Le progrès technologique est décidément prodigieux : avec une moissonneuse-batteuse, un seul homme peut couvrir à lui seul des hectares de terrain, avec un avion il peut répandre des pesticides à volonté.
Lorsqu’on regarde la productivité par heure travaillée dans l’agriculture, la technologie fait des miracles :
C’est là tout le danger de ne raisonner que sur des chiffres et des statistiques détachées de la réalité : Science sans conscience n’est que ruine de l’âme.
La véritable question à se poser est la suivante : parmi toutes les statistiques, dans l’éventail complet des possibilités, que faut-il privilégier, où doit-on mettre les priorités ? Si la première priorité que l’on retient est effectivement la productivité par heure/humain travaillée alors, aucune hésitation, il est indispensable de faire avancer la technologie encore davantage, au point même où des robots pourraient eux-mêmes faire les semis, l’arrosage, l’épandage de pesticides, fongicides, engrais, et la récolte voire même les transformations et emballages des produits. Tout cela pour plus de profits financiers pour les propriétaires terriens puisque plus un seul être humain ne serait nécessaire pour dégager des bénéfices d’une parcelle de terrain.
Pendant ce temps, en gardant un esprit ouvert, alerte et à l’affût de toutes les données qui peuvent nous aider à prendre des décisions, on peut constater que :
- l’utilisation massive de pesticides provoque de multiples effets secondaires, dont l’empoisonnement des humains et de la faune (on pense aux abeilles mais c’est tout l’écosystème qui est touché, dont on sait pourtant qu’il est formé de boucles de rétroactions et de cycles de consommation par les chaînes alimentaires), la contamination des sols et de l’eau des sous-sols qui se répand dans tout l’environnement y compris dans vos verres et dans vos assiettes,
- la culture industrielle oblige à la monoculture, pari très risqué lorsqu’un unique parasite détruit un type de culture comme ce fut le cas en Irlande avec la pomme de terre, d’autant plus que, en éliminant les arbres sur les surfaces cultivées, le sol et la végétation sont exposés à l’asséchement puisque non protégés des rayons du soleil et du vent, obligeant l’agriculteur à gaspiller de l’eau pour tenter de garder de l’humidité dans son champ,
- le choix de la monoculture pousse à l’usage de pesticides car la plante cultivée, privée d’un environnement naturel, ne bénéficie d’aucune aide de son environnement pour résister à des attaques et doit donc être protégée artificiellement,
- le labour combiné à la chimie appauvrit considérablement les sols, éliminant toute vie en son sein et en profondeur (disparition massive des vers de terre), de laquelle dépend pourtant tout ce qui peut pousser en surface,
- l’agriculture industrielle est très consommatrice d’énergie (pétrole principalement) et accessoirement de ressources (métal, caoutchouc, etc.) alors que nous savons que nous utilisons déjà les ressources de la planète de manière irraisonnée et non durable dans le temps,
- la population mondiale augmente,
- les surfaces cultivables sur l’ensemble du globe sont quasiment toutes déjà utilisées et tendent même à diminuer dans certaines régions, remplacées par du béton, nous avons donc intérêt à tirer parti au maximum de chaque mètre carré pour produire de la nourriture afin de nourrir tout le monde,
- les rendements au mètre carré obtenus en permaculture dépassent de très loin ceux de la monoculture industrielle, l’inconvénient étant que la permaculture nécessite l’intervention humaine constante et ne peut être mécanisée ou industrialisée, chaque lopin de terre ayant ses propres particularités,
- par ailleurs, la permaculture utilise très peu de ressources si ce n’est de la matière grise et de l’huile de coude, toutes deux proportionnelles au nombre de bouches à nourrir,
- les humains sont remplacés partout et dans tous les domaines par des machines, conduisant à un chômage qui ne peut qu’augmenter de manière irréversible dans les décennies à venir, provoquant par ailleurs une crise existentielle puisque l’humain devient inutile, sans compter que, dans le système économique et social actuel, cela le conduit à mourir de faim ou à être « entretenu » par des systèmes palliatifs de charité, on a connu avenir plus glorieux…
Ces constats énoncés, il semble évident que nous devons arrêter l’agriculture industrielle et basculer au plus tôt vers la permaculture partout, avec pour résultats quasi immédiats :
- quantité de nourriture produite à l’hectare bien supérieure,
- suppression du chômage, reconnexion des humains avec la nature et leur environnement,
- utilisation raisonnée des ressources (eau, pétrole, etc.),
- revigoration des sols, de la flore et de la faune, restaurant les cycles naturels et augmentant les rendements encore davantage.
L’unique inconvénient étant le manque à gagner de l’industrie des pesticides et des machines, provoquant sans aucun doute un ralentissement de la Sacro-Sainte Croissance. Est-ce bien grave ? Ça l’est sans aucun doute pour le système de la monnaie-dette qui nous étrangle aujourd’hui, mais en changeant de système monétaire, c’est au contraire un véritable salut.
Restons tout de même conscients que l’un des principaux défis de la permaculture est qu’il n’y a pas un manuel universel pour procéder. Une fois acquises un certain nombre de grandes lignes, elle requiert une formation solide dans de nombreux domaines (chimie, botanique, physique, etc.), tâtonnements, expérimentations, en fonction du type de terrain et de la topologie, du climat, des ressources disponibles en eau… c’est exactement à cela que l’humain excelle et qui sera très difficilement automatisable. Dans un premier temps, on peut envisager que l’intelligence artificielle, par l’accumulation de retours d’expériences, pourra permettre d’aider l’humain à faire des choix. Mais il est encore loin, le jour où des robots suffisamment multifonctionnels comme ceux de la série Humans nous remplaceront dans des champs en permaculture. Ce jour-là, peut-être pourrons-nous alors définitivement nous reposer sur nos lauriers, et enfin faire de notre vie exactement ce qui nous chante. À condition bien sûr que nous ayons d’ici là repris la pleine souveraineté sur la monnaie et la prise des décisions collectives.
Je vous invite à retrouver ces aspects ainsi que bien d’autres dans mon roman, « Le Président Providentiel ».