La démocratie en marche
Pour beaucoup de Français, l’Ă©lection prĂ©sidentielle est un moment fort et un symbole Ă©vident de la vivacitĂ© de la dĂ©mocratie en France. Au premier abord, la thĂ©orie et les principes sont louables, paraissent tenir parfaitement debout.
Mais quelle est donc cette théorie ? Passons en revue ses principes de base.
D’abord, le peuple Ă©lit qui il veut. Il est souverain dans le choix de son chef. De toute Ă©vidence, il choisit quelqu’un qui a les qualifications, l’intelligence, le charisme, le panache mĂȘme, pour endosser la fonction prĂ©sidentielle. Cela ne peut pas ĂȘtre n’importe qui. Ainsi, il est bien normal que nous n’ayons pas de prĂ©sidents ouvriers, machinistes, profs, serveuses ou serveurs, infirmiĂšres ou infirmiers. On appelle cela la « mĂ©ritocratie ». Nous voulons les meilleurs, les plus capables, pour diriger le pays.
Il est donc parfaitement normal que tous les prĂ©sidents aient une formation ad hoc. L’ENA. Science Po. Et de prĂ©fĂ©rence un homme fort d’un certain Ăąge, qui va en imposer et Ă qui on ne peut pas conter d’histoires. Au passage, la France n’a jamais eu de prĂ©sidente. Jusqu’Ă maintenant.
Le peuple choisit l’individu qui brille le plus par sa carrure, et les mauvais prĂ©sidents ne sont pas rĂ©Ă©lus, comme Sarkozy ou Hollande. Le chef est faillible, il sera Ă©cartĂ© en cas de manquements aux prochaines Ă©lections.
Tout cela semble parfaitement logique.
Un goût amer
Il y a tout de mĂȘme un hic. Il suffit de faire un petit sondage autour de soi pour s’en apercevoir. « La dĂ©mocratie fonctionne-t-elle parfaitement ? Permet-elle d’Ă©viter les inĂ©galitĂ©s ? Le Gouvernement Ă©lu met-il en Ćuvre tous les dĂ©sirs des Français ? » En toute logique, il le devrait. Sinon il ne sera pas rĂ©Ă©lu. Et pourtantâŠ
Une trĂšs rĂ©cente enquĂȘte Ifop est plutĂŽt parlante. Difficile de dire avec le graphique suivant que tout le monde est content :
D’ailleurs, le taux de mĂ©contents varie au cours du temps, ils Ă©taient plus de 70 % en 2014 et 2016 !
Les rĂ©ponses surprennent le plus souvent. Le constat d’Ă©chec est flagrant. Une large majoritĂ© semble avoir l’intuition qu’il y a quelque chose qui cloche. Pourquoi, alors, ne pas en changer ? La rĂ©ponse, souvent sans appel, ne se fait pas attendre : « c’est le meilleur modĂšle qu’on connaĂźt, donc il faut faire avec ».
Des Ă©checs partout ailleurs
Cela rappelle trop toutes ces tentatives occidentales d’amener la « dĂ©mocratie » un peu partout dans le monde. Avec sans cesse des effets particuliĂšrement ravageurs, des pays transformĂ©s en ruines, politiquement et Ă©conomiquement. Et ce malgrĂ© la tenue « d’Ă©lections dĂ©mocratiques » dans les pays concernĂ©s.
Il semble que la « dĂ©mocratie » telle que nous la concevons mĂšne toujours aux mĂȘmes dysfonctionnements. Partout, elle autorise des empires financiers Ă prendre le dessus. Les multinationales n’en font qu’une bouchĂ©e grĂące Ă des lobbys toujours plus puissants. Elle court systĂ©matiquement aprĂšs le petit voleur de pĂątes pour quelques euros parce que le frigo est vide. En revanche, elle ne touche pas au milliardaire qui pourtant provoque des milliards de manque Ă gagner pour l’Ătat en Ă©vasion fiscale et autres malversations, qui provoquent en retour inĂ©galitĂ©s, pauvretĂ©, insĂ©curitĂ©. Elle laisse en libertĂ© les politiciens corrompus. Au lieu de rassembler les peuples, elle les divise, parfois trĂšs profondĂ©ment. Elle s’attaque systĂ©matiquement Ă des problĂšmes secondaires, sans jamais rĂ©gler l’essentiel.
Elle finit mĂȘme par justifier des mesures extrĂȘmement autoritaires dans certaines situations. Mais c’est pour notre bien, Ă©videmment. Sous prĂ©texte de « sĂ©curitĂ© », d’anti-terrorisme. Ou bien « sanitaires ». Ou encore de « sauvegarde de l’emploi ». MalgrĂ© tout, on sent que le systĂšme est⊠perfectible, c’est le moins qu’on puisse dire !
Partout, le terme « dĂ©mocratie » est associĂ© à « Ă©lections ». D’ailleurs, on le confirme gĂ©nĂ©ralement par des expressions du type « On a les dirigeants qu’on mĂ©rite ». Mais est-ce bien ça, l’Ă©lection de « dirigeants », la dĂ©mocratie ?
C’est quoi, une dĂ©mocratie ?
Partons de la définition large du terme :
RĂ©gime politique dans lequel le peuple dispose du pouvoir souverain
Ainsi, c’est un rĂ©gime politique oĂč les dĂ©cisions communes sont prises par le peuple.
Pourtant, aujourd’hui, ce n’est pas le peuple qui prend rĂ©ellement les dĂ©cisions. Ce sont ses « reprĂ©sentants Ă©lus ».
Ah. Nous sommes donc dans un « systĂšme reprĂ©sentatif », une RĂ©publique. Certains parlent de « dĂ©mocratie reprĂ©sentative ». Pour qu’il s’agisse rĂ©ellement de dĂ©mocratie, il faudrait que le peuple ait le contrĂŽle total sur ses reprĂ©sentants, ce qui n’est pas du tout le cas, comme nous allons le voir plus loin.
D’autres systĂšmes reprĂ©sentatifsâŠ
Mais alors⊠en quoi est-ce que la France diffĂ©rerait-elle donc tant de la Russie ? En effet, la Russie a Ă©galement un prĂ©sident Ă©lu, un gouvernement et des ministres, un parlement d’Ă©lus aux suffrage direct, la Douma. Cette derniĂšre a d’ailleurs le pouvoir de contester les dĂ©cisions gouvernementales. C’est une rĂ©publique fĂ©dĂ©rale, comme l’Allemagne. L’organisation est un peu diffĂ©rente des pays occidentaux, mais sur l’essentiel, cela revient strictement au mĂȘme.
MĂȘme la Chine fonctionne sur un systĂšme parlementaire, avec des Ă©lections plus indirectes, mais cela ne change pas grand-chose, dans le fond.
Pour rappel, en France, le Gouvernement a aussi le droit de s’opposer Ă une loi votĂ©e par le Parlement. Il peut Ă©galement forcer ses propres lois par le fameux mĂ©canisme de l’article 49-3. Dans ces cas-lĂ , le peuple n’a rien Ă dire, il devra patienter jusqu’aux prochaines Ă©lections s’il n’est pas content.
La corruption
Mais alors, pourquoi diable la Chine et la Russie seraient des dictatures et la France une dĂ©mocratie ? Pour faire la distinction, on va s’appuyer sur d’autres critĂšres, comme le degrĂ© de corruption. Ăvidemment, les gouvernants russes et chinois sont corrompus, les Ă©lections sont truquĂ©es, c’est en cela que ce sont des dictatures.
Pourtant, en terme de corruption, la France n’est certainement pas en reste ! Chacun de nos prĂ©sidents a Ă©tĂ© mĂȘlĂ© de prĂšs ou de loin Ă des scandales. Parmi les Ă©lus, on ne compte plus les procĂšs. Le Parlement vote rĂ©guliĂšrement des lois qui favorisent les inĂ©galitĂ©s – oĂč est donc l’Ă©galitĂ© ? De la mĂȘme maniĂšre, il bloque des lois qui pourtant serviraient le peuple. Par ailleurs, les parlementaires votent eux-mĂȘmes Ă une large majoritĂ© leurs propres augmentations. Ce n’est pas le mĂȘme refrain lorsqu’il faut augmenter le SMIC. N’est-ce pas du conflit d’intĂ©rĂȘt majeur et parfaitement Ă©vident ?
Emmanuel Macron lui-mĂȘme navigue dans des eaux peu claires. Il a vendu la sĂ©curitĂ© nationale de la France aux AmĂ©ricains avec l’affaire Alstom. C’est Ă©galement un maĂźtre manipulateur, comme on peut le constater dans l’affaire des journalistes du Monde. Au passage, il n’a rien Ă envier Ă un Poutine dans les tentatives de faire taire quiconque s’oppose Ă lui. Deux des Ă©pisodes de « Off Investigation » ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© censurĂ©s par Youtube. La liste est bien trop longue. Alexandre Benalla, l’un de ses plus proches gardes du corps ayant commis d’innombrables fautes est totalement protĂ©gĂ© par le pouvoir, quelles que soient ses exactions. Y compris en permettant Ă l’intĂ©ressĂ© de vider son appartement de ses preuves avant son inspection par la police. On se croirait dans un mauvais scĂ©nario de dictature.
La libertĂ© d’expression
Alors, trĂšs certainement, on peut aussi s’intĂ©resser Ă un autre axe : la libertĂ© d’expression. On peut dire qu’elle est mieux respectĂ©e en France qu’elle ne l’est en Russie ou en Chine. Il semblerait pourtant que c’est valable uniquement tant qu’il ne s’agit que de paroles. En d’autres termes, tant que c’est du blabla, nous pouvons toujours dire ce que nous voulons. Mais il ne faudrait pas que cela se traduise en actes.
Exemple criant : tous ces gilets jaunes qui se sont fait tirer comme des lapins, alors que la majoritĂ© ne reprĂ©sentait aucun danger. On ne compte plus les blessĂ©s, les Ă©borgnĂ©s, les mains arrachĂ©es. Combien de mains arrachĂ©es en Russie ? Combien d’Ă©borgnĂ©s ? Aucun, Ă ma connaissance. En Hollande, un manifestant est mĂȘme abattu Ă balles rĂ©elles.
Et ceux qui dĂ©rangent vraiment l’ordre Ă©tabli, comme les lanceurs d’alerte, sont persĂ©cutĂ©s. StĂ©phanie Gibaud, employĂ©e dans une banque, se retrouve dans une situation trĂšs prĂ©caire aprĂšs avoir dĂ©noncĂ© des pratiques illĂ©gales de son employeur. Mais oĂč est donc l’« Ătat protecteur », garant des libertĂ©s et de la transparence ? La France n’a jamais offert l’asile politique Ă Julian Assange. Ni Ă Edward Snowden. Qui a Ă©tĂ© accueilli, ironie du sort, en Russie. Bien Ă©videmment, il ne reprĂ©sente pas une menace pour l’Ătat russe, mĂȘme s’il en dĂ©nonce parfois les Ă©carts.
On sent clairement le « deux poids, deux mesures ». La Russie et la Chine sont des dictatures et tout y va trÚs mal. La France est une démocratie et tout va trÚs bien, Mme la Marquise.
Museler les trouble-fĂȘte « Ă l’ancienne »âŠ
Certes, Poutine a ses mĂ©thodes pour se dĂ©barrasser des journalistes ou politiciens. C’est un ancien du KGB, la vieille Ă©cole. Une balle entre les yeux. Ou bien le si classique poison. Au mieux, l’emprisonnement.
Mais Ă moins d’ĂȘtre aveugle, il est loin d’ĂȘtre le seul. Nous avons Ă©galement droit Ă ce genre d’Ă©pisodes dans les pays occidentaux. Ils sont certes un peu moins « flagrants ». On se rappelle trop facilement des disparitions assez curieuses de Coluche ou Balavoine, ainsi que BĂ©rĂ©govoy. Plus rĂ©cemment, Bruno Gaccio a bien failli y passer aussi. Et ceux qui disparaissent en prison ne sont pas en reste. Comme par exemple rĂ©cemment Jean-Luc Brunel en France et son alter ego Epstein aux Ătats-Unis.
⊠et beaucoup plus simplement
Pourtant, il y a une recette extrĂȘmement simple et efficace pour se dĂ©barrasser des voix « encombrantes » : les mĂ©dias. Il suffit de virer tel journaliste ou animateur qui sort un peu trop du rang, voire le relĂ©guer Ă un mĂ©dia « de seconde zone » oĂč sa voix portera peu. Pour les autres, le simple fait qu’ils ne passent pas sur les grands mĂ©dias les rend muets. LittĂ©ralement.
Patrick SĂ©bastien. Natacha Polony. Les « guignols de l’info », supprimĂ©s. FrĂ©dĂ©ric TaddeĂŻ, obligĂ© de passer sur RT pour avoir le droit d’inviter qui il veut dans son Ă©mission. Le monde Ă l’envers ! Et au pire, on demande Ă la justice de museler les plus gĂȘnants, comme Denis Robert avec l’affaire Clearstream. LĂ encore, la liste est trop longue.
Ce qui est vrai pour les temps de parole lors de l’Ă©lection prĂ©sidentielle l’est Ă©videmment pour tout le reste. Il faut et il suffit que les mĂ©dias focalisent l’attention sur un sujet pour Ă©viter de parler du reste. C’est digne des techniques de prestidigitation. Regarde bien ma main droite, et pendant ce temps, ma main gauche va chercher une balle dans ma poche. Et hop, le tour est jouĂ©.
Or, il se trouve que tous les principaux mĂ©dias en France sont entre les mains d’une minoritĂ©, une dizaine de milliardaires. Et l’Ătat, qui travaille pour son compte – ou plus exactement pour le compte des « Ălus ». Eux-mĂȘmes Ă la solde des milliardaires prĂ©citĂ©s.
Le Président Providentiel
Dans mon roman, l’ascension au pouvoir du PrĂ©sident est justement due Ă une exposition accrue dans les mĂ©dias. Cela aura pu paraĂźtre un peu tirĂ© par les cheveux pour certains lecteurs.
C’est pourtant ce qui s’est passĂ© avec Emmanuel Macron en 2017. Certes, il a Ă©tĂ© Ministre de l’Ăconomie peu avant, mais il Ă©tait quasiment inconnu des Français. Et ceux qui le connaissaient ne l’apprĂ©ciaient pas forcĂ©ment, ce qui peut se comprendre au vu de certaines mesures hallucinantes qu’il a prises. Comme par exemple le remplacement des trains par des bus⊠mesure qui a d’ailleurs subi un rĂ©tro-pĂ©dalage sous son mandat prĂ©sidentiel. En 2010, il avait mĂȘme proposĂ© de supprimer la dissuasion nuclĂ©aire française, « pour faire des Ă©conomies ». Heureusement, Jacques Attali Ă©tait lĂ pour le remettre Ă sa place.
Je n’aurais jamais imaginĂ© un jour Ă©crire une phrase faisant l’Ă©loge de Jacques Attali !⊠qui lâeĂ»t cru ?
Dans les faits, n’importe quelle personne qui connaĂźt un minimum les artifices de la rhĂ©torique est prĂ©sidentiable. De ce point de vue, Emmanuel Macron s’y connaĂźt. Il a particuliĂšrement appris cet art Ă la banque Rothschild, comme l’explique son directeur.
Qui sont nos « représentants »?
Ce sont donc nos oligarques, au contrĂŽle des mĂ©dias, qui font et dĂ©font les prĂ©sidents. Le peuple ne fait que suivre les candidats qui lui sont prĂ©sentĂ©s, Ă hauteur de leur exposition dans les mĂ©dias. Ă l’heure oĂč j’Ă©cris cet article, le monde est une grande mosaĂŻque d’oligarchies.
Oui, j’ai bien Ă©crit « oligarchies ». DĂ©finition :
Gouvernement politique oĂč lâautoritĂ© souveraine est entre les mains dâun petit nombre de personnes
Alors, en Russie, oui, sans doute. En Chine, aussi. Ah, en CorĂ©e du Nord, bien Ă©videmment. Et puis, certainement d’autres Ă©tats corrompus. Mais en France, sĂ»rement pas, tout de mĂȘme ?
Une caste dirigeante
Certes, les dirigeants ne se passent plus le pouvoir de pĂšre en fils comme le faisaient jadis les rois.
Dans les faits, les « reprĂ©sentants » en France forment une caste Ă part entiĂšre. Ils sont constituĂ©s d’individus au statut particulier : les politiciens. Ces gens font carriĂšre en politique, leur fonction est de « reprĂ©senter ». Ils ne savent rien faire d’autre. Et ils sont sĂ©lectionnĂ©s au sein d’un club bien privĂ©. Club du Cercle. Young Leaders. Institut Montaigne. Il faut ĂȘtre introduit aux bons endroits et auprĂšs des personnes les plus influentes. Et une fois Ă©lu, on voit mal celui qui a accĂ©dĂ© Ă la fonction prĂ©sidentielle trahir ceux-lĂ mĂȘmes qui l’ont fait Ă©lire.
Des élus « hors sol »
C’est lĂ que le glissement sĂ©mantique entre « reprĂ©sentant » et « reprĂ©sentatif » s’effectue bien trop souvent dans les tĂȘtes. Justement, ces « reprĂ©sentants » ne sont en rien reprĂ©sentatifs de l’ensemble de la population pour laquelle ils sont censĂ©s ĂȘtre les porte-voix.
Ils ne l’ont d’ailleurs jamais Ă©tĂ©. Pendant la RĂ©volution Française, lors des Ătats GĂ©nĂ©raux, ce sont dĂ©jĂ principalement des notables qui reprĂ©sentent le Tiers Ătat. Ă l’Ă©poque, cela pouvait Ă©ventuellement se justifier. Et encore. Le fait est que la majoritĂ© des membres du Tiers Ătat Ă©tait illettrĂ©e et aurait eu bien du mal Ă dĂ©fendre ses propres intĂ©rĂȘts face Ă des professionnels de la magouille juridique.
Le problĂšme, c’est qu’un « reprĂ©sentant » qui n’a pas les mĂȘmes intĂ©rĂȘts que celui qu’il prĂ©tend dĂ©fendre se trouve en conflit d’intĂ©rĂȘts. Il est logiquement portĂ© Ă dĂ©fendre les idĂ©es favorables Ă son statut et Ă sa caste en gĂ©nĂ©ral. Ces idĂ©es sont potentiellement totalement opposĂ©es Ă celles qui favoriseraient le peuple.
L’absence de contrĂŽle
On pourrait Ă©ventuellement parler de dĂ©mocratie si effectivement le peuple avait le pouvoir total sur ses reprĂ©sentants. Or, dans le systĂšme français actuel, il n’en est rien. Si un Ă©lu trahit le peuple, ce dernier n’a aucun moyen de recours. Impossible de rĂ©voquer un Ă©lu ni mĂȘme une loi scĂ©lĂ©rate. Impossible de toucher Ă la Constitution pour y ajouter un peu de contrĂŽle sur les Ă©lus. Le seul levier du peuple est d’attendre les prochaines Ă©lections.
Ce ne serait pas forcĂ©ment catastrophique s’il s’agissait d’un cas isolĂ© : il suffirait de voter pour un « bon » reprĂ©sentant la prochaine fois.
Mais lorsque c’est l’ensemble du corps des « reprĂ©sentants » qui trahit sans cesse, et qu’il n’y en a pas un pour rattraper l’autre, le peuple se trouve effectivement totalement impuissant. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’abstention augmente Ă chaque Ă©lection. Ă force d’ĂȘtre trahi de maniĂšre rĂ©pĂ©tĂ©e, le peuple finit par comprendre qu’il ne sert Ă rien d’Ă©lire un pantin qui n’en fera qu’Ă sa tĂȘte, comme ses prĂ©dĂ©cesseurs.
Une large portion de citoyens comprennent que, en tant qu’Ă©lecteurs, ils n’ont en rĂ©alitĂ© aucun pouvoir.
Le piĂšge de l’Ă©lection prĂ©sidentielle
En France comme ailleurs, les artifices permettant de perpĂ©tuer cette caste au pouvoir sont finalement trĂšs simples. La principale Ă©pine dans la « dĂ©mocratie » est l’Ă©lection prĂ©sidentielle elle-mĂȘme ainsi que ses modalitĂ©s.
J’entends dĂ©jĂ des voix qui protestent : « Pas du tout, c’est le peuple qui dĂ©cide qui il Ă©lit ». Par ailleurs, l’Ă©lection est trĂšs contrĂŽlĂ©e, avec l’Arcom (ancien CSA) qui veille au grain et le vote aux urnes est l’un des plus fiables au monde.
Aux Ătats-Unis, la maniĂšre d’Ă©lire le PrĂ©sident est particuliĂšrement tirĂ©e par les cheveux. Mais en France, nous votons directement pour nos dirigeants, et chaque bureau de vote est dĂ»ment contrĂŽlĂ© par tous les partis. Pour l’instant, pas de vote par correspondance, pas de vote Ă©lectronique, il semble impossible de tricher.
Pourtant, nous allons voir que le systĂšme des Ă©lections en France est loin d’ĂȘtre neutre, en particulier celui de l’Ă©lection du PrĂ©sident de la RĂ©publique. Il est truffĂ© de piĂšges, de subtilitĂ©s qui peuvent aisĂ©ment ĂȘtre exploitĂ©es pour faire voter le peuple « comme on le leur dira », comme disait Tocqueville.
Analysons ensemble ce systĂšme pour comprendre pourquoi depuis plus d’un demi-siĂšcle, la France part Ă la dĂ©rive :
- pertes de souverainetĂ©, tant avec l’euro que la soumission Ă l’UE,
- inégalités et insécurité grandissantes,
- systÚme de santé et infrastructures publiques qui tombent en ruine,
- perte de résilience et dépendance accrue à des pays étrangers,
- libertés de plus en plus bafouées sous divers prétextes,
- etc.
Les tours de magie
L’Ă©lection prĂ©sidentielle se dĂ©roule en plusieurs temps :
- présélection de candidats : primaires,
- obtention de soutiens municipaux,
- premier tour,
- deuxiĂšme tour.
Chacune de ces Ă©tapes est parsemĂ©e d’embĂ»ches. Et celles-ci rendent le beau tableau « le peuple souverain Ă©lit son prĂ©sident » un peu⊠terne.
Présélection de candidats
La logique des partis impose que chaque camp politique choisisse un reprĂ©sentant et un seul, pour avoir un peu de chance de faire le poids face aux autres partis. L’idĂ©e est de choisir celui qui fait le plus consensus. Au risque de choisir le plus gros moulin Ă vent qui ne propose rien pour Ă©viter de froisser quiconque.
Par ailleurs, cette prĂ©sĂ©lection est totalement livrĂ©e Ă l’imagination des diffĂ©rentes forces en puissance. Dans certains partis, c’est un leader auto-proclamĂ©. Dans d’autres partis, c’est celui qui est dĂ©signĂ© par ses pairs comme « le meilleur ». D’autres organisent des Ă©lections internes dont les modalitĂ©s peuvent parfois ĂȘtre douteuses.
Dans la mesure oĂč cette Ă©tape n’est pas encadrĂ©e, il n’est pas toujours facile de comprendre pourquoi et comment tel ou tel candidat a Ă©tĂ© mis en avant plus qu’un autre.
DĂ©jĂ , trĂšs tĂŽt dans le calendrier Ă©lectoral, les mĂ©dias ont une influence Ă©norme. Ăvidemment, quiconque est mis en avant plus que les autres dans les mĂ©dias a beaucoup plus de chances de l’emporter au sein de son propre parti que les autres.
Ă ce moment, l’Arcom, anciennement CSA, commence tout juste Ă comptabiliser les temps⊠pour rire. Dans la mesure oĂč il n’y a pas encore de candidats « officiels », ça compte pour du beurre. Et pourtantâŠ
Les parrainages
Ătre sĂ©lectionnĂ© au sein de son propre parti ne suffit pas. En effet, dans un monde sans filtre, on pourrait parfaitement imaginer avoir 500 candidats Ă la prĂ©sidentielle. Cela rendrait l’organisation de la campagne Ă l’Ă©chelle nationale un peu complexe, sans aucun doute. Pour Ă©viter d’avoir trop de candidats, ceux-ci doivent obtenir des promesses de soutien auprĂšs des maires de France. Cela n’a pas toujours Ă©tĂ© le cas, pour avoir l’historique, c’est ici.
Cette mesure n’est toutefois pas anodine. En effet, elle dĂ©termine rĂ©ellement le choix des « reprĂ©sentants » pour qui les Ă©lecteurs vont ensuite pouvoir voter. Quiconque n’obtient pas les parrainages nĂ©cessaires n’aura plus aucune voix dans la campagne. Pire encore, le candidat dĂ©chu risque tout simplement de perdre en crĂ©dibilitĂ© pour le reste de sa carriĂšre.
Divers paramĂštres entrent en jeu ici, qui ont subi des modifications aux impacts majeurs.
PremiĂšre barriĂšre officielle
Le premier levier pour mettre les bĂątons dans les roues de candidats « non voulus » par l’oligarchie est tout simplement de demander un nombre assez grand de parrainages. Seuls les candidats parvenant Ă rĂ©colter suffisamment de parrainages ont alors une chance d’exposer leurs idĂ©es devant les Français. Les autres, tout comme les journalistes gĂȘnants, n’ont plus qu’Ă parler dans leur coin. Tant que leur voix ne porte pas, ils ne reprĂ©sentent aucun danger.
Pour résumer, le nombre de signatures nécessaires a augmenté progressivement. De 50 en 1958, elles sont passées à 100 puis à 500 en 1976.
Pour ajouter un peu de difficultĂ©, il faut Ă©galement que les parrainages proviennent d’un nombre suffisant de dĂ©partements. Ceci Ă©videmment pour Ă©viter qu’un candidat ratisse les petits villages de sa rĂ©gion et soit totalement inconnu ailleurs.
DeuxiĂšme barriĂšre officielle
Le nombre de signatures s’est avĂ©rĂ© ĂȘtre une mesure insuffisante pour contenir le nombre de candidats – y compris les plus gĂȘnants. Une nouvelle mesure a Ă©tĂ© mise en place dĂšs 1976, avec pour prĂ©texte « la transparence de la dĂ©mocratie ». Cette mesure est dĂ©terminante malgrĂ© son air innocent : il s’agit de publier les noms des soutiens pour chaque candidat.
Effets directsâŠ
En apparence, 500 signatures peut paraĂźtre un nombre assez faible au regard du nombre de maires en France – plusieurs dizaines de milliers. Pour un maire, donner une signature n’a aucun impact personnel tant que cette signature reste anonyme. Or, dĂšs que les noms des soutiens deviennent publics, les Ă©lus mettent leur tĂȘte en jeu. En effet, soutenir un candidat qui n’aura aucun poids peut avoir un impact nĂ©gatif non nĂ©gligeable sur la future carriĂšre politique d’un Ă©lu.
C’est en particulier le cas pour les candidats des extrĂȘmes. Si effectivement cela augmente la transparence, l’autre effet immĂ©diat est de permettre de clouer publiquement au piloris les Ă©lus ayant soutenu des candidats jugĂ©s « extrĂ©mistes ».
Ăvidemment, le but recherchĂ©, limiter les candidats, est atteint. Les candidats les plus extrĂȘmes ont beaucoup de mal Ă obtenir des soutiens. Il en va de mĂȘme avec des candidats « loufoques » qui n’ont aucune chance. Ă la rigueur, cela peut se justifier dans ces cas-lĂ . Malheureusement, cela va plus loin. En effet, pour un maire qui a Ă©tĂ© Ă©lu le plus souvent avec le soutien d’un parti politique, il est extrĂȘmement difficile d’apporter un soutien Ă une voix dissonante. Bon courage pour la suite de sa carriĂšre !
⊠et Effets de bord
De mon point de vue, cette mesure a favorisĂ© la consolidation du Front National, en Ă©liminant mĂ©caniquement toute tentative de concurrence. Il semblerait toutefois que cette tactique ait Ă©chouĂ© en 2022 : Marine Le Pen a maintenant deux adversaires qui vont lui « voler » des voix : Ăric Zemmour et Nicolas Dupont-Aignan. Il n’est d’ailleurs du coup pas Ă©tonnant que Florian Philippot ait fait un « flop » en terme de signaturesâŠ
De la mĂȘme maniĂšre, de l’autre cĂŽtĂ© du spectre, Jean-Luc MĂ©lenchon se retrouve avec trois Ă©pines dans le pied, mĂȘme s’ils « pĂšsent » moins que leurs Ă©quivalents Ă droite : Nathalie Arthaud, Philippe Poutou et Fabien Roussel. On notera d’ailleurs que Christiane Taubira, qui aurait Ă©galement pu faire de l’ombre Ă gauche, est loin d’avoir obtenu ses 500 signatures malgrĂ© une couverture mĂ©diatique correcte.
Le paramÚtre caché
Tout cela semble bien beau et logique. Pourtant, il existe un paramÚtre invisible qui détermine tout.
Comment un candidat se fait-il connaĂźtre ? Par les mĂ©dias, Ă©videmment. Ainsi, un candidat totalement inconnu qui se prĂ©sente comme une fleur a-t-il une chance d’obtenir ces parrainages ? Ătudions le nombre de parrainages en fonction du temps d’antenne dans la pĂ©riode de rĂ©colte des signatures :
Le constat est trĂšs clair : le nombre de parrainages est proportionnel au temps d’exposition du candidat et de ses soutiens.
Ce n’est pas une rĂšgle absolue, car on voit qu’il y a une zone d’indĂ©cision entre 10.000 secondes (environ 3 heures) et 100.000 secondes (30 heures) oĂč certains candidats peuvent tirer leur Ă©pingle du jeu. Cela peut ĂȘtre dĂ» Ă leur anciennetĂ© en politique, Ă un programme axĂ© sur un sujet absent chez les autres candidats, ou bien Ă leur rĂ©elle popularitĂ©. D’autres s’en sortent moins bien dans cette zone.
En-dessous de 3 heures, il est clairement impossible d’obtenir les 500 parrainages nĂ©cessaires. Et au-delĂ de 30 heures, les 500 parrainages sont garantis. Bien sĂ»r, cela peut rester tendu pour certains candidats, en particulier aux extrĂȘmes, Ă cause de la publication des parrainages.
Une mesure farfelue qui en cache une autre
Ainsi, cette histoire de signatures est totalement grotesque. Et surtout, extrĂȘmement hypocrite. Pour ĂȘtre transparent, il suffirait de mettre le critĂšre suivant : obtenir 30h d’exposition dans les mĂ©dias en janvier et fĂ©vrier. Ce serait peut-ĂȘtre choquant pour le public, mais cela reflĂ©terait beaucoup plus la rĂ©alitĂ©.
Du coup, le constat est un peu effrayant. Dans notre « démocratie », ne peuvent se présenter à la Présidence de la République que les candidats ayant le soutien des milliardaires qui possÚdent les médias. Ceux-ci font donc une présélection, sans que jamais cette rÚgle ne soit écrite.
Par ailleurs, une partie des mĂ©dias sont possĂ©dĂ©s par l’Ătat. On pourrait se dire que eux, au moins, donneraient une audience aux « sans voix ». Il faut pourtant se rendre Ă l’Ă©vidence, les mĂ©dias d’Ă©tat filtrent tout autant. Ă croire que les donneurs d’ordre sont finalement exactement de la mĂȘme caste dans le public et dans le privĂ©.
Du coup, le CSA peut s’amuser Ă jouer au gendarme jusqu’Ă l’Ă©lection prĂ©sidentielle. C’est totalement inutile, dans la mesure oĂč les seuls candidats retenus Ă ce stade sont dĂ©jĂ ceux qui ont les faveurs des mĂ©dias. Il est dĂ©jĂ trop tard, toutes les voix dissidentes ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© Ă©liminĂ©es.
Le piĂšge du premier tour
L’Ă©lection prĂ©sidentielle se joue actuellement Ă deux tours. Au premier tour, chaque votant choisit un candidat et un seul. Il y a un choix assez large dans le spectre politique. Pourtant, certains candidats se ressemblent fortement.
Des galaxiesâŠ
En 2022, je crois que nous n’avons jamais eu autant de clones qui se prĂ©sentent. Certains thĂšmes sont dĂ©cidĂ©ment sur-reprĂ©sentĂ©s par les candidats qui ont tirĂ© leur Ă©pingle du jeu.
Les galaxies :
- Macron et son clone fĂ©minin PĂ©cresse dont la mĂ©diocritĂ© criante porterait presque Ă sourire si elle n’Ă©tait pas celle ayant bĂ©nĂ©ficiĂ© de la plus grande exposition mĂ©diatique jusqu’Ă prĂ©sent,
- Le Pen et son clone Zemmour, ainsi que Dupont-Aignan dans une ligne légÚrement moins dure,
- MĂ©lenchon et les communistes Ă sa suite (Arthaud, Poutou, Roussel),
- Hidalgo et son ombre Jadot sur un fond de toile vert et bordeaux,
- le seul rescapĂ© de la purge mĂ©diatique, LassalleâŠ
Au passage, les mĂ©dias continuent impunĂ©ment leur sĂ©lection arbitraire, en n’invitant pas par exemple Jean Lassalle dans la plupart des Ă©missions. « Ah, mais de toute façon c’est un clown qui fera Ă peine 1 % ». Petite question : est-ce qu’il fait 1 % parce qu’il n’est pas prĂ©sentĂ© dans les mĂ©dias, ou bien est-ce qu’il n’est pas prĂ©sentĂ© dans les mĂ©dias parce qu’il est annoncĂ© dans les sondages Ă 1 % ? Une histoire de poule et d’ĆufâŠ
⊠et du vide
Ă l’inverse, certains pans majeurs des prĂ©occupations des Français ne sont pas du tout reprĂ©sentĂ©s.
Les sujets favoris des FrançaisâŠ
Une Ă©tude de France Bleu s’est intĂ©ressĂ©e aux propositions citoyennes des Français et en a tirĂ© les principales prĂ©occupations. En toute premiĂšre position vient la « dĂ©mocratie », ce qui inclut la transparence de la vie publique, mais aussi la relocalisation de nos industries et la souverainetĂ© de la France.
⊠sont écartées
Or, la plupart de ces préoccupations sont maintenant absentes des propositions des candidats qui ont été présélectionnés par les médias.
Le vide :
- les questions de transparence des Ă©lus, restaurer la confiance dans la politique, tout cela est totalement absent des dĂ©bats, mĂȘme Macron, qui avait hypocritement axĂ© sa campagne de 2017 sur le sujet, n’en parle plus,
- le RIC, avec Clara Egger largement sous-exposĂ©e dans les mĂ©dias, alors que le RIC est plĂ©biscitĂ© par une trĂšs large majoritĂ© de Français, souvent Ă plus de 70 %, cela Ă©tĂ© montrĂ© par tous les sondages sur le sujet⊠et la seule candidate portant le projet a bĂ©nĂ©ficiĂ© de 20 minutes d’antenne en tout et pour tout en janvier et fĂ©vrier, Ă©videmment trĂšs loin des 3 heures fatidiquesâŠ
- la santé, le systÚme de soins et les infrastructures publiques sont totalement absents des débats,
- l’Ă©cologie, dont on ne peut pas vraiment dire qu’elle soit reprĂ©sentĂ©e par des candidats pastiches comme Hidalgo ou Jadot⊠l’Ă©cologie devrait d’ailleurs ĂȘtre au cĆur des programmes de tous les candidats, mais c’est une autre affaire,
- la souverainetĂ© nationale avec Asselineau, le seul Ă avoir une ligne claire sur la sortie de l’UE et de l’OTAN, accompagnĂ© d’analyses gĂ©opolitiques trĂšs justes⊠Lassalle ne fait clairement pas le poids dans le domaine, Dupont-Aignan en parle mais n’est pas aussi prĂ©cis – on peut douter qu’il sortirait rĂ©ellement de l’UE – et il n’est de toute façon jamais prĂ©sent dans les mĂ©dias,
- les gilets jaunes, qui avaient pourtant plusieurs candidats et qui représentent une portion importante de la population,
- les restrictions de libertĂ©s ont fait couler beaucoup d’encre lors de la crise de la covid, mais on n’en entend plus beaucoup parler Ă moins de 2 mois de l’Ă©lectionâŠ
L’omerta
Ăvidemment, d’autres sujets capitaux dont peu de gens se soucient et qui n’apparaissent jamais dans les mĂ©dias font l’objet d’une censure absolue.
Par exemple, le silence est assourdissant sur les rĂ©seaux pĂ©docriminels, qui impliquent trĂšs vraisemblablement de hauts responsables politiques. Et ce, malgrĂ© de nombreuses tentatives de Karl ZĂ©ro pour remettre le sujet sur la table. Comme pour les autres, il suffit qu’il ne passe pas dans les grands mĂ©dias pour le faire taire. Aucunement besoin de poisonâŠ
Ăvidemment, personne ne parle jamais de crĂ©ation monĂ©taire. C’est pourtant le sujet le plus essentiel. En effet, c’est elle qui permet de financer les projets prĂ©sentĂ©s par les candidats. Un projet sans rĂ©flĂ©chir Ă son financement est par avance mort-nĂ©. Pourtant, absolument personne ne remet en cause la crĂ©ation monĂ©taire par les banques privĂ©es. Ainsi, tout le monde est de facto d’accord pour que ce soit les banques qui dĂ©cident des projets qui verront rĂ©ellement le jour. Et ce, quel que soit le candidat qui gagnera l’Ă©lection.
Les sujets phares
Les mĂ©dias ne se contentent pas de mettre en avant des candidats. Ils ont Ă©galement une influence dĂ©terminante dans le façonnement de l’opinion publique en gĂ©nĂ©ral. En mettant en avant certains sujets plutĂŽt que d’autres, ils tournent les tĂȘtes vers tel ou tel sujet. Et bien sĂ»r, ils vont tourner les tĂȘtes vers les sujets qui les arrangent.
En pĂ©riode Ă©lectorale, c’est d’autant plus crucial que chaque candidat a un certain nombre de sujets de prĂ©dilection. Ainsi, multiplier les reportages sur l’insĂ©curitĂ©, par exemple, fait mĂ©caniquement le jeu de l’extrĂȘme droite, sans jamais mentionner leurs candidats. Cela n’est Ă©videmment pas pris en compte par l’Arcom (ex-CSA).
Parler d’un sujet n’est d’ailleurs pas suffisant. La maniĂšre dont le sujet est traitĂ© est Ă©galement primordiale. Par exemple, cet article de l’Express – propriĂ©tĂ© de Patrick Drahi⊠– sur le RIC qui traite le sujet de maniĂšre plutĂŽt⊠orientĂ©e. C’est le moins qu’on puisse dire. Ăvidemment, nos chers milliardaires seraient un peu embarrassĂ©s si le peuple pouvait obtenir un peu plus de pouvoir.
Non, les mĂ©dias ne doivent surtout pas parler des sujets qui rassemblent. Au contraire, ils doivent absolument diviser, se faire caisses de rĂ©sonances des fractures sociales, monter les gens les uns contre les autres. C’est lĂ tout le pouvoir de l’Ă©lection de « partis ».
PrĂ©parer l’opinion
Les prophéties
Les gens de pouvoir aiment les prophĂ©ties. En 2014, Jacques Attali indiquait nonchalamment que Macron, « un garçon trĂšs brillant », Ă©tait un bon Ă©lĂšve « prĂ©sidentiable ». Ce Ă quoi il a rajoutĂ© en riant : « J’irais mĂȘme plus loin. Je crois que je connais celle qui viendra aprĂšs lui ».
Or, il se trouve que ValĂ©rie PĂ©cresse est passĂ©e comme Macron par le cursus des « Young Leaders », ces « talents prĂ©sidentiables » recrutĂ©s par les Ă©lites. Et elle est celle qui a effectivement la plus grande exposition mĂ©diatique depuis janvier lorsqu’on compte Ă©galement ses soutiens⊠On voit une sorte de trame bien ficelĂ©e se dĂ©rouler sous nos yeux.
Les sondages
Les sondages d’opinion, pour l’essentiel eux-aussi financĂ©s par exactement les mĂȘmes qui possĂšdent les mĂ©dias, sont un autre instrument, une autre maille du filet prĂ©sidentiel. En effet, s’ils sont censĂ©s recueillir l’opinion du moment, ils forgent Ă©galement l’opinion future. Ils sont consultĂ©s par une large portion de la population, et permettent aux hĂ©sitants de faire un choix final. Or, dans la prĂ©sidentielle, il suffit de quelques petits pourcents, quelques centaines de milliers de votes, pour tout faire basculer.
Bien sĂ»r, lorsqu’Attali lĂąche une bombe en direct en indiquant les futurs prĂ©sidents, il fait une prophĂ©tie. Mais les sondages, en manipulant l’opinion, vont plus loin puisqu’ils influencent Ă grande Ă©chelle le cours de l’histoire. Ils font des prophĂ©ties auto-rĂ©alisatrices.
Le « vote utile »
Les sondages sont particuliĂšrement influents lors du premier tour de l’Ă©lection prĂ©sidentielle. En effet, chaque votant ne peut choisir qu’un seul candidat. Peu importe ses prĂ©fĂ©rences pour les autres candidats, il n’a droit qu’Ă un seul. Ainsi, un votant « de droite » a le choix entre Macron et PĂ©cresse. Am-stram-gram. De mĂȘme, le votant « de gauche » a un peu l’embarras du choix cette annĂ©e.
Bien Ă©videmment, les inconditionnels de tel ou tel candidat ne vont probablement pas changer d’avis Ă cause d’un sondage. Seuls les indĂ©cis sont mallĂ©ables. Mais dans le cas d’un duel Ă©quilibrĂ©, ce sont bien ces derniers qui ont le dernier mot.
Au premier tour, les Ă©lecteurs sont priĂ©s de ne pas « gaspiller » leur vote pour un candidat « qui n’a aucune chance ». Ainsi, plutĂŽt que de voter en fonction de leurs opinions, ils vont voter pour un candidat « qui leur dĂ©plaĂźt le moins » parce qu’il a plus de chances de l’emporter⊠selon les sondages. Curieuse maniĂšre de choisir un prĂ©sident !
Le piĂšge du deuxiĂšme tour
Une fois le premier tour terminĂ©, il ne reste que deux candidats en lice. Inutile de dire que, pour la majoritĂ© des Français, il s’agira d’une dĂ©ception. En effet, ces deux candidats rĂ©unissent gĂ©nĂ©ralement Ă eux deux environ 40 % des suffrages au premier tour, mĂȘme pas la majoritĂ©. 60 % des Français sont des laissĂ©s-pour-compte.
La confusion
Cette fois, ce systĂšme provoque une confusion tant au sein des partis qui n’ont pas gagnĂ© que dans la tĂȘte des Ă©lecteurs. Eh oui, les chefs des diffĂ©rents partis perdants donnent alors des « conseils de vote » Ă leurs troupes. GĂ©nĂ©ralement, ils se prennent des volĂ©es de bois vert quel que soit leur choix. Au pire, ils courent Ă droite et Ă gauche, faisant des alliances sans queue ni tĂȘte, avec l’espoir de se faire des amis dans le camp gagnant pour les 5 annĂ©es Ă venir. Et ils n’ont qu’une seule semaine pour sceller ces alliances, autant dire qu’on assiste Ă un bal des plus comiques.
Certains se compromettent pour longtemps en faisant alliance avec des candidats sans en mesurer les consĂ©quences. Nicolas Dupont-Aignan s’est ainsi « grillĂ© », pour ainsi dire, en nĂ©gociant un futur poste de ministre avec Marine Le Pen lors des Ă©lections de 2017. Beaucoup l’ont abandonnĂ© alors – et s’en rappellent encore aujourd’hui.
Pour les Ă©lecteurs, la situation n’est pas bien meilleure. MalgrĂ© tout, gĂ©nĂ©ralement il y a un candidat « de droite » et un « de gauche », et la France coupĂ©e en deux se rabat vers celui vers lequel elle penche le plus. Mais toujours en faisant des compromis scabreux, pour ne pas dire des compromissions. Dans tous les cas, beaucoup vont au bureau de vote Ă reculons.
Voter « contre »
Et puis, il y a les cas un peu particuliers comme en 2017, avec Emmanuel Macron d’un cĂŽtĂ© et Marine Le Pen de l’autre. Exactement la mĂȘme situation qu’en 2002 avec le duel Chirac – Le Pen. Tout le monde crie alors au « barrage contre le fascisme ». Il semblerait en l’occurrence qu’en 2017, il n’y avait pas tant de diffĂ©rences que ça entre les deux candidats.
Pour rappel, Macron a quelques casseroles avec des remarques racistes que mĂȘme la « fasciste » de service n’aurait probablement pas osĂ© profĂ©rer en public. Par ailleurs, il ne s’est pas privĂ© de jouer Ă l’autocrate en matant toute rĂ©volte plutĂŽt que de nĂ©gocier avec le peuple. Non, je n’appelle pas Ă voter Marine ! Je fais simplement un constat des faits. Un fascisme peut en cacher un autre.
Dans tous les cas, cette situation amÚne une grande majorité à « voter contre » le candidat « à bloquer », plutÎt que « pour » la personne qui va prendre toutes les décisions à votre place pour votre pays pendant les cinq prochaines années. Alors, un communiste va préférer voter à droite que de laisser passer le fascisme. Bravo la démocratie ! De qui se moque-t-on ?
Il serait amusant d’assister Ă un duel Le Pen – Zemmour au deuxiĂšme tour cette annĂ©e, cela pourrait ĂȘtre sacrĂ©ment comique ! Le pire Ă©tant que c’est parfaitement possible statistiquement.
Les contrĂŽles des votes
Dans beaucoup de pays, on peut douter de l’exactitude des rĂ©sultats. En effet, il est possible de tricher sur le nombre de votes pour tel ou tel candidat Ă beaucoup de niveaux.
Le bureau de vote
En France, la partie la plus proche des citoyens, le bureau de vote, est trĂšs contrĂŽlĂ©. En particulier, ceux qui dĂ©pouillent sont de partis diffĂ©rents et se surveillent mutuellement. C’est une fiertĂ© française, car cela limite l’un des modes de fraude Ă©lectorale les plus simples : le « bourrage » d’urnes. En effet, lorsque de multiples yeux sont braquĂ©s en permanence vers l’urne et les petites enveloppes, difficile d’en substituer une large portion par de faux votes.
Un autre Ă©lĂ©ment essentiel est l’isoloir, qui permet d’enlever toute pression des pairs au moment du vote.
En France, on estime gĂ©nĂ©ralement qu’il est difficile de tricher, tout simplement parce que la partie la plus visible, le bureau de vote, est jugĂ© « trĂšs sĂ»r ». Mais on oublie trop souvent que le bureau de vote n’est qu’un petit maillon de la chaĂźne Ă©lectorale.
PrĂ©parer l’opinion
Or, la fraude ne commence pas du tout avec le vote lui-mĂȘme. Elle peut ĂȘtre prĂ©parĂ©e par de multiples moyens bien avant.
On a dĂ©jĂ vu que la propagande mĂ©diatique et les sondages sont des instruments essentiels de fraude forge de l’opinion. Avec les nouvelles technologies, d’autres outils Ă©mergent pour manipuler encore davantage le public.
Des entreprises comme Facebook ou Google ont un poids grandissant dans la fabrique des avis populaires. Un lanceur d’alertes a par exemple prĂ©venu que Google changeait les rĂ©sultats de recherche pour manipuler l’Ă©lection aux Ătats-Unis. De la mĂȘme maniĂšre, Facebook peut parfaitement favoriser certains contenus pour soutenir tel ou tel candidat.
D’autre part, les rĂ©seaux sociaux sont devenus un outil formidable pour rĂ©colter des informations sur les Ă©lecteurs. Facebook affirme qu’il suffit Ă un utilisateur de laisser plus de 70 « likes » pour le connaĂźtre mieux que ses amis. Avec 300 « likes » ou plus, Facebook le connaĂźt encore mieux que son conjoint, voire mieux qu’il ne se connaĂźt lui-mĂȘme !
On sait alors quels quartiers d’une ville seront plus susceptibles de changer d’opinion lors d’une campagne de porte-Ă -porte, ou encore d’appels tĂ©lĂ©phoniques. Emmanuel Macron a fait appel pour sa campagne de 2017 Ă un cabinet spĂ©cialisĂ© dans le domaine : SelfContact.
Faux Ă©lecteurs, procurationsâŠ
En plus des techniques de manipulation de l’opinion, la triche reste parfaitement possible, en particulier en amont de la chaĂźne. Cela peut se faire en ajoutant de faux Ă©lecteurs Ă la liste Ă©lectorale comme les morts ou mĂȘme des personnes imaginaires, utiliser des procurations pour faire voter des non votants, etc. On peut mĂȘme acheter des votes auprĂšs de populations peu regardantes sur l’Ă©thique et en manque de monnaieâŠ
En 2017, beaucoup d’Ă©lecteurs se sont vus radiĂ©s des listes sans aucune notification prĂ©alable. On parle lĂ de dizaines de milliers d’Ă©lecteurs. Des mauvaises langues murmurent qu’il s’agissait d’une purge pour diminuer les chiffres de l’abstention. Par ailleurs, certains Ă©lecteurs ont parfois la possibilitĂ© de voter deux fois⊠on parle d’environ 500.000 doublons en 2017.
Les référendums
Le rĂ©fĂ©rendum, oĂč il ne s’agit pas de voter pour une personne, mais pour un sujet, est un peu Ă part. En effet, la question posĂ©e lors d’un rĂ©fĂ©rendum est particuliĂšrement importante car elle peut induire psychologiquement les indĂ©cis Ă pencher d’un cĂŽtĂ© ou de l’autre de la balance.
Un contre-exemple flagrant est le vote de ralliement de l’Autriche au TroisiĂšme Reich en 1938 :
Alors, đ”đ ou đđąđŠđ« – avec le pistolet sur la tempe -, mon cĆur balance. Sans surprise, le rĂ©sultat a Ă©tĂ© 99 % de « oui ».
Mais il y a plus subtil. Par exemple, lors du rĂ©fĂ©rendum sur le Brexit au Royaume Uni, une commission a Ă©crit un document de 53 pages pour expliquer qu’il fallait changer la question envisagĂ©e. La question d’origine Ă©tait :
Le Royaume Uni doit-il rester membre de l’Union EuropĂ©enne ?
AprÚs modification, la question a été changée en :
Le Royaume Uni doit-il rester membre de l’Union EuropĂ©enne, ou bien quitter l’Union EuropĂ©enne ?
Au passage, mĂȘme la deuxiĂšme formulation n’est pas totalement neutre Ă cause du placement des deux possibilitĂ©s. Qui sait, lorsque le score est extrĂȘmement serrĂ© dans l’opinion entre les deux options, l’ordre peut avoir un effet dĂ©cisif.
On pourrait parfaitement imaginer imprimer la moitiĂ© des bulletins avec une formulation et l’autre avec la formulation inversĂ©e⊠mais cela poserait des problĂšmes d’erreurs au dĂ©pouillement.
Les médias et les questions
Pourquoi mentionner les questions lors des rĂ©fĂ©rendums alors que cet article parle de l’Ă©lection prĂ©sidentielle ? Tout simplement parce que, lors de leurs passages dans les mĂ©dias, les candidats sont soumis Ă des questions de la part des animateurs et journalistes.
Ăvidemment, certaines techniques simples peuvent dĂ©crĂ©dibiliser un candidat. Par exemple, lui poser des questions totalement Ă cĂŽtĂ© de ses sujets favoris ou du fer de lance de sa campagne. Orienter les questions de maniĂšre Ă ce que ses rĂ©ponses attendues paraissent loufoque. Ne pas lui laisser le temps d’expliquer pourquoi ses rĂ©ponses diffĂšrent de ce que l’on attendait. Tout l’arsenal de manipulation est Ă disposition. Ă lire impĂ©rativement sur le sujet « L’art d’avoir toujours raison » de Schopenhauer.
L’aprĂšsâŠ
Autant le bureau de vote en France est extrĂȘmement contrĂŽlĂ©, autant la suite de la chaĂźne est assez opaque. Il n’y a en tout cas quasiment jamais de communication dessus. C’est « de la technique », qu’on laisse aux experts. Tout cela est ensuite publiĂ© en accĂšs libre sur le portail gouvernemental.Â
Chacun est invitĂ© par exemple Ă vĂ©rifier que les rĂ©sultats prĂ©sentĂ©s en prĂ©fecture, qui sont des agrĂ©gĂ©s des rĂ©sultats des diffĂ©rents bureaux de votes, correspondent bien Ă ce qui est attendu. Mais qui le fait vraiment ? Des anomalies sont souvent relevĂ©es par des voix, mais ces voix ne portent jamais. LĂ encore, pas besoin d’une balle dans la tĂȘte.
Les moyens alternatifs
Les choses se compliquent encore davantage lorsqu’on autorise le vote Ă distance par courrier. Hors des clous des bureaux de vote hyper contrĂŽlĂ©s, la fraude peut exploser tranquillement.
Quant au vote Ă©lectronique, Ă moins d’avoir un systĂšme dont le code source est publiĂ© et vĂ©rifiable, il y a toujours des tas de moyens de tricher. Les Ătats-Unis sont devenus assez connus pour le flou entourant le vote Ă©lectronique, avec des soupçons de fraude massive quasiment Ă chaque Ă©lection.
Conclusion sur le systĂšme actuel
Ce sont les médias qui sélectionnent les candidats finalistes lors de la campagne. En fonction de leur popularité auprÚs des différents médias, chaque candidat est également passé par un filtre plus ou moins positif et avec une exposition différente. Nos « élus » sont donc choisis, sélectionnés, filtrés, et finalement élus, par 10 milliardaires.
Les instances censĂ©es veiller Ă l’Ă©galitĂ© des temps de parole dans les mĂ©dias, les seules Ă pouvoir Ă©ventuellement rĂ©tablir l’Ă©quilibre, ne sont que des coquilles vides. Plus exactement, elles sont des hochets que les « dĂ©mocrates » peuvent brandir Ă tout moment pour indiquer que tout va pour le mieux.
Clara Egger reprĂ©sente un projet plĂ©biscitĂ© par plus de 70 % des Français, le RĂ©fĂ©rendum d’Initiative Citoyenne. On peut difficilement en dire autant de toutes les autres mesures portĂ©es par les candidats en lice. Mais le RIC signifierait une perte Ă©norme de pouvoir pour les oligarques français. Il serait totalement inadmissible pour ces derniers que le RIC entre dans les dĂ©bats lors de la campagne prĂ©sidentielle. Ainsi, il est trĂšs facile pour eux d’Ă©liminer de telles voix dangereuses dĂšs le dĂ©part.
Mais cela ne s’arrĂȘte pas lĂ . Une fois Ă©lu, le peuple n’a absolument aucun moyen de lutter contre les dĂ©cisions prises par cette personne qui ne reprĂ©sente qu’une petite fraction de la population.
Le peuple n’a aucun pouvoir
Rectifions. Les Ă©lus « reprĂ©sentent » le peuple sur le papier, mais dans la rĂ©alitĂ©, le PrĂ©sident prend des dĂ©cisions qui l’arrangent⊠ou qui arrangent ses amis. Il prend toute action qui bĂ©nĂ©ficie au cercle de ceux qui l’ont Ă©lu. Car il sait parfaitement que ce n’est pas le peuple qui l’a choisi. Ce sont les mĂ©dias. Et il sait qu’il en sera de mĂȘme aux prochaines Ă©lections.
Emmanuel Macron, avec moins de 30 % d’approbation dans la population au cĆur de son mandat, de l’aveu mĂȘme des sondages payĂ©s par ses propres amis, ose mĂȘme se reprĂ©senter Ă l’Ă©lection, avec une exposition mĂ©diatique consĂ©quente. OĂč est la reprĂ©sentativitĂ© ? En rĂ©alitĂ© il a Ă©tĂ© Ă©lu au premier tour en 2017 avec 28 % des voix. Et forcĂ©ment pas beaucoup plus au deuxiĂšme tour en rĂ©alitĂ©. Non seulement il n’est pas reprĂ©sentatif des Français, mais il ne reprĂ©sente mĂȘme pas un tiers d’entre eux.
Le peuple n’a qu’Ă se taire. Ah, Ă©videmment, il peut parler. Le bla-bla n’est jamais vraiment dangereux s’il n’est pas accompagnĂ© d’actes concrets. Et si les plus exaspĂ©rĂ©s daignent montrer un peu les crocs, les milices armĂ©es du Gouvernement leur rĂšglent violemment leur compte. Comme disait Guillemin : « Silence aux pauvres ! Ă la niche, une bonne fois, les gens de rien !»
Les alternatives
Critiquer sans proposer de solution est rarement constructif.
La critique est toutefois nĂ©cessaire pour que nous ayons conscience de la rĂ©alitĂ©. Pourquoi donc chercher des alternatives Ă ce qui serait dĂ©jĂ parfait ? Comprendre les limites et les failles de l’existant est d’autant plus important que cela Ă©vite de reproduire nos erreurs.
Dans le cas particulier de l’Ă©lection prĂ©sidentielle, il y a tellement de facteurs Ă revoir que la tĂąche semble bien ardue. Voyons quelques amĂ©liorations que l’on pourrait envisager. Il y en a d’autres, mais j’ai retenu ici les principales, par ordre croissant d’impact.
Prendre en compte les votes blancs
Avec le systĂšme actuel, les votes blancs, ainsi que l’abstention, ne comptent pas pour obtenir la « majoritĂ© absolue ». Ainsi, en thĂ©orie, si seulement un seul Français se rendait aux urnes le jour de l’Ă©lection et votait pour le candidat X, le soir mĂȘme tous les mĂ©dias reprendraient en chĆur que le candidat X a Ă©tĂ© Ă©lu avec 100 % des voix. C’est totalement absurde !
L’abstention est comptabilisĂ©e, mais est totalement ignorĂ©e ensuite par les mĂ©dias lors de l’annonce des rĂ©sultats. Dans tous les cas, elle ne change strictement rien concrĂštement. Il en va de mĂȘme aujourd’hui pour les votes blanc. Ils sont comptabilisĂ©s, mais ils n’interviennent pas pour calculer la majoritĂ©.
Il faudrait impĂ©rativement, en considĂ©rant que l’on garde le systĂšme actuel, avoir un quorum sur l’Ă©lection, en prenant en compte les votes blancs. Et de mon point de vue, l’abstention Ă©galement. Dans le cas oĂč la majoritĂ© absolue ne serait pas atteinte, il faudrait refaire une Ă©lection complĂšte en repartant Ă zĂ©ro. Et Ă©videmment, aucun candidat s’Ă©tant prĂ©sentĂ© au premier passage n’aurait le droit de se reprĂ©senter. Eh oui, tous ces candidats ont en rĂ©alitĂ© Ă©tĂ© rejetĂ©s par les Ă©lecteurs, qui n’ont pas voulu d’eux. Cela changerait totalement la donne. Il faudrait d’ailleurs faire de mĂȘme lors des autres Ă©lections.
Un changement mineurâŠ
Prendre en compte les votes blancs avec un quorum serait totalement insuffisant pour rendre rĂ©ellement le pouvoir au peuple. MalgrĂ© tout, un changement en apparence aussi mineur aurait un impact significatif sur tout le processus de l’Ă©lection. En effet, imaginons un instant qu’en 2017 il ait Ă©tĂ© appliquĂ©.
Voici le rĂ©sultat du vote au deuxiĂšme tour tel qu’il nous a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© dans tous les mĂ©dias :
⊠aux conséquences majeures
Mais le tableau est totalement diffĂ©rent lorsqu’on considĂšre l’abstention ainsi que les votes blancs et nuls :
En rĂ©alitĂ©, Emmanuel Macron n’a pas du tout obtenu la majoritĂ© des votes de l’ensemble du corps Ă©lectoral. Bien sĂ»r, on peut arguer que les abstentionnistes n’avaient qu’Ă aller voter. Imaginons un instant que le vote blanc soit en rĂ©alitĂ© comptabilisĂ© dans les rĂ©sultats finaux. Imaginons Ă©galement que les abstentionnistes aient tous votĂ© blanc, ce qui ne serait pas si farfelu. L’Ă©lection aurait Ă©tĂ© invalidĂ©e car aucun des deux candidats n’auraient atteint les 50 % nĂ©cessaires.
Poussons le raisonnement plus loin. En effet, la grande majoritĂ© de ceux qui ont votĂ© pour Emmanuel Macron n’ont en rĂ©alitĂ© pas votĂ© « pour » lui, mais « contre » Marine Le Pen. Mais si les votes blancs comptaient rĂ©ellement, la logique de ces Ă©lecteurs auraient Ă©tĂ© diffĂ©rente. PlutĂŽt que de voter « contre », ils auraient votĂ© blanc, s’assurant de toute façon que Marine Le Pen n’aurait pas obtenu non plus les 50 % nĂ©cessaires.
Ce simple changement aurait pu invalider l’Ă©lection. Et s’il avait fallu tout recommencer, cette fois avec des candidats diffĂ©rents ?
Appliquer la parité des temps de parole
Il ne s’agit pas ici de prĂ©senter une idĂ©e totalement folle, une nouveautĂ© disruptive, une mesure scandaleuse. Mais seulement de respecter rĂ©ellement ce qui nous est prĂ©sentĂ© comme ce qui existe dĂ©jĂ .
Bien Ă©videmment, les temps de parole devraient ĂȘtre respectĂ©s Ă stricte Ă©galitĂ© de temps. La rĂšgle actuelle qui est censĂ©e se baser sur le « poids » d’un candidat est biaisĂ©e et inapplicable, surtout pour les candidats qui n’ont jamais Ă©tĂ© prĂ©sents. Non, il faut laisser la parole Ă chacun, Ă Ă©galitĂ©. Les gens, et les maires en tout premier lieu, se rendront vite compte des candidats loufoques.
Il y a fort Ă gager que si Clara Egger avait eu le mĂȘme temps de parole qu’Ăric Zemmour, elle avait toutes ses chances d’obtenir ses parrainages. Les maires ont tout Ă gagner avec le RIC, car les citoyens sont gĂ©nĂ©ralement plus proches de leur maire que du PrĂ©sident de la RĂ©publique. Ils exigeraient plus de pouvoir pour les maires, se battraient pour les zones rurales oubliĂ©es, demanderaient des lois et des mesures pour relocaliser et redonner des moyens aux communes. Il me semble qu’il s’agit lĂ d’Ă©vidences.
Changer le mode de scrutin
Une autre mesure simple pourrait ĂȘtre mise en place, qui permettrait d’ĂȘtre beaucoup plus « juste » : se dĂ©barrasser du systĂšme de majoritĂ© absolue Ă deux tours. En effet, le systĂšme Ă deux tours provoque comme on l’a vu des attitudes totalement contre-productives, tant au niveau des Ă©lecteurs que des partis : vote utile, alliances contre nature, vote de barrage, etc.
Il existe une alternative simple, qui respecte les choix de chacun : le jugement majoritaire. Pour comprendre de quoi il s’agit, cette vidĂ©o l’explique en 3 minutes :
Pour ceux qui veulent aller plus loin, je ne peux que conseiller cette vidéo :
Ce serait un changement assez simple Ă mettre en Ćuvre, finalement. Par ailleurs, il n’y aurait pas deux tours Ă faire ce qui simplifierait les choses pour tout le monde.
Il y a Ă©galement d’autres systĂšmes, comme le scrutin de Condorcet randomisĂ©. Le jugement majoritaire a l’avantage d’ĂȘtre extrĂȘmement simple Ă comprendre, et rĂ©sout dĂ©jĂ les principaux problĂšmes du systĂšme actuel. Alors, qu’est-ce qu’on attend ?
Le RIC
Le RIC permet d’introduire le ver dans la pomme, sans pour autant changer toute la pomme. Avec un RIC en toutes matiĂšres, il devient possible de :
- proposer des nouvelles lois en faveur de la population et plus seulement des Ă©lites,
- supprimer ou modifier des lois qui vont Ă l’encontre des intĂ©rĂȘts du peuple,
- modifier la Constitution pour rendre petit-Ă -petit, article aprĂšs article, le pouvoir au peuple dans tous les pans de l’exercice du pouvoir,
- révoquer un élu qui aurait trahi le peuple,
- contrĂŽler les mĂ©dias et l’information en gĂ©nĂ©ral, au lieu de laisser une poignĂ©e d’oligarques nous dicter leurs volontĂ©s,
- etc.
Ă terme, le RIC permettrait de totalement rĂ©former les institutions, car il serait facile pour le peuple de faire voter des lois ou des changements dans la Constitution qui Ă©roderait progressivement le pouvoir tout-puissant des Ă©lus. Supprimer les pantouflages. Enfin lutter contre l’Ă©vasion fiscale. Relocaliser nos industries. Et surtout, augmenter le contrĂŽle citoyen contre la corruption et les abus des Ă©lus.
Conclusion
Loin d’ĂȘtre une dĂ©mocratie, la France est une oligarchie.
L’Ă©lection prĂ©sidentielle est tout sauf dĂ©mocratique. Elle est manipulable Ă souhait par les puissants. Dans les faits, ce sont les quelques oligarques possĂ©dant les mĂ©dias qui Ă©lisent le nouveau prĂ©sident, triĂ© sur le volet parmi un panel de « prĂ©sidentiables acceptables ». De fait, le nouvel Ă©lu n’a aucune marge de manĆuvre : il doit suivre les lignes directrices de ses bienfaiteurs.
Pire encore, une fois Ă©lu, le PrĂ©sident a les pleins pouvoirs pendant 5 ans. Quelles que soient ses dĂ©cisions, le peuple est totalement impuissant. Au cas oĂč il se soulĂšverait, la seule rĂ©ponse est la rĂ©pression violente.
Il existe pourtant des solutions simples pour rendre tout cela un peu plus « dĂ©mocratique ». Si le peuple avait ne serait-ce mĂȘme qu’un tout petit peu de pouvoir, le RIC, plĂ©biscitĂ© par une trĂšs large majoritĂ© de Français, aurait Ă©tĂ© mis en place il y a belle lurette. Preuve s’il en fallait encore une que nous ne sommes pas du tout en dĂ©mocratie.
Post-scriptum
Ce texte clairement Ă charge contre l’Ă©lection prĂ©sidentielle n’est pas une invitation Ă l’abstention ou au vote blanc. Je ne fais que prĂ©senter l’Ă©tat des choses. Ă chacun ensuite de dĂ©cider pour lui-mĂȘme les conclusions qu’il doit en tirer.