyĂ©s en mĂȘme temps dans l’Ă©conomie, les acteurs de l’Ă©conomie doivent « piocher » dans les crĂ©dits des autres pour rembourser leurs propres crĂ©dits. Mais cette monnaie manque alors aux autres, qui se trouvent obligĂ©s Ă leur tour de ponctionner dans la monnaie d’autres crĂ©dits, et ainsi de suite.